Requiem pour la paix

Une réflexion à l'occasion du 11 septembre

Il y a certes beaucoup à lire sur le Web au sujet des attentats du 11 septembre , mais le texte qui suit en est un de grande qualité et fort inspiré.

Il s'agit d'un des rares textes parvenant à mettre ces événements en perspective, et à tenter d'en faire la source d'une réflexion pour l'avenir non seulement de l'humanité, mais aussi des êtres humains en tout ce qu'ils sont, c'est-à-dire leur caractère spirituel également. L'allocution de Jacques Languirand a été publiée dans les pages du quotidien Montréalais Le Devoir le lendemain.

Lire l'allocution de Jacques Languirand sur le site du Devoir

Jacques Languirand est un communicateur très connu au Québec. En plus de l'émission de radio qu'il anime depuis plus de 30 ans à Radio-Canada, Par quatre chemins, et par laquelle un grand nombre de Québécois et de Canadiens-français ont pu prendre connaissance et comprendre des textes souvent hautement spécialisés, portant sur des sujets élevant l'esprit, spirituels, scientifiques ou autres, en plus donc de cette émission, il a entre autres publié de nombreux livres, la plupart, on pourrait dire, des ouvrages de vulgarisation, mais aussi des pièces de théâtre. L'oratoire Saint-Joseph est un lieu de culte historique et de grande valeur à Montréal, érigé à la mémoire du Frère André.

La rédaction du Site ovale




Jacques Languirand
Le Devoir, édition du jeudi 12 septembre 2002
Libre opinion: Requiem pour la paix Le texte qui suit est tiré d'une allocution prononcée hier matin (11 septembre 2002) par Jacques Languirand à l'oratoire Saint-Joseph, suivie de la présentation du Requiem de Mozart.

Le jour du 11 septembre, le plus difficile aura été pour moi de voir des hommes et des femmes, prisonniers des tours, n'avoir d'autre choix que de sauter dans le vide. Je les revois comme tirés vers le bas, à quelques secondes de s'écraser au sol.

Je voudrais qu'il n'y ait pas de doute à propos du sentiment de solidarité qui m'anime envers ceux du 11 septembre, victimes et sauveteurs.

Ce jour-là, nous avons découvert que nous sommes vulnérables, nous, les Occidentaux. Alors que jusque-là, l'horreur, c'était pour les autres. Mais découvrir notre vulnérabilité n'est pas en soi une mauvaise nouvelle. C'est prendre conscience d'un état qui était déjà le nôtre.

Comme l'a dit Mgr Desmond Tutu : «L'histoire se charge de nous enseigner ce que nous n'avons pas su apprendre de l'histoire.»

La vulnérabilité peut nous rendre fous et nous faire nous pousser sur la voie de la haine, mais elle peut aussi se traduire par une plus grande lucidité et renouveler notre regard sur les autres et sur nous-mêmes.

Mais je ne peux pas ignorer l'ambivalence qui est la mienne. Et que je sais être partagée par plusieurs d'entre vous.

Faut-il rappeler ici que nos rapports avec le Moyen-Orient ont été désastreux, et ce, depuis le Moyen Âge, alors que leur civilisation était à une époque tellement plus avancée que la nôtre ? N'avons-nous pas hérité dans le langage scientifique, entre autres, de plusieurs mots arabes dont il n'existait pas d'équivalent dans les langues occidentales d'alors, tels «zénith», «algèbre», «alchimie»...

Et plus près de nous, nos besoins en pétrole ont inspiré aux pays occidentaux des politiques coloniales dont les conséquences se font encore sentir aujourd'hui. D'autant plus que nos besoins en pétrole -- le sang de notre civilisation -- sont encore plus grands maintenant qu'à l'époque de Lawrence d'Arabie. Nous devons être conscients que notre civilisation énergivore et suicidaire continue d'inspirer aujourd'hui des politiques qui ne sont pas à l'honneur de l'Occident.

Il y a là un contentieux que nous ne pouvons pas ignorer. La prise de conscience de cette situation, de nos rapports non seulement avec le Moyen-Orient mais avec l'ensemble des pays du Sud, le reste du monde, est à mes yeux la première leçon que nous devons tirer du 11 septembre.

Parmi les récentes découvertes de la science, il en est une qui ne laisse pas de m'inquiéter. On a en effet établi que les hommes de Cro-Magnon, nos ancêtres, auraient entièrement éliminé l'autre branche de l'humanité, constituée par les descendants de l'homme de Neandertal, nos cousins. Homo sapiens mais aussi Homo sapiens demens. Nous serions donc les héritiers de guerriers intraitables, de conquérants sans scrupules. Ça nous concerne tous.

Serait-ce ici la source de la légende de la Bible, selon laquelle Caïn aurait tué Abel ? Comment parviendrons-nous, descendants de Caïn que nous sommes, à dominer notre nature sanguinaire?

«On peut nourrir en toute naïveté l'espoir que si on arrive à dépasser les pulsions qui nous poussent à tuer pour tuer, écrit Hubert Reeves, on diminuera l'agressivité, les guerres, les génocides.»

Et pourtant, au cours de la dernière partie du XXe siècle, nous avons assisté à la naissance d'une conscience planétaire.

La conquête de l'espace et en particulier de la Lune en 1969 a surtout été l'occasion de découvrir... la Terre, notre planète, de l'espace.

«J'ai vu le cosmos», a écrit Edgar Mitchell, commandant de la navette Apollo 14. «J'ai vu tout l'Univers qui s'étendait devant moi, j'ai vu une minuscule planète, des millions, des milliards d'étoiles, de galaxies, des amas galactiques, le tout magnifiquement disposé. Ce fut une joie très profonde, un bonheur difficile à décrire. Et j'ai eu la conviction que je regardais un système cohérent, intelligent. [...] L'histoire évaluera si notre action était folle ou si, au contraire, elle était le commencement, pour l'histoire humaine, d'une nouvelle époque.»

Plus près de nous, le changement de millénaire a aussi été une occasion de prendre conscience de la Terre des hommes. Souvenez-vous : au fur et à mesure que le soleil franchissait les fuseaux horaires s'éveillait la conscience de partager une expérience commune à bord du vaisseau spatial Terre.

Il s'agissait ici, pourtant, d'un événement associé au calendrier de l'Occident, adopté il est vrai, par nécessité cependant, par tous les pays de la planète. Nous sommes peu portés à nous demander comment les autres vivent cette forme d'aliénation, de colonisation.

Mais pourtant, je vois un autre facteur favorable à l'élévation de la conscience planétaire depuis que des recherches scientifiques nous ont appris que les Terriens que nous sommes descendons tous de la même souche, au point où le racisme n'a plus aucun fondement.

L'espoir, il se trouve dans la vision unitaire de l'humanité. Encore faut-il se demander ce que recouvre vraiment cette vision, au delà du marché économique qu'elle représente.

L'évolution est lente et le temps nous manque.

Devant la menace de la fin de notre espèce et de la vie consciente sur cette planète par des armes suicidaires et, d'autre part, celle de la destruction de plus en plus rapide de notre environnement qui, à elle seule, peut aussi provoquer la fin, on ne peut guère compter que sur une révolution en profondeur des mentalités. Seul un saut quantique de la conscience humaine peut nous tirer de l'impasse où nous sommes.

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