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Extraits


   Voilà des extraits des livres d'Eddings...

Garion : "Pourquoi moi ?" (Belgariade/Mallorée)
Kheldar : "Pourquoi moi ?"
Zakath : "Pourquoi moi ?" (Mallorée)
Polgara : "Pourquoi moi ?" (Belgarath le Sorcier)

La Trilogie des joyaux


   Kalten, je veux que tu travailles un peu tes talents de faussaire. Les noms que tu substitueras sur ces mandats d'arrestation devront être écrits par le comte de Lenda. (Il marqua un temps d'arrêt pour réfléchir et contempla son subordonné.) Prends Émouchet avec toi, ajouta-t-il.
- Je me débrouillerai, monseigneur.
Vanion secoua la tête.
- Non, Kalten, j'ai déjà vu des exemples de ton orthographe.
- Mauvaise ? lui demanda Darellon.
- Terrible, mon ami. Il a un jour écrit un mot de six lettres et il n'a même pas réussi à placer une seule lettre comme il fallait.
- Certains mots sont difficiles, Vanion.
- Son propre nom ?


La Belgariade

Le Pion blanc des présages - Prologue
                   Où se trouvent relatées l'histoire de la Guerre des Dieux et la
                   Geste de Belgarath le Sorcier.

                                                    D'après Le Livre d'Alorie
    Le monde était jeune alors. Les sept Dieux vivaient en harmonie, et les races de l'homme étaient comme un seul peuple. Belar, le plus jeune des Dieux, était aimé des Aloriens. Il demeurait près d'eux et les chérissait, et ils prospéraient sous sa protection. Les autres Dieux vivaient eux aussi parmi les peuples, et chaque Dieu affectionnait les siens.
    Mais le frère aîné de Belar, Aldur, n'était le Dieu d'aucun peuple. Il vivait à l'écart des hommes comme de ses pareils. Le moment vint pourtant où un enfant perdu alla le quérir dans sa retraite. Aldur en fit son disciple et lui donna le nom de Belgarath. Belgarath apprit le secret du Vouloir et du Verbe et devint sorcier. Des années passèrent, et d'autres hommes se présentèrent devant le Dieu solitaire. Tous étaient fraternellement unis dans l'enseignement d'Aldur, et le temps n'avait pas de prise sur eux.
    Or il advint qu'un jour Aldur prit dans sa main une pierre en forme de globe, pas plus grosse que le cœur d'un enfant, et la façonna jusqu'à ce qu'elle palpite d'une âme propre. Le pouvoir du joyau vivant, que les hommes appelèrent l'Orbe d'Aldur, était immense, et son créateur l'employait à faire des miracles.
    De tous les Dieux, Torak était le plus beau. Son peuple, qui était celui des Angaraks, procédait en son honneur à des sacrifices par le feu et lui donnait le nom de Dieu des Dieux. Torak trouva doux le parfum des holocaustes et les serments d'adoration tant qu'il ignora l'existence de l'Orbe d'Aldur. Car du moment où il l'apprit, il ne connut plus le repos.
    Alors, sous un masque trompeur, il vint trouver Aldur.
    - Il ne sied point, mon frère, lui dit-il, que tu te soustraies à notre compagnie et à nos conseils. Détourne-toi de ce joyau qui a distrait ton âme de notre fraternité.
    Mais Aldur sonda la conscience de son frère et le rabroua.
    - Pourquoi, Torak, vouloir à tout prix le pouvoir et la domination ? Le royaume angarak ne te suffit donc point ? Ne cherche pas, par orgueil, à t'assurer la possession de l'Orbe, car elle te détruirait.
    Grande fut la honte de Torak à ces paroles, et il leva la main sur son frère. Puis, s'emparant du joyau, il prit la fuite.
    Les autres Dieux adjurèrent Torak de restituer l'Orbe, mais il ne voulut rien entendre. Alors les races humaines se soulevèrent et prirent les armes contre les milices angaraks et leur livrèrent un combat sans merci. Les guerres des Dieux et des hommes mirent la terre à feu et à sang jusqu'à ce que, non loin des hauts plateaux de Korim, Torak brandisse l'Orbe et la ploie sous sa volonté afin de lui faire déchirer la terre. Les montagnes s'écroulèrent et la mer aurait établi son empire sur toute chose si, unissant leur force mentale, Belar et Aldur n'avaient limité l'avance des flots mugissants. Les races humaines, pourtant, vécurent désormais séparées les unes des autres, et ainsi en fut-il des Dieux.
    C'est qu'en dressant l'Orbe palpitante de vie contre la terre dont elle était issue, Torak avait éveillé le joyau qui s'était mis à luire d'une flamme sacrée. Un éclair de lumière bleue lui incendia le visage, et de douleur, il abattit les montagnes; fou d'angoisse, il fendit la terre en deux; dans son agonie, il laissa l'océan s'engouffrer dans l'abîme. Sa main gauche s'embrasa et fut réduite en cendres, la chair de son visage, du côté senestre, fondit comme la cire d'une chandelle, et son œil gauche se mit à bouillir dans son orbite. Avec un cri atroce, il se jeta dans les flots pour éteindre le brasier, mais son tourment ne devait pas connaître de fin.
    Lorsque Torak émergea des ondes, il était toujours aussi beau du côté droit, mais il avait le flanc gauche complètement calciné et le feu de l'Orbe y avait imprimé de hideuses cicatrices. En proie à une douleur inextinguible, il mena les hommes de son peuple vers l'est, au cœur des plaines de Mallorie, où ils édifièrent une immense cité qu'ils appelèrent Cthol Mishrak, la Cité de la Nuit, car Torak dissimulait son visage défiguré dans les ténèbres. Les Angaraks érigèrent une tour de fer à leur Dieu et placèrent l'Orbe dans sa plus haute chambre, dans un foudre d'acier. Maintes et maintes fois, Torak vint se camper devant le fût d'acier avant de s'enfuir en pleurs, redoutant de succomber à son désir ardent de plonger le regard à l'intérieur et de périr à tout jamais.
    Le fleuve des siècles s'écoula sur les territoires angaraks, et les peuples de l'Est en vinrent à donner à leur Dieu mutilé le nom de Kal-Torak, qui signifiait à la foi Dieu et roi.
    Belar avait mené les Aloriens vers le nord. De tous les hommes, ils étaient les plus hardis et les plus martiaux, et Belar leur avait gravé dans le cœur une haine éternelle des Angaraks. Armés d'épées et de haches cruelles, ils battirent les routes du Nord, aux confins mêmes des glaces éternelles, cherchant la voie qu'avaient suivie leurs ennemis de toujours.
    Il en fut ainsi jusqu'au jour où Cherek Garrot-d'Ours, le plus grand roi des Aloriens, prit la route du Val d'Aldur pour aller chercher Belgarath le Sorcier.
    - La route du Nord est ouverte, dit-il. Les signes et les présages sont propices. L'heure est venue pour nous de reconnaître la voie qui mène à la Cité de la Nuit et de reprendre l'Orbe à Celui qui n'a qu'un œil.
    Poledra, la femme de Belgarath, était grosse de leur enfant, et il était peu disposé à la quitter. Mais Cherek eut raison de ses réticences. C'est ainsi qu'une nuit ils s'esquivèrent pour rejoindre les fils de Cherek, Dras Cou-d'Aurochs, Algar Pied-Léger et Riva Poing-de-Fer.
    Le froid âpre de l'hiver régnait sur les marches du Nord, et les landes tapissées de givre luisaient d'un glacis gris acier sous les étoiles. Pour déterminer la route à suivre, Belgarath prit, grâce à un enchantement, la forme d'un grand loup. Sans bruit, il se glissa furtivement dans les forêts au sol enneigé où les arbres craquaient et frémissaient dans l'air glacial. Les épaules et le poitrail du loup étaient blancs de givre, et, de ce jour, Belgarath garda la barbe et les cheveux argentés.
    Dans la neige et le brouillard, ils entrèrent en Mallorie et arrivèrent enfin à Cthol Mishrak. Après avoir découvert une issue secrète, ils pénétrèrent dans la ville et Belgarath les mena au pied de la tour de fer. Ils gravirent en silence les marches rouillées que nul pied humain n'avait effleurées depuis vingt ans. Tremblants d'effroi, ils traversèrent la chambre où Torak s'agitait dans un sommeil hanté par la souffrance, dissimulant son visage mutilé derrière un masque d'acier. À pas de loup, ils se glissèrent à côté du Dieu endormi dans les ténèbres épaisses, et ils parvinrent finalement à la chambre renfermant le foudre de fer où reposait l'Orbe palpitante de vie.

La reine des sortilèges - Prologue
                   Où est relaté le combat des Royaumes du Ponant contre la
                   plus barbare des invasions et l'infamie de Kal-Torak.

                                                    D'après La Bataille de Vo Mimbre
    Dans le matin du monde, Torak, le Dieu pervers, s'empara de l'Orbe d'Aldur avec laquelle il s'enfuit, car il était assoiffé de pouvoir. L'Orbe refusa de se soumettre à sa volonté, et son feu le marqua à jamais d'une terrible brûlure. Pourtant, l'Orbe lui était trop précieuse pour qu'il se résolût à la restituer.
    Alors le sorcier Belgarath, disciple du Dieu Aldur, mena le roi des Aloriens et ses trois fils dans une quête qui les conduisit jusqu'à la tour de fer de Torak, où ils recouvrèrent l'Orbe. Torak tenta de les poursuivre, mais il fut contraint de battre en retraite devant la colère de l'Orbe, qui le repoussa.
    Belgarath plaça Cherek et ses fils sur les trônes de quatre grands royaumes, afin qu'ils montent éternellement la garde contre Torak. Il investit Riva de la mission de veiller sur l'Orbe, et lui révéla qu'aussi longtemps que celle-ci serait détenue par l'un de ses descendants, le Ponant serait en sûreté.
    Les siècles succédèrent aux siècles sans que Torak se manifeste, jusqu'au printemps de l'an 4865. Alors les Nadraks, les Thulls et les Murgos déferlèrent par vagues gigantesques sur la Drasnie. Au centre de cette marée humaine se dressait l'immense pavillon de fer de celui auquel on avait donné le nom de Kal-Torak, qui voulait dire Dieu et Roi. Les villes et les villages devaient être rasés et brûlés, car le but de Kal-Torak n'était pas la conquête mais la destruction. Ceux qui réchappaient aux massacres étaient livrés aux prêtres grolims avec leurs masques d'acier, pour être sacrifiés selon les rites innommables des Angaraks. Seuls survécurent ceux qui cherchèrent refuge en Algarie ou furent recueillis à l'embouchure de l'Aldur par les vaisseaux de guerre cheresques.
    Se tournant vers le sud, les hordes s'abattirent ensuite sur l'Algarie, mais elles n'y trouvèrent pas de villes. Les Algarois étaient des nomades, de farouches cavaliers qui ne se replièrent devant les Angaraks que pour revenir à la charge par surprise, leur infligeant des pertes cruelles. Les rois d'Algarie avaient instauré leur trône à la Forteresse, une montagne de pierre érigée de main d'homme, aux murailles épaisses de trente pieds, contre lesquelles les Angaraks se heurtèrent en vain avant de se décider à assiéger la citadelle. Le siège se prolongea huit années, en pure perte.
   Ce délai devait fournir au Ponant le temps de se mobiliser et de faire ses préparatifs. Les généraux s'assemblèrent à l'École de guerre impériale de Tol Honeth pour affûter leur stratégie. Tous sentiments de rivalité nationale bannis, Brand, le Gardien de Riva, fut désigné pour assumer le commandement plein et entier des opérations. Il arriva accompagné de deux étranges conseillers : un homme d'âge vénérable, mais encore très vert, qui revendiquait la connaissance des royaumes angaraks même, et une femme d'une beauté stupéfiante, à l'allure altière, dont le front s'ornait d'une mèche d'argent. Brand leur accorda toute son attention et la plus grande déférence. À la fin du printemps de 4875, Kal-Torak renonça à prendre la Forteresse et se tourna vers la mer, à l'ouest, toujours harcelé par les cavaliers algarois. Dans les montagnes, les Ulgos sortaient nuitamment de leurs cavernes et se déchaînaient sur les Angaraks, les massacrant sauvagement pendant leur sommeil. Mais les légions de Kal-Torak étaient innombrables. Après s'être regroupées, elles se dirigèrent vers la ville de Vo Mimbre en empruntant la vallée de la rivière Arend, dévastant tout sur leur passage, et dès le début de l'été, les multitudes angaraks se déployaient pour prendre la cité d'assaut.
    Le troisième jour de la bataille, une trompe sonna par trois fois. Puis les portes de Vo Mimbre s'ouvrirent et les chevaliers mimbraïques attaquèrent de vive force les premières lignes des milices angaraks, leurs destriers broyant les morts comme les vivants sous leurs sabots ferrés. Au même instant, la cavalerie algaroise, l'infanterie drasnienne et les irréguliers ulgos sous leurs voiles surgirent sur le flanc gauche, tandis que les têtes brûlées cheresques et les légionnaires tolnedrains faisaient tout à coup irruption sur la droite.
    Attaqué sur trois côtés, Kal-Torak engagea toutes ses forces dans la bataille. Mais les Riviens aux uniformes gris, les Sendariens et les archers asturiens fondirent sur ses troupes par l'arrière, et, sombrant dans la confusion, les Angaraks commencèrent à tomber comme fétus de paille sous la faux du grand moissonneur.
    Alors l'Apostat, Zedar le Sorcier, se précipita en hâte vers le pavillon de fer noir hors duquel Kal-Torak n'avait pas encore paru. Et au Maudit, il annonça : "Seigneur, Tes ennemis nous encerclent en immenses nuées. En vérité, même les Riviens au ventre gris sont venus en nombre pour défier Ta puissance."
    Dans son ire, Kal-Torak se leva et déclara : "Je m'avancerai, de sorte que les détenteurs illicites de Cthrag Yaska, la pierre qui était mienne, me voient et prennent peur de ma personne. Envoie-moi mes rois.
    - Puissant Seigneur, lui répondit Zedar, Tes rois ne sont plus. Le combat leur a coûté la vie, de même qu'à une multitude de Tes prêtres grolims."
    La colère de Kal-Torak n'eut plus de bornes à ces mots. Une langue de feu surgit de son orbite droite et de l'œil qui avait cessé d'être. Il ordonna à ses ordonnances de lier son bouclier au bras qui n'avait plus de main, il brandit l'épée noire, meurtrière, qui était la sienne et s'avança pour livrer combat.
    C'est alors que s'éleva des lignes riviennes une voix qui disait : "Au nom de Belar, je te provoque en duel, Torak. Au nom d'Aldur, je te crache mon mépris au visage. Que cesse ce bain de sang, et je te rencontrerai pour décider de l'issue de la bataille. Je suis Brand, le Gardien de Riva. Relève mon défi ou emmène avec toi tes hordes pestilentielles, et ne reviens plus dans les Royaumes du Ponant. "
    Kal-Torak se détacha de ses troupes et s'écria :"Où est-il, celui qui ose mesurer sa chair de mortel au Roi du Monde ? Qu'il prenne garde, car je suis Torak, le Roi des Rois, Dieu entre les Dieux. Je réduirai à néant ce Rivien qui hausse si fort la voix. Mes ennemis périront, et Cthrag Yaska sera de nouveau mienne."
    Le Gardien de Riva s'avança, brandissant une lourde épée et un bouclier voilé d'un linge. Un loup au poil blanchi marchait à son côté, et une chouette au plumage neigeux planait au-dessus de sa tête.
   "Brand est mon nom, dit le Gardien de Riva, et je me battrai contre toi, Torak l'infâme et le contrefait."
Mais alors Torak vit le loup, et lui dit :
    "Va-t'en, Belgarath. Fuis si tu tiens à la vie." Et à la chouette il dit : "Abjure ton père, Polgara, et vénère-moi. Je t'épouserai et ferai de toi la Reine du Monde."
    Mais le loup poussa un hurlement de défi, et la chouette rauqua son mépris.

Le Gambit du Magicien - Prologue
                   Comment Gorim partit en quête d'un Dieu pour son Peuple
                   et trouva UL sur la Montagne sacrée de Prolgu.

                                                    D'après Le Livre d'Ulgo et autres sources.
    Au Commencement des Âges, les sept Dieux donnèrent le jour au monde, puis ils créèrent les animaux à poil et à plume, les serpents, les poissons, et enfin l'Homme.
    En ce temps-là résidait dans les cieux un esprit connu sous le nom d'UL. Il n'intervint pas dans cette genèse. Et comme il s'abstint d'y contribuer par son pouvoir et sa sagesse, une grande partie en fut défectueuse et imparfaite. Nombreuses étaient les créatures étranges et difformes. Les plus jeunes Dieux songèrent à les détruire afin d'établir l'harmonie dans le monde, mais UL tendit la main pour les en empêcher et leur dit :
    "Ce que vous avez fait, vous ne pouvez le défaire. Vous avez rompu l'ordre et la paix des cieux pour engendrer ce monde, en faire votre jouet et vous en amuser. Eh bien, sachez-le, toute chose issue de vous, aussi vile soit-elle, demeurera tel un vivant reproche de votre déraison. Que disparaisse un seul élément de votre création, et ce jour-là, tout s'anéantira."
    Grande fut la colère des Dieux les plus jeunes. À chacun des êtres monstrueux ou contrefaits qu'ils avaient conçus, ils dirent : "Va à UL, et qu'Il soit ton Dieu." Puis chaque Dieu choisit parmi les races de l'homme celle qui lui plaisait. Et comme certains peuples restaient sans Dieu, les plus jeunes Dieux les exilèrent et leur dirent : "Allez à UL, et qu'Il soit votre Dieu."
    UL resta muet.
    Longs et amers passèrent les siècles. Et les Sans Dieux erraient toujours dans les terres sauvages et désolées du Ponant en appelant vainement le nom d'UL.
    Alors s'éleva parmi eux un homme juste et droit nommé Gorim. Aux multitudes assemblées devant lui il dit : "Nous nous fanons et sommes emportés comme feuilles mortes au vent mauvais de nos errances. Nos enfants, nos vieillards périssent. Mieux vaudrait ne perdre qu'une vie. Restez donc dans cette plaine et reposez-vous. Je partirai seul quérir le Dieu UL afin que nous puissions l'adorer et trouver notre place en ce monde."
    Pendant vingt années, Gorim s'épuisa à cette quête infructueuse. La poussière du temps effleura ses cheveux. Désespéré, il gravit une haute montagne et cria avec force vers le ciel : "Assez ! Je renonce à chercher. Les Dieux sont un leurre, une chimère. Le monde n'est qu'un désert aride et UL n'existe pas. Je suis las de ce calvaire, de cette vie de damné."
    L'Esprit d'UL l'entendit et lui répondit : "Pourquoi ce courroux à mon endroit, Gorim ? Je n'ai pris aucune part à ta création et à ton exil."
    Effrayé, Gorim se laissa tomber face contre terre. UL parla à nouveau et lui dit : "Relève-toi, Gorim, car je ne suis pas ton Dieu."
    Gorim n'en fit rien. "O mon Dieu, s'écria-t-il, ne cache pas ton visage à ton peuple qui vit dans la terrible affliction de son bannissement, sans Dieu pour le protéger.
    - Relève-toi, Gorim, répéta UL, et va-t'en. Cesse de te lamenter. Va te chercher un Dieu ailleurs et laisse-moi en paix."
    Pourtant Gorim ne se releva pas. "O mon Dieu, dit-il, je ne m'en irai pas. Tes enfants ont faim ; tes enfants ont soif. Tes enfants implorent ta bénédiction et un endroit où demeurer.
    - Tes discours me fatiguent", répondit UL, et il disparut.
    Gorim resta sur la montagne. Il y passa plus d'une année. Les animaux des champs, les oiseaux des airs lui apportèrent de quoi se nourrir. Les créatures monstrueuses et contrefaites issues des Dieux vinrent s'asseoir à ses pieds et le contempler.
    L'Esprit d'UL en fut troublé. Il apparut enfin à Gorim.
    "Tu es encore là?"
Gorim se laissa tomber face contre terre et répondit : "O mon Dieu, ton peuple t'appelle à grands cris dans sa détresse."
    L'Esprit d'UL s'en fut. Gorim demeura encore une année au même endroit. Des dragons lui apportèrent de la viande, des licornes lui offrirent de l'eau. Alors UL revint et lui dit :
    "Tu es encore là?"
    Gorim frappa le sol de son front.
    "O mon Dieu, s'écria-t-il, ton peuple meurt faute de tes soins."
    Et UL s'en fut devant le juste.
    Une autre année passa pour l'homme. Des êtres inconcevables, innommables, lui apportèrent à boire et à manger. Puis l'Esprit d'UL descendit sur la montagne et ordonna : "Debout, Gorim."
    Prostré, le visage dans la poussière, Gorim implora : "Pitié, ô mon Dieu.
    - Debout, Gorim", répéta UL. Il se pencha et prit Gorim entre ses mains. "Je suis UL - ton Dieu. Je t'ordonne de te lever et de te tenir devant moi.
    - Et Tu seras mon Dieu ? demanda Gorim. Et le Dieu de mon peuple ?
    - Je suis ton Dieu, et le Dieu de ton peuple aussi", répondit UL.
    Des hauteurs où il se trouvait, Gorim baissa les yeux sur les êtres difformes qui avaient pris soin de lui pendant son épreuve. "Et ceux-ci, ô mon Dieu ? Seras-Tu le Dieu du basilic et du minotaure, du dragon et de la chimère, de la licorne et du serpent ailé, de l'innommé et de l'innommable ? Car eux aussi sont bannis. Et pourtant, il y a de la beauté en chacun d'eux. N'en détourne pas Ton regard, ô mon Dieu, car ils ont bien du mérite. Ils T'ont été envoyés par les plus jeunes Dieux. Qui sera leur Dieu si Tu les repousses ?
    - Cela fut fait malgré moi, répondit UL. Ces entités me furent envoyées pour me punir d'avoir réprimandé les plus jeunes Dieux. Je ne serai jamais le Dieu des monstres."
    - Les gémissements et les lamentations des créatures qui étaient aux pieds de Gorim montèrent jusqu'à lui. Alors Gorim s'assit sur la terre et dit : "Eh bien, ô mon Dieu, j'attendrai.
    - Attends si tu veux", répondit UL. Et il s'en alla. Comme auparavant, Gorim demeura immuable et les créatures veillèrent à sa subsistance. UL en fut troublé. Devant la sainteté de Gorim, le Grand Dieu connut le repentir et redescendit vers lui.
    "Lève-toi, Gorim, et sers ton Dieu." UL prit Gorim entre ses mains. "Amène devant moi les êtres qui t'entourent et je les examinerai. Si chacun recèle une parcelle de beauté et de mérite, comme tu l'affirmes, je consentirai à être aussi leur Dieu."
    Gorim amena donc les créatures devant UL. Elles se prosternèrent devant le Dieu et l'implorèrent en gémissant de leur accorder sa bénédiction. UL s'étonna de n'avoir jamais vu leur beauté auparavant. Il leva les mains pour les bénir et leur dit : "Je suis UL et je reconnais la beauté et le mérite qui est en vous. Je serai votre Dieu et vous prospérerez et la paix sera sur vous."

La Tour des maléfices - Chapitre I
    Ctuchik était mort et plus que mort - anéanti. Ebranlée par la déflagration, la terre s'ébrouait en grondant, faisant trembler sur sa base l'aiguille rocheuse. Criblés d'éclats de pierre arrachés aux voûtes, Garion et ses amis fuyaient à toutes jambes dans les noires entrailles du pic de basalte. Garion courait, hagard, au milieu des crissements et des craquements. Un maelström de pensées incohérentes tourbillonnaient et se bousculaient frénétiquement sous son crâne embrasé par l'énormité des derniers événements. Le salut était dans la fuite et il détalait sans réfléchir, sans même s'en rendre compte, ses pieds frappant mécaniquement le sol, son cœur battant à tout rompre.
    Un chant exaltant qui allait crescendo retentissait à ses oreilles, emplissant les dédales de son esprit, effaçant toute pensée et le plongeant dans un émerveillement mêlé de stupeur. Malgré sa confusion, il n'oubliait pas la petite main confiante cramponnée à la sienne. Le petit garçon trouvé dans le sinistre nid d'aigle de Ctuchik trottinait à ses côtés en serrant l'Orbe d'Aldur sur sa poitrine. Les accents glorieux qui envahissaient sa conscience venaient d'elle, Garion le savait. L'Orbe avait commencé à murmurer au moment où ils s'étaient engagés dans l'escalier menant à la tourelle et son chant s'était amplifié quand il était entré dans la salle où elle reposait. Plus que le choc ou la formidable détonation qui avait détruit Ctuchik, projetant Belgarath à terre comme une poupée de chiffon, par-delà le vacarme inquiétant du séisme consécutif, c'est elle qui oblitérait toute pensée.
    Sans cesser de courir, Garion luttait contre cette intrusion en s'efforçant de remettre de l'ordre dans ses idées, mais le chant s'opposait à tous ses efforts, dispersant ses pensées. Des impressions fugitives, des souvenirs fortuits lui revenaient en mémoire, au hasard, traversant sa conscience sans logique apparente, disparaissant comme ils étaient venus, sans but ou signification.
    Une puanteur humide, renversante, descendit tout à coup des quartiers réservés aux esclaves, juste sous la cité qui s'écroulait, et envahit les galeries obscures. Comme si ces relents avaient ouvert une brèche, d'autres réminiscences olfactives s'engouffrèrent avec la force d'un ouragan dans les souvenirs de Garion : l'odeur chaude du pain sortant du four, dans la cuisine de tante Pol à la ferme de Faldor ; les effluves salés de la mer quand ils étaient arrivés à Darine, sur la côte septentrionale de Sendarie, lors de la première étape de leur quête ; les remugles fétides des marécages et des jungles de Nyissie ; la fumée écœurante des cadavres sacrifiés sur les bûchers dans le temple de Torak - ce temple qui, au même instant, s'effondrait entre les murailles disloquées de Rak Cthol. Mais, chose étrange, le parfum qui se présentait avec la plus grande acuité à ses pensées en déroute était celui des cheveux chauffés par le soleil de la princesse Ce' Nedra.
    - Garion ! fit la voix âpre de tante Pol dans le noir. Regarde un peu où tu mets les pieds !
    Emporté par son élan, il manqua tomber sur un éboulis de roches, à un endroit où la voûte s'était affaissée. Il repartit en s'efforçant d'empêcher son esprit de vagabonder.
    Les gémissements de terreur des esclaves emprisonnés dans les cellules suintantes s'élevaient autour d'eux, offrant un terrible écho au vacarme du séisme. Les ténèbres retentissaient maintenant d'une multitude d'autres bruits : des ordres confus, articulés par les voix rauques, à l'accent guttural, des Murgos ; des pas incertains, détalant dans l'obscurité. Une porte de fer claquait à tout rompre au gré des oscillations de la prodigieuse aiguille rocheuse. Les grottes étaient maintenant la proie de tourbillons de poussière, une poussière dense, étouffante, qui leur piquait les yeux et les faisait tousser sans relâche tandis qu'ils franchissaient les tas de pierres en s'aidant de leurs mains.
    Garion souleva délicatement le petit garçon si confiant par-dessus un amas de roches. L'enfant le regarda droit dans les yeux, calme et souriant en dépit du chaos, de la puanteur et de l'obscurité oppressante. Au moment de reposer l'enfant à terre, il se ravisa. Il serait plus commode et plus sûr de le porter. Il s'apprêtait à repartir le long de la galerie lorsqu'il leva précipitamment le pied : il avait marché sur quelque chose de mou. Il jeta un coup d'œil par terre, l'estomac retourné comme une chaussette : une main humaine, inerte, sortait de la caillasse.
    Ils couraient dans les ténèbres agitées de formidables trépidations, au milieu de la poussière qui s'épaississait, les pans des robes noires murgos claquant autour de leurs jambes.
    - Arrêtez ! s'écria Relg.
    L'Ulgo leva la main et resta figé sur place, la tête inclinée comme s'il tendait l'oreille.
    - Ce n'est pas le moment ! répondit Barak sur le même ton.
    Il était penché en avant, Belgarath toujours inconscient dans les bras.
    - Avancez, Relg ! ordonna Barak.
    - Taisez-vous ! lança le fanatique. J'essaie d'entendre quelque chose. Reculez, vite ! aboya-t-il enfin en faisant volte-face et en les bousculant.
    - Pas par là, nous allons tomber droit sur les Murgos ! protesta Barak.
    - Courez ! répéta Relg. Le flanc de la montagne est en train de se détacher !
    Ils faisaient demi-tour lorsqu'un terrible craquement retentit. La roche se déchira dans un vacarme effroyable, comme si elle protestait, et un flot de lumière baigna subitement la galerie. Une immense fissure s'ouvrit sur la paroi du pic de basalte, s'élargit majestueusement, et un énorme bloc de montagne bascula lentement, s'abîmant dans le désert de pierre, des milliers de pieds plus bas. La lueur rougeâtre du soleil levant plongea pour la première fois ses rayons dans les sombres entrailles de l'aiguille brutalement éventrée, les aveuglant. La terrible plaie ouverte sur le flanc de basalte révéla plus d'une douzaine de cavernes béantes.
    Un cri retentit au-dessus de leurs têtes.
    - Là !
    Garion regarda précipitamment autour de lui. Quinze pieds plus haut, sur la paroi abrupte, une demi-douzaine de Murgos en robes noires étaient plantés, sabre au clair, à l'entrée d'un souterrain. De lourdes volutes de poussière tourbillonnaient autour d'eux. Tout excité, l'un d'eux tendit le doigt vers les fugitifs. Puis l'aiguille rocheuse fut soulevée par une nouvelle convulsion, une portion de roche s'abattit et les Murgos s'abîmèrent dans le vide en hurlant.
    - Vite ! s'écria Relg.
    Ils s'élancèrent en courant lourdement à sa suite, retrouvant l'obscurité du boyau. Ils avaient parcouru quelques centaines de pas quand Barak s'arrêta net, sa vaste poitrine se soulevant comme un énorme soufflet de forge.
    - Un instant, haleta le grand Cheresque. Il faut que je reprenne mon souffle.
    Il déposa Belgarath sur le sol.
    - Puis-je, Messire, te prêter la main ? proposa aussitôt Mandorallen.
    - Non, répondit Barak en soufflant comme un phoque. Ça va aller. Je refais le plein d'air, c'est tout. Que s'est-il passé ? s'étonna-t-il en regardant autour de lui. Qu'est-ce qui a déclenché tout ça ?
    - Belgarath et Ctuchik se sont un peu chamaillés, susurra Silk. Ils ont comme qui dirait perdu le contrôle de la situation vers la fin.

La Fin de partie de l'enchanteur - Chapitre I
    Garion avait l'impression de suivre un enterrement. Les mules n'étaient déjà pas des animaux très folichons, mais le tintement de la clochette pendue à leur cou avait quelque chose de rigoureusement funèbre. Ça devait venir de leur démarche à nulle autre pareille. Enfin, celles-ci appartenaient à un marchand drasnien, un grand flandrin au regard sévère, vêtu d'un pourpoint vert, qui avait autorisé Belgarath, Silk et Garion à l'accompagner - moyennant finance - sur la route qui menait au Gar og Nadrak, de l'autre côté des collines. Le marchand en question, un certain Mulger, trimbalait un fardeau de préjugés digne du chargement de ses mules. Silk et le gaillard s'étaient détestés au premier coup d'œil, et le petit homme au museau de fouine prenait un malin plaisir à faire enrager son compatriote tout en avançant vers les pics déchiquetés qui séparaient la Drasnie du pays des Nadraks, à l'est. Mais leurs discussions, pour ne pas dire leurs disputes, tapaient presque autant sur les nerfs de Garion que le tintement lugubre des grelots de ces satanées mules.
    Il faut dire que Garion avait une bonne raison d'être sur les nerfs. Il avait peur. Inutile d'essayer de se raconter des histoires. Il s'était fait expliquer en détail les paroles énigmatiques du Codex Mrin : il allait à un rendez-vous pris depuis l'avènement des temps et il n'avait aucun espoir d'y couper. La rencontre n'était pas annoncée par une mais deux Prophéties, et même s'il parvenait à en convaincre une qu'il y avait une erreur quelque part, l'autre l'amènerait à la confrontation sans merci, sans la moindre considération pour ses sentiments personnels.
    - Je pense, Ambar, que vous ne comprenez pas, déclara Mulger de ce petit ton acide et supérieur que certains individus emploient avec les gens qu'ils affectent de mépriser. Le fait que je sois ou non patriote n'a rien à voir là-dedans. Le commerce est primordial pour la Drasnie, et si les gars dans votre genre persistent à se faire passer pour des marchands, d'ici peu, les honnêtes Drasniens ne seront plus les bienvenus nulle part.
    Avec un sixième sens typiquement drasnien, Mulger s'était tout de suite rendu compte que Silk n'était pas ce qu'il prétendait être.
    - Allons, allons, Mulger, répondit Silk avec une certaine condescendance, ne soyez pas si naïf. Tous les agents de renseignement, les Tolnedrains, les Murgos et même les Thulls, procèdent de la même façon, dans le monde entier. Et comment voudriez-vous que je m'y prenne ? Que je me promène avec une pancarte arborant l'inscription "Espion" ?
    - Franchement, Ambar, vous pouvez faire ce que vous voulez, je m'en tamponne, riposta Mulger en durcissant le ton. Seulement je commence à en avoir marre d'être mal reçu partout à cause d'individus de votre acabit.
    - Qu'est-ce que vous voulez, Mulger, c'est la vie, contra Silk avec un sourire impudent, et vous auriez intérêt à vous y faire, parce que ça n'est pas près de changer.
    Désarçonné, Mulger lorgna son adversaire d'un œil noir, puis il dut décider que, tout bien pesé, il lui préférait la compagnie de ses mules, car il se détourna brusquement et remonta la colonne.
    Belgarath releva la tête comme s'il émergeait de l'apparente léthargie où le plongeaient les longues chevauchées.
    - Vous ne pensez pas que vous attigez un peu ? protesta-t-il. Ne le faites pas trop enrager ou il vous dénoncera aux gardes-frontières, et nous ne sommes pas près d'entrer au Gar og Nadrak.
    - Nous ne risquons rien, mon bon ami. Tout ce qu'il gagnerait à se plaindre, ce serait d'être soumis à la même enquête que nous, et je ne connais pas un marchand au monde qui ne dissimule dans ses paquets une ou deux petites choses qui ne devraient pas s'y trouver.
    - Vous ne pouvez pas vous empêcher de l'asticoter, hein ? reprit Belgarath.
    - Ça m'occupe, répondit Silk en haussant les épaules. Sans ça, je serais obligé de regarder autour de moi, et le paysage de la Drasnie orientale me rend neurasthénique.
    Belgarath poussa un grognement hargneux, tira son capuchon gris sur sa tête et replongea dans sa torpeur.
    Garion retourna à ses sinistres ruminations. La Route des Caravanes du Nord balafrait, blanche cicatrice, la morne lande semée d'épineux grisâtres. Le ciel était bouché depuis près de deux semaines par des nuages plus secs qu'un édredon. Et la caravane avançait à une allure de tortue dans un monde sans ombre et sans relief, vers les montagnes austères qui barraient l'horizon.
    C'est surtout la profonde injustice de l'affaire qui démontait Garion. Il n'avait rien demandé à personne. Et surtout pas d'être sorcier. Ça ne lui disait rien d'être roi de Riva. Il n'était même pas sûr de désirer se marier avec la princesse Ce'Nedra, sauf que, là, il n'était pas très fixé. La petite princesse impériale pouvait être absolument adorable quand elle voulait - quand elle voulait quelque chose. Mais la plupart du temps elle n'aspirait à rien de spécial et sa véritable nature reprenait le dessus. S'il avait délibérément souhaité tout cela, il aurait accepté sa mission avec résignation. Seulement on ne lui avait pas demandé son avis, et il avait perpétuellement envie de hurler "Pourquoi moi ?" vers le ciel indifférent.
    Son Grand-père étant à moitié endormi, il chevauchait avec pour seule compagnie le sempiternel murmure de l'Orbe enchâssée sur le pommeau de l'immense épée attachée dans son dos, et son enthousiasme absurde commençait à lui échauffer les oreilles. Ça lui allait bien de se réjouir de la rencontre imminente avec Torak ; c'est lui, Garion, qui allait affronter le Dieu Dragon des Angaraks ; c'est sur ses épaules que retombait cette sanglante corvée. En fin de compte, il trouvait l'intarissable allégresse de l'Orbe pour le moins déplacée.
    La frontière entre la Drasnie et le Gar og Nadrak était matérialisée par un vulgaire poteau placé en travers de la route, au sommet d'un col. Deux garnisons, une drasnienne et une nadrak, se regardaient en chiens de faïence de part et d'autre de cette barrière chimérique et malgré tout bien plus intimidante que les portes de Vo Mimbre ou de Tol Honeth. D'un côté, c'était le Ponant ; de l'autre, le Levant. Un pas, un seul, et on passait d'un monde à un autre, totalement différent. Eh bien, ce pas, Garion aurait donné n'importe quoi pour ne pas avoir à le franchir.
    Silk avait vu juste : Mulger ne fit part de ses soupçons ni aux plantons drasniens ni aux soldats nadraks en armure de cuir et le petit groupe s'engagea sans incident dans les montagnes du Gar og Nadrak. Après la frontière, la Route des Caravanes du Nord grimpait en pente raide au flanc d'une gorge étroite. Le gargouillis d'un torrent impétueux fournissait un fond sonore au tintement des clochettes qui résonnait entre les parois de roche noire, abruptes, oppressantes, en haut desquelles le ciel se réduisait à un ruban gris sale.
    Tout à coup, Belgarath émergea de sa somnolence, regarda autour de lui, tous les sens en éveil, jeta à Silk un coup d'œil appuyé et s'éclaircit la gorge.
    - Eh bien, mon cher Mulger, nous n'avons plus qu'à vous remercier et à vous souhaiter de bonnes affaires.