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La Rencontre

 

        Ils montaient vers le nord dans le noir de la nuit.  L'homme à la vigie n’avait esquissé mot depuis leur départ d’Espagne.  Mais en ce jour, malgré qu’il ne fût pas certain que ce fût important, il manda le Capitaine sur le pont avant.  Le capitaine Versacci montait au pont de temps à autre et scrutait l'horizon de ses grands yeux verts océan. 

        Le ciel s’emplissait d’étoile alors qu’une île, jusque là demeurée invisible se mit à cracher le feu.  Les marins apeurés restaient muet, se demandant si ce n’était pas là Dieu venu les punir pour avoir été si loin.  Quelques mousses s’étaient cachés, craignant de se faire emporter par les flammes.

        Le capitaine restait passif.  Le volcan en éruption était loin, plusieurs lieux, et il n’y avait pas état de s’alarmer.  Cela signifiait, par contre, qu’il n’était pas encore assez loin.   Ils devaient aller au delà des terres connus pour enfin trouver ce qu’ils étaient venu chercher. 

 

        Ils durent attendre encore longtemps…

 

        Le grand bleu se déroulait à l'infini et sur son huile, emplis d’algues au teints vert d’or, s'imprégnait de la chaleur de l'astre chaud.  Aujourd’hui, la mer semblait plus courte, le ciel plus vaste en revanche, la patience des marins s’amenuisait.

        Les maigres vivres étaient distribués avec parcimonie et le gros de la distribution se résumait à plusieurs litres de rhum par jour.  L’eau ou tout autre breuvage devenait vite éventé et la seule nourriture qui se conservait si longtemps était le lard ou le poisson salé ce qui donnait extrêmement soif.

        Mais, était-ce ce qu'ils cherchaient?

        Le capitaine se retourna et scruta son équipage histoire de trouver dans leur regard si l'un d'entre eux savait.  Les chances étaient minces, même lui n’était pas tout à fait certain de ce qu’il convoitait.  Il s'avançait tranquillement, longeait la coque tribord  du navire, puis la bâbord.  L’immense navire, suivi par deux autres un peu plus loin, filait à plus de cents nœuds, tant le vent leur était favorable.  Versacci frottait le pommeau de son épée de sa main gantée, avançait pas à pas, regardait chaque marin dans les yeux.  «À quoi ressemble ce que nous cherchons?  Est-ce visible pour l’œil humain?.  Existe t-il seulement?»   Une cloche retentit, tout l’équipage, excepté ceux qui était de corvée importantes, se dirigea vers les cuisines, le Capitaine aussi.  Il n’avait pas faim.

        Presque tout l'équipage, s'était réuni autour d'une bonne table et discutait du fameux mystère, de l’énigme.  Certains parlait d’une terre nouvelle, terre pleine de promesses ou l’or coulait à flot et ou les diamants étaient gros comme des melons.  Ah! Des melons!  Quelques fruits frais.  Un des moussaillons avoua croire en la légende d’un monstre marin légendaire, venu du fond des temps, qui avalait les équipages trop téméraires, un peu comme eux.  Tout le monde se mit à rire, et l'on mangea et l'on but, du lard et du rhum.  Le capitaine Versacci se mit à piquer le sol du bout de son épée, lorgnant, perdu dans ses pensées son lard fumant.  Il agissait toujours ainsi lorsqu'il était contrarié...  c'était la quatrième fois, seulement aujourd'hui.

        Il y avait déjà sept mois et quelques jours qu'ils étaient parti en mer sans trouver ce qu'ils cherchaient, enfin, ce «quelque chose».  Ils avaient bien rencontrés quelques pirates, venu du nord, des contrés enneigés de l’Irlande, des barbares assez fou pour venir aussi loin afin d’apporté feu et sang. Peu de marchands s’aventuraient au delà des ligne leur étant destinés, ils en rencontrèrent donc durant les premiers mois puis finirent par faire cavalier seul, si l’on peu s’exprimer ainsi. Ils avaient à toutes les fois ou cela eu été nécessaire défendu leur navire avec succès, et les hommes retrouvaient, chaque fois, leur courage et leur enthousiasme pole voyage. 

Depuis cinq mois environ, les rencontres se firent de plus en plus rares, voire inexistantes, les hommes désespéraient , les vivres atteignaient un seuil critique, et le moral se trouvait au plus bas.  Heureusement les événements d'aujourd'hui, bien qu'étranges, redonnaient de l'espoir aux marins, bien qu’il fût  de courte durée. 

Il faudrait encore attendre un jour... deux, ou plus.

                Ce fût les jours les plus péniblement longs dans l'existence d'un équipage.

        Cette fois, non seulement l'homme à la vigie hurla, mais il entra dans la cabine du capitaine hébété, mais suivi d'une dizaine de marins, tête basses, chapeaux dans les mains.  Leurs yeux injectés de sang ,la peur se peignait sur leurs visages.  Il y avait urgence.

Tous les marins se précipitèrent sur le pont, dans les mats, sur les cabines, pour voir.  Il n’y avait rien à voir.

        Le ciel prenait tout l'espace et la mer en était réduite à une large bande bleue.  Le firmament descendait dans le néant, la mer se vidait droit devant la proue.  Ils sentaient le vide les aspirer, les attirer à lui...

        La mer s’affalait dans un vide éternel, le monde s’évanouissait lentement.  Le capitaine ne bougeait pas, il regardait.  Les étoiles remplaçaient le ciel là, en plein jour,  le bleu s’estompait pour laisser une nuée d’étoiles scintillantes descendre sous l’océan et bien au delà.  Une légère brise venait caresser le visage des marins, mi-contrit par la peur, mi-émerveillé par la splendeur de ce qu’ils observaient.  Certains virent leur vie se terminer ici.  La vision la plus belle du monde venait de se présenter à eux.  Ils voyaient ce qu’ils avait toujours rêvé ne pas voir.  Maintenant qu’ils avaient vu, plus rien ne pouvait leur en faire détacher le regard.

 

        Le capitaine Versacci commença à crier et à bousculer l’équipage.  Certains tombait face première sur le pont pour se relever sans quitter le grand vide du regard.  Puis d’autres revinrent à eux.

Sorti d'une torpeur magique, l'équipage sortit de son admiration  s'affaira à virer les voiles, à braquer la vergue de misaine et le grande vergue, à tourner la barre à roue, bâbord toute.  Leur esprits venait de sentir la mort, de goûter au supplice d’une longue chute sombre et éternelle. 

Le navire s'ébroua, se cabra, le vieux bois craqua, les voiles tirèrent l’immense vaisseau malgré lui, puis fit demi-tour frôlant les abysses.  On réussit à remettre le cap, tant bien que mal, sur le grand bleu, laissant derrière les profondeurs du noir destin.

 

        Le capitaine était heureux, l’équipage exténué.  Ils avaient enfin pu rencontrer le bord du monde...

 

Tristan F. Gauvain