La Chapelle de BETHLEEM en Normandie
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quelques centaines de mètres au nord de l'église d'Aubevoye, petite commune de l'Eure, dans un site enveloppé de fraîcheur et de mystère, s'élève la chapelle de Bethléem, dont les vicissitudes méritent d'être racontées.
CHAPELLE DE BÉTHLÉEM (Avant sa restauration)
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n 1582 la chapelle et sa crypte, étaient achevées, et il en fit don aux moines de la Chartreuse de "Gaillon lès Bourbon". avec les terres, vignes et bois des alentours. Tout comme l'était le Bethléem d'Orient, le Bethléem d'Aubevoye fut planté au sommet d'un colline. Cependant, en Judée Bethléem est juché à 846m d'altitude, alors que le sanctuaire Normand ne s'élève ca seulement 94m, dominant la vallée de la Seine. Tous deux sont situées dans des endroits qui inspirent au calme et à la sérénité, dans des vallées fertiles plantées d'arbres fruitiers et de vignes.
Pour cela elle mérite donc, elle aussi, d'être nommé "Ephrata" (la fructueuse), comme sa grande sœur qui elle surplombait les vallons où les bergers, premiers adorateurs de l'enfant Dieu, faisaient paître leurs troupeaux dans les mêmes pâturages qui avaient été ceux de Ruth et Booz, arrière-grands-parents de David. Les vignes d'Aubevoye ont aujourd'hui malheureusement disparu. 
E
t bien, M. et Mme Vilain, soutenus par une foi profonde, ont résolu de réparer eux-mêmes les injures que le temps et les hommes avaient prodiguées à ce vieux sanctuaire.
œuvre colossale était en partie terminée à la fin de l'été 1958, les toits refaits entièrement, l'aménagement de la crypte, du logis du vigneron attenant à celle-ci terminés ; il ne reste plus à réparer que l'intérieur de la chapelle et le logement des moines, dont les murs écroulés étaient en cours de réfection.

L
es efforts de M. et Mme Vilain sont dignes de le reconnaissance publique, de tous ceux - et ils sont nombreux - qui estiment que conserver notre patrimoine historique et artistique est une œuvre pie.
Celui-ci était percé d'une haute et large baie amortie en arc plein cintre et les murs du sanctuaire de deux fenêtres de même forme, ainsi que de deux œils-de-bœuf. Chœur et nef étaient voûtés en berceau au moyen d un battis enduit de plâtre qui n'existe plus. Dans le mur latéral sud, l'on perça quelques portes et fenêtres (voir photo). Notre crypte copie de la grotte de la Nativité en Terre Sainte, située au-dessous de la chapelle dans toute sa longueur, est voûtée en berceau. On y pénètre par un escalier dont l'entrée est placée à l'intérieur vers l'ouest, et par une porte ouverte au sud en contrebas, au pied de la muraille du sanctuaire. Cette ouverture mérite la description détaillée que voici :
Elle est surmontée d'une voussure en plein cintre composée de 5 rangs de moulures dont chaque extrémité repose sur les chapiteaux d'ordre corinthien de deux colonnes engagées (de chaques côtés), dont les bases présentent deux tores séparés par une gorge. Le tout taillé dans la pierre de la région dans le plus pur style Roman. Il est à noter que les 5 arches de la porte symbolisent très certainement les cinq nefs de la grotte originale. Au-dessus dans un bloc de pierre, sont sculptées les armoiries du Cardinal Charles 1er de Bourbon, qui ont été quelque peu martelées, sans doute pendant la Révolution de 1789, et qui se blasonnent ainsi : "de Bourbon, qui est de France (d'azur à trois fleurs de lis d'or posées 2 et 1) au bâton péri (raccourci) en bande de gueules, l'écu posé sur une croix (sans doute archiépiscopale, c'est-à-dire à deux branches) en pal (c'est-à-dire verticale). Sommé d'un chapeau de Cardinal (à 5 rangs de houppes) et entouré du collier de l'Ordre du St-Esprit. (Hervé Pinoteau . Héraldique, Capétienne, II". 1956 Paris : Les Cahiers Nobles) (2).
Après avoir descendu quelques marches, en contrebas, vers la gauche, d'un autre petit autel dédié aux Rois Mages ;
la mangeoire traditionnelle (de l'âne et du bœuf), dans laquelle fut déposé Jésus après sa naissance, a été aménagée à quelques mètres en avant. Sur la droite, on se retrouve près de l'autel majeur, il est disposé à l'endroit ou naquit jésus. Le sol est recouvert d'une plaque de marbre blanc (aujourd'hui fendue en 2 par des vandales, mais nous y reviendrons plus bas). Percée en son milieu, nous pouvons lire l'inscription écrite en latin autour de l'ouverture: "Hic de virgine Maria Jesus Christus natus est" (Ici Jésus Christ est né de la Vierge Marie). La trentaine de lampes qui s'y trouvaient ont été retirées avant qu'elles ne soient dérobées. Dans une niche vers le fond et à droite nous pouvons voir une statue en pierre de la Vierge et de l'enfant Jésus.
Il y a encore quelques années, "une vraie" messe de minuit, la veille de Noël, y est célébrée avec grande affluence. En effet, Un "Indult pontifical" prescrivait que la messe de minuit soit prononcée dans la grotte. Sur les mur Nord et Sud, deux croix pattées rouges se font face. Celles ci sont sans dout e la preuve de droit octroyés par le Clergé pour consacré ces lieux.
A quelques vingt mètres de la chapelle, existe un bâtiment ayant abrité jadis le pressoir des moines. Les vignes couvraient les vastes herbages s'étendant vers le sud-ouest. Et, pour compléter le charme de ce paysage, les eaux murmurantes d'un petit ruisseau s'échappent, sous d'épaisses frondaisons, de l'une des cinq sources faisant tourner jadis le moulin de la Chartreuse.
La visite des lieux a toujours été possible depuis la remise en états des époux Villain. Maître Gisèle Bailleul, qui en est la propriétaire actuellement, accorde à qui veut ce "pèlerinage".
Cependant une catégorie de l'espèce qu'il est difficile de qualifier; une meute d'imbéciles, un cénacle de crapules, en fait des profanateurs ont tout saccagé. En juin de cette année cet édifice remarquable qui était en parfait état a littéralement et méthodiquement été détruit. De l'intérieur de la chapelle il n'en reste rien; statuts, vitraux, maître autel, chemin de croix, tout a été cassé à la hache ou à la masse.
La toiture qui avait été épargnée par la tempête de décembre 1999 est en partie à terre. C'est un spectacle de désolation faisant peine à voir.Une plainte a été déposée à la gendarmerie. Nous ne pouvons qu'espérer l'arrestation de cette bande d'irréductibles crétins pour qu'il paye cet acte lâche et irresponsable.
Je remercie Maître Bailleul pour nous avoir accordé l'autorisation de visiter ces lieux enchanteurs et de publier ces quelques lignes afin que l'on garde en mémoire sa charge historique, mystique et culturelle.
Ressources bibliographiques:
(1)D'après les textes de Mr Alphonse Georges Poulain, Gaillon et ses environs (1960) - et Mr Germain Vilain, Aubevoye et son passé -
(2)Reconstitution des armoiries du cardinal Charles ler de Bourbon dû à Mr René Rouault de la Vigne savant héraldiste rouennais, ancien président de l'Académie de Rouen.
Crédit photo: Ouvrages précités - Mme Gisèle Bailleul - Enc.Readers Digest "Histoires comparées des civilisations".
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