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Joseph Leroux (suite)

Plusieurs patriotes après avoir vécu comme lui les défaites et l'arrestation, en sont revenus très déçus, humiliés. Souvent un grand sentiment d'échec habitait l'esprit de ces hommes. Ils étaient démolis, souvent incapables d'en parler.

Ce qu'on peut imaginer de la personnalité de Joseph, comme par le passé, il ne s'est sûrement pas laissé abattre longtemps. Après quelques jours il a dû se relever la tête et repartir de nouveau avec son ardeur habituelle. Joseph est peut-être allé couper du bois dès cet hiver.

Les déportés sont partis de Montréal en bateau le 26 septembre 1839 et arrivés en Australie le 24 février 1840. Ils ne descendirent du bateau que le 11 mars. Plusieurs sont morts durant le voyage. En Australie, on les a tous fait travailler certains à ramasser des pierres, les casser et les transporter sur les routes, d'autres selon leur métier. C'est seulement en 1844 qu'on a commencé à émettre quelques permis de retour au Canada. Certains on dû patienter jusqu'en 1848.

Monsieur Prieur est revenu le 12 septembre 1846. Après avoir vu sa famille, il est allé rencontrer les parents de ceux qu'il savait morts durant cet exil pour leur parler d'eux. Il avait fait son journal durant toutes ces années. A son retour, il a même écrit un livre qui nous fait connaître la misère et l'ennui qu'ont vécus lui et ses co-patriotes durant ces longues années. La vie n'était pas facile. Pour Joseph comme pour tous les cultivateurs. L'agriculture était en mauvais état. La terre était pauvre et les récoltes d'automne avaient été négligées. L'argent se faisait rare.

D'après des actes notariés il semble que Joseph a fait l'objet d'une saisie vers 1840. Dans ces années là il aurait abandonné sa terre pour aller aux Etats Unis, comme plusieurs ont fait pour oublier les coups durs et en espérant des jours meilleurs.

En août 1842, il a dû venir à Saint-Timothée pour faire des papiers officiels au sujet de sa terre. Il a fait devant le notaire F. X. Harnois une donation et une procuration en faveur de son demi-frère Charles. Il a vécu aux Etats Unis quelques années seulement. En 1844 il a fait d'autres actes notariés quile situe à Saint-Timothée. Depuis longtemps le gouvernement Anglais veut unir le Haut et le Bas Canada. Toujours les Canadiens français s'y sont opposé, parce qu'ils voyaient dans ce geste une façon de les assimiler et par ce moyen leur faire perdre leur langue et leur religion.

En 1840 se réalisa l'union des deux Canadas, malgré l'opposition du clergé. John Neilson, Louis-Hippolyte Lafontaine et Etienne Parent s'y opposèrent et s'agitèrent tout aussi inutilement. Dans ces années l'Angleterre prend connaissance et étudie le volumineux rapport de Lord Durham. Elle reconnaît que ce n'est pas l'attitude écrasante qui va solutionner les problèmes au Canada.

Le gouvernement après avoir revu‚ ses positions, apporte beaucoup de changements aux politiques face aux Canadiens français, aux cultivateurs en particulier, et surtout aux Seigneuries. Graduellement, les censitaires acquièrent des droits et peuvent acheter leurs terres à des prix très convenables et deviennent plus autonomes. En 1856, le régime seigneuriale est aboli complètement. Dans les années 1850, le gouvernement favorise le développement économique, entre autre, par l'amélioration des voies de transport. On ouvre de nouvelles routes et on construit des voies ferrées. Le gouvernement invite aussi les commerçants et les gens mieux nantis à favoriser les Canadiens français.

Dans le recensement officiel de Saint-Timothée de 1851, nous voyons le nom de Joseph et de sa famille. Elle comptait 10 membres qui habitaient dans une maison en bois, d'un seul étage. En février 1852, devant le notaire Harnois, Joseph Leroux aurait vendu définitivement les droits de sa terre à Mr. Lynch Fleen. Autour de 1845, le gouvernement désire développer les Cantons de l'Est. Aussi, il favorise les habitants qui acceptent de s'établir dans le canton de Wotton. Il donne à chacun une terre de 50 âcres. Au début c'était surtout des Anglais qui demandaient ces terres. Ils en demandaient plus d'une et en faisaient la spéculation. Ils les revendaient à gros prix. Quand le gouvernements'aperçoit de cette escrocrie, il impose une taxe élevée aux terres inhabitées. Cette stratégie décourage les quelques Anglais qui s'y étaient installés et ils en sont repartis.

C'est Patrick Bready qui, le premier avec sa famille s'est installé de façon permanente au village en 1849. On le considère comme le pionnier de Wotton. Peu de temps après, une dizaine de familles canadienne française d'un peu partout sont venues le rejoindre. Un monsieur Archambeault de Saint-Timothée était parmi ceux là. C'est probablement durant l'été de 1852 que Joseph Leroux a profité lui aussi de cette opportunité: obtenir une terre de 50 âcres gratuitement pour aller s'installer à Wotton.

A 48 ans, Joseph et Euphrosine ont encore dans le cœur assez de courage et d'énergie pour repartir à la colonisation d'une autre terre. C'est en voiture à cheval que l'on déménageait. Imaginez la famille Leroux avec son butin dans la charette se rendant à Wotton. De Saint Timothée à Wotton, on compte environ 200 kilomètres. Euphrosine avait dû prévoir quelques provisions de nourriture pour ce voyage. Cependant, étantdonné que le transport durait plusieurs jours et que la famille était encore nombreuse, il fallait demander de l'aide durant le transport. La coutume voulait que l'on s'arrête chez les cultivateurs pour demander l'hospitalité. Le fermier offrait sa grange pour y dormir et la fermière donnait un plat de nourriture pour la famille. Parfois, on devait changer de cheval. Trop fatigué, il refusait de partir. Moyennant un peu d'argent ou des objets du voyage, les hommes faisaient l'échange d'animal. Il fallait vraiment beaucoup de force et de détermination à Joseph et Euphrosine pour s'engager dans une telle aventure. La route était longue et pénible. En plus des enfants qui devaient s'impatienter d'être limités à la voiture, les chemins n'étaient pas ouverts partout, on devait parfois rouler dans des savanes ou dans le bord des rivières. La famille s'est enfin rendue à Wotton puisque c'est là qu'Adèle notre aïeule a fondé son foyer avec Joseph Perreault.

La famille de Joseph Leroux a problablement été accueillie par la famille Archambeault qu'elle connaissait déjà. C'est probablement chez ces gens qu'ils sont demeurés, le temps de construire une maison dans le quatrième rang. Ils devaient commencer par couper le bois pour se faire un espace. Papa disait: « ils reculaient la forêt ». La maison a dû s'ériger assez rapidement. Les maisons étaient petites et simplement finies. Dans ces circonstances il se faisait une corvée avec les plus vieux de la famille et quelques voisins. On ramassait des pierres pour monter la cheminée et parfois un solage que l'on creusait un peu. C'était avec des troncs d'arbres coupés sur place et équarris que l'on érigeait la maison et on y ajoutait de la mousse de tourbe entre les troncs d'arbre pour solidifier et isoler davantage. Avec d'autres arbres on se faisait tailler des planches au moulin à scie pour finir le toit, les planchers et les armoires. On se taillait aussi du bardeau de cèdre pour couvrir le toit. Tout n'était pas fini, après l'installation de la maison, il fallait construire un abri pour les animaux avant d'entreprendre le défrichement de la terre. Couper le bois et désoucher avec le cheval ou les bœufs. C'est seulement après toutes ces opérations que l'on pouvait tracer le premier sillon, puis ensemencer.

Le gouvernement ne permettait pas aux habitants à qui il donnait une terre de vendre le bois qu'ils coupaient sur leur terre. Ils devaient l'utiliser pour se chauffer, le reste ils le brûlaient. Avec la cendre de bois franc, ils fabriquaient une sorte de poudre qu'ils appelaient pearl ash ou potasse, genre de caustique. Ils se faisaient aussi une sorte de sel de potassium avec ces cendres. Ils conservaient l'écorce de pruche pour en fabriquer une sorte de poudre ou Tan qui servait à tanner le cuir. Ils allaient échanger ces produits contre des marchandises la plupart du temps au marché de Danville, mais aussi à Richmond ou à Windsor. Parfois, ils réussissaient à les vendre. C'était une des rares source de revenu.

En septembre 1852 le nom de Joseph Leroux apparaît sur une pétition demandant à l'Evêque des Trois-Rivières de fonder une paroisse à Wotton. Les signataires s'engageaient à donner assez d'argent au prêtre pour subvenir à ses besoins. Joseph s'était engagé à donner 0.50$. Ils étaient environ 200 familles. C'est à la suite de cette pétition que la Paroisse de Saint-Hippolyte a été fondée. Déjà, le 21 juin 1856 une grande épreuve touche la famille: Euphrosine décède. La famille doit se réorganiser. Adèle a maintenant 23 ans, elle demeure avec son père et prend en charge la maisonnée.

Deux ans plus tard, le 6 octobre 1858, Joseph se remarie avec Dométhilde Pressé‚ âgée de 37 ans, de Saint-Pierre-les-Becquets. Il est bien problable que ce soit par les Perreault qu'il ont connu cette personne puisque nous savons qu'Adrien Perreault demeurant à Saint-Félix-de-Kingsay, au bout du rang 4 de Wotton était originaire de cet endroit. Joseph et Dométhilde eurent quelques enfants. Paul Perreault le frère d'Émérielle, se souvient qu'il était tout jeune, quand Adèleest restée chez lui et qu'elle avait reçu une lettre d'une demie-sœur qui demeurait aux Etats Unis. Il y avait certainement un lien d'amitié entre les familles Perreault et Leroux puisque huit ans plus tard, le 27 février 1865 Adèle se marie à Joseph Perreault, fils d'Adrien. Ils étaient tous deux âgés de 33 ans. Le 4 janvier 1865, les parents de Joseph Perreault lui ont fait une donation entre vifs de la partie restante de terre avec tous les biens, à la condition de les nourrir, loger, vêtir et soigner jusqu'à leur décès.

Le recensement de Wotton en 1861 inscrit que Joseph Leroux vit seul avec Dométhilde. Ils sont catholiques et ont une maison en bois. Les enfants de Joseph étaient assez vieux à ce moment là, pour que quelques-uns soient mariés et les autres demeurent avec ces derniers. En 1871 il y eut un autre recensement :

Recensement de Wotton 1871

Leroux Joseph 70 ans(67) cultivateur
Dométhilde 50 ans
Joséphine 11 ans va à l'école
Grégoire 9 ans va à l'école
Léocadie 6 ans va à l'école
Esther 4 ans
Napoléon 22 ans (fils du premier mariage)

Les Avoirs:
Récolte de minots de pois 8
N\arpents 100 minots de fèves 2
N\maison 1 minots de sarazin 3
N\grange 1 arpents en foin 25
N\voiture hiver et été 0 12 tonnes de 2000 livres
N\arpents occupés 100 minots de bl‚d'inde 4
N\arpents améliorés 42 patates 1 arpent, 100 minots
N\arpents en paturage 12 minots de navets 6
N\arpents en jardin et vergers 1 minots de betteraves 6
livres de sucre d'érable 350
minots de miel et trèfle 3
minots de graine de lin 1
livre de lin ou chanvre 30
N\Animaux:1 vache, 2 autres bêtes de race bovine,
N\Livres de beurre: 100
Verges de toile: 24
N\Pieds de tous bois équarris ou blanchis: 320 sauf le noyer ou le pin
N\billots de tout autre bois: 25
N\Cordes d'écorce à tanner: 25
N\Cordes de bois de chauffage 30.

Joseph Leroux n'était pas riche. En 1864 il avait acheté pour 7.50$, un 50 âcres de terre de la corporation du compté de Wolfe; ce qui lui permettait d'agrandir sa terre. En 1868, il acheta pour 75.00$ une jument rouge de 4 ans d'Edouard Milette, écuyer marchand de Windsor. Il avait mis sa terre en garantie et il a mis quatre ans à payer sa dette, à raison de 25.00$ par année qu'il payait le 25 décembre. Joseph a travaillé pour la municipalité de Wotton puisque nous voyons dans un des procès verbaux du Conseil de Ville qu'il avait un contrat pour ouvrir le 2ièmerang durant l'hiver. Il était payé 7.50$. Le 12 décembre 1874 un certificat de sépulture de Joseph Leroux disait qu'il était décédé subitement le 10.

Ce certificat de sépulture explique l’annulation d’un contrat passé entre Joseph Leroux (père) et la ville de Wotton pour la construction d’une clôture le long du 5ième rang du Township de Tinwick. Cette annulation de contrat a été passée le 21 décembre l874 par le conseil municipal de la ville de Wotton.

Adèle et Joseph mariés en 1865 eurent 4 enfants: Antonio, père de Raoul, Agenor, Marie-Anne Adalbert, Antonine, Marie-Ange et Gérard ; Exilda (Armida), marié à Édouard Gauthier et mère de notre père Oscar, de Ange-Albert, Blanche, Williamine, Aldaï, Bernadette et Amédée ; Marie-Euphrosine (Mary), marié à Louis Lambert, mère de Oscar, Noël, Agenor, Noëlla et Germaine. Le dernier, Adolphe (dit Dolphis), père de Jeanne, Fleur-Ange, Émérielle, Laurianne, Paul et Aline. Après le décès d'Adrien dans les années 1875-76 les revenus de la ferme sont moins bons. À l'exemple des parents qui n'ont jamais eu peur de l'effort, Adèle et Joseph partent pour Adams Mass. Ils en reviennent en 1885 pour se réinstaller à Wotton.

Quelque temps après le décès de Joseph vers 1922, Dolphis qui est marié et demeure voisin en bas de la côte fait transporter la maison de sa mère et l'amène vivre chez lui jusqu'à sa mort, soit à l'âge de 99 ans et 10 mois en décembre 1931. La terre que Dolphis avait acheté comprenait la terre de Joseph Leroux. C'est pour cette raison que l'on appelle cette terre qui est maintenant à Paul, la terre ancestrale. Ceux qui ont connu Adèle, la décrivent comme étant elle aussi une femme vaillante avec un caractère ferme et déterminé.

Sources de renseignements :
Bernard Jean Paul, Les rébellions de 1837-38, Édition Boréal Express.
Rochon Paul,1838 L'histoire oubliée des patriotes, Édition du Taureau.
Rochon Paul, 1839 La lente agonie des patriotes, Édition du Taureau.
Julien Yvon, Histoire de Beauharnois, édité par la ville de Beauharnois. Archives Nationales de Montréal.
Histoire du Canada. L'Amérique du Nord Britanique,1760 1867. Noël Vallerand et Robert Lahaise. Édition,1974 par K‚b‚k‚dit.
LES PATRIOTES 1837-38.

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