Nouvelles du Petit Paradis en Equateur
La vie quotidienne dans le nord des Ande équatoriennes
Note de lecture :FORCES ET FAIBLESSES DU TOURISME DANS LES PAYS ANDINS
Le World Economic Forum vient de publier un important rapport "The Travel & Tourism Competitiveness Report 2007" qui présente les avantages et désavantages compétitifs de 124 pays des cinq continents dans le domaine du voyage et du tourisme.
J'en ai extrait les résultats des quatre pays andins - Equateur, Colombie, Pérou et Bolivie - pour les comparer entre eux. Même si les perspectives sont celles du WEF, c'est-à-dire plus centrées sur les intérêts des hommes d'affaires et des investisseurs que sur ceux des touristes, les conclusions qu'on peut en tirer sont assez éclairantes, notamment sur les attentes irréalistes des gouvernements de la région quant à la contribution du tourisme international au développement national. Les treize piliersCette évaluation est basée sur 13 variables et 58 indicateurs regroupés en 3 catégories établissant une note unique comprise entre 0 et 7. Le pays no 1 est la Suisse (5,7), et le pays no 124 est le Tchad (2,7). Les 13 variables sont définies par une note et un rang allant de 1 à 124, alors que les indicateurs ne le sont que par le rang. Les trois catégories sont :
Je n'examinerai que les facteurs présents dans chacun des profils nationaux. Une première approcheJe vais tout d'abord classer les quatre pays selon leur note unique, qui est comprise entre 0 et 7, et leur rang sur les 124 pays considérés :
Dans un deuxième temps, je présente les résultats les plus évidents pour chaque pays selon les treize variables en fonction du 1er quintile (les forces) et du 5e quintile (les faiblesses). En effet, les résultats situés dans les 2e, 3e et 4e quintiles sont moins discriminants. J'utilise le rang, qui offre un effet de loupe sur les différences, soit un résultat compris entre 1 et 25 pour le 1er quintile et 101 à 124 pour le 5e :
Une première constatation : en utilisant ce critère, le classement reste cohérent. Une deuxième : ces pays n'obtiennent aucun résultat dans le 1er quintile. Plus de détailsA partir de là, j'examine les 58 facteurs, pays par pays, en reprenant le critère de classement selon le 1er quintile (avantages compétitifs) et le 5e quintile (désavantages compétitifs).
COLOMBIE
PEROU Remarque : Etant donné l'importance des facteurs santé, j'ai pris en considération deux facteurs de rang 100, un point inférieur au 5e quintile.
EQUATEUR Remarque : J'ai à nouveau retenu un facteur de rang 100 du fait de son importance.
BOLIVIE COMMENTAIRES 1. Ce classement est-il objectif ? Sauf erreur de ma part, c'est la première fois qu'une organisation internationale publie un rapport sur les facteurs qui influencent la compétitivité dans l'industrie touristique, et donc les déterminants du voyage et du tourisme. Ce rapport représente un effort significatif pour objectiver les termes de la comparaison, dans la perspective du WEF - ce qu'on ne peut pas lui reprocher -, mais ce qui signifie que d'autres facteurs ont été laissés de côté : ceux qui intéressent les touristes et pas les hommes d'affaires. Les motivations des uns et des autres peuvent se rejoindre sur un bon nombre des critères pris en considération, mais dans une certaine conception du tourisme, je dirai de masse, sans donner à ce terme de connotation péjorative, c'est-à-dire requérant des investissements importants. La qualité d'une recherche de ce genre repose sur le choix des facteurs retenus et aussi sur la fiabilité et l'exhaustivité des informations qui servent à les établir. Tout en n'ayant pas les moyens de vérifier si tel est vraiment le cas, je m'autoriserai à critiquer l'utilisation de certains facteurs en temps voulu, à partir des deux pays que je connais le mieux, l'Equateur et la Colombie. On peut également espérer que le WEF améliore peu à peu la pertinence de son outil, au fil des prochains classements annuels. 2. Ce classement est-il équitable ? Comparer la Suisse et le Tchad peut paraître absurde pour des raisons qu'il me semble inutile de développer. Cependant, dans la mesure où les pays du Sud ont comme projet d'attirer les touristes du Nord, il me semble que la démarche est justifiée. Elle permet aux décideurs gouvernementaux et privés de voir clairement sur quoi ils devront porter leurs efforts. D'autre part, ce classement n'est pas immuable, il évoluera nécessairement en fonction de la situation de chaque pays, surtout si l'on prend en compte le long terme. Enfin, la "comparaison qui est raison" est en priorité régionale, comme je tente de le faire avec les quatre pays andins. 3. Le classement des quatre pays andins La première place de la Colombie peut paraître surprenante, étant donné la situation interne du pays, mais elle s'explique probablement par le fait que le tourisme international y est concentré sur quelques villes réputées sûres : Carthagène, Bogota, Villa de Leyva, les Iles de San Andres et Providencia, etc. Une deuxième remarque porte sur la relation entre note et rang : un dixième de point de différence entre le Pérou et la Colombie entraîne une différence de 9 rangs, et de 12 rangs entre la Bolivie et l'Equateur. Il serait donc préférable de centrer l'analyse sur les notes, si celles-ci étaient disponibles, plutôt que sur les rangs. Enfin, une fois encore, le classement est conforté selon le nombre de désavantages compétitifs : Colombie 5, Pérou 9, Equateur 16, Bolivie 18, alors que le nombre d'avantages compétitifs varie entre 4 et 5. 4. Principales convergences En poussant un peu plus loin l'analyse, je m'arrête à d'abord à ce qu'il y a de semblable entre les quatre pays. Un premier point saute aux yeux : la sécurité. Dans toute la région, c'est un des principaux désavantages compétitifs. Le terrorisme joue un rôle particulier en Colombie et au Pérou, mais l'incidence de la criminalité et de la délinquance est élevée partout. Une deuxième point concerne les formalités d'obtention du visa, qui constitue un avantage compétitif, notamment pour les voyageurs impulsifs des pays du nord : ils peuvent à la dernière minute sauter dans un avion et obtenir en débarquant un visa touristique allant jusqu'à 90 jours. Un troisième point concerne l'immatriculation à l'école primaire, qui concerne la force de travail dans le secteur touristique. Certes, le taux d'immatriculation peut être proche de 100 %, mais j'ai peine à comprendre pourquoi ce facteur est un avantage compétitif, sachant que dans toute la région la désertion scolaire est élevée, au moins dans les régions rurales, et qu'une proportion non négligeable des élèves n'achève pas le cycle primaire, ce qui a pour conséquence que l'acquisition des connaissances de base - lire, écrire, calculer - n'est pas stabilisée. Enfin, le risque lié à la malaria et à la fièvre jaune, qui concerne également la force de travail, et aussi les touristes, est partout élevé ou très élevé. A partir du point suivant, les convergences ne concernent que trois pays sur quatre. Un avantage compétitif est le prix du carburant, qui assure un coût avantageux des transports terrestres. Exception, le Pérou. Les points suivants sont tous des désavantages compétitifs. Les droits de la propriété sont mal protégés, sauf en Colombie.Les gouvernements font peu d'efforts pour réduire les risques d'une pandémie, à l'exception de la Colombie. Le réseau ferroviaire est pratiquement inexistant, à l'exception du Pérou. La qualité du système éducatif ne satisfait pas les besoins d'une économie compétitive, sauf en Colombie. Les impôts sur les billets d'avion et les taxes d'aéroport sont élevés, sauf en Equateur. Pourtant, la taxe de sortie internationale de l'aéroport de Quito est, dit-on, la plus élevée d'Amérique latine. 5. Deux par deux Certains facteurs liés à des désavantages compétitifs sont plus présents dans le couple Equateur-Bolivie. Cela concerne d'abord la réglementation gouvernementale qui est peu favorable aux investissements étrangers et à la protection de la propriété. Il s'agit ensuite des régulations environnementales et de la priorité que le gouvernement porte aux voyage et tourisme durables. Egalement la priorité que le gouvernement porte à l'industrie touristique, l'efficacité marketing et image (pour attirer les touristes), le niveau de formation du personnel, des désavantages compétitifs qui portent tous sur l'industrie touristique, ainsi que la fiabilité des services de police, le réseau de transport intérieur. Pour autant, ces huit points ne constituent pas des avantages compétitifs pour la Colombie et le Pérou. Enfin, la Colombie et la Bolivie ont une bonne densité d'aéroports. 6. Un par un Il s'agit de caractéristiques propres à un seul pays. L'étendue et l'effet de l'imposition décourage le travail et l'investissement en Colombie. Au Pérou, l'ouverture des accords bilatéraux sur le service aérien explique probablement le fait que l'aéroport de Lima est un hub régional en rapide croissance. Les sites inscrits au Patrimoine de l'humanité y sont plus nombreux que dans les autres pays. L'Equateur dispose de zones protégées nationales plus nombreuses (parcs nationaux). Contrairement à ce qui se passe en Colombie, elles offrent un bon niveau de sécurité. Désavantages compétitifs, toujours en Equateur : facilité à embaucher du personnel étranger et procédures d'embauche et de congé, dans la mesure où les employeurs tiennent à respecter ces procédures, car les contrôles de l'Inspection du travail sont laxistes. En Bolivie, l'infrastructure routière laisse à désirer, comme l'attitude envers les touristes. Les hommes d'affaires locaux ne recommandent pas de poursuivre un voyage d'affaires par un voyage touristique. Les entreprises utilisent peu l'Internet. Le niveau de VIH chez les employés du secteur touristique constitue un avantage compétitif (!) - chacun sait que les femmes de chambres et les serveurs peuvent consoler les touristes, mâles ou femelles, solitaires -, à condition que les statistiques de prévalence de cette maladie soient fiables. Le mauvais score de l'infrastructure portuaire me laisse perplexe, étant donné que la Bolivie n'a pas d'accès à la mer. 7. Synthèse Cette analyse un peu plus détaillée confirme ce que les notes uniques indiquent : il n'y a pas de différence considérable entre ces quatre pays sur le plan de la compétitivité du voyage et du tourisme. Il serait difficile d'utiliser les résultats de cette comparaison pour recommander plus particulièrement un pays aux dépens des trois autres. Cependant, si l'on introduit un critère qui n'a pas été pris en compte par l'étude, la situation politique intérieure, les différences s'accentuent. En effet, à part le Pérou, cette situation est passablement troublée dans les trois autres pays. Si l'on peut penser que les turbulences s'apaiseront en Colombie en raison de la capacité du système judiciaire à traiter la question de l'infiltration du paramilitarisme dans le gouvernement et les institutions, les perspectives sont moins claires en ce qui concerne l'évolution, assez similaire, de l'Equateur et de la Bolivie, où l'issue et l'impact des changements en cours sont peu prévisibles. On peut en déduire un environnement encore moins favorable aux investisseurs et aux entreprises étrangères que cela ne ressort du rapport, notamment pour les grands projets touristiques. Ce qui ne signifiera pas nécessairement une attitude plus hostile aux touristes étrangers dans ces deux pays, mais entraînera sans doute une période prolongée de troubles, peu favorable à ce que la majorité des touristes attendent d'un séjour de vacances lointaines, avant que la situation intérieure ne se stabilise. 23 mars 2007 |