POUR LA MÉMOIRE : CONTRE-RAPPORTles dix affaires qui ébranlèrent le monde universitaire lyonnais (1978-1999) |
" J’aimerais que l’historien fût
intrépide et incorruptible, indépendant, amoureux de la
franchise et de la vérité, capable d’appeler un chat un
chat, dénué de haine et de partialité, sévère,
impitoyable, affranchi de toute honte, de toute timidité, juge
inflexible, compréhensif vis-à-vis des deux partis, mais
ne leur accordant jamais plus que ce qui leur est dû, ne tenant
compte dans ses écrits ni des villes ni des pays, ne s’inclinant
devant nulle autorité, devant nulle majesté, et, sans s’inquiéter
de ce qu’en penseront tel ou tel, soucieux seulement de consigner les
faits tels qu’ils se sont produits. "
Lucianus Samosatensis (125-192),
Traité sur la manière d’écrire l’Histoire.
1- NOS ASSOCIATIONS ONT LU LE " RAPPORT COMTE ".Engagées depuis des années
dans un combat commun contre le négationnisme, nos associations
attendaient de l’Université, à l’occasion de l’Affaire
Plantin, que toute la lumière soit faite avec rigueur. C’était
le vœu exprimé par M. Bruno Gelas, président de l’Université
Lyon 2, lorsqu’il a confié à M. Bernard Comte la rédaction
d’un rapport sur toutes les affaires " touchant de près ou de
loin au négationnisme " dans l’université lyonnaise. 2- LE RÉSULTAT N’EST PAS À LA HAUTEUR DE L’ANNONCE.Nous jugeons le résultat plus que décevant. Le " Rapport Comte " est : * Une indigence historique : Non seulement il ne cite pas les faits (jamais n’est montré le négationnisme des Faurisson, Notin, etc.) ni ses sources (ce qui est grave pour un historien), mais il ignore les documents les plus essentiels et significatifs pour aboutir au leitmotiv " il n’y a pas de preuve que ", se contentant le plus souvent de reprendre à son compte le " ouï-dire " universitaire qui édulcore, cache, minimise. * Une faute éthique : Au lieu de faire la vérité, il tente d’effacer les responsabilités institutionnelles. La méthode, surprenante, est annoncée d’entrée : " Le retentissement de ces affaires à répétition a été propice aux simplifications et amalgames qui faisaient des deux universités des foyers de révisionnisme et de la "capitale de la Résistance" celle du négationnisme. Le but de cette étude, demandée par Bruno Gelas, président de Lyon 2, au lendemain du procès de mai, est de revenir des mythes aux faits " (p. 3). Le " Rapport Comte " présuppose que les affaires de négationnisme (et non pas de " révisionnisme " qui est le mot par lequel se désignent eux-mêmes les négationnistes), relèvent du " mythe ". Alors que l’Université est le centre de la transmission du savoir, elle s’exonère, par ce rapport, des manquements à ses missions. * Une erreur politique : En attaquant vivement les associations qui ont mené le combat contre le négationnisme, en contestant la validité de la loi Gayssot, loi antiraciste de la République qui a permis de condamner Plantin, le Rapport Comte se situe aux antipodes de ce que l’on était en droit d’attendre d’une université qui doit répondre de faits graves (Diplôme de D.E.A. délivré irrégulièrement au négationniste Plantin). Ceux qui se sont levés contre le racisme ne méritent pas qu’on les écarte ainsi d’un revers de manche. Toujours plus documentés, souvent très motivés, ils servent en principe la même cause que l’Université. Ce parti pris et ses conclusions qui n’ont qu’un rapport lointain avec la vérité (la thèse du " hasard " et de la " coïncidence ") ravalent l’Université Lyon 2 au niveau des attitudes trop connues à Lyon III. Pour nos associations, la bonne volonté
du président Gelas n’est pas en cause. Par contre, le choix du
rapporteur, membre de Lyon 2 et déjà intervenant avec
le même esprit d’absolution dans les affaires Touvier et Carrel,
est une bévue. 3- UN CONTRE-RAPPORT POUR AIDER L’UNIVERSITÉ.Notre objectif est de faire en sorte que Lyon ne puisse plus à l’avenir être la " capitale du négationnisme ". Pour cela il ne faut pas utiliser la méthode Coué (" elle ne l’est pas puisqu’on vous dit qu’elle ne l’est pas... ") en se voilant la face. Il faut, au contraire, tout exposer honnêtement, et appliquer enfin les recommandations émises par le Comité National d’Évaluation des Universités en 1992 pour Lyon III : " Dès que des manquements à cette déontologie sont constatés, les autorités universitaires doivent les sanctionner. Cette responsabilité est la leur. Aucune autre instance ne peut l’exercer à leur place. C’est bien la communauté universitaire et elle seule qui doit intervenir. Elle doit le faire sans hésitations, sans retard, sans faiblesses, sans céder à la tentation parfois grande d’étouffer une "affaire". Cette rigueur, cette fermeté, pour tout dire cette loyauté sont attendues des universitaires. Qui ne comprendrait aujourd’hui que, sur ce terrain, c’est l’image et l’avenir de l’institution universitaire qui sont en jeu. " C’est dans cet esprit constructif que, un mois après la publication du Rapport Comte et deux jours avant le procès en appel du négationniste Plantin, nous présentons ce contre-rapport. La " thèse du hasard " invoquée ne résiste pas à l’examen. Nous citons nos sources, nous apportons les documents : ils démentent les conclusions hâtives et mal informées du Rapport Comte. En commençant, actualité oblige, par l’Affaire Plantin, notre contre-rapport remonte le temps pour défendre la mémoire, trop souvent bafouée, et pour que Lyon, ses citoyens et les universités lyonnaises retrouvent leur honneur. Lyon, le 6 décembre
1999.
Cercle Marc Bloch |