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La poésie française

Les Poètes

LES POÈTES FRANÇAIS

BAUDELAIRE, Charles (1821-1867)

L'ENNEMI

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,

Traversé çà et là par de brillants soleils;

Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,

Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,

Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux

Pour rassembler à neuf les terres inondées,

Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve

Trouveront dans ce sol lavé comme une grève

Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?

Ô douleur! ô douleur! le Temps mange la vie,

Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur

Du sang que nous perdons croît et se fortifie!


LE VAMPIRE

Toi qui, comme un coup de couteau,

Dans mon coeur plaintif es entrée;

Toi qui, forte comme un troupeau

De démons, vins, folle et parée,

De mon esprit humilié

Faire ton lit et ton domaine;

- infâme à qui je suis lié

Comme le forçat à la chaîne,

Comme au jeu le joueur têtu,

Comme à la bouteille l'ivrogne,

Comme aux vermines la charogne,

- maudite, maudite sois-tu!

J'ai prié le glaive rapide

De conquérir ma liberté,

Et j'ai dit au poison perfide

De secourir ma lâcheté.


LE SERPENT QUI DANSE

Que j'aime voir, chère indolente,

De ton corps si beau,

Comme une étoffe vacillante,

Miroiter la peau!

Sur ta chevelure profonde

Aux âcres parfums,

Mer odorante et vagabonde

Aux flots bleus et bruns,

Comme un navire qui s'éveille

Au vent du matin,

Mon âme rêveuse appareille

Pour un ciel lointain.

Tes yeux, où rien ne se révèle

De doux ni d'amer,

Sont deux bijoux froids où se mêle

L'or avec le fer.

À te voir marcher en cadence,

Belle d'abandon,

On dirait un serpent qui danse

Au bout d'un bâton.

Sous le fardeau de ta paresse

Ta tête d'enfant

Se balance avec la mollesse

D'un jeune éléphant,

Et ton corps se penche et s'allonge

Comme un fin vaisseau

Qui roule bord sur bord et plonge

Ses vergues dans l'eau.

Comme un flot grossi par la fonte

Des glaciers grondants,

Quand l'eau de ta bouche remonte

Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de Bohême,

Amer et vainqueur,

Un ciel liquide qui parsème

D'étoiles mon coeur!


LE POISON

Le vin sait revêtir le plus sordide bouge

D'un luxe miraculeux,

Et fait surgir plus d'un portique fabuleux

Dans l'or de sa vapeur rouge,

Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.

L'opium agrandit ce qui nà pas de bornes,

Allonge l'illimité,

Approfondit le temps, creuse la volupté,

Et de plaisirs noirs et mornes

Remplit l'âme au delà de sa capacité.

Tout cela ne vaut pas le poison qui découle

De tes yeux, de tes yeux verts,

Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers...

Mes songes viennent en foule

Pour se désaltérer à ces gouffres amers.

Tout cela ne vaut pas le terrible prodige

De ta salive qui mord,

Qui plonge dans l'oubli mon âme sans remord,

Et, charriant le vertige,

La roule défaillante aux rives de la mort!

LES LITANIES DE SATAN

Ô toi, le plus savant et le plus beau des Anges,

Dieu trahi par le sort et privé de louanges,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Ô Prince de l'exil, à qui l'on a fait tort,

Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort.

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Toi qui sais tout, grand roi des choses souterraines,

Guérisseur familier des angoisses humaines,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Toi qui, même aux lépreux, aux parias maudits,

Enseignes par l'amour le goût du Paradis,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Ô toi qui de la Mort, ta vieille et forte amante,

Engendras l'Espérance, - une folle charmante!

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Toi qui fais au proscrit ce regard calme et haut

Qui damne tout un peuple autour d'un échafaud,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Toi qui sais en quels coins des terres envieuses

Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Toi dont l'oeil clair connaît les profonds arsenaux

Où dort enseveli le peuple des métaux,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Toi dont la large main cache les précipices

Au somnambule errant au bord des édifices,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os

De l'ivrogne attardé foulé par les chevaux,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Toi qui, pour consoler l'homme frêle qui souffre,

Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Toi qui poses ta marque, ô complice subtil,

Sur le front du Crésus impitoyable et vil,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Toi qui mets dans les yeux et dans le coeur des filles

Le culte de la plaie et l'amour des guenilles,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Bâton des exilés, lampe des inventeurs,

Confesseur des pendus et des conspirateurs,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

Père adoptif de ceux qu'en sa noire colère

Du Paradis terrestre a chassés Dieu le Père,

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!

prière

Gloire et louange à toi, Satan, dans les hauteurs

Du Ciel, où tu régnas, et dans les profondeurs

De l'Enfer, où, vaincu, tu rêves en silence!

Fais que mon âme un jour, sous l'Arbre de Science,

Près de toi se repose, à l'heure où sur ton front

Comme un Temple nouveau ses rameaux s'épandront!


LA MORT DES AMANTS

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,

Des divans profonds comme des tombeaux,

Et d'étranges fleurs sur des étagères,

Écloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,

Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,

Qui réfléchiront leurs doubles lumières

Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,

Nous échangerons un éclair unique,

Comme un long sanglot tout chargé d'adieux;

Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,

Viendra ranimer, fidèle et joyeux,

Les miroirs ternis et les flammes mortes.


LE LÉTHÉ

Viens sur mon cœur, âme cruelle et sourde,

Tigre adoré, monstre aux airs indolents;

Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants

Dans l'épaisseur de ta crinière lourde;

Dans tes jupons remplis de ton parfum

Ensevelir ma tête endolorie,

Et respirer, comme une fleur flétrie,

Le doux relent de mon amour défunt.

Je veux dormir! Dormir plutôt que vivre!

Dans un sommeil aussi doux que la mort,

J'étalerai mes baisers sans remords

Sur ton beau corps poli comme le cuivre.

Pour engloutir mes sanglots apaisés

Rien ne me vaut l'abîme de ta couche;

L'oubli puissant habite sur ta bouche,

Et le léthé coule dans tes baisers.

À mon destin, désormais mon délice,

J'obéirai comme un prédestiné;

Martyr docile, innocent condamné,

Dont la ferveur attise le supplice,

Je sucerai, pour noyer ma rancœur,

Le népenthès et la bonne ciguë

Aux bouts charmants de cette gorge aiguë,

Qui n'a jamais emprisonné de cœur.

RIMBAUD

À venir...

VERLAINE, Paul. (1844-1896)

CHANSON D'AUTOMNE

Les sanglots longs

Des violons

De l'automne

Blessent mon coeur

D'une langueur

Monotone.

Tout suffocant

Et blême, quand

Sonne l'heure,

Je me souviens

Des jours anciens

Et je pleure;

Et je m'en vais

Au vent mauvais

Qui m'emporte

Deca, delà

Pareil à la

Feuille morte.

lilly_p@hotmail.com

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