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LES DIVINITÉS CELTES


II


LA DEESSE






  • Bruuis, l'Energie créatrice :

    Dans le substrat universel appelé l'Immensité, le Bitumon, la possibilité mécanique de la manifestation consiste en deux tendances, la cohésion, Lugus et la dispersion, Dis-atir et leur résultante, le principe dont naît l'espace-temps, est appelé l'Etre-immense, Bitumios.
    Mais la tension entre les deux forces contraires, qui donne naissance à la possibilité du mouvement dans le substrat, est représenté comme la forme première de l'énergie, Bruuis.
    Cette Energie n'est ni la qualité de l'une ou de l'autre des deux tendances, ni leur simple relation.
    Elle représente quelque chose de plus, de nouveau.
    Dès que la manifestation se met en marche, Bruuis apparaît partout, en tout, comme l'essence de tout.
    Comme le pouvoir de Dis-atir ou de Lugus ou de Bitumios elle est appelée Briga, la Toute-puissante.
    En cosmologie cette puissance, lorsqu'elle est manifestée, est appelée Andeganna, la Nature.

    Etant l'aspect créateur du divin, la puissance de laquelle la Création est issue, de laquelle les dieux naissent, par laquelle ils procréent, Bruuis est la Mère, l'Epouse, la Sœur, la Fille de tous les dieux.
    La notion même du divin repose sur celle de puissance.
    Les dieux sont les êtres les plus puissants.

    Bruuis est la source de tout, l'origine du monde phénoménal mais aussi du plan conscient de sa création, ainsi que le principe de la connaissance ou perception, par lequel l'existence du monde peut être réalisée. La Déesse est donc également représentée comme la connaissance ou la conscience. Sans elle les dieux sont morts, inactifs, inconnus, inopérants, non-existants.
    Un savoir sans pouvoir d'action est un savoir mort, comme un sentiment sans la force de lui donner effet.

    La Déesse est la source de tout, le Créateur universel.


    " J'erre avec les Principes de vie, les Sphères d'existences, les Principes souverains, les Dieux universels. Je soutiens la Puissance, le Feu, les lois des dieux et des hommes, les génies de l'agriculture.
    Je suis la source de l'élixir-de-vie qui coule du mortier.
    C'est moi qui soutient le Façonneur, le Nourrisseur et l'Héritage.
    Je donne le fruit de l'action rituelle à l'ordonnateur du sacrifice qui nourrit les dieux de ses oblations.
    " Je suis le royaume, la dispensatrice des richesse, celle qui sait. Je viens la première dans tous les rites.
    Les dieux m'ont installée dans des demeures nombreuses.
    Mon empire est immense. Je réside en tout ce qui est.
    " C'est de moi que vient tout ce qui se mange, tout ce qui se voit, tout ce qui se respire, tout ce qui s'entend.
    Ceux qui m'ignorent sont détruits. Ecoutez donc et méditez avec respect ce que je dis. Je suis la joie des dieux comme des hommes.
    " Je fais de chacun ce qu'il désire être, craint ou généreux, intuitif ou intelligent.
    Je fais partir la flèche de l'arc du Seigneur des larmes pour tuer la tribu des ennemis du Savoir.
    Je combats pour le peuple. Je pénètre le ciel et la terre. Je donne naissance au père. C'est moi qui suis sa tête.
    Je naquis des eaux primordiales. De là je me suis répandue dans l'univers.
    Je touche le ciel de mon corps. Je souffle comme le vent lorsque je crée les mondes.
    Ma grandeur dépasse le Ciel et la Terre. " (Rig Veda)





  • Nature de la Déesse :


    La Déesse représente la nature de la totalité, c'est-à-dire la vie dans ses dimensions les plus primitive. Elle n'est pas " bonne " par essence puisqu'elle n'est ni morale ni consciente. Elle est prodigieuse. Elle est puissance aveugle et liberté, miraculeuse et impalpable. Elle peut tout donner aux hommes et tout leur reprendre.

    " Pour ceux qui cherchent le plaisir ou ceux qui cherchent la libération, l'adoration de la Toute-puissante est indispensable. Elle est la connaissance-de-l'Immensité, la mère du monde, présente dans l'Univers entier. " (Karapâtri, Shrî Bhagavatî-tattva)

    " La déesse, dévouée à ses fidèles, détruit ceux qui ne l'adorent point et réduit leurs mérites en cendres. " (Devî-mahâtmya)

    Sa nature c'est cela, une énergie violente, une soif inextinguible, une faim de louve et puissance absolue.





  • Anna, la Mère des dieux :

    Tous les dieux sont les fils d'Anna, la puissance originelle inépuisable, la totalité indivise, la Première déesse qui ne connaît pas d'obstacle et qui est la mort, la dévorante, la pauvresse qui n'a rien à donner. Elle est le ciel sans limites, la nuit sans fin, la nature même du divin, la mère des dieux, Deui-matir. " Quelques historiens disent que les Tùatha Dè Dànann furent nommés fils qu'enfanta Danann. " " C'est de Danann, qui est leur mère que l'on nomme Dà Chich Danann (les deux seins de Danann) les deux collines qui sont à Luachair Deaghaidh dans le Munster méridional. " (Foras Feasa ar Eirinn) " Les dieux sont nés de l'Etendue, de la Terre et de l'Eau. " (Rig Veda) " Anna est la mère de l'Art-rituel, Dagodeuos, et aussi sa fille. "

    Mère des dieux, elle est aussi la Terre-mère des hommes. " Nés de toi les mortels retournent en toi, c'est toi qui portes les bipèdes, toi tes quadrupèdes, tiennes, ô terre, sont les cinq races d'hommes. " (Atharva Veda) " Ô Terre notre mère, confère-moi la grâce d'un bon établissement, en harmonie avec le Ciel, ô Sage. " (Atharva Veda)

    Anna est tout, l'Universelle génitrice, la Grande, la Mère des fidèles, épouse de l'ordre divin. " Anna est le Ciel, Anna est l'espace, Anna est la mère, elle est le père, elle est le fils, Anna est tout les Dieux, les cinq races, Anna est ce qui est né, Anna est ce qui doit naître. "

    Sous cet aspect, qui est la nature, la Déesse est la mère du monde et, en tant que telle, elle est toujours bienveillante. Elle pardonne tout et reste bonne envers ses fils ingrats.





  • Les épouses des Trinertii :

    Puissance de manifestation des trois forces, la Déesse apparaît à l'origine des trois aspects de l'existence comme la Réalité, la Conscience et l'Expérience.

    En tant que Réalité, elle est le pouvoir de coordination, le pouvoir de la tendance cohésive. Elle est Cersa, la Gauchère, le Pouvoir-d'agir, c'est-à-dire la causalité. Elle est aussi le pouvoir de multiplicité et comme telle est Rosmerta, la Pourvoyeuse, la déesse de la Fortune, compagne de Lugus.

    En tant que Conscience, elle est le pouvoir de compréhension, le pouvoir de la tendance orbitante. Elle est Brigantia, la Très élevée [rivière du savoir], la déesse de la Science, compagne de Bitumios.

    En tant qu'Expérience ou félicité, elle est le pouvoir de bonheur, de joie, de plaisir, le pouvoir de la tendance centrifuge ou désintégrante. Elle est Ecritumara, la terrible, le pouvoir de perception, de réalisation, de connaissance transcendante qui détruit le monde illusoire. Elle est Morrigane, la Grande-reine, la compagne de Dis-atir.

    " La création naît de cette triple puissance. Selon le plan conçu dans l'esprit divin, l'énergie (Bruuis) naquit du rayonnement de l'entité formée par la Réalité, la Conscience et l'Expérience. " Les formes manifestées par l'entité Existence-Conscience-Expérience, et qui sont l'action, le savoir et le désir, sont l'origine du créé. Elles constituent l'harmonie, la perfection qui régit le divin, une perfection qui ne peut être distinguée de l'être divin lui-même. La perfection est la nature de l'Immensité. Les Ecritures décrivent la nature divine comme faite de savoir, de puissance et d'action. La loi de perfection qui régit la nature est indifférentiable de l'énergie divine. A cause de sa force incontrôlable on l'appelle la Furie (Uerga). Selon la fonction qu'elle remplit, cette énergie prend la forme du Pouvoir-transcendant-de-durée (Brigamsera), du Pouvoir-transcendant-de-multiplicité (Rosmerta) et du Pouvoir-transcendant-de-connaître (Brigantia). " (Karapâtri, Shrî Bhagavatî tattva)


    1. Brigantia (la Très élevée [rivière du savoir]), la déesse des arts :

    La puissance de Bitumios, représentée comme sa fille et son épouse, est la déesse de la Parole, la Très élevée [rivière du savoir], Brigantia. Elle représente l'union de la puissance et de l'intelligence de laquelle naît la création organisée. Labara, la Parole est la force par laquelle le savoir s'exprime dans l'action. Brigantia est la source de la Création-par-le-Verbe qui existe parallèlement à la création formelle. Elle est la déesse de l'éloquence, de la sagesse, du savoir. La patronne des arts et de la musique
    Elle est la mère de la poésie, de la santé, de la guerre et de la forge.

    La figure de Brigantia a beaucoup évolué dans l'antiquité et, d'une façon constante, dans le sens d'une spiritualisation. Deux de ses attributs symbolisent les termes de cette évolution, le serpent et l'oiseau. Antique déesse des eaux, issue des cultes chtoniens (le serpent), elle s'est élevée à une place dominante dans les cultes ouraniens (l'oiseau) : déesse de la fécondité, et de la sagesse ; vierge, protectrice des enfants ; guerrière, inspiratrice des arts et des travaux de la paix.

    Le jour même de sa naissance, Lugus, le dieu qui donne aux hommes la lumière prescrit à sa descendance innombrable d'observer à l'avenir cette obligation : " … Sur l'autel brillant que les premiers élèveraient à la déesse, ils institueraient un sacrifice auguste, pour réjouir le cœur de la vierge à la lance frémissante et celui de son père. " (Pindare, septième Olympique)
    On ne saurait imaginer plus lumineuse atmosphère, semblable à l'épiphanie d'une divinité émergeant d'une montagne sacrée.

    Elle est décrite comme une femme gracieuse, debout, un mince croissant de lune à son front. Ses attributs sont une lyre, un serpent, une chouette, une épée, un bouclier, une lance, une cotte de maille, une ceinture : symbole de la combativité de la déesse et de l'acuité de son intelligence. C'est la jeune fille armée qui défend les hauteurs, dans tous les sens du terme, physique et spirituel, où elle s'est établie.
    Si elle place sur son bouclier la tête terrifiante de la Méduse, c'est comme un miroir de vérité, pour combattre ses adversaires, en les pétrifiant d'horreur devant leur propre image. Aussi Brigantia est-elle la déesse victorieuse, par la sagesse, par l'ingéniosité, par la vérité. La lance elle-même qu'elle tient à la main est une arme de lumière ; elle perce, comme l'éclair, les nuées ; elle est un symbole vertical, comme le feu et comme l'axe. La chouette, oiseau de Brigantia, est un oiseau nocturne, en relation avec la lune, elle ne peut supporter la lumière du soleil, et s'oppose donc en ceci à l'aigle, qui la reçoit les yeux ouverts. On peut voir là, ainsi que dans le rapport Brigantia-Athéna-Minerve, le symbole de la connaissance rationnelle - perception de la lumière (lunaire) par reflet - s'opposant à la connaissance intuitive. La chouette, oiseau de Brigantia, symbolise donc la réflexion qui domine les ténèbres.

    La protection qu'elle accorde aux héros, " symbolise l'aide apportée par l'esprit à la force brutale et à la valeur personnelle du héros. " (Pierre Grimal)

    Celle qui fut honorée comme une déesse de la fécondité et de la victoire symbolise surtout la création psychique. La synthèse par réflexion. L'intelligence socialisée.
    Elle est en effet la protectrice des hauts lieux ; l'inspiratrice des arts, civils, agricoles, domestiques, militaires ; l'intelligence active et industrieuse. C'est la déesse de l'équilibre intérieur, de la mesure en toutes choses. Elle est la personnalité divine qui exprime le mieux les caractères mêmes de la civilisation celtique, guerrière ou pacifique, mais toujours intelligente et réfléchie.

    Il semble dès lors que, de même que Lugus, elle symboliserait la spiritualisation combative et la sublimation harmonisante qui sont solidaires. Lugus et Brigantia symbolisent les fonctions psychiques sensées, nées de la vision des idéaux ultimes : la vérité suprême et la sublimité parfaite. Brigantia symbolise plus particulièrement la combativité spirituelle, celle qui doit toujours être en éveil, car nulle perfection n'est à jamais acquise.

    Les noms de Brigantia sont innombrables, mais les plus courant sont : Eloquence, Sulabaris, Connaissance, Uidia et Parole, Labara.


    2. Rosmerta (la Pourvoyeuse), déesse de la fortune :

    Le pouvoir de Lugus l'Immanent, le Préservateur, l'Omniprésent, est représenté par le pouvoir de multiplicité, la Pourvoyeuse, Rosmerta, la déesse de la Fortune. Elle est aussi la déesse de la beauté et est alors appelée Tecosuila.

    On la voit tenant un caducée, une corbeille de fruits, une corne d'abondance, une patère et une bourse.

    Son opposée est l'Infortune, Dilauta, d'une laideur effrayante, aussi appelée la Sœur-ainée, Cintugnata.


    3. Morrigane (la Grande reine), la déesse de la vie et de la mort :

    Comme Dagodeuos lui-même, sa puissance est envisagée sous trois aspects principaux : un aspect créatif, immanent, actif, nommé Bruuis (Energie), un aspect spatial, permanent appelé Magosia (la Plaine), et un aspect destructeur qui est Bodua (la Corneille).





    Bruuis :

    La déesse Bruuis est le pouvoir du désir et de la jouissance. Elle symbolise les forces irrépressibles de la fécondité, aussi bien dans leurs fruits que dans le désir passionné qu'elles allument chez les vivants. " Elles égare même la raison de Zeus qui aime la foudre, lui, le plus grand des dieux… ; même cet esprit si sage, elle l'abuse quand elle veut… Elle atteignit l'Ida aux mille sources, la montagne mère des fauves : derrière elle, marchaient en la flattant les loups gris, les lions au poil fauve, les ours et les panthères rapides, insatiables de faons. A leur vue, elle se réjouit de tout son cœur et jeta le désir en leur poitrine ; alors ils allèrent tous à la fois s'accoupler dans l'ombre des vallons. " (Hymnes homériques)

    " Du Seigneur-du-sommeil, du phallus saisi par la vulve qui est son Energie, jaillit la semence de l'Univers spatial. Lorsqu'il est conçu comme une entité personnifiée, le Seigneur-du-sommeil apparaît lui-même inactif alors que son Energie semble vivante. Envisagée comme l'instrument du pouvoir procréateur de Shiva (Dagodeuos), cette Energie est appelée la Puissance-de-jouir. Elle apparaît alors comme l'exact opposé de la Puissance-du-temps, Kali (Bodua), le pouvoir de destruction. Lorsque l'Energie, qui est aussi la puissance-de-penser s'unit au Seigneur-du-sommeil, ceci mène à un état d'agitation, de déséquilibre duquel la création naît. Lorsqu'elle est séparée de lui, ceci mène à un état de sommeil, d'équilibre dans lequel le monde se dissout. " (Karapâtrî, Shrî Bhâgavatî-tattva)

    Lorsque Bruuis saisit Dagodeuos, l'Univers en est secoué.

    C'est l'amour sous sa forme physique, le désir et le plaisir des sens. Le symbole de Bruuis " exprime la perversion sexuelle, car l'acte de fécondation ne peut être cherché qu'en fonction de la prime de jouissance que la nature y attache. Le besoin naturel s'exerce alors perversement. " (Paul Diel)

    " Le Soi-suprême, inqualifiable, s'abrite en toi. Tu es la femme de laquelle il tire son plaisir, la déesse des sphères. " (Devî Bhâgavata)

    Mais Bruuis est aussi le pouvoir de la libération, car pour s'affranchir des liens par lesquels la Nature nous entrave, il nous faut mener un combat actif. " L'Univers est manifesté à partir de la déesse des sphères qui est la forme perceptible de la Nature-fondamentale. Une double énergie apparut sous la forme de l'Accomplissement, la divinité des énergies vitales, et sous la forme de l'Inaccessible, la divinité de l'intellect. Cette double énergie, qui gouverne la vie et l'intellect, est appelée la déesse toute-puissante, la Reine-universelle. C'est d'elle que dépend la libération, car la libération dépend de l'union puis de la séparation de l'intellect et de la vie. " (Devî Bhâgavata)


    Magosia :

    C'est une déesse aimable et désirable. Elle est le symbole de l'espace, de l'illimité terrestre, mais avec toutes les significations de l'horizontale, par opposition à la verticale. Transposé en plaines du ciel, le mot indique l'immensité infinie, dans laquelle les dieux ouraniens circulent et où les psychopompes entraînent les âmes après la mort.

    Portant en elle les caractères maternel, agraire (Magosia épouse du paysan Cronnchù), de fertilité sacrée (Magosia femme de Nemetos), guerrier et sexuels (Magosia fille d'Aedus Rudios), la déesse symbolise la fonction maternelle ; Tellus Mater. Elle donne et reprend la vie. Se prosternant sur le sol, Job s'écrie : " Nu, je suis sorti du sein maternel ; nu j'y retournerai. ", assimilant Magosia au giron maternel.
    Dans la religion védique, elle symbolise aussi la mère, source de l'être et de la vie, protectrice contre toute force d'anéantissement.
    Assimilée à la mère, Magosia est un symbole de fécondité et de régénération. Elle enfante tous les êtres, les nourrit, puis en reçoit à nouveau le germe fécond. Suivant la théogonie d'Hésiode, elle enfanta même le Ciel, qui devait ensuite la couvrir pour donner naissance à tous les dieux. Les dieux imitèrent cette première hiérogamie, puis les hommes, les animaux ; Magosia se révélant à l'origine de toute vie, le nom de Grande reine, Morrigane, lui fut donné.

    Avec ce caractère sacré, avec ce rôle maternel, Magosia, la Terre, intervient dans la société comme garante des serments. Si le serment est le lien vital du groupe, Magosia est mère et nourrice de toute société.
    C'est elle qui choisie le futur roi en s'accouplant avec le prétendant au trône afin de lui octroyer la souveraineté, mais aussi la fertilité du sol et des animaux. Tant que le contrat passé entre le roi et la déesse, c'est-à-dire la pratique du don et de la générosité, est respecté toute fécondité de la terre, des plantes, des hommes et des animaux est assurée.


    Bodua :

    La Corneille est en tant que pouvoir de destruction, l'aspect terrible de la Morrigane. C'est une déesse ivre de cervoise, de luxure et de sang, dont l'apparence fait peur. Elle représente la puissance de tout ce qui tue : la maladie, la guerre et aussi le temps.

    Belliqueuse, la déesse ne participe pas en personne aux conflits armés. Elle excite les guerriers, agit par magie et par la terreur même que sa présence inspire. " Bodh, Macha et la Morrigan arrivèrent alors à la colline de la Prise des Otages, et à la colline de l'avertissement des Armées à Tara. Elles envoyèrent des averses de magie druidique, des nuages denses de brouillard et de violentes pluies de feu, avec des chutes de sang tombant de l'air sur les têtes des guerriers. Elles ne permirent pas aux Fir Bolg, pendant trois jours et trois nuits, de se reposer ou d'être en paix. " (C. M. T. C.)

    Pour l'amour du Dagodeuos elle alla " à Scene pour tuer le roi des Fomoire, c'est-à-dire Indech, fils de Dè Domnann. Elle lui enleva le sang du cœur et les rognons de sa valeur. Elle montra ensuite ses deux mains remplies de sang aux troupes qui attendaient devant le gué d'Unius. " (Cath Maige Turedh)

    Lors des batailles, elle revêt des formes animales. Quand on l'invoque en imitant le cri du corbeau, elle apparaît alors " Basanée, rapide, large de mâchoires, barbouillée de suie et louchant de l'œil gauche. "
    Les crânes des hommes tués lors d'un combat sont nommés les " glands de Morrigane " en référence à son aspect de " truie divine ".

    Bodua est la destructrice, la terrible déesse, la Puissance-du-temps que rien n'arrête et qui inexorablement anéanti toutes vies. Elle est l'aspect cosmologique de Dis-atir, le Père destructeur. " Je suis le temps toujours enclin à détruire les mondes. " (Bhagavad-Gîtâ)

    Mais, comme nous l'avons vu avec le dieu terrible et bénéfique, c'est par la destruction de tout ce que l'on croit désirable et en faisant front à tout ce qui nous semble à craindre que nous pouvons nous affranchir et parvenir au but : la dissolution dans l'Immensité.

    Bodua apparaît ainsi comme l'aspect le plus abstrus, le plus élevé du divin.

    Le renoncement, la mort, l'après-vie fait peur. C'est pourquoi la déesse apparaît terrifiante, souvent monstrueuse. La représentation de cette peur, la plus horrible aussi, est un monstre anthropophage. " L'animal est assis sur son train de derrière. Sur chacune de ses pattes postérieures repose une tête barbue qui supporte une patte antérieure du fauve. La gueule largement ouverte contient la partie inférieure d'un corps humain. "

    Elle est l'expression effrayante de la mort. " Le montre androphage est le symbole de la Terre. Comme le fauve dévore les humains pour en tirer sa force, la terre résorbe les corps et prodigue ses richesses en échange : ainsi se trouve bouclé le cycle de la vie et de la mort. " (J. Debal)

    " Le lion est alors conçu à la fois comme un symbole de l'animal qui dévore, qui fait disparaître, et comme un symbole de l'animal qui confère à sa victime dévorée quelque chose de sa propre puissance vitale, réalisant en elle une métamorphose par passage au travers de la mort. " (G. de Champeaux & D. S. Sterckx)

    Elle apparaît comme terrible, car dans ce monde où le plaisir matériel est légion, elle représente un niveau au-delà de tout attachement. Pour atteindre l'extase véritable l'homme doit abandonner toutes les choses qui font son bonheur en tant qu'être vivant. Il n'est donc pas étonnant que cette mutation se révèle en premier lieu comme un monstre hideux.
    Pour le sage, Bodua, malgré son aspect terrifiant, n'est pas la personnification de la peur universelle. Elle qui détruit tout ce qui est créé n'est pas, en tant que mort, le néant, l'annihilation. Mais au contraire, elle est la Libération, l'ultime but de notre destiné, la béatitude suprême et sans limites.
    Bodua n'est effroyable que du point de vue existentiel et des plaisirs du monde.

    Bodua apparaît donc sous deux formes. L'une, du point de vue de l'existence finie, ravageuse et destructrice, et l'autre, du point de vue transcendant, comme une félicité illimitée, une paix infinie. " Je te salue, guide des Réalités, Noble déesse qui réside dans le ciel ! Fille ténébreuse au collier de têtes de morts, de couleur fauve, couleur de bronze. Je te salue bienfaisante puissance du temps, puissance de l'Eternité transcendante. " (Mâhâbhârata)

    Effrayante à voir, Bodua resplendit dans sa nudité. Vêtue d'une ceinture de têtes, elle se tient debout sur un cadavre. Son rire découvre ses dents terribles. Elle a quatre tresses. Elle tient une épée dans sa main droite et une tête coupée dans sa main gauche.
    Le combat terminé, lorsque le vainqueur achève son adversaire et reste seul sur le champ de bataille, il ne peut inspirer qu'un sentiment de crainte. C'est ainsi que Bodua inspire la terreur. Son aspect effrayant symbolise son pouvoir de destruction sans limite. Elle rit, et son rire exprime son emprise totale sur tout ce qui existe. Elle se moque de ceux qui espèrent lui échapper. De même les têtes attachées à sa ceinture rappelle aux vivants que nul n'échappe à la toute puissance du temps.
    Bodua se frotte le corps avec de la suie. Ceci donne à son corps nu une étrange et effrayante noirceur qui incarne la tendance vers la dispersion, vers l'obscurité. Elle dont l'éclat illumine le monde, énergie primordiale de qui le Soleil et la Lune sont les yeux, est la Noire, Dubis, parce qu'elle est l'énergie ultime dans laquelle tout se dissout. Par la puissance du temps toutes les formes retournent à l'informel dans l'obscurité omniprésente de la Nuit éternelle.
    Lors de la destruction universelle seule reste Bodua, la puissance destructrice du temps. L'Univers détruit la déesse reste nue, sans voile. C'est pourquoi elle est vêtue d'espace.





  • Les noms de la Déesse :


    Comme l'aimable compagne des plaisirs de Dagodeuos, la Déesse est appelée la Blanche, Uinda, la Mère, Matirona, la Dispensatrice, Rosmerta, la Vierge, Ogis, la Mère-du-monde, Bitumatir, la Bienveillante, Sucara, la Brillante, Bela, la Plaine, Magosia.

    En tant que personnifiant l'érotisme, elle est appelée Désirable, Cassia, Amour, Carantia, la Noble, Aria, la Reine, Riganissa, Celle-qui-frotte, Crebettia, Celle-qui-serre, Crappetiia, Très bienveillante, Rosucara.

    Sous son aspect terrible, elle est Noire, Dubis, Nue, Nogta, Furie, Uerga, Sombre Dumuca, Terrifiante, Ecritumara, Violente, Rotana, Victorieuse, Boudaca, Corneille-de-combat, Catubodua.





  • Autres aspects de la Déesse :

    Il y a autant de formes de la Déesse qu'il y a de dieux et d'aspects de la création. Parmi toutes ces déesses, quelques-unes sont plus particulièrement vénérées.


    1. Epona, la Jument :

    La Jument est associée aux ténèbres du monde chtonien. Elle surgie galopante des entrailles de la terre ou des abysses de la mer. Cette Jument archétypale est porteuse à la fois de mort et de vie, liée au feu, destructeur et triomphateur, et à l'eau, nourricière et fertilisante. Ce qui explique qu'elle a le don de faire jaillir des sources du choc de son sabot.
    La Jument chtonienne suppléent l'homme, là ou ses pouvoirs s'arrêtent, au seuil de la mort. Clairvoyante, familière des ténèbres, elle exerce des fonctions de guide et d'intercesseur, en un mot psychopompe.
    De plus elle est aussi, grâce à l'enchaînement symbolique Terre-Mère, Lune-Eau, Sexualité-Fertilité, Végétation-Renouveau périodique, une divinité agraire. Par la rapidité de sa course, qui l'associe au temps et donc à la continuité de celui-ci, Epona, qui d'autre part, traverse indemne les pays de la mort et du froid, donc l'hiver, est porteuse de l'Esprit-du-blé de l'automne au printemps, comble la faille hivernale et assure l'indispensable renouveau.

    Epona est aussi le symbole de l'impétuosité du désir, de la jeunesse de l'Homme, avec tout ce qu'elle contient d'ardeur, de fécondité, de générosité. Symbole de force, de puissance créatrice, de jeunesse, prenant une valorisation sexuelle autant que spirituelle, elle participe dès lors aux deux plans : chtonien et ouranien.
    De Jument noire considéré comme le coursier de la mort, elle devient, dans son acception solaire, lumineuse, la Jument blanche, symbole de la vitalité triomphante.
    Dans ce mécanisme ascensionnel elle devient un symbole guerrier, et même l'animal de guerre par excellence. Semeuse de mort, infernale dans sa lutte, elle s'élève aux cieux par son triomphe ou par son sacrifice.
    Quittant ses sombres origines, elle s'élève en pleine lumière. Vêtue d'une blanche robe de majesté, elle cesse d'être lunaire, chtonienne et devient ouranienne ou solaire, au pays des dieux et des héros.

    Elle tire le char du Soleil et lui est consacrée. Solaire, attelée au char de l'astre, Epona Uinda devient l'image de la beauté accomplie, par le règne de l'esprit sur les sens.

    Epona relie les opposés de la manifestation passant avec aisance du haut vers le bas, du jour à la nuit, de la mort à la vie, de la passion à l'action. Elle est essentiellement manifestation ; elle est Vie et Continuité, par-dessus la discontinuité de notre vie et de notre mort. Elle est Merveille.


    2. Bouinda, la Vache-blanche :

    La Vache, productrice de lait, est le symbole de la Terre nourricière. Elle est la fertilité, la richesse, le renouveau, la Mère, la mère-céleste du Soleil, épouse de Taranis, le puissant taureau.


    3. Matir, la mère :

    Sous son principal aspect qui est la nature, la Déesse est la mère du monde. En tant que telle elle est toujours bienveillante. Elle pardonne tout et reste bonne envers ses fils ingrats. " Elle combat avec adresse ses ennemis et pourtant a pitié d'eux. En son cœur elle reste une mère. Purifiant ses fils de ses flèches brûlantes, elle les envoie au paradis. " En vérité tous sont fils de la mère. Qui pourrait s'opposer à elle ? " (Karapâtrî, Shrî Bhagavatî-tattva)


    4. Pempe Matres, les cinq mères :

    La Déesse est aussi décrite sous la forme de cinq Mères appelées les Matres. Celles-ci, dans la création par le Verbe, sont identifiées aux cinq matrices ou voyelles, base de tout langage, car la parole est la mère de la connaissance.


    5. Stirona, l'Etoile :

    Puissance de Bitumios, première localisation cosmique à partir de laquelle le monde se développe, l'Etoile, Stirona, est la représentation de la Déesse dans son aspect astral. Elle apparaît dans l'immensité cosmique comme la première localisation de l'Energie, comme une source de lumière, une combustion, une action dévorante. " Dans la nuit du temps, qui représente l'état de la dissolution universelle, la lumière apparaît comme un point, une étoile. Cette lumière représente la nature première, la manifestation première de la pensée. Elle est l'instrument de la connaissance, illuminant son objet. " (Karapâtrî, Shrî Bhagavatî-tattva)

    Stirona, en tant qu'étoile est ce qui mène sur l'autre rive, Celle qui nous fait traverser. Tout ce qui mène l'homme vers son but.

    Dans le cycle jour-nuit, Stirona représente le début de l'aurore, le premier désir, le premier signe qui apparaît après le calme du sommeil, après le règne de Bodua. Stirona règne donc du milieu de la nuit jusqu'aux premières lueurs de l'aube.











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