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Potins de Hanoi et de la région (17 nov au 8 dec 2001)

Ce qui frappe tout d'abord le visiteur qui arrive à Hanoi est la faible proportion de véhicules automobiles qui y circule.  Le moyen de transport privilégié par la grande majorité des citadins est en effet la mobylette.  Ces engins sont omniprésents et ils se déroulent de façon continue comme un long ruban fluide dans  les rues.  En fait, il est important de préciser que l'on peut uniquement parler de fluidité entre les intersections.  Lorsque le flot des mobylettes s'engage à un carrefour, le roulement plus ou moins ordonné dégénère rapidement en une joyeuse anarchie.  Pour sortir vivant de la mêlée, il n'y a pas de règles précises, tous les coups sont permis, la seule limite étant l'habileté des conducteurs conjuguée aux règles de co-ordination tacites avec les autres conducteurs.  Mais ça, il faut dire qu'ils doivent s'entraîner ferme depuis leur plus jeune âge sur les genoux de leur père car on maîtrise parfaitement ici l'art de couper, de rouler en slalom et de se glisser dans le moindre interstice disponible. Il leur arrive même de freiner en dernier recours (mais c'est un cas rarissime qui ne mérite à peine d'être mentionné). Tout ce joli monde a en commun une insouciance et une confiance alliées à une âme en paix car on voit rarement de casques pour les protéger.  Et à mon avis, les quelques casques aperçus servent probablement plus à assourdir le bruit des Klaxons qui accompagnent la conduite.  Parlons en d'ailleurs de leurs habitudes sonores.  Le Klaxon est ici le moyen de communication privilégié entre les individus… il règle l'organisation sociale.  L'acharnement des conducteurs à signifier leur présence déclencherait immédiatement en Amérique du Nord une épidémie de rage au volant.  Mais ici, impossible de circuler sans avoir une main sur la manette des gaz et un doigt enfoncé sur l'avertisseur.   D'ailleurs, je suis convaincu que lorsque d'aventure on rencontre un Hanoien qui pousse sa mobylette chez le réparateur, il y a fort à parier qu'il s'agira le plus souvent d'une panne de Klaxon plutôt que d'un ennui de moteur.  Impossible de circuler avec la moindre chance de survie sans cet accessoire.

Par contre, vous me direz que la mobylette est un moyen de transport tout de même limité compte tenu de sa taille et de son faible volume de chargement.  C'est la que vous vous trompez lourdement.  Les habitants de la ville ont appris depuis longtemps à repousser les limites de chargement de leurs engins.  Un bon moyen de s'en rendre compte est de s'installer à un café et de regarder rouler la foule en délire tout en se livrant à un petit jeu d'observation. On pourrait appeler ce jeu "Trouver le plus audacieux".  Il s'agit tout simplement de trouver une gradation dans les applications des mobylettes.  On retient le plus audacieux observé et on tente de battre la mise précédente avec un autre cas encore plus intrépide.   Ca donne à peu près ceci :

- Deux personnes sur une mobylette, on n'en parle même pas, c'est conçu pour cela mais ce cas sert de base de comparaison pour ce qui va suivre.
- Trois personnes à bord est déjà plus intéressant, mais c'est tellement fréquent ici que l'on s'en lasse vite.
- À quatre, la ça passe vraiment dans la catégorie sport d'équipe.  La petite famille ou le groupe de copains se trouvent ainsi coincé sur la petite banquette mais il semble que leur petite taille leur permet de réaliser cet exploit sans qu'ils perdent le petit dernier au moindre cahot.  Par contre, ce genre d'équipée a le désavantage de fausser les statistiques nationales sur le nombre de victimes par accident en cas d'accrochage.
- Cinq passagers à bord est réservé aux inconscients mais on en trouve toujours qui tentent le coup.
- Une variante intéressante qui compense la quantité par le coefficient de difficulté de la figure est la position en amazone utilisée par les demoiselles en robes longues.  Ça consiste à s'installer assis de coté avec les jambes pendantes du même coté de la moto, les mains sagement posées sur les genoux (certaines s'offrent même le luxe de transporter des fleurs).  Je ne sais pas si vous imaginez l'adresse que demande le maintien en selle dans une position si instable lorsque la mobylette se faufile dans la circulation.  En y regardant bien, je trouve qu'en comparaison, les artistes du cirque du soleil ont un petit air de paraplégique arthritique.

Bon, laissons de coté le nombre de passagers et poursuivons l'observation avec un exercice de gradation sur  la charge utile :

- Une télévision à l'arrière pour livraison, constitue l'enfance de l'art.  On laisse cet exercice aux débutants ou aux maladroits.
- La livraison des commandes de votre boucher de quartier se fait couramment en mobylette.  La livraison est offerte en deux versions (cochon prêt à gambader et cochon prêt à rôtir…. Ce dernier a un petit air abattu qui le rend facile à identifier).
- Pour le transport des pneus on retrouve deux écoles de pensées.  La première préconise d'enfiler un pneu sur chaque bras ce qui permet à un conducteur de transporter le tout sans lâcher le guidon (ce qui est tout de même recommandé par le fabriquant de la mobylette).  La seconde école de pensée que l'on pourrait qualifier de "Philosophie Bidendum" consiste à enfiler une série de pneus sur le torse du conducteur.  Cette approche présente un double avantage.  D'une part, on libère un peu plus les mouvements des bras et d'autre part, on s'assure d'avoir l'équivalent d'un coussin gonflable en cas d'impact.  Le seul problème que pose le dispositif est qu'en cas de chute sur le coté, le conducteur risque fort de se mettre à rouler et rien n'est garanti pour une fin de course sécuritaire.
- Le transport d'un escabeau est déjà un exercice plus original.  On le transporte verticalement, en quelques sorte à califourchon sur le banc.  Il reste à espérer qu'il n'y aura pas de fil électrique trop bas dans les petites rues.  C'est avec des inventions pareille qu'on a du un jour découvrir le principe du tramway si vous voyez le topo.
- Porter une bicyclette quand on veut faire un brin de conduite à un copain, c'est tout à fait possible aussi.  Contrairement à l'escabeau qui est somme tout assez discret hormis sa hauteur, la bicyclette se porte perpendiculairement à l'axe de la mobylette ce qui ne vas pas sans risque car si je ne vous l'ai pas déjà dit, la circulation est assez dense par ici.  Il suffit d'un faux mouvement pour qu'un pauvre confrère conducteur se retrouve sur la trajectoire de la susdite bicyclette.  En cas d'impact, il ne reste à ce dernier qu'à rentrer à la maison avec quelques rayons d'une roue enfoncés du sternum aux omoplates ce qui requiert de toute urgence des soins médicaux (éviter l'acupuncture si vous observez ce genre de symptôme).
- Un frigidaire, faut tout de même le faire. Ca reste un peu instable au démarrage.  Faut dire qu'on se limite aux modèles de petite taille.  Passons…
- Porter cinq barils de 45 gallons mérite à celui-ci une mention spéciale.  Je n'arrive pas à comprendre comment il a pu faire tenir le tout et particulièrement au démarrage.  Un système pyramidal de livraison probablement.  Vraisemblablement illégal selon le code de la route.  J'espère que les bidons sont vides.  Quoique le conducteur ait fort bien pu renforcir ses amortisseurs.
- Des matériaux de construction divers transportés dans des grands panier de chaque coté.  La, on retrouve une grande diversité autour du principe des deux paniers en osier accrochés à la mobylette.
- Mais la palme de la confiance en soi revient à l'olibrius qui tente en ce moment même de ficeler sur sa machine un échafaudage en métal en utilisant comme élastique de vielles chambre à air de bicyclette.  L'équipé est voué à l'échec avant même d'être commencé mais l'imperturbable optimiste fait néanmoins des pieds et des mains pour tenter de fixer le tout de façon satisfaisante.  Je ne suis pas le seul d'ailleurs à prédire le drame car une foule amusée s'attroupe au fur et à mesure que le chargement grossit et s'organise tant bien que mal.  Le tout oscille de plus en plus jusqu'à ce qu'une bande élastique finisse par rendre l'âme.  Tout son joli mécano s'effondre sur la chaussé sous le regard approbateur de la foule qui a cette fatuité des gens qui apprécient de voir se confirmer leur opinion.  La foule se disperse avec un sourire satisfait et un air de "Je le savais bien moi que ça marcherait pas".

Bon, la pause café achevant sur cette note joyeuse, il me reste maintenant à affronter la traversé de cette masse roulante et mouvante.  Le dernier instant de sécurité relative est celui ou l'on quitte le trottoir pour poser le pied sur la chaussé.  Dès lors, la perspective bucolique des choses change un peu et les pittoresques conducteurs se muent en adversaires coriaces.  Le premier réflexe de survie est de regarder à gauche et à droite pour déceler un moment d'accalmie qui permettrait de s'élancer.  Un bref regard suffit pour constater que la file de mobylettes s'étend à gauche et à droite à perte de vue de façon ininterrompue.  Le deuxième réflexe de survie est de se demander "Suis-je le seul à avoir eu cette idée stupide ?".  On prend alors une petite pause pour observer l'approche utilisée par les gens du cru pour réussir cet exploit. En les observant, il devient évident qu'il n'y a pas de solutions faciles pour réaliser la traversé.  Chacun y va d'un pas régulier et remet sa vie entre les mains des divers conducteurs qui doivent éviter les piétons.  Bon, pour des Vietnamiens de souche, cela ne cause pas trop de problème car les conducteurs connaissent leur comportement discipliné lors d'une traversé.  Ce n'est pas le cas lorsqu'un étranger tente l'aventure.  Les conducteurs doivent appréhender le comportement du piéton sur des bases différentes.  Un étranger ne traverse pas toujours d'un pas décidé et régulier ce qui permet de l'éviter sans problème.  Un étranger s'arrête parfois tout sec comme un animal terrorisé lorsqu'une mobylette lui fonce dessus (le conducteur assume simplement que le piéton sera passé au moment ou il arrivera sur lui).  D'autres étrangers doivent sûrement paniquer et partir à gambader comme des cabris affolés au travers de la circulation.  Dans mon cas, je pense avoir réussi à conserver un pas à peu prêt régulier mais je me suis vite rendu compte que ça ne  garanti en rien la sécurité.  Il y a en effet beaucoup de communication non verbale dans les codes de conduite de la traversé.  Quand on voit une mobylette qui fonce sur nous par exemple, on peut faire fi des réflexes normaux et continuer à avancer en regardant le motocycliste qui s'avance droit dans les yeux pour lui signifier que l'on ne s'arrêtera pas.  Mais c'est la que l'interprétation peut porter à confusion.  Le conducteur peut interpréter le regard comme un signe d'assurance et conclure que le piéton n'arrêtera pas ou il peut au contraire juger que le piéton est tellement indécis et inquiet qu'il va soit s'arrêter pile, soit reculer ou soit avancer en courant.  La réside tout le dilemme d'ou découle l'incertitude et de l'incertitude le danger.  Tenez, dans le cas de celui qui me fonce dessus en ce moment, il est manifeste qu'il n'a strictement rien compris à mes intentions car il infléchit sa route pour passer devant moi en fait à l'endroit même ou que je me proposais  d'occuper.  Comme on a pas de deuxième chance dans ces cas la, je n'ai d'autres options que d'effectuer un numéro de corrida Espagnole pour éviter l'énergumène alors que la communication non verbale se déroule à vitesse accéléré en voyant ses yeux noirs me passer sous le nez   "Butor de pied plats de saleté de conducteurs inconscient….  Euthanasiste sans permis d'opérer….. Trépanateur ambulant …    Terroriste…….  Désintégriste …." que je lui lance des yeux au passage.  "Colonialiste et Valet de l'Impérialisme américain pas foutu de gagner un iota sur votre dossier de bois d'œuvre" qu'il me rétorque du tac au tac.   Bon, mis à part cet échange viril, ça ne s'est quand même pas trop mal passé.  Même pas eu peur moi la.  Il me reste à lisser les poils hérissés de mes avants bras avant de poursuivre dignement la traversé.  Un conseil d'ami, si vous voulez traverser une rue de Hanoi, ne lésinez pas sur la dépense.  Vous hélez le premier taxi, vous lui faites faire un demi-tour dans la circulation (Ils sont capables de faire cela sans collision… fermez les yeux si vous êtes une âme sensible) de façon à descendre en toute sécurité sur le trottoir opposé, le tout pour la modique somme de 1$.  C'est plus efficace qu'une assurance vie et moins coûteux.  J'ai une pensée émue pour les aveugles qui doivent s'élancer avec pour tout aide une canne blanche.  Il ne doit pas en survivre beaucoup..  En fait, je n'en ai vu aucun en 3 semaines…  une espèce mal adapté à son environnement comme dirait le camarade Darwin.

Bon, vous me direz qu'il y a sûrement autre chose à voir à Hanoi que les tribulations des mobylettes et je vous l'accorde, c'est bien vrai.  Mon insistance sur ce sujet vient d'un traumatisme qui frappe tout voyageur débarquant dans ces contrées pétaradantes.  Si le cortège des mobylettes est agréable à regarder de la bordure du trottoir, il est infiniment plus désagréable à traverser.

La ville quant à elle s'avère très intéressante.  Il y règne une atmosphère unique, un peu difficile à définir  quand on la compare à d'autres villes de taille semblable, mais qui charme en peu de temps.  L'aspect unique de Hanoi est une combinaison des lacs du centre ville, de l'animation des trottoirs et de sa vie grouillante avec un éventail de couleurs, d'odeurs  et de bruits.   Les lacs proviennent d'anciens méandres du fleuve rouge et contribuent au charme de la cité. Les berges sont emménagées en espaces verts qui invitent à la promenade et qui ouvrent de large perspective sur la ville.  L'autre caractéristique de la ville et le mouvement omniprésent dans les rues et sur les trottoirs.  À Hanoi, nul besoin de chercher pour savoir comment vivent les habitants, tout y est apparent et le quotidien se déroule sous nos yeux aux guises des promenades dans les ruelles.  En fait, il y a même, à la limite, des risques de trébucher dans la vie privée des gens tant les trottoirs sont envahis de commerces de toutes sortes.  Une foule de micro-entreprises et de petits restaurants sont installés partout et il suffit d'un coin du trottoir entouré de quelques chaises et tables basses pour créer un îlot d'animation.  Ici une vielle dame fait cuire une marmite de soupe sur un petit poêle à charbon auquel un ventilateur de plastique sert de soufflet. On retrouve de ces petits restos minimaux un peu partout dans la ville, ils offrent grillades de viandes ou de maïs sur charbon de bois,  des fritures de poisson ou de viandes,  des galettes ou crêpes aux ingrédients incertains.  Les Vietnamiens mangent beaucoup aux restaurants si l'on en juge par la popularité de ces endroits souvent bondé.  Il s'y ajoute les vendeurs de fruits et de légume qui portent sur des tiges de bambous des paniers de fruits et qui s'installent aux coins des rues pour offrir leurs marchandises.   Il y a aussi les touches colorées des bicyclettes des vendeuses de fleurs qui l'on retrouve un peu partout dans les rues.  Il y a les marchés en plein air ou l'on retrouve tous les légumes de la campagne vietnamienne, les viandes et d'innombrables sortes de poissons  sont conservées dans des aquariums que l'on improvise dans de grandes bassines de plastique coloré.  De petits compresseurs insufflent de l'air dans l'eau des bassins pour maintenir les bestioles vivantes en attendant l'acheteur.  Et il y a la foule grouillante et compacte qui s'affaire au travers de ces rues.  Les commerces de toute sorte offrent leurs marchandises aux passants en l'étalant sur les trottoirs.  Pour certains commerces, la quantité de marchandises étalées et tout bonnement invraisemblable.  En soirée, ils n'ont d'autre choix que de compacter le tout dans le petit local qui leur sert de fond de commerce avant de fermer les rideaux d'acier pour la nuit.  Au petit matin suivant, ils ouvrent la porte de leur  local et la marchandise s'effondre à nouveau sur le sol et il ne reste plus qu'à disposer le tout.  Autrement, je ne vois pas comment ils peuvent y arriver.  Les Vietnamiens semblent avoir développer l'art de combiner les usages de leurs locaux.  La plupart des maisons ont de petites rampes sur laquelle on peut faire monter la moto pour l'entreposer, la nuit,  dans la pièce d'entrée de la maison transformée en garage.  La palme en cette matière revient à un bureau de poste ou j'ai vu l'employé stationner en fin de journée son camion à l'intérieur du hall d'entrée, en face du comptoir de service.

Vallée des parfums

Pour la sortie du premier week-end, nous nous sommes rendus à la vallée des parfums.  Ce site très beau est un lieux de pèlerinage isolé dans la montagne.  L'accès au site doit se faire par une rivière et une randonné de une heure en barque est nécessaire pour se rendre à la base de la montagne ou sont installés les temples. Le départ se fait à partir d'un village proche.  Des pagayeuses se chargent d'emmener les visiteurs à partir du village jusqu'au site.  La ballade en canot permet de découvrir rapidement un paysage grandiose.  Le village étant situé à l'entrée d'une chaîne de montagne d'où la rivière émerge.  Au départ, on note la quantité impressionnante de barques de toutes sortes.  Les plus modernes, en métal, sont empilées sur les berges en attendant les mois de mai et d'avril qui sont les mois d'activité du lieu de pèlerinage.  Les plus vieilles, en bois, ne sont plus que des épaves qui jonchent les rives de la rivière à la sortie du village.

Le paysage devient rapidement beaucoup plus sauvage alors que la route disparaît et que la rivière s'enfonce de plus en plus dans la vallée entre les montagnes.  Cela nous permet de découvrir la vie des habitants de la vallée qui est rythmée par la rivière.  On découvre de petites maisons disséminées ça et la le long de la rivière et leurs habitants.  Ils vivent de culture et de pêche et l'on en voit beaucoup qui travaillent à édifier des jardins à même les buttes de terre qui émergent de la rivière.  Certains habitants se déplacent en curieuse barque courte en métal en utilisant deux courtes pagaie taillée en bambou. D'autres se propulsent à l'aide de longues perches qu'ils utilisent pour avancer à l'aide de grande poussée.  Enfin, la plupart utilisent des rames qui bizarrement fonctionnent à l'inverse de par chez nous.  Ici on dérame et les erseau sont constitués de plusieurs rangs de cordes.  On croise par la suite des jardins de Jacinthe d'eau qui semblent ici cultivées.  Des barques munies d'un curieux appareillage électrique s'affairent autour des plantations.  L'utilité de leurs curieuses manœuvre avec une grande tige terminée par une petite louche électrifié nous laisse songeur et bientôt on laisse derrière ces cultivateurs branchés sans avoir percé le but de leurs activités.  Une jeune fille surgit en barque d'une baie proche et elle avance rapidement sur la rivière à nos cotés.  Les menues tâches ménagères sont combinées ici aux déplacement car on croise une barque qui s'avance vers le village tandis qu'une femme à l'avant est occupée à son lavage.  Une autre barque plus loin nous fait découvrir deux femmes penchées sur le plat-bord de leur embarcation et qui font la cueillette de grandes algues.  Puis vient un pêcheur qui dispose à intervalle régulier ses pièges, en l'occurrence de petites nasses en osier tressé.  Sa barque contient une grande quantité de ces pièges qu'il jette sur le coté de son embarcation et qui s'enfonce dans l'eau peu profonde.

Au terme de cette randonnée, notre barque accoste au pied d'une montagne ou se trouve divers temples bouddhistes ou de divinités locales (la spiritualité ici semble assimiler sans conflits le bouddhisme, le confucianisme, le taoïsme et autre culte plus locaux) qui font l'objet des pèlerinages.  Un premier temple situé au pied de la montagne permet aux pèlerins de saluer diverses divinités du panthéon bouddhiste.  Le temple est très beau avec de grandes portes de bois sculpté et ces poutres, bas reliefs et effigies laquées.   Des réceptacles pour l'encens sont disposés à l'extérieur du temple, dans la cour intérieure et au pied des dieux et déesse.  Le temple principal est dédié au Bodhisattva de la miséricorde.  Les bodhisattva dans la tradition bouddhique sont des êtres ayant atteint la félicité (nirvana) mais qui plutôt que de quitter le monde terrestre ont choisi de rester et de se dévouer pour aider les autres humains à progresser.  Cette Bodhisattva aurait visité cette montagne il y a très longtemps pour y connaître l'illumination.

Après le temple commence la montée de la montagne qui est assez abrupte.  Un moine facétieux que l'on croise nous lance un "bonne chance" en guise de salutation.   Au sommet de la montagne on retrouve un autre moine qui garde l'entrée d'une grotte ou est installé les lieux de prière des pèlerins.  Il élève de grands mainates noirs dans de petites cages en osier qu'il suspend aux branches des arbres par un crochet de bois.

La journée s'achève et nous refaisons en sens inverse notre trajet pour  rentrer sur Hanoi à la nuit tombé.

La Baie

Le second week-end, en route pour la Baie de Ha long, une destination incontournable dans toute visite au Vietnam.  Cette curiosité de la nature est formée de près de 2000 îles qui projettent des massifs rocheux verticaux dans le golfe du Tonkin au sud de la Chine. Le paysage vaut le détour et une balade en bateau permet de glisser des heures durant entre les grands pics rocheux ou s'accroche un peu de verdure. L'eau de la baie est d'un vert olive légèrement délavé par ce temps gris de décembre.  Les perspectives offertes par les successions des îles, baies, et plages adossées à des parois verticales toujours mouvantes offre un vaste panorama des beautés naturelles de ces lieux.

Pour quiconque se rappelle le film Indochine, la seule façon de visiter l'endroit consiste dériver au gré des marées sur une vielle jonque chinoise encalminé sous un soleil brûlant. De surcroît, il faut être étendu sur le dos, dans un long pantalon blanc, de préférence à demi mort de soif, écrasé par la chaleur et la fièvre et en plein délire.  En fait, du stéréotype du film je n'ai conservé que le pantalon blanc,  étant donné que les excursions se font maintenant en bateau motorisé qui élimine les incertitudes de la brise et que la bière fraîche offerte à bord empêche la déshydratation.  On est humain après tout.

Les îles sont souvent minées à la base par les assauts répétés des vagues et les surplombs ainsi créé défendent l'accès de la plupart des îles.  Pourtant, même dans cet endroit sauvage, l'homme réussi quand même à s'installer et à vivre. On le retrouve au fond des baies sur des habitations flottantes isolées ou reliées par des pontons d'où ils peuvent mener leurs activités de pêches.  Ces petites cabanes semblent bien frêles pour être ainsi déposé en pleine mer et l'on a l'impression que le premier typhon effacera toute trace de vie humaine de la baie.  Et pourtant, les habitants semblent bien s'accommoder de l'endroit et des bouées indique même la présence de filet pour la pisciculture.   Parfois, rarement, on découvre une île dont le relief moins escarpé permet la colonisation.  On passe d'ailleurs devant une de ces îles ou une vallée formée entre deux pics rocheux s'abaisse à quelque mètre du niveau de la mer.  Il n'en a pas fallut plus pour que l'homme repère l'endroit et ouvre une brèche dans la forêt pour atteindre le plateau ou une maison sera installé.  Deux péniches sont amarrées au bas du rocher et on voit des hommes faire la navette entre les péniches et le chantier le long d'un sentier.  On voit les tas de poutres, gravier, briques qui serviront à la construction, le bruit des génératrices et le mouvement des pics qui attaquent le sol.  Tout cela dérange la quiétude de la baie.  Dommage en quelque sorte que certaines îles perdent ainsi leur nature sauvage.

Outre les humains qui ont su s'adapter à l'endroit, les seuls autres habitants de ces lieux sont les grands oiseaux rapaces qui  nichent dans les parois rocheuses.  On les aperçoit au détour d'une île, planant lentement  au-dessus du bateau avant de disparaître dans le corridor vertical formé par deux montagnes.

La ballade se poursuit en direction de l'île de Cat Ba et de son anse naturelle qui abrite une communauté de pêcheur. Chemin faisant, nous croisons plusieurs embarcation de pêcheur pétaradante qui rentrent au port en cette fin de journée.  Les moteurs semblent à la limite de rendre leur dernier souffle.  Si vous voulez avoir une idée du son produit utiliser la méthode suivante :

Faire le son "peu", de préférence avec la bouche en cul de poule
Faire le son "Touque" en appuyant bien sur la deuxième syllabe
Répéter le tout à une fréquence légèrement inférieure à une seconde.
Éviter de faire l'exercice devant votre conjoint qui lit sa revue favorite si vous voulez éviter de voir la revue s'abaisser et une paire de yeux sidérés vous fixer.
Vous y êtes presque, par contre le son est encore un peu sec comparativement à la réalité.  Passer donc dans la cuisine et avaler une pinte d'huile d'olive avant de continuer.  L'illusion sera tout à fait parfaite.

Près de nous passent ainsi (fond sonore inclus) trois barques de pêcheur pétrifiées.  Je parle des barques, pas des pêcheurs.  Enfin, presque car sur la dernière embarcation, un homme affalé dort, harassé par sa journée de travail.

La nuit tombe sur le port de Cat Ba et l'atmosphère change pour devenir plus feutré. Les bruits s'estompent et des lumières et feux apparaissent sur les bateaux de pêcheurs qui font aussi office d'habitation.  De petites barques tressées en osier que l'on devine très légère par les embardées accompagnant le moindre coup de rame flottent à proximité des quais.  Elles font le batelage vers les bateaux amarrés plus loin dans la baie.   Sous une bâche couvrant un bateau près de la rive, quatre hommes jouent aux cartes à la lueur d'une lampe tempête.  Les bruits sont assourdis à l'exception d'un dernier moteur fatigué que l'on entend s'approcher à l'entrée de la rade (vous connaissez le truc maintenant, seulement la fréquence est encore plus poussive). L'embarcation traverse la baie, le moteur se tait ou s'étouffe et une barge de bois gris patiné par le temps apparaît sous la lumière faible du quai.  Elle court sur son erre lentement avant d'accoster sans bruit.

Le reste de la soirée se passe à se balader sur le front de mer.

Le retour le lendemain nous permet de découvrir la campagne vietnamienne dans une journée de travaux aux champs. C'est la saison ou les habitants préparent les rizières pour les semis. Une grande partie des travaux des champs sont toujours fait selon les usages séculaires.  Les bœufs tirant le soc de la charrue pour retourner la terre renvoient des images d'une époque que l'on croyait révolue.  L'irrigation des rizières est, elle aussi, fait en grande partie à la force de bras.  On voit ça et la des paysans qui balancent entre eux un cône de vannerie relié à de longues cordes.  À chaque mouvement de balancier, une charge d'eau passe ainsi du canal à la rizière. Le processus est long mais la main d'œuvre ne manque pas dans un pays de 70 millions d'habitants.  On retrouve d'ailleurs des approches similaires faisant appel à la sueur des hommes pour les travaux de constructions.  On croise à mainte reprise des chantiers ou les ouvriers portent la brique dans des paniers d'osiers. Ou encore, ils forment des chaînes humaines pour emmener les matériaux jusqu'au point d'utilisation.   Il n'est pas rare de voir des ouvriers lançant des briques une à une du sol vers les étages supérieurs des bâtiments en construction.  Exercice ou ils font preuve d'une régularité impressionnante.  Ainsi depuis des centaines, voir des milliers d'années, les habitants du Vietnam travaillent, construisent, labourent les champs pour vivre et finalement s'éteindre.  D'innombrables stèles et mausolées sont disséminés dans les champs marquant les sépultures des générations précédentes qui ont vécu et se sont usés à tirer subsistance de cette terre.  Le soir tombe sur une autre journée figée dans les traditions pour ces gens.