Aujourd’hui, avec mon expérience de la vie, je dirais que la Corriveau était une personne qui devait certainement souffrir de maladie mentale, mais dans ce temps-là, les psychiatres n’existaient pas et les personnes qui faisait des choses incohérentes ou des grosses bêtises passaient pour des méchants ou des possédés du Démon. Alors madame Corriveau s’est mariée et puis, au bout d’un certain temps, on a trouvé son mari mort. De quoi était-il mort? À l’époque, on a réalisé qu’elle lui avait coulé de la cire dans les oreilles. De la cire dans les oreilles! C’est abominable, non? Il faut le faire! Mais ça ne s’est pas su tout de suite. Probablement que ça ne s’est pas su, parce qu’elle a pu se remarier dans un laps de temps assez bref.
La Corriveau
devait certainement aimer les hommes, mais elle ne les aimait pas longtemps!
Elle en a trouvé un autre et elle lui a fait un autre supplice. Là, je ne me
rappelle pas, j’était trop jeune; ça devait être quelque chose qu’il ne
fallait pas dire, quelque chose de pas très catholique, je ne sais pas. Elle
lui a amputée quelque chose. C’est épouvantable, non? Je ne sais pas quoi!
Je n’ai rien dit! On peut toujours soupçonner… Le pauvre monsieur en est
mort au bout de son sang. On peut se demander comment il se fait que, dans ce
temps-là, il n’y avait pas de justice comme il y en a maintenant. C’est
vrai que la Sûreté du Québec n’existait pas, et dans les campagnes, c’était
encore pire.
Ce qui est
arrivé, c’est qu’elle s’est remariée et l’autre monsieur a eu un sort
épouvantable. J’oublie, c’est loin dans ma mémoire. Tout s’est découvert
et la madame Corriveau a été jugée d’une façon épouvantable devant une
foule, en pleine air. Sur la Rive-Sud, il y a une place qui s’appelle Lauzon.
On vient de l’annexer à Lévis; Lévis-Lauzon, vous avez vu ça dans les
journaux. À Lauzon, il y avait un genre de carrefour qui s’appelle la fourche
des chemins. À cette fourche, il y avait un grand poteau. Ils ont fabriqué une
cage et ils y ont mis la Corriveau vivante! Ils l’ont hissée en haut et ils y
ont placé une lampe. Elle recevait la rage, la haine et la violence de tout le
monde qui voyait ça. Tous étaient en faveur de son supplice parce que la vérité
s’était déclarée. Je pense que c’est quatre ou cinq maris qu’elle avait
tués.
Ce qui est
arrivé, c’est qu’elle est morte, mangée par les corbeaux. Ils l’ont
picossée jusqu’à ce qu’elle meure.
C’est la
triste histoire de la Corriveau.
Légende
recueillie en 1989 par Isabelle-Sophie Dufour.
Informatrice :
Gema Leblanc, de Québec.
Tiré
du livre : Contes et Sortilèges des quatre coins du Québec
De
Nicole Guilbault du Cégep François-Xavier-Garneau
©Documentor Inc., 1991
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