Site hosted by Angelfire.com: Build your free website today!

Naufrage de thirry Dubois dans le vendée globe de 96,97

  • VENDEE GLOBE 96/97
  • Thierry Dubois raconte
  • "J'étais en train de nager. Je n'avais plus rien"
  • Samedi matin, le vent à commencé à rentrer copieusement. La mer était assez forte. J'avais un peu dans la tête ce qui était arrivé à Raphaël. Je me méfiais de prendre trop de vitesse. Dès que je mettais quelques mètres carrés de plus, ça accélérait. Je ne voulais pas me mette à sec de toile, car là j'étais vraiment vulnérable. Il fallait pianoter sur la surface de voile. Il y avait 65 noeuds établi. J'ai même vu l'anémomètre à 70 (130 Km/h). J'ai eu une ou deux alerte, tête de mat dans l'eau. Je me suis demandé s'il fallait que je barre. Je me suis dit : "Vu les déferlantes qui passent sur le pont, je prend un risque énorme". J'ai préféré reste sous pilote, enfermé à l'intérieur, plutôt que de jouer. dehors.

    Et puis le bateau est parti et s'est fait rouler par une vague. Un tour complet. Le bateau est revenu à l'endroit mais j'ai entendu un gros bruit. Le mat n'était plus là. C'était assez prévisible. Mat en trois morceaux. J'ai réussi rapidement à le libéré sans trop abîmer la coque. Je rampais sur le pont avec la scie et le couteau. Tenir debout était impossible. Il y avait un peu de bordel à l'intérieur, un hublot fendu par un bout de mat. Chaque fois que je passais à l'envers, l'eau entrait à l'intérieur. J'avais encore la bôme, un tangon et une trinquette : tout pour faire un gréement de fortune et rentrer en Australie.

    Plus tard une autre vague m'a rechopé et m'a refait faire un tour complet très violent, par le côté comme la première fois mais dans l'autre sens. Je me suis fait assez mal mais, pour moi, il n'y avait pas de détresse. Le bateau était revenu à l'endroit. J'ai commencé à bricoler et je me suis aperçu que j'avais perdu ma balise Argos. J'ai donc enclenché la deuxième.

    Lundi matin, je n'avais pas l'impression que la mer avait forci. J'étais dans mon sac de couchage et là, sans qu'il y ait eu vraiment d'alerte, le bateau est parti en tonneau très lentement, sans aucune violence. Il est passé sur le toit et il y est resté. je me suis retrouvé assis sur le pont. A l'envers, bien stable, le bateau ne bougeait plus. J'ai pensé qu'une vague assez forte pourrait me remettre à l'endroit. J'ai attendu calmement, en enfilant la combinaison de survie, au cas où. Le souci c'est qu'avec les hublots fêlés par la pression, l'eau commençait à pisser copieusement. Petit à petit, le rouf s'est rempli. Au bout de deux heures, le bateau n'avait pas bougé d'un iota.

  • "Je me suis dit que ça pouvait durer des jours. J'ai rassemblé mon matériel de sécurité. Je pensait aller dehors mettre en route mes balises pour que le signal passe bien, parce que j'avais des doutes sur le signal à l'intérieur du bateau. Et préparer quand même un radeau. J'ai ouvert la trappe arrière, j'ai sorti le radeau en gardant le bout avec moi. J'ai réussi à grimper sur la coque, à tenir un des safrans avec les balises en route.
  • J'ai cherché mon radeau et quand j'ai tiré la ficelle, il n'y avait plus rien au bout. J'ai vu le radeau à plusieurs centaines de metres, à moitié gonflé. Je n'avais plus de survie, ça commençait à être plus ennuyeux. je suis resté tant bien que mal sur la coque. Ce qui m'a surpris, c'est qu'en moins d'une heure un avion m'a survolé. Je me suis dit que c'était pas possible. Ma Sarsat et mon Argos GPS, je venais de les mettre en alerte. Après j'ai pensé que c'était pour Tony. En fait, c'est la dérive de Dubois et la position de détresse de Bullimore qui avait déjà déclenché les secours).
  • Enfin, j'étais repéré, mais je savais que j'aurais à poireauter. Et sans radeau, je n'allais pas pouvoir rester des jours sur la coque avec le vent et les déferlantes passant par dessus.. Plusieurs fois, je me suis fait éjecter. J'ai dû nager, revenir. Je me suis explosé la tête, les lèvres et le nez sur le safran. J'allais tenter le coup de revenir à l'intérieur pour attendre, mais le bateau s'était enfoncé, la trappe était sous l'eau. Et le cul du bateau faisait de tels bonds : j'y ai renoncé.
  • En même temps, l'avion à parachuté des radeau. J'ai pensé que j'allais bien réussir à en chopper un pour attendre près de mon bateau. Il y avait 55 noeuds de vent. Le premier était trop loin. Le deuxième aussi. Le troisième se rapprochait. Entre temps, le sac où il y avait la bouffe, la VHF de secours a été arraché. Là, je me suis foutu à l'eau, j'ai nagé jusqu'au radeau qui était à moitié dégonfle. Il n'y avait plus de container de survie. Ca sentait le roussi. L'avion est repassé au dessus de moi et j'ai essayé de leur montrer que j'étais dans un radeau pourri.
  • Dix minutes après, une putain de vague m'a attrapé avec le radeau. Pendant une minute, je me suis trouvé comme dans un rouleau, sous l'eau, emmêlé avec des morceaux de caoutchouc et plus de radeau ! J'étais en train de nager. Je n'avais plus rien. L'avion tournait, mais retrouver un mec dont seule la tête dépasse, j'y croyais pas tellement. Il tournait mais il ne me voyait pas. J'avais un bout de tente du radeau, orange fluo, je l'ai agité en pensant qu'il finirait peut-être par le voir.
  • Effectivement. Il m'ont balancé un fumigène puis sont repassé. J'ai Pataugé une demi-heure (...° Je suis passé à deux doigts. Mais je n'ai eu aucun moment de panique. A la limite, je me suis surpris : je nageais calmement. LA question c'était : maintenant combien de minutes ça va me prendre, de mourrir... Qu'est ce que ça va me faire ,

    Ils ont fini par me retrouver et m'envoyer un chapelet avec deux radeaux et des containers. J'ai nagé et chopé le bout, mais il y avait encore 150 mètres à faire pour aller à un radeau ou à l'autre. Avec la mer qu'il y avait, c'était de la folie, mais quand tu n'as qu'une ficelle à quoi tenir pour attraper un semblant d'espoir, tu trouves de l'énergie. J'ai commencé à tirer le bout. A chaque vague, j'étais sous l'eau, je tirais la ficelle. Et après m'être bien battu, je me sui retrouvé dans un radeau.

    Là, j'ai rassemblé tout le matos. J'avais à peine fini qu'une vague a retourné le radeau. L'avion est repassé mais il ne m'a pas vu. J'étais à l'en en train d'essayer de rejoindre mon radeau et de le remettre à l'endroit. Je me suis dit "Merde, il vont croire que je n'ai jamais atteint le radeau, que c'en est fini pour moi. J'ai eu un petit moment d'angoisse. Ma nuit est passée. Mardi, un autre avion est passé. On s'est fait des signes. Ils m'ont lancé une radio et c'est là qu'on a pu entrer en contact.

    J'avais à bouffer, à boire, j'avais une radio, je pouvais donner des informations. ils m'ont expliqué combien de temps ça prendrait, m'ont dit exactement dans combien de temps le bateau serait là. Après, ils m'ont expliqué la procédure pour l'hélicoptère et puis surtout, comme ils venaient régulièrement chercher pour tony, chaque fois, ils passaient me faire un petit coucou, voir si tout allait bien. On discutait deux minutes. Avoir régulièrement une présence m'a bien aidé.

    Ma seule lutte à ce moment là, c'était de ne pas mourir gelé. J'avais un peu d'eau infiltrée dans le bas de ma combinaison. Les nuits passées dans le radeau, c'était plus dur encore avec l'obscurité. C'était la lutte pour ne pas me refroidir, surtout les pieds. J'ai pensé mon temps à penser à ces histoires d'alpinistes qui avaient les pieds gelés, qui s'étaient endormis et jamais réveillés. Je me suis battu tout le temps contre ça. Je dormais par toute petites tranche, puis j'épongeais le radeau, je regonflais, je chantais... J'essayais de garder de la vie. Je sentais bien que le gros risque, c'était le froid. Et quand on voit l'état de mes pieds, c'est un peu limite...

    Mes doigts de pieds sont un peu gelés. D'après le docteur, ce n'est pas trop grave. Il n'y a rien de perdu. En rentrant, il va quand même falloir que je passe à l'hosto parce que je n'ai pas trop de sensibilité. Mon seul problème, c'est ça. J'avais peur qu'un de mes pouces soit cassé, mais ça a l'air de dégonfler. Voila, voila, voila...

    lien de thirry Dubois


    Email: r.lacroix@videotron.ca