Introduction
Les termes droite et gauche ont fait leur entrée dans le vocabulaire politique en 1789. Les députés de l'Assemblée constituante avaient pris l'habitude de se regrouper par affinité politique à la droite ou à la gauche du président. Depuis lors, l'usage de classer et d'évaluer les opinions politiques et les acteurs de la vie politique selon le clivage gauche-droite s'est généralisé, en France et dans de nombreux pays.
Cependant, depuis quelques années, on a pu se demander si ce clivage restait pertinent. A l'expérience des diverses alternances politiques que la France a connues depuis 1981, la différence entre les politiques menées par la gauche et par la droite s'est fortement estompée aux yeux de nombre d'électeurs. Minoritaire en 1981, l'idée selon laquelle, "les notions de droite et de gauche sont dépassées" reçoit aujourd'hui l'assentiment d'une majorité de la population française.
Le clivage droite-gauche est-il aujourd'hui dépassé ? Si certains aspects de la division droite-gauche paraissent s'estomper, on assiste en fait à une importante transformation de ce clivage, plus qu'à sa disparition totale.
I / Déclin des anciens clivages.
Le terme "clivage" est utilisé pour évoquer les lignes de partage les plus fortes au sein des sociétés politiques. Le clivage droite-gauche renvoi à des systèmes d'opinions, d'attitudes et de valeurs. Ces systèmes de représentation associent des composantes cognitives, évaluatives mais également affectives. Le contenu de ces ensembles structurés d'attitudes n'est évidemment ni monolithique ni immuable.
Les partis politiques constituent des facteurs d'entretien des divisions, mais également des forces d'intégration en permettant l'institutionnalisation des oppositions. Si, dans nombre de pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne), ce sont des partis politiques qui servent de marqueurs idéologiques dans l'univers des perceptions et des représentations des citoyens, en France, la polarisation et l'identification partisane sont secondes par rapport à l'opposition gauche/droite. L'histoire et les contraintes du jeu institutionnel (scrutin majoritaire) pousse à cette simplification de l'éventail des forces politiques. Les clivages partisans ne redoublent que partiellement l'opposition droite-gauche. Les rapports de voisinage entre partis de gauche ou de droite peuvent se révéler plus conflictuels que ceux entre gauche et droite dans leur ensemble.
Le "clivage" droite-gauche est souvent un continuum.
A - Electeur "déterminé" ou électeur "rationnel" ?
- Les variables "lourdes" des choix politiques. Appartenance sociale et religion continue à structurer certains comportements.
- Une sensibilité accrue à la conjoncture politique.
B - Représentations et partis politiques.
- Montée du consensus et ses limites. Les citoyens les mieux informés et les plus éduqués, comme ceux qui se situent aux extrêmes, continuent à souligner la pertinence du clivage droite-gauche. Mais pour la majorité ces notions semblent dépassées. Plusieurs sources déclin des idéologies, alternance de majorités contraires.
Partis de classe ou partis d'électeurs ?
II/ De nouvelles lignes de partage : actualités du clivage droite -gauche et d'autres clivages.
- L'importance des problèmes de société - délinquance, immigration, Europe, éducation, moeurs : le clivage reste sensible, beaucoup moins sur le terrain économique par exemple.
- Mutation des valeurs et changement politique.
- Libéralisme culturel et libéralisme économique.
- Quelles valeurs pour la gauche aujourd'hui ? C'est assez largement à partir de la gauche que le clivage gauche-droite s'est cristallisé avant 1981 et c'est l'expérience du pouvoir qui l'a nettement altéré. Transformation de cette situation aujourd'hui ? Emergence d'une gauche radicale ?
- D'autres clivages : forces centrales de gouvernement et forces périphériques (conflit entre les "candidats de la raison" et les "candidats de la passion").
Conclusion
Les problèmes qui, autrefois, divisaient l'opinion française ont disparu ou se sont estompés. La forme républicaine de gouvernement, contestée par des forces monarchistes encore importantes jusqu'à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, est désormais unanimement approuvée. La querelle religieuse, n'est pas tout à fait éteinte, mais elle n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était dans les années 1890-1910, lorsqu'elle occupait une place centrale dans les campagnes électorales. En matière économique, gauche et droite n'ont pas exactement les mêmes positions, mais l'époque paraît lointaine où le PS se donnait pour objectif d'abolir le capitalisme et de le remplacer par le socialisme et où la droite pouvait mobiliser ses électeurs en dénonçant le péril collectiviste.
Cependant, si d'anciens thèmes d'affrontement sont bien en déclin, d'autres semblent prendre de l'importance. Sur les problèmes de société, qu'il s'agisse de la sexualité, de la famille, de la répression de la délinquance ou de l'immigration, le clivage gauche-droite tend à recouvrir une opposition entre les positions dites modernistes ou libérales et les positions dites traditionnelles ou rigoristes.
Alors que, dans la période antérieure à 1981, il existait chez les électeurs une certaine tendance, qu'il ne faut cependant pas exagérer, à ce que les conflits se structurent en systèmes cohérents, la période actuelle est marquée par le déclin de l'aptitude à l'identification à l'un ou l'autre des deux pôles traditionnels de la vie politique. Reste à savoir si ce déclin se révélera irréversible, ou si une nouvelle conjoncture politique et une nouvelle synthèse idéologique viendront un jour redonner au clivage droite-gauche son lustre passé.