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Sur le piège de la déclaration d'Alger

La déclaration d'Alger: avancée historique ou ruse?
Brian Farenell
(c) 11 septembre 1999

Le mois passé s'est tenu le sommet annuel des chefs d'État de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en Algérie. Les dirigeants ont adopté la déclaration d'Alger `banissant' les coups d'état et se sont félicités ensuite de cette décision supposément révolutionnaire. Tout futur putschiste serait interdit de participer à l'OUA jusqu'à ce que l'ordre consitutionnel soit rétabli. Cette déclaration serait un tournant historique après presque quatre décennies pendant lesquelles la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays-membres était le principe le plus sacré de l'OUA. Qui pourrait s'opposer à cette déclaration visant à éliminer les violences politiques, les coups de force et les attenants contre la démocratie? Sauf que la déclaration est insuffisante. Et cette insuffisance, loin d'être bénigne, menace l'ordre constitutionnel sur le continent.

Selon la déclaration d'Alger, le renversement de gouvernement est l'unique danger, la seule source des maux qui sévissent l'Afrique. Ce qui n'est pas le cas. L'autre menace à la démocratie est ces leaders qui se servent de leur autorité pour harcéler leur opposants. Ces dirigeants se disent garants de la consitution mais ce sont surtout eux qui en abusent et ensuite nuisent au bon fonctionnement de l'ordre constitutionnel. La déclaration d'Alger est insuffisante puisqu'elle ne tient pas compte des chefs d'état qui atteintent l'ordre constitutionnel par d'autres moyens. Ceux qui empêchent les militants de l'opposition ayant osé de faire une marche paisible ou emprisonnent les journalistes qui font de la lumière sur les affaires de corruption ou d'abus de pouvoir.

Ces violations contre les constitutions nationales ainsi que contre la Chartre de l'OUA ne seraient pas sanctionnées par la déclaration d'Alger. Récemment, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a accordé une entrevue au Financial Times de Londres. Il a qualifié l'annulation des éléctions de 1992 dans son pays d'un `acte de violence.' C'est une première. Un président reconnaît que les abus de pouvoir constituent une attaque contre la stabilité et la paix toute comme les attentats à la bombe ou les assassinats. Jadis, c'était toujours l'opposition qui était auteure de violence politique (selon le pouvoir). A écouter les autocrates africains, ça reste comme tel ailleurs.

Par ailleurs, un nombre troublant de présidents actuels sont parvenus au pouvoir par... le même genre de coup d'état qui sera désormais sanctionné (mais qui restait impunis alors). Ils sont 21 qui auraient été interdits si la déclaration d'Alger était mise en oeuvre à la naissance de l'OUA.

Et n'oublions pas le cas du Mali. Malgré les révindications populaires au début des années 90, le régime de Moussa Traoré a refusé de se soumettre aux réformes démocratiques exigées par les foules. Il a fallu un coup d'État pour mettre fin à son règne sanguinaire. Le leader du putsch, le général Amadou Toumani Touré, demeure l'un des personnages les plus adorés et respectés non seulement au Mali mais en Afrique entière. Si ATT avait attendu jusqu'en 1999 pour renverser le dictateur, il se serait trouvé exclu de l'OUA.

Au fond, la déclaration d'Alger est bonne en principe mais dangereuse en pratique. L'Afrique comprend de nombreux autocrates qui se cachent derrière une façade de démocratie et d'ordre constitutionnel. Bédié (Côte d'Ivoire), Taylor (Liberia), Compaoré (Burkina), Jammeh (Gambie) et Mugabe (Zimbabwe) pour n'en citer que quelques uns. Si ces dictateurs se servent de la déclaration d'Alger pour enraciner davantage leur pouvoir perpetuel, les souhaits des vrais chefs d'État démocrates d'Afrique ne seront pas réalisés. Si les dirigeants africains voulaient sincèrement avoir une déclaration d'Alger efficace, ils en auraient fait rétroactive.



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Page mise à jour: le 16 décembre '00, 11h55 heure de l'Est

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