Potins Indien
Allo et bienvenu à un autre épisode de notre roman-fleuve sur les potins
de la planète après une absence de quelques saisons due à des problèmes
techniques malheureusement incontrôlables …..
Aujourd'hui nous faisons une virée à Delhi. L'arrivé en Inde est pour
le moins un grand dépaysement après une semaine passée dans la ville toute
proprette et moderne de Kuala Lumpur en Malaisie. Fini les trains à haute
vitesse, les tours de 88 étages en acier inoxydable, les ponts construits
comme de gigantesques harpes et toute ces choses que les revenus pétroliers
permettent de payer….. re-bienvenu dans notre élément naturel que sont
les pays en voie de développement.
La différence est frappante, à la sortie de l'aéroport, on ne voit plus,
à l'inverse de la Malaisie, d'autos récentes, en bon états et semblant
respecter les normes de pollutions minimales. On est en présence de véhicules
d'âges très diversifiés mais dont aucun ne semble plus récent que leur propriétaire.
Ceux-ci, par ailleurs semble d'âge canonique avec leurs barbes blanchies,
turban et rides assortis. Les échappements laissent filer de jolies brumes
bleutées, les routes sont congestionnées et ça sent l'anarchie à plein
nez. Beaucoup de camions sur les route en cette soirée d'arrivée et j'apprends
que ceux-ci sont interdits de circulation entre 8h le matin et 8h le soir.
Mesure du gouvernement pour réduire les problèmes de circulation de la capitale.
Ca a dû être extrêmement déplaisant pour ces camionneurs de se réveiller
un matin et d'apprendre que ça serait justement le dernier ou ils auraient
le plaisir de se réveille au champ du coq comme tout le monde. A partir
de l'introduction de la loi, ils ont dû se muter en oiseaux de nuit. Ah,
oui aussi, le truc sur les vaches sacrées et qui se promènent partout, c'est
pas des blagues. Broute que broute, ça envahit les terre-pleins et ça
fait la sieste sur les accotements. On s'habitue vite.
Je passe rapidement sur la nuit qui a peut-être été fascinante mais que
voulez vous, je dormais.
La visite de la ville commence le lendemain par une tentative d'excursion
au Red Fort. Ce grand complexe de fortification a été construit sur l'ordre
de Shah Jahan, le même type (ou devrais-je dire empereur) qui a ordonné
la construction du Taj Mahal. L'arrivé aux abords du fort est une bonne
occasion pour tester l'efficacité de la mise en marché des services de Rickshaw
(cyclopousse). Deux ou trois m'accompagnent jusqu'à l'entrée du site en
me proposant des visites du vieux Delhi dans leur engin un tantinet déglingué.
Un en particulier me fait jasette et les prix diminuent de façon inversement
proportionnelle à la distance qui me sépare de l'entrée du fort. On se
laisse finalement sur un « maybe tomorrow » passe-partout avant que je rentre
dans l'enceinte d'où je peux accéder au site. Mauvaise surprise, l'idée
originale que j'avais eue de venir visiter le Red fort avait aussi passé
par la tête des centaines de personnes entassées en une longue file indienne
(par définition) qui serpente dans la cour d'entrée du fort. Et en plus
d'avoir piqué ma bonne idée, ils ont eu la mauvaise grâce de se pointer
ici avant moi ce qui franchement frôle la violation de propriété intellectuelle.
Si je ne me retenais pas, je ferais un recours collectif à l'envers contre
la foule. Mais ne cherchant pas la chicane avec de dignes représentants
d'un peuple qui comprend près du quart de l'humanité planète, je tempère
mon ardeur. Il suffit qu'il y en ait un ou deux sur un milliard qui soit
de mauvais poil et ça pourrait dégénérer.
La perspective de passer une heure au soleil avant de rentrer dans le site
n'est vraiment pas intéressante et l'option tour de cyclopousse me semble
soudainement beaucoup plus attrayante. Je me demande si je pourrais retrouver
celui qui me semblait le plus sympathique et qui baragouinait assez bien
l'anglais. Je fais volte-face pour retourner sur mes pas et je me retrouve
devant le dis-conducteur avec un grand sourire. Les Indiens sont très souriants,
surtout lorsqu'ils se rendent bien compte qu'il y a de bonnes chances que
l'on ait recours à leur service. Il me dit que la file pour le fort est
d'au moins une heure. Bon ça va, j'ai compris, pas besoin d'en rajouter…
Il est ou le cyclo ?
Au moins, le cyclo ici n'est pas un vestige des temps passés réservé aux
seuls plaisirs des touristes en quête d'exotisme. Ici, le cyclopousse est
le transport de tous les jours et de Monsieur tout le monde. Pardon, Madame
aussi. Et j'oublie fiston, enfin les quatre fistons je voulais dire. Et
les trois filles bien sur. Et le chien. Bref, c'est bigarré dans les véhicules
à gauche et à droite. Mais c'est un moyen de transport non polluant ce qui
me rend perplexe sur la provenance du nuage de smog qui flotte au-dessus
de la ville. La circulation de l'artère principale du vieux Delhi est
très animée en ce dimanche de marché.
En fait, c'est probablement marché tous les jours ici. Traverser une intersection,
même si ce n'est pas dangereux vu la vitesse à peu près nulle ou l'on circule
est un exercice de coude à coude. Le cyclo pousse (sans jeu de mots) celui
d'en avant sans vergogne. Pépère qui essai de traverser se retrouve coincé
entre deux cyclos et se fait heurter par les poignés , les bancs, pousser
par les conducteurs. Son fils essai de l'extraire de la mêlée avant qu'il
ne fasse une syncope. La circulation dans cette capitale surpeuplée est
devenue un sport de contact. On se pousse, on s'accroche, on se crie, la
seule auto coincée dans tout ce bordel klaxonne dans l'indifférence générale.
Pas étonnant que du coté de la ville moderne, le New Delhi, les rickshaw
et les charrettes tirés par des ânes, chevaux ou être humain soit interdit.
On tente de conserver un certain standing dans ce quartier ou se trouve
la capitale administrative du pays.
Par contre l'avantage du système est qu'il permet de regarder à sa guise
ce qui se passe, l'animation des rues et les vestiges (c'est le mot) des
façades qui ont sûrement, un temps, été élégantes. Maintenant la grande
partie est tombée en décrépitude. Le terme est inexact, c'est de la décrépitude
qui est restée debout. Le marché principal est situé tout au long de cette
rue et, comme il est coutume dans les pays asiatiques, des marchés spécialisés
sont installés dans les ruelles de chaque coté de l'artère principale.
À gauche, un marché pour les tissus, un autre pour les souliers, un pour
les bijoutiers, un pour les produits électriques et ainsi de suite. Un petit
arrêt semble planifié par mon guide cycliste pour me montrer quelques recoins
perdus de la ville. Il est vrai que ces petits guides improvisés n'ont
pas accès aux grands monuments accaparés par l'état. Ils doivent se contenter
de mettre en valeur les terrasses et autres attractions méconnues du grand
public. Un genre de syndicat d'initiative pour la revitalisation du tourisme
dans les édifices du quartier si on veut une tournure politically correct.
Bon c'est parti pour une promenade qui sera j'en suis sur pittoresque.
On commence par une traversée du marché des épices qui est très attrayant
et coloré avant de se perdre dans des petites ruelles pour aboutir devant
un escalier sombre. Ça ressemble à une destination touristique rêvée, et
en effet mon guide s'y engouffre… Well, allons-y. On se fait les quatre
étages qui nous mènent aux toits non sans croiser plusieurs des habitants
qui ont élu domicile dans ces anciens bâtiments qui entourent une grande
cour intérieure. Ça n'a pas une très grande valeur architecturale mais l'intérêt
est surtout de découvrir les habitants et leur milieu. Un couturier au travail,
des travailleurs au repos, une aire de repos vide, un vide rempli par des
briques, des briques formant une habitation de fortune pour des squatters,
des squatters endormis sur la terrasse supérieure et qu'il faut enjamber
avant de parvenir à « la » vue. Çà valait quand même le coup cette petite
escalade, la toiture du bâtiment est surmonté de quatre chhatriss, ces petits
pavillons à colonnes et surmontés d'un dôme que l'on voit souvent dans
les ouvrages Indiens et qui provient d'un métissage de l'architecture Perse
apporté par les conquérants et de l'architecture locale (je vous jure !
J'ai lu ça quelque part). La terrasse offre un beau point de vue sur la
rue du marché ou malheureusement, il n'y a pas beaucoup plus à voir que
lorsque j'étais en bas. Par contre, d'un autre coté, on a une vue plongeante
sur les dômes de la mosquée de Futehuri Masjid qui a été bâti par là (ou
plutôt une des) femme de l'empereur dans les années 1600 quelques choses.
Très mignon. Plus loin, on a une vue en contre-plongée sur des habitations
en terrasses où les enfants s'amusent, les mères cuisinent et le petit
train-train du quotidien ne va pas trop loin. On ré-enjambe les corps
au repos pour se retrouver dans la rue.
Suite de la visite en marche à pieds où je remarque que des pompes à eau
sont installées à plusieurs endroits dans ces petites rues. On dirait que
l'eau n'est pas courante ici, et qu'il faut même marcher pour s'en procurer.
Quelques jeunes sont à se laver à proximité, c'est plus pratique que de
ramener l'eau à la maison et ne pas savoir quoi en faire après. Vive la
simplicité. L'odeur est très forte dans les petites ruelles du peut-être
au fait que les pissotières (pardon, les vespasiennes) sont aéré naturellement,
ou plus précisément, sont à ciel ouvert. C'est très bien comme approche,
c'est près de la nature, sans chichi mais dans une ville de 14 millions
d'habitants, le concept a une petite tendance à dégénérer. Les petites
ruelles permettent par ailleurs de découvrir de jolies façades de maisons
décorées de couleurs vives. Quelques enfants insistent pour ce faire photographier…
je vous montrerai. Ah, tiens une usine de transformation de volaille.
Enfin, usine est un bien grand mot. En fait, il s'agit d'un coin de rue
ou les pauvres volatiles arrivent en triporteur dans de petites cages en
bois, d'une zone d'euthanasie euh, disons brutale, et d'une zone de euh,
disons séparation des composantes et de euh… disons expédition. Voilà
c'est à peut près ça. En résumé, ça rentre sur deux pattes dans un coin
du coin de la rue et ça ressort en regrettant d'y être entré par l'autre
coin du coin de la rue. Euh, oubliez ça, je me comprends. Passons.
Retour au mode motorisé à un homme-vapeur (pas jusque la mais en tout cas
il sue) ou nous repartons pour une excursion dans les ruelles. Ah ! Stop,
une belle boutique de bronze. Enfin, pas tout à fait, elle n'est pas belle
mais elle est pleine de bronze. J'aime bien ce genre d'objet, ça permet
de vérifier les taux pour excédent de bagages des compagnies aériennes. La
boutique est plein de truc très intéressants et surtout encombrant, un Nataradja
(Shiva dansant dans un cercle de feu pour marquer la destruction et la
renaissance de l'univers.. un méchant celui la, ou à tout le moins comme
le pensent les Indiens, un transformateur). Mon guide me souffle de ne pas
acheter la et qu'il sait ou sont fabriqués les bronzes. Bon, intéressant,
il veut sa commission bien sur mais si on supprime un intermédiaire, ça
peut valoir le coup, il faut battre le prix annoncé ici et si c'est possible
on aura une belle affaire lui et moi. La firme de consultant en management
Andersen a beau imprimer en page de publicité glacée (et chère) que la maîtrise
de l'information est une source potentielle de revenu, ils n'ont pas inventé
le bouton à quatre trous ces gens la. Le petit rickshaw indien a déjà assimilé
ces évidences commerciales. On repart cette fois-ci pour une destination
ciblée au travers des petites rues du vieux Delhi. Malheureusement, la
manoeuvre fait long feu et l'on se retrouve devant une porte bleue fermée.
Très jolie en passant la porte, mais fermé tout de même. Il ne me reste
qu'à prendre un ou deux repères, la grande mosquée la bas à 500 mètres,
le soleil qui nous indique qu'on est au sud de la mosquée en question et
à re-planifier une petite visite samedi prochain au retour de Jabalpur.
Andersen a en définitive tort, la maîtrise de l'information ne se transforme
pas nécessairement en profit. La chance ou la malchance joue aussi. Mon
petit Rickshaw devra se contenter de pédaler pour son revenu d'aujourd'hui.
On termine la promenade en passant dans le marché des feux d'artifice dont
les Indiens sont friands, surtout en cette fin d'octobre ou la fête de Diwali
(fête des lumières) approche à grand pas.
La journée se termine par un retour dans les grandes avenues du quartier
administratif de New Delhi où les rues ont l'air pratiquement désertes
en ce milieu d'après midi. Cette portion de la ville est très agréable
avec de grands parcs où les Indiens jouent au cricket (faudra un jour que
j'apprenne les règles de ce jeu….j'y comprends rien… quand je pense que
le gars qui tient la batte est retiré, il se met à courir, quand je pense
qu'il devrait courir il ne court pas, et l'équipe que je pense qui vient
de perdre pousse des cris de joie et se tapent dans le dos… j'abandonne).
L'autre activité favorite des Indiens quand ils ne jouent pas au cricket
est de faire la sieste. Pour ça par contre, je comprends le concept. Par
cette chaleur.
Ben voilà pour une brève tournée de Delhi.