"Comment j'ai bâti leur réussite"

Après avoir géré les New Kids on the Block, Donna Wright
n'avait plus de grand projet à se mettre sous la dent.
Le jour où cinq garçons ont chanté pour elle dans un restaurant,
ce fut le coup de foudre. Cette femme venait de trouver sa voie.

Alitée dans sa jolie maison de Floride, Donna Wright n'a plus d'yeux et d'oreilles que pour Kevin, 23 ans, Howie D, 22 ans, Brian, 21 ans, Aj, 18 ans, et Nick, 16 ans, les cinq nouvelles coqueluches faites sur mesure pour les ados du monde entier. De l'Asie à l'Amérique, le groupe Backstreet Boys, formé depuis presque quatre ans maintenant, a conquis, lentement mais sûrement, le coeur des jeunes filles.

En 1993, Donna, qui avait roulé sa bosse avec, entre autres, les New Kids on the Block, Snap et The New Edition, cherchait désespérément un nouveau défi. Les Backstreet Boys étaient tout indiqués, et elle a rapidement signé un contrat de gérance avec eux. Mais le succès n'est pas venu sans effort: il a fallu surmonter certains obstacles pour arriver au sommet.

L'histoire du groupe commence au Kentucky. Kevin Richardson et son cousin, Brian Littrell, engagés dans les chorales de leur paroisse, deviennent peu à peu l'attraction préférée de la famille tellement leurs voix a cappella plaisent. Kevin à tôt fait de s'installer en Floride avec l'ambition de devenir chanteur. Pendant qu'il travaille à Disney Word comme guide, il entend parler de trois jeunes chanteurs talentueux; il entre en contact avec eux et, après les avoir entendus, il leur propose de former un groupe. Dès le lendemain, il prie son cousin de venir le rejoindre en Floride. Six mois plus tard, Donna Wright les rencontre. On connaît la suite.

Tout récemment, alors que ses protégés faisaient une tournée en Allemagne, Donna a subi un accident sur scène qui l'a obligée à retourner d'urgence aux États-Unis. Bien qu'elle soit au repos forcé à la suite d'une opération au genou, les appels téléphoniques ont afflué pendant toute la durée de notre entrevue.

Donna, d'où vient le nom des Backstreet Boys?

Le nom vient d'un lieu très populaire auprès des jeunes et qui se trouve à Orlando, en Floride: il s'agit du Backstreet Market.

Depuis combien de temps vous occupez-vous de la carrière des Backstreet Boys?

J'ai rencontré le groupe pour la première fois il y a maintenant trois an et demi. Le producteur de disques Louis Pearlman lui-même nous les a présentés (à elle et son mari, Johnny) au restaurant Carrions. Nous avions travaillé comme responsables de tournée avec les New Kids on the Block pendant quatre ans et demi quelques années auparavant. Depuis ce temps, nous avions pris en charge le groupe Snap. Nous attendions en quelque sorte la venue d'un nouveau groupe.

Avez-vous eu le coup de foudre en les voyants?

La première fois que je les ai entendus chanter, j'avoue que j'ai eu des frissons dans le dos. Pour nous montrer ce qu'ils savaient faire, ils ont chanté a cappella dans le restaurant. C'était magnifique. Avec leur expérience dans des chorales d'églises, ils produisaient un son semblable à celui des anges: un vrai cadeau venu du ciel. On a tout de suite accepté de les prendre sous notre aile et on a signé un contrat.

Vous preniez le risque...

On voulait les présenter en spectacle devant Whitney Houston et Bobby Brown. À cette occasion, on a rencontré les parents des cinq jeunes ainsi que tous ceux qui avaient participé à leur courte carrière jusque-là. C'était rassurant.

De là, qu'avez-vous fait pour les lancer?

J'ai commencé à travailler 24 heures sur 24, sept jours sur sept, au point où mon mariage en a été quelque peu affecté. Mon mari m'avait acheté un ordinateur pour Noël; c'est la première erreur qu'il a faite. Je me suis attelée devant l'écran pour créer un réseau de contacts afin que mon nouveau groupe se fasse connaître des producteurs de disques. Je faisais parvenir des billets d'avion de première classe à toutes les compagnies de disques aux États-Unis dans l'espoir qu'ils viennent voir les Backstreet Boys se produire, mais on me les renvoyait. On ne s'y intéressait pas.

Vous êtes-vous découragée?

Non. J'ai alors organisé une tournée des écoles dans tout les pays. On se levait le matin à 5 h pour aller donner des spectacles à 8 h, à 9 h et à 10 h. On faisait en moyenne trois spectacles par jour inviter les producteurs de disques à nouveau, mais on me répondait: "Désolés, mais nous ne sommes pas intéressés."

Jusqu'au jour où quelqu'un s'est réveillé...

Justement. Bobby Duckett, des disques Mercury, m'avait renvoyé son billet de première classe comme tous les autres. Je lui ai téléphoné durant un concert des Backstreet Boys dans une école. Au moment de l'appel, j'ai demandé à Howie de faire crier la foule. Oh surprise! Non seulement les filles se sont-elles mises à crier, mais elles se sont lancées en courant vers le groupe. Les gars ont dû quitter précipitamment la scène sous les cris de la foule en délire pour se sauver à l'extérieur en direction de l'autobus. Pendant tout ce temps, mon téléphone cellulaire était ouvert, et Duckett m'entendait réclamer la sécurité. L'homme a été tellement impressionné que, le lendemain, il est venu dans un petit avion pour voir le groupe de près. Il s'est présenté avec un autre producteur de la compagnie, David McPhearson.

Vous deviez être très fière de votre coup!

Oui, mais il fallait encore leur pouver que nos garçons étaient très bons. Nous avons demandé aux responsables du Comfort Inn, l'hôtel où nous logions en Caroline-du-Nord, s'il était possible de transformer une chambre en minu-salle de concert. Ils ont tout de suite collaboré avec nous. Cette fois, Ed Extein, le président de Mercury Reccords, devait être présent. J'ai aussi demandé au père de Nick Carter d'enregistrer sur vidéo ce concert improvisé. Je soupçonnais que Extein voudrait repartir avec une cassette. C'est ce qui s'est passé. Extein m'a dit: " Quand je regarde ces jeunes, je vois un camion de la Brink's passer." C'est tout dire!

La carrière de vos cinq jeunes était donc bien partie...

Effectivement. Mais quand nous avons commencé à enregistrer, Mercury Records n'était pas d'accord avec le style de l'enregistrement. Elle a alors brisé le contrat et nous a laissé tombé. Nous étions très déçus, et il était difficile de faire comprendre aux jeunes ce qui se passait. David McPhearson est cependant resté avec nous. Il a convaincu le vice-président de Jive Records d'assister au concert des Boys devant une foule de 3 500 jeunes de l'organisation SADD( Student Against Destructive Decision) qui n'avaient jamais vu le groupe. Les jeunes filles criaient et s'arrachaient les cheveux. Il m'a demandé: "Êtes-vous certaine que ces filles ne les ont jamais vus?" C'était magique. Moi, je n'en croyais pas mes yeux! Le président de Jive Records n'a pas hésité à signer avec nous.

Comment expliquez-vous cet engouement?

Il y a une chimie qui entoure ces jeunes. Ils sont encore innocents, gentils et très respectueux des autres; ils viennent de bonnes familles qui les ont élevés dans la religion et dans le respect des femmes. D'ailleurs, ils adorent leurs mères et sont polis. Il y a quelque chose d'angélique en eux. Peut-être est-ce leur expérience dans les chorales d'église! Quoi qu'il en soit, il y avait un vide dans le créneau des groupes blancs masculins. On dit même que le mouvement pourrait ressembler à celui qu'ont généré les Beatles: on n'avait pas vu autant d'hystérie depuis.

À partir du moment où vous avez été assurée de l'appui d'une compagnie de disques, comment avez-vous travaillé avec votre groupe?

Comme j'avais été témoin de l'opération de marketing des New Kids on the Block, j'ai appliqué les connaissances que j'avais acquise. Premièrement, nous sommes allés chercher différents producteurs chevronnés pour faire un premier disque: ceux de Shania Twain et de Brian Adams entre autres. Puis je suis partie pour une tournée de promotion radiophonique dans tous les États-Unis. Elle a duré trois mois. Bob Carter, le père de Nick, nous accompagnait ainsi qu'un tuteur pour faire l'école à Nick. Quand nous avons commencé, trois des jeunes fréquentaient encore l'école.

Comment réagissaient les animateurs radio en tournée de promotion?

Certains ne voulaient même pas passer une minute avec nous. Il fallait vraiment que je défonce les portes. On me disait:" C'est un autre histoire comme les New Kids on the Block. On ne veut pas les entendre." Il y avait de la méfiance parce que certains groupes -mais je ne nommerai personne- ont triché le public par le passé. Un jour, un animateur a refusé de nous recevoir, alors je suis allée directement dans le studio enterrompre son émission. J'ai dit à mes jeunes de chanter a cappella, ce qu'ils ont fait, en direct. Des filles se sont mises à téléphoner à la station.

À quel public s'adressent les Backstreet Boys?

Aux filles de 13 à 34 ans. Nick est le plus populaire parce qu'il est le plus jeune: il a 16 ans. Kevin est le plus vieux. Il a 23 ans.

Comment, au départ, vous étiez-vous lancée dans cette carrière de gérance d'artistes?

C'est simple. J'ai toujours été intéressée à la musique, et quand j'ai vu mon futur mari travailler comme D.J. il y a 17 ans, j'ai eu le coup de foudre. J'ai aussi fait ce métier par la suite. Mon mari et moi, nous avons commencé par mettre sur pied un clup pour adolescents, sans alcool, pour leur permettre d'aller danser. Ça faisait contraste avec mes études en éducation pour enfants à l'université! La musique me semblait un défi plus intéressant. Notre première expérience, nous l'avons eue en faisant la promotion des spectacles du groupe The New Edition.

Est-ce qu'on trouve plusieurs femmes dans ce milieu?

Elles sont très rares. La gérance d'artistes est une tâche énorme pour une femme parce que c'est un milieu d'hommes. Il faut être très forte et patiente parce qu'on fait toujours beaucoup de jaloux. Certains essaient même de nous voler notre groupe en lui glissant des offres alléchantes à l'oreille. Les gens me disent qu'ils ne peuvent pas croire que j'aie survécu si longtemps dans ce milieu.

Qu'avez-vous appris de votre expérience avec les New Kids on the Block?

La persévérance et l'art du marketing.

Entre les New Kids et les Backstreet Boys, quel groupe est le plus talentueux, selon vous?

Cette question est difficile parce que ces groupes sont si différents! Les New Kids on the Block étaient intéressants comme individus. Ils étaient tous talentueux et créatifs. Quant aux Backstreet Boys, leur force se trouve dans la qualité de leurs voix. Ça peut déboucher sur une carrière plus riche. Le défi sera de résister à la mode.

Quelles sont les exigences d'une carrière comme celle-là pour ces cinq jeunes?

Un travail acharné, sept jours sur sept. Je leur ai dit qu'ils devraient mettre de côté toute leur vie privée pour se consacrer à leur carrière. Ils appartiennent maintenant à leurs fans. Au départ, ils ont essayé d'avord des copines, mais, comme ils étaient constamment en tournée, les filles les laissaient rapidement tomber.

Quels changements les Backstreet Boys ont-ils forcés dans votre propre vie privée?

Mon mari et moi vivons désormais dans deux maisons distinctes. Nous sortons ensemble comme de nouveaux amoureux. C'est très plaisant puisque, de toute façon, nous travaillons toute la journée ensemble. Mes enfants, qui sont issus d'un premier mariage, ont déjà 16 et 18 ans, alors ils sont autonomes.

Croyez-vous que les Backstreet Boys dureront?

Oui, grâce à leur polyvalence et à leurs voix.

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