COLETTE BROSSET
Colette Brosset
"Les souvenirs de
tournage avec Louis de Funès, c'était toujours beaucoup de travail, beaucoup
d'inventions de sa part. En tant qu'acteur, ce qu'il apportait était superbe. Il
comprenait, il adhérait immédiatement dans le sens de Robert Dhéry et il partait
comme un merveilleux cheval. Un coup de talon et il s'emballait. Ou alors, il
faisait la tête si ça ne lui plaisait pas. Et, dans ces cas-là, ce n'était pas
la peine de lui faire faire. Par exemple, il avait horreur que l'on fasse de la
sensibilité. Il prétendait que c'était déchoir, se détruire, qu'un comique
devait être essentiellement drôle et que c'était honteux de faire ce qu'il
appelait de la "larmiche". Pourtant, il était lui-même profondément sensible.
Toute sa vie le prouve: son amour pour sa femme, pour ses enfants, pour la
nature et les animaux. Il avait cette authenticité de la langue comique où il ne
voulait pas céder à l'émotion. Et il avait raison. Bien des grands comiques
auraient pu se passer du morceau de bravoure. C'était trop facile. Lorsque l'un
de nous partait dans un petit tremblement de la voix ou une pointe de poésie, il
faisait semblant de prendre un violon et il nous en jouait dans le dos. Cette
pudeur ! C'était un grand pianiste, alors qu'il ne jouait plus que pour nous, il
ne voulait plus jouer en public. Il avait été au Conservatoire et ensuite il a
longtemps gagné sa vie à faire le piano-bar dans une boîte. Il avait le don du
comique. Il adorait faire rire. Par exemple, dans "Le petit baigneur", il y a un
moment où Louis chante une chanson derrière un paravent et il endort Robert. Il
est pris de fou rire. Nous avons dû garder la prise dans le film car il n'a pas
pu tourner sérieusement. Les tournages étaient joyeux ! Ou alors, il piquait une
gueulante et il partait tout seul dans son coin. Le lendemain, bien sûr, il
avait tout oublié. Et puis, il y avait les copains. Dans le fond, tout cela
n'était qu'une gigantesque affaire de timidité car, lorsqu'il se retrouvait sur
un tournage avec des copains qu'il connaissait très bien, comme Galabru ou
Grosso et Modo, il était heureux et de bonne humeur. Ce que Louis avait
d'admirable, c'est que, quand par hasard il avait envie de faire rire en scène,
il le passait dans son jeu. La façon dont il disait: "Regardez-moi cet imbécile,
il me fait rire, il me fait rire !" Le public adhérait complètement et était
persuadé que c'était dans le script. Robert Dhéry en particulier le faisait
beaucoup rire. Louis lui demandait toujours de pleurer comme sa tante Jeanne, et
lorsqu'il commençait, Louis hurlait de rire. Toujours dans "Le petit baigneur",
vers la fin, lorsque Louis va soi-disant mourir, il y a une scène où Robert est
auprès de lui et pleure. On voit nettement, si on observe bien la scène, que
Louis a le fou rire. Il y avait une très grande complicité entre Louis et
Robert. Il y avait entre eux des choses exceptionnelles que l'on a pas toujours
sues. Par exemple, ils parlaient ensemble loin de nous et ils pleuraient de
rire. On ne savait jamais pourquoi. Puis, ils revenaient tous les deux, très
sévères, le visage fermé et disaient: "Allez au travail !" Ce qui était drôle,
c'est que lorsqu'on tournait la prise, ils y repensaient et le fou rire les
reprenait. En dehors des tournages, Louis était totalement différent. Il était
attentif, d'une immense timidité. Les interviews le rendaient très malheureux.
Il ne voulait pas livrer ce qu'il était vraiment. J'ai le souvenir de la mort de
Bourvil. Il n'a rien pu dire alors que nous savions tous le chagrin qu'il avait.
Il ne pouvait rien dire et s'enfermait sur lui-même. Dans la vie privée, c'était
un homme charmant. C'est un monsieur qui m'a appris à tailler mes rosiers.
J'adore jardiner et il m'a tout appris. Il avait un véritable amour de la
nature. C'était un homme fantastique, nous avons beaucoup perdu lorsqu'il est
parti, nous ses copains et puis tout le public, en particulier les enfants.
Filmographie :
1985 Le Manteau de St-Martin (Série TV)
1974 Vos gueules les mouettes
1970 Trois hommes sur un cheval
1967 Le petit baigneur (Charlotte Castagnier)
1966 La Grande Vadrouille (Germaine)
1964 Allez France !
1961 La belle américaine (Paulette)
1954 Ah les belles bacchantes (Colette)
1952 L'amour n'est pas un péché (Eliane Cahuzac)
1950 Bertrand cur de lion
1947 Les aventures des Pieds nicekelés
1946 En êtes-vous bien sûr ?
1946 Etoile sans lumière
1945 Master Love
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