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Nouvelles du Petit Paradis en Equateur

La vie quotidienne dans le nord des Andes équatoriennes

 

Note de lecture :

UN BILAN ECONOMIQUE DU CORRÉISME

Je me souviens très bien de la présentation qu'avait faite Valéry Giscard d'Estaing de son nouveau premier ministre, Raymond Barre, comme "le meilleur économiste de France". Je dois avouer, par contre, que j'ai oublié les éléments positifs de son bilan - il doit bien y en avoir quelques-uns ! - à la fin de ses cinq ans au gouvernement, mais cette revendication était certainement exagérée. Il en va des ministres des Finances comme des reines de beauté : Miss France n'est sûrement pas
la plus des belle des Françaises...

Je suis convaincu que beaucoup des partisans de Rafael Correa n'hésiteraient pas à le présenter aussi comme "le meilleur économiste de l'Equateur". Je ne partage pas ce point de vue, car sa vision de la politique économique du gouvernement me paraît entachée de principes idéologiques, de préjugés et de ressentiments, dont les effets sur l'économie réelle sont néfastes. L'idéologie, qu'elle soit de droite ou de gauche, ne fait pas bon ménage avec l'économie.

Je suis conscient que ce jugement sévère serait peu crédible s'il n'était étayé par des éléments que j'ai trouvés dans les bulletins de l'"Observatorio de Politica Fiscal", une organisation non gouvernementale créée en 2004 par des représentants de la société civile équatorienne avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). La mission de cet organisme est de fournir des informations financières et fiscales transparentes afin de prioriser dans le budget de l'Etat les dépenses en faveur du développement humain.

La traduction est effectuée par mes soins. Mes commentaires figurent entre [ ]
et en italiques.

BULLETIN NO 65 DE DECEMBRE 2008

[RAPPEL : Le président Rafael Correa est arrivé au pouvoir le 15 janvier 2007]

EDITORIAL : Le coût de politiques inadéquates

Entre 2000 et 2008, un nouveau boom pétrolier et d'envois de fonds par les émigrants ont été dilapidés. Les politiques gouvernementales de ces deux dernières années ont accru la perception sociale et patronale selon laquelle le bien-être et les bénéfices pouvaient être obtenus par de tels facteurs, qui paraissaient éternels. Il s'est agi d'une ivresse collective. L'Etat a dépensé sans compter et a encouragé la croissance démesurée des importations. Grâce au pétrole, les secteurs pauvres ont reçu des subsides et des attentions qui leur étaient autrefois refusées, parce que le pays était incapable de produire.

On a stigmatisé les critères de prudence budgétaire, d'une conduite saine de l'économie, et ceux qui mettaient en évidence les conséquences négatives de s'isoler et de faire fuir les capitaux et les investissements. La fête s'est terminée avec une coûteuse combinaison de ce qui ne s'est pas fait, de crise mondiale et de mauvaises décisions concernant la dette extérieure. Si l'on ne change pas de cap, des décennies de souffrances et de plus grande pauvreté suivront.

1. Boom pétrolier dilapidé

Entre 2000 et 2008, le pays aura reçu 47 milliards de dollars pour ses exportations de pétrole et dérivés, dont 20 milliards en 2007-2008. Par rapport à la période 1991-1999, ce sont 35 milliards de plus qui ont été engrangés. Pendant cette même période 2000-2008, les émigrés auront envoyé au pays 19 milliards de dollars.

En regard, pendant ces neufs dernières années, les dépenses courantes du secteur public non financier - en incluant les subsides pour les produits dérivés - s'approcheront des 70 milliards de dollars, 41 milliards de plus que pendant la période antérieure. En 2007-2008, les subsides pour dérivés du pétrole dépassent 6 milliards de dollars. En 2008 seulement, le total des subsides serait de 6 milliards, en incluant le bon de développement humain, le bon du logement, les subsides à l'électricité, à la farine, à l'urée, à la sécurité sociale, aux combustibles, etc.

D'autre part, au 30 novembre 2008, les disponibilités du compte unique du Trésor se sont réduites à 1172 millions de dollars. Le prix moyen du baril de pétrole équatorien qui a atteint 117 dollars en juin, est tombé à 34 dollars le 21 novembre. En outre, les envois de fonds des émigrants continuent leur tendance à la baisse.

Le pays a dilapidé le boom pétrolier et celui des envois de fonds. Après les politiques économiques et budgétaires erronées de ces dernières années, il est plus vulnérable aux effets de la sévère crise mondiale. En conséquence, y faire face et reprendre une orientation correcte sera coûteux pour tout le monde et plus encore pour les pauvres.

2. L'Equateur obtient la plus mauvaise qualification de la dette extérieure

L'Equateur est au 15e rang des 15 pays d'Amérique latine et à deux niveaux du défaut (CCC-) [SD, moratoire sélectif en janvier 2009]. Les mieux classés sont dans l'ordre le Chili, le Mexique, le Pérou, le Brésil et la Colombie, des pays jouissant de bonnes économies, de liberté économique, de liberté du commerce, d'un climat sain pour les affaires, d'une insertion sur les marchés mondiaux, d'une plus grande compétitivité, etc., qui n'inspirent pas de doutes sur le paiement de leurs dettes et encouragent les investissements extérieurs.

Le 25 novembre 2008, le risque pays s'élevait à 4039 points, ce qui signifie que si l'Etat recherchait des prêts du secteur privé extérieur, il lui faudrait payer un taux supérieur de 40 % au-dessus du taux des bons du Trésor états-unien.

3. Imprévision, crise mondiale et peu d'options budgétaires

La réduction du prix du pétrole aura un important impact négatif sur les rentrées budgétaires. Ainsi qu'également la contraction de l'économie et les pertes d'emplois causées par la crise mondiale et ses effets sur les exportations non pétrolières et les envois de fonds des émigrants, la réduction des flux de capitaux et des lignes de crédit, la diminution des importations, etc.

Graves conséquences du relâchement budgétaire

Entre 2006 et 2008, les dépenses du secteur public non financier et du budget du gouvernement central ont presque doublé. Les subsides se sont multipliés et les dépenses se sont effectuées au rythme des rentrées pétrolières. Après avoir reçu ces deux dernières années près de 20 milliards de dollars d'exportations pétrolières, les disponibilités de la caisse du Trésor dépassait à peine un milliard. Les fonds de réserve et les normes de prudence budgétaire ont été éliminés. On était convaincu que la prospérité pétrolière durerait toujours. Aujourd'hui, alors que les prix du pétrole équatorien sont en dessous de 50 dollars le baril, les conséquences de l'imprudence et du relâchement budgétaire se font durement sentir.

Les rentrées ne suffisent pas

Si les rentrées fiscales pour 2009 se montaient à 6,55 milliards de dollars, sans prendre en considération les effets de la contraction et des mesures prises pour pallier la crise du secteur productif, et si la rente pétrolière s'élevait à 2,7 milliards de dollars sur la base d'un baril à 50 dollars, le Trésor public pourrait compter, avec quelques autres rentrées mineures, sur 9,4 milliards de dollars.

Dépenses incompressibles

Fondées sur une rente pétrolière volatile, les dépenses fixes ont cru de manière disproportionnée. Avec les augmentations accordées aux forces armées et à la police, et sans prendre en compte d'éventuelles demandes supplémentaires de secteurs comme le corps enseignant, il faudrait 4,5 milliards de dollars pour couvrir les salaires. Le paiement de biens et services ne pourrait être inférieur à 700 millions de dollars en raison des engagements de gratuité qui ont été pris. Les transferts courants sont difficiles à réduire, car ils couvrent les systèmes de sécurité sociale, le bon de développement humain, le subside à l'électricité, et les dépenses assignées au FODESEC (Fondo de Desarollo Seccional), aux réductions de l'impôt sur le revenu, au FONSAL (Fondo de Salvamento), aux universités, etc. On prévoit des dépenses de capital de subsistance de 1,5 milliard de dollars pour les gouvernements provinciaux et municipaux et un minimum d'entretien pour les ministères et entités publiques.

Même sans payer les 392 millions de dollars des Bonos Globales, les dépenses fixes indispensables dans un cadre de stricte austérité atteindraient 9,741 milliards de dollars. Comme les rentrées sont insuffisantes, il y aurait un déficit de 341 millions de dollars.

Autres dépenses inévitables et options de financement

Comme un tel degré de restriction ne paraît pas viable, l'inertie des dépenses et certaines obligations impossibles à reporter pourraient faire monter le déficit à 2,5 ou 3 milliards de dollars. Pour le financer, on pourrait utiliser un milliard d'économies pétrolières, placer un milliard de bons auprès de l'IESS et peut-être trouver d'autres options d'endettement. En outre, il faudra demander des prêts de 800 millions de dollars pour le payement d'amortissements internes et externes. Cependant ces options sont à usage unique et la question se pose de savoir comment maintenir les dépenses à moyen terme.

Enormes demandes à satisfaire

En marge de ces deux scénarios de restrictions demeurent d'immenses demandes à satisfaire, dérivées des droits de la nouvelle constitution : 0,5 % du PIB pour l'éducation, et autant pour la santé, l'affiliation à l'Institut équatorien de sécurité sociale des maîtresses de maison et des travailleurs indépendants, pension de retraite pour toutes les personnes du troisième âge, capitalisation des entreprises électriques, gratuité pour l'éducation supérieure et autres, notaires publics, et un gros etcetera entraînant d'immenses coûts budgétaires. Reste d'autre part le financement des investissements dans les secteurs électriques et pétroliers.

BULLETIN NO 66 DE JANVIER 2009

EDITORIAL : Coûteuses opportunités perdues

Après 9 années du nouveau boom pétrolier, dont le plus grand essor s'est produit dans les années 2007-2008, l'Equateur produit à peine 3500 dollars par habitant et par année, moins que la Namibie et l'Albanie. Les pays voisins et d'autres du concert mondial ont avancé plus rapidement grâce à des réformes dans la direction requise pour le progrès de leurs peuples.

La drastique réduction des prix du pétrole met en évidence l'immense coût des opportunités perdues, en n'ayant pas utilisé l'abondance pétrolière pour obtenir dans les secteurs non pétroliers une croissance économique élevée à long terme et promouvoir des réformes structurelles permettant d'attirer les investissements, de s'insérer dans les marchés mondiaux et rendre le pays plus compétitif. Au contraire, il faudra affronter une nouvelle crise avec un Etat vulnérable dans ses environnements extérieurs, budgétaires et de l'économie réelle.

1. PIB faible malgré le boom pétrolier

En 2008, le PIB par habitant du Luxembourg sera 33 fois plus élevé que celui de l'Equateur et celui de l'Espagne 10 fois plus élevé. La production par habitant du Chili atteindra en 2008 10.125 dollars, celle de l'Equateur à peine 3562.

Le PIB par habitant de l'Equateur en 2008 sera inférieur à celui de la Namibie et de l'Albanie. En 2006, ce dernier pays avait une rente inférieure et celle de la Namibie était semblable à celle de notre pays. La capacité de production du Pérou et de la Colombie avance plus rapidement que la nôtre. De même, les différences de revenu s'amplifient avec le Brésil, l'Argentine, le Panama et autres pays du monde. En 2006, le revenu par habitant chinois était équivalent au 66 % de l'équatorien, en 2008 il représentera le 83 %.

Les pays qui ont un PIB par habitant supérieur à celui de l'Equateur, ainsi que ceux qui avaient une production inférieure, ont fait des réformes et des efforts pour attirer les investissements, s'insérer dans les marchés mondiaux et favoriser des taux élevés de croissance de leurs économies.

En dépit du boom pétrolier de ces dernières années, le pays n'a pas été capable d'obtenir une croissance élevée de son économie dans les secteurs non pétroliers et il a pris du retard sur le reste du monde. Les impacts de la crise mondiale et de politiques économiques erronées rendront plus difficile le maintien pour une longue durée des taux de croissance supérieures au 6 % annuel, sans lesquels il ne sera pas possible de réduire la pauvreté.

2. 2007-2008, coût élevé des opportunités perdues

La politique économique et financière du gouvernement a intensifié les effets de la crise internationale sur l'économie équatorienne. Le coût est élevé des opportunités perdues à cause de politiques économiques inadéquates et de la conception d'un modèle d'Etat et de développement qui pointe en direction contraire à celle des pays qui progressent. On a passé de la prospérité à la pénurie, un fait qui exige un profond changement de la gestion économique et budgétaire.

Faible augmentation de la rente par habitant

Le revenu par habitant, inflation déduite, est bas et insuffisant pour procurer le bien-être à la majorité de la population. Celui-ci a atteint en 2007 à peine 1624 dollars et a augmenté de seulement 1 % cette même année. Les résultats de 2008 ne sont pas encore publiés. Entre 2000 et 2006, le PIB par habitant réel a augmenté de 24 % [soit en moyenne 3,43 % par an], ce qui a rendu possible une diminution de la pauvreté, ainsi que des niveaux de chômage et de sous occupation.

Explosion des dépenses publiques

Entre 2000 et 2006, les dépenses du secteur public non financier, y compris les subsides aux combustibles, se sont maintenues à environ 25 % du PIB. Entre 2006 et 2008, ces dépenses passent du 26 au 46 % du PIB. Le pays a dépensé au rythme des rentrées en provenance des exportations de pétrole et de dérivés qui ont atteint en 2007-2008 environ 20 milliards de dollars. En même temps, les subsides divers ont augmenté, pouvant dépasser en 2008 les 5,5 milliards de dollars. D'autre part, les fonds de réserve pétroliers ont été supprimés et les normes de prudence budgétaire éliminées, qui imposaient une expansion modérée des dépenses publiques. La politique de rémunérations, publique et privée, a été négative et incompatible avec la progression de la productivité de l'économie.

A leur tour, les prix moyens du baril de pétrole exporté, brut Napo et Oriente, qui avaient atteint 117,4 dollars en juin 2008 se sont effondrés à moins de 25 dollars en décembre. Fait qui laissait présager une profonde crise budgétaire en 2009 face à l'impossibilité de maintenir les dépenses publiques à un niveau élevé, en grande partie de nature fixe. Au mois de décembre 2008, le manque de liquidité se fit sentir durement, car les dépôts du Trésor se réduisirent à 424 millions de dollars, malgré le recours aux 700 millions de dollars provenant de la vente de bons à Institut équatorien de sécurité sociale (IESS).

Effets de la crise mondiale et politique économique inadéquate

L'impact de la crise internationale a commencé à se faire sentir par la réduction des envois de fonds des émigrants qui avaient atteint 3,087 milliards de dollars en 2007 et qui se situeront bien au-dessous de ce montant en 2008. La diminution sera plus prononcée en 2009.

La balance commerciale non pétrolière qui était de - 4,336 milliards de dollars à fin 2006 atteindra un solde négatif d'environ 7 milliards de dollars. Les importations qui se sont élevées à 8,899 milliards de dollars en 2006 ont atteint 11,855 milliards en octobre, poussées en grande partie par l'expansion des dépenses publiques et des envois de devise. Par contre, les exportations non pétrolières ont diminué leur rythme de croissance, et connaîtront une forte réduction en 2009 du fait de la baisse de la demande à l'extérieur et de prix plus avantageux offerts par d'autres pays. Le système bancaire expérimente une certaine réduction ou limitation des lignes de crédit internationales, qui se reflète dans la diminution des ressources financières à disposition des secteurs réels de l'économie.

La baisse des exportations pétrolières et non pétrolières, des envois de fonds et des flux de capitaux entraînera une limitation à 5 milliards de dollars des apports à l'économie, soit 10 % du PIB. En conséquence, le PIB et l'emploi se contracteront de manière importante. Ces impacts négatifs et les voies de solution sont rendus notablement plus difficiles par le non paiement de la dette extérieure, l'absence d'épargne pendant les temps de prospérité, le maintien d'une politique expansive de dépenses publiques, des politiques décourageant l'investissement et l'entrée de capitaux, le peu d'efforts faits pour diversifier les exportations, etc.

Coûteuses opportunités perdues

En décembre 2006, la situation économique de l'Equateur était l'une des meilleures des dernières décennies : inflation à 2,9 %, rapport dette extérieure/PIB de 24,5 %, excédent du secteur public non financier (SPNF) de 3,3 %, dépenses totales du SPNF de 26,2 %, moyenne de la croissance 2000-2006 de 4,8 %, épargne pétrolière de 1,3 milliard de dollars. Ce scénario favorable n'a pas été utilisé pour trouver les consensus nécessaires quant au modèle d'Etat et de développement, en fonction de l'investissement privé, de la liberté de commerce et de la compétitivité qui impulsent la croissance de l'économie et l'emploi. Le choix d'une direction opposée et un modèle dépendant du pétrole présenteront en 2009 un scénario économique et social difficile à surmonter.

COMMENTAIRES

Les chiffres et les analyses présentés par l'"Observatorio de la Politica Fiscal" sont suffisamment éloquents pour qu'il soit superflu d'y insister.

Face à de telles critiques, reprises par de nombreux commentateurs dans la presse et les médias, Rafael Correa a, comme à son habitude, tenté de les discréditer : elles seraient le fait d'économistes orthodoxes, inféodés au FMI et à la Banque mondiale, de ceux qui préconisaient, avant la révolution citoyenne, d'utiliser les fonds de réserve pétroliers pour payer la dette extérieure plutôt que la dette sociale.

Il convient de rappeler que, pendant plusieurs mois, le président s'est moqué de ces oiseaux de mauvais augure, invoquant la solide situation économique de l'Equateur qui permettrait à ce pays d'échapper aux conséquences funestes de la crise mondiale. C'était avant l'effondrement des prix du pétrole.

Face aux inéluctables séquelles probables de cette crise, la deuxième ligne de défense du président est d'imputer la responsabilité de la situation difficile du pays à cette même crise et au capitalisme mondial, selon un autre de ses comportements invétérés qui est de ne jamais reconnaître ses responsabilités dans ce qui va mal. Le socialisme du XXIe siècle peut-il faire mieux ? Une réponse partielle à cette question, ci-dessous.

Depuis, l'approche économique et budgétaire du gouvernement est devenue plus réaliste, même si la rhétorique de la révolution citoyenne reste toujours flamboyante, élections obligent. Paradoxalement, un certain nombre de mesures prises par le gouvernement semblent directement inspirées par les lettres d'intention du FMI, au temps où régnait la partidocratie, qui ne les a jamais appliquées sérieusement.

Par exemple, la dernière en date, la diminution de 40 % de la pension versée aux retraités qui continuent à travailler, et dont le montant est supérieur à 218 dollars mensuels. Pourquoi 218 dollars ? Parce que c'est le salaire de base pour 2009. Il est intéressant de constater que, cette année, le pourcentage d'augmentation correspond à l'inflation de l'année 2008, mesure également recommandée autrefois par le FMI. Pourtant, la 25e disposition transitoire de la nouvelle constitution prévoit que "La révision annuelle du salaire de base se réalisera avec un caractère progressif jusqu'à atteindre le salaire digne disposé dans cette constitution. Le salaire de base tendra à être équivalent au coût du panier familial." (C'est moi qui souligne). Il faut savoir que le montant du panier familial de base se monte en janvier 2009 à 512,03 dollars (pour une famille de quatre personnes dans laquelle 1,6 personnes perçoivent un revenu). Nous sommes loin du compte.

Mais revenons sur la mesure imposée aux retraités, dans sa première version - des modifications sont à l'étude pour tenir compte des violentes critiques qu'elle a suscitées -. L'économie réalisée par le gouvernement serait de seulement 8,5 millions de dollars par an, mais des milliers de familles seraient un peu plus poussées vers la pauvreté. L'article 36 de la même constitution prévoit que "Les personnes âgées [de plus de 65 ans] recevront une attention prioritaire et spécialisée dans les domaines public et privé, en particulier en ce qui concerne l'inclusion sociale et économique et la protection contre la violence." Je ne sais pas comment il faut interpréter le paragraphe 2 de l'article 37 qui établit que "L'Etat garantira aux personnes âgées […] le travail rémunéré, en fonction de leurs capacités, en vertu de quoi on prendra en compte leurs limitations." Il me semble que c'est leur reconnaître le droit au travail, quelles que soient les circonstances, sans tenir compte de leur statut de retraités ou non. Les associations de retraités devraient plaider l'inconstitutionnalité de cette mesure devant la Cour constitutionnelle.

Il me paraît important de citer d'autres chiffres qui concernent une autre sous-population vulnérable et qui remettent à sa juste place la prétention de ce gouvernement à avoir résolu tous les problèmes des classes populaires - "la salud ya es de todos" comme le dit un slogan mensonger - : selon le Programme alimentaire mondial (PAM), le 26 % de la population de 0 à 5 ans souffre en 2008 de dénutrition chronique ; ce pourcentage s'élève à 37,5 % dans les régions rurales et à plus de 40 % dans les communautés indigènes.

Pourtant, dans un document du ministère du Bien-être social (devenu depuis ministère de l'Inclusion économique et sociale MIES), daté de décembre 2006, intitulé "Politique sociale du gouvernement constitutionnel de Rafael Correa", il y a de nombreuses références à la dénutrition infantile, considérée comme "un grand problème social requérant une attention urgente" (p. 4.). Page 11, il est indiqué que le 20 % des enfants de moins de 5 ans souffrent de dénutrition chronique. Page 29, figure le slogan "pas un seul enfant souffrant de la faim et de la dénutrition". L'objectif pour 2010 est de réduire la dénutrition chronique de 20 à 12 %. Un autre document, non daté, intitulé "Les objectifs du développement humain de l'Equateur", émanant du Senplades (Secretaria Nacional de Planificación y Desarollo), fait également référence à la dénutrition. L'objectif 2, "Améliorer les capacités des citoyens", comprend un sous-objectif 4 "Promouvoir la réduction de la dénutrition."

Le 8 juin 2008, une note de presse du MIES annonce la convocation du 3e processus d'assignation compétitive de ressources pour un montant de 60 millions de dollars, destiné au financement de services pour les enfants issus des populations les plus vulnérables. Le 1er mars 2009, une note locale du quotidien La Hora, édition Imbabura, informe les lecteurs, sous le titre "L'ORI (Operación Rescate Infantil) dispose désormais de ressources", que "les centres de développement infantile de la province étaient en crise, car ils ne comptaient pas sur les ressources nécessaires. Des 49 centres existants, 26 seulement fonctionnaient à mi-février. [...] L'apport s'élève à 348.000 dollars et 700 enfants en seront les bénéficiaires."

Difficile de comprendre pourquoi, malgré la priorité urgente dont devrait bénéficier cette mesure, malgré les énormes moyens dont disposait le gouvernement pendant les années 2007-2008, l'institution clé de la lutte contre la dénutrition chronique ne dispose toujours pas des ressources nécessaires, deux ans après l'arrivée de Rafael Correa au pouvoir, avec, pour conséquence, que le pourcentage d'enfants souffrant de dénutrition chronique, loin de se situer à 16 % comme prévu, a augmenté à 26 %.

Le directeur du PAM en Equateur a récemment déclaré : "Rien ne justifie qu'un pays aux revenus moyens comme l'Equateur présente le pire taux de dénutrition infantile".

CONCLUSION

Cet exercice d'analyse n'est ni gratuit ni théorique, car le but de l'Observatoire, rappelons-le, est de prioriser dans le budget de l'Etat les dépenses en faveur du développement humain.

Or, sur trois problèmes ponctuels, mais qui touchent aux cibles privilégiées de la nouvelle constitution et de la planification gouvernementale - les populations d'attention prioritaire -, les mesures prises sont incohérentes (personnes âgées), inefficaces (enfants de moins de cinq ans) et insuffisantes (bas salaires).

Par contraste, pourquoi tant de millions dépensés à des fins électoralistes ? Personne ne sait combien coûtent les incessants déplacements du président et de ses ministres dans tous les coins de l'Equateur. Ce n'est qu'un détail, mais combien révélateur : le coût de l'heure de vol de l'avion présidentiel s'élève à 2816 dollars, selon les données fournies par le constructeur brésilien, sur la base de 500 heures annuelles. Personne ne sait non plus quel est le coût réel des intenses communication et propagande gouvernementales et présidentielles.

Pourquoi tant de millions dépensés pour l'acquisition de matériel militaire (415 millions de dollars en 2008), alors qu'aucune menace extérieure n'affecte la sécurité de l'Equateur ? L'attaque colombienne contre le campement de Raul Reyes ne visait pas l'Etat équatorien. La lutte contre les incursions des groupes armés illégaux colombiens n'est pas seulement de caractère militaire. C'est autant un problème d'ordre public qui concerne la police et la justice. C'est enfin, et surtout, un problème de développement économique et social de la zone frontalière. Quel est l'impact réel du Plan Ecuador présenté à grand fracas en avril 2007 pour faire pièce au Plan Colombia ? Nul, sauf erreur de ma part.

A quoi sert l'outil sophistiqué de planification du Senplades s'il opère sans relation avec le système d'assignation des ressources nécessaires à l'accomplissement des objectifs fixés ?

Ce ne sont que trois questions, parmi beaucoup d'autres, qui me font douter de la justesse des choix économiques et budgétaires de Rafael Correa, lequel décide de tout dans ce pays.

En tout cas, j'ai une certitude : il n'est pas le meilleur économiste de l'Equateur.

2 mars 2009


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