LA CHASSE AUX SORCIÈRES.
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En 1550, Ronsard, le Prince
des poètes, se déchaîne contre une " vieille sorcière " du Vendômois,
et regrette que le bourreau se soit contenté de la fouetter.
Puisse-t-elle mourir bientôt !
Et que ses os diffamez (és)
Privez(és) d'honneur de sépulture
Soient des corbeaux goulus pasture (pâtures)
Et des chiens affamez (és)
Les forces mauvaises de la nature lui obéissent.
Au seul soupir de ton haleine
Les chiens effrayez (és) par la plaine,
Aiguisent leurs abois,
Du Bellay, accuse de même une autre vieille femme :
Par toy(toi) les vignes sont gelées,
Par toy (toi) les plaines sont greslées (grêlées)
Par toy(toi) les arbres se démentent (renversent)
Par toy (toi) les laboureurs lamentent
Leurs bledz (blés) perdus, et par toy (toi) pleurent
Les bergers leurs troupeaux qui meurent.
Quand la " chasse aux sorcières "
a-t-elle commencé ?
De tout temps, ceux
qui avaient recours à la magie pour obtenir des biens appartenant à
autrui étaient, bien évidemment, condamnés (sans parler des enchantements
d'amour ou de mort…), mais, dans les sociétés antiques, ce détournement
était assimilé à un délit " ordinaire " (seule la méthode était " extraordinaire ".)
Par contre, avec l'apparition du christianisme, la magie prend une autre
dimension, elle remet en question l'ordre du monde et Dieu lui-même.
Selon la Bible, le Coran ou la Torah, il n'y a que deux types de miracles :
ceux inspirés par Dieu et ceux inspirés par le Diable.
Tous ceux qui ont des dons de voyance, de guérison, etc., sans être des
saints, sont donc accusés d'avoir signé un pacte avec le Diable, même si
beaucoup d'entre eux essayent désespérément de concilier la pratique de
ces dons avec leur foi monothéiste (voir tous les guérisseurs utilisant
encore aujourd'hui des formules de prières à la Vierge ou à des saints).
Sur le plan des idées religieuses, il faut cependant considérer deux périodes
dans la persécution de la sorcellerie par le christianisme :
Jusqu'au XV° siècle, l'Eglise considérait ces pratiques comme des
illusions, les sorcières pouvaient donc être jugées par une juridiction civile (ce qui n'était pas une garantie d'un traitement plus humain…)
Mais, comme l'autorité de l'Eglise et du pape remise en question
(résistance des juifs à la conversion, confrontation à l'Islam, hérésies cathares, vaudoises, protestants, etc.), il lui faut réaffirmer son pouvoir et redéfinir périodiquement ce qui,
en matière de religion, est licite et illicite d'où la nécessité de
procès en religion.
La mise en place du système inquisitorial prendra plusieurs siècles et
se fera dans chaque pays, en plusieurs étapes.
Vu que sur le plan historique, il fallait choisir une date, la " chasse aux sorcières " a officiellement débuté en France dans le courant du XV° siècle pour se terminer en 1682, grâce à un édit de Colbert. Mais, des bûchers sont encore allumés jusqu'au XVIII° siècle en Pologne et en Autriche, et en 1782 pour la Suisse.
Ces procès n'ont réellement cessé qu'avec le siècle des Lumières.
Qui était accusé ?
Le monde paysan a toujours cherché des boucs émissaires pour
expliquer catastrophes, épidémies et mauvaises récoltes.
Au Moyen Age, l'Eglise va utiliser des affaires de sorcellerie de
campagne en leur donnant une dimension métaphysique démesurée.
Alors que les dénonciations ne parlent que de blé grêlé, de lait tourné,
d'enfants ou de vaches malades, les Inquisiteurs recherchent (et trouvent
au moyen de la torture…) des hérésies compliquées, des pactes démoniaques cabalistiques inconnus du peuple, des analphabètes reconnaissent-en patois-invoquer des démons aux noms grecs ou hébreux…
Combien de ces prétendus " païens " avait réellement, ou pas, pratiqué
la sorcellerie ?
Jeanne d'Arc et Gilles de Rais, furent brûlés sous l'accusation de
sorcellerie .
Pourtant, l'un et l'autre se considéraient comme chrétiens et
demandèrent la communion et les secours d'un prêtre avant de mourir.
Des procès retentissants créent une véritable psychose dans la
population.
Les Templiers cracheraient sur la croix et adoreraient un Baphomet,
l'évêque de Troyes aurait tué la reine de France, Enguerrand de Marigny,
grand argentier de Philippe le Bel, est pendu à Montfaucon sous
l'accusation d'avoir voulu faire mourir le roi avec l'aide d'un
magicien…Toutes ces " affaires d'état " très médiatisées donnent
l'impression au peuple que le diable serait le grand maître d'une
secte omniprésente, celle des sorciers, devins et magiciens.
Et, dans cette vision simpliste et simplificatrice, tous les malheurs
du monde trouvent alors une explication, et le rôle des Inquisiteurs
est de sauver la population et le monde…
Or, en quelques générations, des guerres (la guerre de Trente Ans,
de 1618 à 1648, a fait près de 20 millions de mort), ou des épidémies
(la peste noire a tué un tiers de la population européenne) ont décimé
les populations. On imagine les effets ravageurs chez les survivants à
l'idée que ces catastrophes étaient causées par des malédictions humaines…
Parallèlement, la contestation religieuse des dogmes catholiques et du mode de
vie des princes de l'Eglise, les troubles sociaux (les Jacqueries paysannes) , firent que le pouvoir temporel et spirituel s'unirent :
" le pouvoir civil a plus qu'épaulé l'Eglise dans la lutte contre la secte
satanique.
L'obsession démoniaque, sous toutes ses formes, permit à l'absolutisme
de se renforcer. "
Plutôt que de s'en prendre aux vrais problèmes, la sorcellerie devint
le bouc émissaire commode permettant d'obtenir un renforcement du
" droit divin ".
Ainsi, des hommes d'église tout à fait monothéistes dans leur démarches
philosophiques seront qualifiés d'hérétiques et de païens ( !) parce
qu'ils chercheront simplement à soumettre les " révélations " de la
Bible (toutes n'étaient pas encore devenues des dogmes) au crible de la raison.
Le théologien Abélard, condamné comme hérétique par Bernard de Clairvaux,
finira sa vie dans le silence de l'abbaye de Cluny ;
Giordano Bruno, faute d'une telle protection, finira lui, sur le bûcher. A Evreux, un autre théologien, Guillaume Adeline, est accusé de sorcellerie. Condamné à la prison perpétuelle, il y mourra quatre ans plus tard.
Parallèlement, poussé par une sorte de logique paranoïaque, l'Eglise va
" inventer " une hiérarchie démoniaque extrêmement complexe qui est
l'exacte opposition des hiérarchies angéliques, de même que le Diable
n'est que l'image inversée et contrefaite de leur Dieu unique.
Alors qu'à ses débuts, l'Inquisition considérait comme hérétique celui
qui croyait en l'existence du Diable et des sorcières, au XV° siècle,
à l'inverse, celui qui n'y croyait pas, est taxé d'hérétique.
Niant l'existence du Diable, il nie la réalité de Dieu lui-même.
Les ouvrages de démonologie et de sorcellerie judiciaire.
Le " Marteau des sorcières "
Le pape Innocent VIII ayant envoyé deux moines enquêteurs en
Allemagne, leur démarche sur l'extension de la sorcellerie donnera,
naissance en 1486, à un rapport intitulé " le Malleus Maleficarum
(le Marteau des sorcières). "
C'est le premier ouvrage de démonologie judiciaire. Les deux auteurs
(Jacob Spenger et Heinrich Kramer) donnent libre cours à leur misogynie
et écrivent que " Sans les femmes le monde serait moins dangereux…
Que faut-il alors penser, quand maintenant tant de femmes sont des
sorcières ".
Ce livre " a contribué, plus qu'aucun autre avant lui, à identifier
la magie populaire comme une forme d'hérésie, joignant ainsi un crime
civil à un crime religieux et incitant les tribunaux laïcs à la
répression. D'autre part, jamais auparavant on n'avait dit aussi
nettement que la secte diabolique est essentiellement constituée de
femmes " (La Grande répression de la sorcellerie, la peur en Occident
XIV/XVIII siècle de Jean Delumeau).
La femme victime arbitraire.
Yaweh Dieu…A la femme, il dit : " Je multiplierai tes souffrances ; tu enfanteras des fils dans la douleur ; ton désir se portera vers ton mari, et il dominera sur toi ".
La femme est responsable du péché originel, et donc, coupable des maux
du monde.
A l'époque, les femmes sont surveillées par le mari ou par le prêtre,
car leurs mœurs et leur moralité sont naturellement mises en doute.
Leur sexualité faisait peur, car on ne les comprenait pas.
Ce sont les femmes, livrées à elles-mêmes, qui ont développé la
médecine par les plantes, car les médecins ne se préoccupaient pas de
soigner les femmes.
Ces pratiques contribueront à en faire quelqu'un dont il fallait
absolument se méfier et firent rapidement l'objet d'enquêtes lors de passages d'inquisiteurs dans les villes et les villages.
Pendant longtemps la défense des " sorcières " était d'affirmer
qu'elles étaient folles et irresponsables, leurs bonnes connaissances
des plantes, étaient la preuve certaine qu'elles n'étaient pas si
simples d'esprit…
Mais, même si la majorité des victimes sont des femmes, les hommes
n'échappent pas à la répression. Pour ne citer que quelques chiffres, on accusa de sorcellerie, entre 1606 et 1650,
31 % d'hommes pour 69% de femmes au Luxembourg, 13% d'hommes pour 87% de femmes en Wallonie. Dans une autre étude, sur 155 cas, 105 sont des femmes ; parmi elles, 32 ont plus de 50 ans, 7 ont moins de 20 ans (dont une enfant de 8 ans et 2 adolescentes de 13 ou 14 ans ).
Ce livre connut un grand succès et devint une référence presque
obligatoire pour tous les procès en sorcellerie, car il décrivait
minutieusement ce qu'était une sorcière, ce qui la caractérisait et
comment la contraindre à avouer ses crimes.
En exerçant leur horrible ministère , les inquisiteurs et chasseurs de
sorcières, se croyaient non seulement investis d'une mission divine mais appliquaient à la lettre les élucubrations écrites dans le Malléus Maleficarum.
Le jésuite allemand Friedrich Spee, fut un des rares " justes " à avoir
le courage de dénoncer l'imposture fondamentale des procès de sorcellerie. En 1631, son traité
" La Cautio Criminalis "… (De la prudence en matière criminelle ou Des procès contre les sorcières) connut un très grand retentissement.
Pour avoir accompagné et confessé près de 200 victimes jusqu'au bûcher,
il savait bien que toutes étaient innocentes de ce dont on les accusaient et il l'écrivit noir sur blanc :
" De toutes les malheureuses, que j'ai assistées jusqu'au feu, aucune, je l'affirme sous serment n'était coupable du crime qu'on lui imputait ".
L'opposition au procès de sorcellerie
Même au plus fort de la répression, des voix se sont fait entendre,
particulièrement chez les médecins, tel Johannes Wier (1515-1588).
Né dans le Brabant du Nord, il étudia la médecine en France et devint
le médecin personnel du duc de Clèves. Il démontra que ces prétendus
sorciers n'étaient que de simples malades qu'il fallait soigner par
des médicaments.
Les chasseurs de sorcières niaient la veracité des déclarations et
l'accusaient de s'être laissé séduire par le diable.
L' ouvrage " Le Fléau des Démons et sorciers " - Dernière édition (1616)-de Jean Bodin Angevin (1530-1596) est exemplaire du genre.
Le 20 décembre 1579, il présente le livre, à Monseigneur M. Christofle
de Thou, chevalier, seigneur de Coeli, premier Président en Parlement,
et Conseiller du Roy en son privé Conseil.
Dans l'épître, Bodin précise que ce présent est tel une attestation de
ce qu'il a appris en " cette eschole souveraine de Justice de laquelle
vous êtes le chef, où j'ai employé la meilleure partie de (moi-même)
et en laquelle, on oit (ouit), on cognoit (connaît) la vraie expérience
et usage des loix, ordonnances et de toutes les actions de Docteurs
qui furent, par leurs plaidoiries, les premiers orateurs de l'Europe " .
Il manie la brosse à reluire pendant trois pages et termine par la
formule de politesse traditionnelle :
" Votre très humble et affectionné serviteur J.Bodin. "
Bodin débute le premier chapitre par le compte rendu du jugement
" qui a été conclu contre une Sorcière, auquel je fus appelé le dernier
jour d'Avril 1578 ".
L'accusée s'appelle Jeanne Hatuillier, native de Verbery près de
Compiègne.
L'accusation lui impute le meurtre de plusieurs hommes et d'avoir fait
mourir des bêtes " comme elle confessa sans question, n'y torture :
combien que de prime face elle eut denté (démentie) opiniâtrement, et
varié plusieurs fois (ces aveux) " . Elle confessa que sa mère,
l'avait présentée, dès l'âge de douze ans, au diable, un grand homme
vêtu d'un drap noir lui disant qu'elle lui était destinée dès sa
naissance .
L'homme lui promit de bien la traiter, de la rendre heureuse, mais
qu'elle renonce à Dieu et qu'elle serait au diable. " Et qu'au même
instant elle eut copulation charnellement avec le diable, (ceci)
continuant depuis l'âge de douze ans, jusque cinquante, ou elle fut
prise ".
L'accusée précisa que le diable se présentait quand elle le voulait,
toujours en habit noire, portant éperons, botté, ayant une épée au côté.
Son cheval était à la porte, mais personne ne le voyait. "
Et si avait quelquesfois copulations avecques elle, sans que son mary
couché auprès d'elle l'aperçut. "
Elle relate ensuite qu'elle fut dénoncée comme " grande sorcière " et
qu'il fut très difficile d'empêcher les paysans de la ravir des mains de
la justice pour la brûlér sur-le-champ.
Elle fut transférée à Verbery, lieu de sa naissance, pour s'enquérir de
sa vie, là et dans d'autres villages où elle avait demeuré.
On rapporta aux inquisiteurs que trente ans auparavant, elle avait eu le
fouet pour le même crime et que sa mère fût brûlée vive par arrêt de la
Cour du Parlement, confirmant la sentence du Juge de Senlis. De même,
il fut trouvé qu'elle était coutumière du fait de changer de nom et de
lieu de résidence. Mais, partout, elle fut identifiée comme sorcière.
Reconnue, elle demanda le pardon en se repentant. Elle nia beaucoup "
de meschancetez qu'elle avait comises " mais rétracta ce qu'elle
avait avoué auparavant. " Mais elle persista en la confession
qu'elle avait faicte du dernier homicide, ayant jeté quelques poudres
que le diable luy avait préparées, qu'elle mit au lieu où celuy qui
avait battu sa fille devait passer. "
Un autre homme passa en ce lieu et sentit aussitôt une vive douleur dans
son corps.
Les voisins avait vu l'accusée entrer dans ce lieu et voyant l'homme
frappé " d'une maladie si soudaine " crièrent qu'elle lui avait jeté
un sort.
Elle promit de guérir le malade, hélas pour elle, l'homme mourut deux
jours après.
Elle alla se cacher dans une grange où elle fut faite prisonnière.
Tous ceux qui assistèrent au jugement étaient bien d'accord qu'elle
avait mérité la mort.
Parmi les assistants, un seul fut d'avis qu'elle méritait une peine
charitable : la pendaison.
La majorité fut d'avis qu'elle devait être brûlée vive : ce qui fut
arrêté.
Elle fut exécutée , " à la poursuite de Maître Claude Dofay, Procureur
du Roy à Ribemont. "
Après sa condamnation, elle confessa que le diable lui fit présent d'un onguent ; après s'en être enduite, elle se déplaça à une grande distance et se retrouva dans une grande assemblée.
Cette foule adorait un homme noir, d'environ trente ans, au nom de
" Beelzebub ".
Suite à ce témoignage, elle accusa un berger et un couvreur de Genlis,
d'être des sorciers.
L'auteur affirme qu'il fait ce traité " Le fléau des sorciers " pour
dénoncer la rage qu'ils ont de courir après les diables.
Dans les pages suivantes, il dénonce avec force tous ceux qui, par écrit,
s'efforcent de défendre les sorciers, tel le Médecin Pierre d'Apone qui
prétend qu'il n'y a pas d'esprits infernaux. Satan a des hommes "
attitrés " pour écrire, publier, dénoncer ce qu'on dit des sorciers.
Il cite l'exemple d'un nommé M.Guillaume de Line, Docteur en Théologie,
qui fut accusé et condamné comme sorcier le 12 décembre 1553, car il
confessa qu'il fut transporté avec d'autres sorciers, la nuit, pour
adorer le diable.
Satan avait ordonné au Docteur de prêcher publiquement que tout ce qu'on
disait des sorciers n'était que fables. Ce qui montre que " Satan a des
loyaux sujets de tous états et de toutes qualitez " La parano du sieur
Bodin est à son comble quand il cite le Cardinal Benon, qui
écrit qu'il y a plusieurs papes, empereurs et autres princes,
" lesquels se sont laissés piper aux sorciers " Ces grands
personnages riaient et faisaient rire par leurs traits d'esprit
quand on leur rapportait " des choses fabuleuses " et ainsi
amollissaient le cœur des juges.
M. Barthelemy Faye, président aux Enquêtes de la Cour, se plaint de la
souffrance de quelques juges face à la condamnation des sorciers à être
brûlés vifs.
Il dénonce l'impunité dont jouissent les sorciers, ce qui permit un
" merveilleux accroissement " en ce Royaume (la France) , où ils
arrivent de partout. Mais, Dieu veille ; irrité, il a envoyé de
terribles persécutions, car il a menacé d'exterminer les peuples qui
souffriront de vivre avec les sorciers.
Pour conforter ses prises de position il cite S.Augustin, les
Epicuriens, Plutarque, Origène, Arioste, Aristote et Pythagore.
Il philosophe, parle en physicien, discourt sur la métaphysique et
les mathématiques : bref, le sieur Bodin est un homme instruit.
L'auteur a divisé son ouvrage en quatre livres :
Livre premier, traite de la définition des sorciers, de l'association
des esprits avec les hommes, de la différence entre les bons et mauvais esprits, etc…
Livre second, traite de la magie en général, des invocations tacites
des esprits malins , de l'extase et ravissement des sorciers, de la
lycanthropie, etc…
Le livre troisième, traite l'éventuel pouvoir des sorciers d' assurer
la santé des hommes malades et de donner guérison aux malades,
des moyens illicites pour prévenir les charmes, modifier et guérir les
maladies, etc…
Le livre quatrième, traite de l'inquisition des sorciers, de la
confession volontaire et forcée des sorciers, etc…
Ceci constitue l'ouvrage proprement dit , mais le but final de
l'accumulation des " preuves " de l'existence de l'association des
" esprits malins " et des sorciers, est de combattre vigoureusement
les opinions de Jean Wier.
" Réfutations des opinions de Jean Wier. "
Jean Bodin dénonce l'ouvrage " De Lamiis ", du médecin Jean Wier,
dans lequel celui-ci soutient que les sorcières et sorciers ne doivent
pas être punis.
Il dénonce que Jean Wier avait déjà répandu cette opinion, laissant
paraître qu'il avait obtenu une victoire. Le magistrat lui répond,
non par haine, mais pour l'honneur de Dieu, " contre lequel
(le médecin) s'est armé " enfin d' empêcher que les écrits de Wier
gagnent les juges à ses idées. " Qu'ils élargiraient (les sorcieres),
appelant bourreaux les autres juges qui les font mourir : car il faut
bien que telle opinion soit d'un homme très ignorant, ou très méchant "
Que le médecin enseigne dans ses livres mille sorcelleries damnables
offusque le sieur Bodin jusqu'à mettre les mots, les incantations,
les figures, les cercles, les caractères des plus grands sorciers, "
qui furent onques, pour faire mille meschancetez : execrables, que je
n'ay peu lire sans horreur ".
En somme, il reproche à Jean Wier de lui faire de l'ombre,
de reproduire des informations que lui-même décrit dans son ouvrage.
De même, dans son livre " De Prestigiis ", imprimé à Bâle en 1578,
Jean Wier a mis l'inventaire de la Monarchie Diabolique, " avec les
noms et surnoms des soixantes et douze princes et de sept millions
quatre cent cinq mille cent vingt six diables sauf l'erreur du
calcul " (sic)
L'étonnement du magistrat va en augmentant " Et néanmoins après
avoir enseigné curieusement les receptes diaboliques, il ajoute ces
mots " mais cela est mechant " (resic)
Insidieusement, il tente de faire croire que " sous le voile des choses
saintes et sacrées, (Wier)fait passer toutes les impietez qu'on peut
imaginer ".
Notre bon apôtre pousse sa botte plus loin en citant l'exemple d'un
certain Lolianus qui fut banni, et ses biens confisqués, pour avoir
transcrit un livre de magie. Il s'interroge encore " et quelle peine
mérite celuy qui la soutient (la magie), voire qui l'enseigne par dits
et par écrits ? " Il faut donc ne pas croire Wier quand il parle de
Dieu, " puisque on voit de si horribles blasphèmes en ses livres. "
L'attaque envers le médecin se fait de plus en plus virulente. Il
revient sur l'information contenue dans sa préface, que des papes,
rois, princes, prêtres, des prêcheurs, des juges et des Médecins
furent des sorciers de Satan.
" Mais (Satan) n'a point de meilleurs sujets à son gré que ceux qui
font les autres sorciers et les attirent, par dits ou par écrits en
ces filets, ou qui empêchent la punition des sorciers. "
Il cite l'exemple de Guillame de Lute, docteur en théologie, grand
prédicateur, qui fut condamné comme sorcier, à Poitiers en 1453. Car,
il déclarait dans ses sermons , que tout ce qui se disait au sujet des
sorciers n'était que des fables, que c'était cruauté que de les
condamner à mort.
Jean Bodin reprend les accusations violentes du " Marteau des Sorcières
" envers les femmes.
" Qu'on lise les livres de tous ceux qui ont écrit des sorciers, il se
trouvera cinquante femmes sorcières, ou bien démoniaques, pour un homme ".
Même le courage des femmes envers la torture témoigne encore en leur
défaveur.
Elles persistent dans l'erreur avec un grand entêtement.
Elles n'ont point de cerveau et que la sagesse ne leur vient jamais, "
elles approchent plus de la nature des bêtes brutes. "
Il reprend, en la détournant, l'affirmation de Wier, qu'il ne faut pas
croire la confession des sorcières et qu'elles s'abusent de faire ce
qu'elles pensent. Qu'il est bien vrai que le corps de la sorcière ne
se transporte pas, mais son âme. " Ce n'est pas l'onguent, ny le
sommeil, mais un vray ravissement de l'âme hors du corps. "
" Encore est-il plus ridicule de dire, que la maladie des sorcieres
provient de melancholie, vu que les maladies provenant de la melancholie,
sont toujours dangereuses "
Il cita alors diverses malheureuses, dont Jeanne Hatuillier qui fut
brulée vive, le 29 avril 1578, à l'âge de 50 ans et Magdeleine de la
Croix, abbesse de Cordoue, exécutée en 1545, à l'âge de 45 ans, avec
30 ans de copulation avec le diable. (resic)
Et l'auteur du " Fléau des Démons " s'adressant à Wier, lui conseille
de confesser que " c'est une incongruité notable à luy, qui est
Médecin, et ignorance par trop grossière ( mais ce n'est pas
ignorance - l'insinuation est du magistrat) d'attribuer aux femmes les
maladies melancholiques, qui leur conviennent aussi peu … "
L'Italie, n'a pas suivi la chasse aux sorcières tel que cela s'est
produit dans le Saint Empire Germanique. Bodin le sait et ne se prive
pas de le fustiger : " et qu'il faut pardonner à ceux qui sont trompés
et non pas à ceux qui trompent : qui sont les arguments ridicules de ces
Docteurs italiens, qui ont bien profité en ce métier, que l'Italie
est presque toute infectée de cette peste, et en a infecté la France
entière,… "
Personne n'échappe à l'ire des " chasseurs ". Voici venu le tour des
jongleurs, prestidigitateurs. " Il fait venir en sa main les chainons
d'une chaine d'or, qu'avait un gentil-homme , sans y toucher, et faisant
voir que le bréviaire d'un prêtre était un jeu de cartes. Cette preuve
suffit pour procéder à la condamnation du sorcier : car il est très
certain que de telles choses, qui ne sont point par miracle divin. "
Il présente des tours de bateleurs irréalisables et les compare aux
aveux extorqués aux sorciers. " Et de punir à toute rigueur ceux qui
renoncent à Dieu, et s'abandonner à Satan, que Wrier ne peut dire être
une action impossible. "
Gare à ceux qui sont ironiques de nature, se gaussant de la bêtise de
leurs semblables. " Car, d'autant que ceux qui avaient accoutumé de
tourner la sévérité de la justice en risée pour faire évader les
sorciers font ces tours étranges, et contre nature, faisant rire un
chacun, les cœurs des juges s'amollissent, et chacun pense qu'il n'y
ait point de mal. "
" Voilà ce qu'il m'a semblé, qu'on peut répondre aux livres de Wier
: En quoy je vous prie, Monsieur et tous les lecteurs, me pardonner,
si j'ay écrit peut être, trop aigrement : car il est impossible à
l'homme, qui est tant soit peu touchéde l'honneur de Dieu, de voir,
ou lire tant de blasphemes, sans entrer en juste colere … "
Le médecin Johannes Wier ne fut pas inquiété, mais il était médecin
personnel du duc de Clèves.
Ceci dit, les bien pensants n'admettent que difficilement ces faits,
bien qu'il ne soit plus possible de les nier. Alors, ils les atténuent
ou, invoquant l'ardeur des poursuites du bras séculier, soulignent la
modération qu'imposent aux tribunaux les inquisiteurs.
" Pourtant, il convient de noter la grande retenue des théologiens, des
inquisiteurs et de la Curie romaine face au problème de la sorcellerie
démoniaque. "
Ces quelques exemples ci-dessus suffisent à infirmer toute " retenue
théologique ".
En 1326, Jean XXII rédigea la bulle " Super Illius Specula " ;
la sorcellerie est désormais assimilée à une hérésie, les inquisiteurs
pouvaient enfin la poursuivre.
Confirmé par les bulles de 1585 et 1623.
En 1484, Innocent VIII, reconnaît la réalité des pratiques magiques.
En 1521, Léon X proteste avec menace d'excommunication et d'interdit,
auprès du sénat de Venise qui contrecarre l'action des inquisiteurs de
Brescia et de Bergame.
Adrien VI ordonne aux inquisiteurs de Crémone et de Côme de poursuivre
la sorcellerie avec sévérité.
Dans les diocèses de Cologne, Trèves, Cambrai, Malines, Tournai, Anvers,
Namur, Metz et Liège, 17 conciles, tenus entre 1536 et 1643, avaient
appelé à la répression de la sorcellerie.
L'archevêque de Trèves fit brûler, entre 1587 et 1593 et ceci dans 22
villages, 368 " sorcières ".
A Wurzburg en Allemagne, le Prince Evêque Philippe Adolf von Ehrenberg
qui régna de 1623 à 1631, fit brûler 900 " sorcières ".
A Bamburg en Allemagne, l'évêque Gottfried Johan Georg II Fuchs von Dornhem,
qui regna de 1623 à 1630, fit brûler au moins 600 " sorcières ",
ce qui lui valut le surnom de " l'évêque des sorcières "
Les autorités protestantes firent de même. Aux Provinces-Unies, entre
1580 et 1620, 15 synodes condamnèrent et excommunièrent les sorciers.
Tableau d'horreur de quelques autres Inquisiteurs.
Martin Del Rio.
Jésuite, théoricien de la démonologie, connaissant neuf langues,
il a d'abord été un juriste dans les tribunaux civils
(procureur général au Conseil de Brabant). Il n'en fut pas moins un
impitoyable inquisiteur même si son ami, l'humaniste Juste Lipse,
le salue comme un " miracle de l'époque ". Voici ce qu'en dit Maître
Augustin Nicolas, Conseiller du roi, et Maître des Requêtes :
" est-ce d'un Prêtre et d'un Théologien (Del Rio) que nous devrions
entendre ces belles leçons ? Il ne faut pas qu'un juge se serve de
nouvelles inventions pour tourmenter les accusés de quelques crimes ;
mais il doit se contenter en celui de sortilège de celles qu'on a
coutume d'y pratiquer ; savoir de l'estrapade avec une corde fort
petite, versant de l'eau froide sur le patient pendant qu'il est
pendu par les bras.
On pourra même lui ajouter des poids aux deux pieds pour aggraver la
pesanteur de son corps, lui attacher un bâton aux jambes pour
l'empêcher de pouvoir les joindre ensemble ; enfin on peut se servir
du tourment de la veille, qui est le meilleur de tous. Qu'on doit
éviter en la torture de casser les os aux patients ; mais qu'on ne peut
faire moins de leur déboîter les membres et les jointures. "
En 1682, Me Augustin Nicolas, Conseiller du Roi, et Maître des
Requêtes, fit éditer à Amsterdam, son ouvrage " Dissertation Morale et Juridique, sur la torture comme moyen de vérifier les crimes. "
" Je ne dis rien ici des abus épouvantables qui se commettent partout
dans la pratique de la Torture en la recherche des crimes et sortilèges…,
sous prétexte de l'honneur de Dieu et du repos de l'Etat "
L'auteur s'étonne que ces ecclésiastiques qui devraient représenter
la douceur et la piété de leur sacerdoce, se sont métamorphosés en
brutes infâmes.
Jean Bodin (1530-1596)
Auteur du " Le fléau des démons et sorciers "
" La Réponse à M. de Malestroit "
Est l'un des créateurs du droit moderne et de la science historique.
N.Remy.
Il participa, en 1596, à la rédaction de la coutume de Lorraine.
Il fut aussi avocat, historien et diplomate. Il mourut en 1616, très
fier de ses 3000 condamnations à mort. Dans son infinie miséricorde,
il épargnait juste les enfants qui avaient dénoncé leurs parents, mais
les faisait tout de même fouetter et les obligeaient à courir en rond
autour du bûcher de leurs parents.
H.Boguet.
C'est un historien familier des auteurs classiques.
P. de Lancre
C'est un grand érudit et un poète de talent. On disait qu'il
" goûtait fort le bal et la vie de société ". Il est cependant l'auteur
de l'ouvrage " Si la Torture est un moyen sûr à vérifier les crimes
secrets. " Recueil qui est le " fruit " de sa longue expérience
d'inquisiteur.
Etc.
Martyrologe :
Diemeringen (Alsace Lorraine 1588-1715)
Le 16/10/1673, plusieurs personnes sont condamnées pour sorcellerie à être décapitées puis brûlées : Amalia, épouse de l'huilier Anstett Mûler ; Christina, épouse du berger Théobald Bôss ; Ursula, épouse du forestier et maire Peter Kübler , Dieboldt Weyland, fils de Catharine et Johan Marcel, échevin.
De plus, " Le 29/04/1671, Hans Martin Mûller, jeune tailleur de ce lieu
âgé de 26 ans, fils célibataire du défunt Anstett Mûller, huilier,
s'est pendu…dans sa prison…après qu'on l'ait jugé (coupable) d'une
horrible sodomie et sorcellerie (son cadavre) a été brûlé près du
gibet le 2 mai avec une chèvre et un jeune cheval " On juge de même
" le 20 décembre 1671 , Nickel Frantz…, son épouse Janetta et leur
fils…, pour avoir commis une horrible sorcellerie, assassinat de
personnes et de bétail, …(tous trois ayant assassiné) leur propre
cousin et les deux enfants de Hänrich Hanel et Hans Jacob Dormeyer…
les poumons, jambes, cheveux ont été ensorcelés, …le fils ayant
pratiqué la sodomie…sont passés, par l'épée, de vie à trépas, et
leur corps a été réduit en cendres " Enfin, " Le 23/12/1672,
Margaretha, épouse de feu le charpentier Hans Martin Bangert, est
morte dans sa prison où elle était incarcérée, accusée de sorcellerie
et pour avoir commis près de vingt adultères, et le 24 suivant,
(elle a été) conduite…au gibet (et sous le même) enterrée par le
bourreau ".
La Roche-en Ardenne, 1645.
Catherine, femme d'Henri de Villiers, a été autrefois bannie
(pour une raison inconnue) puis graciée. Le 28 juillet 1645, des
plaintes sont déposées contre elle pour sorcellerie. L'enquête commence
le 8 août et débouche sur son arrestation le 12 . Comme elle était riche,
le premier acte de la justice est de dresser un inventaire de ses biens
: maison, terres, argent liquide, ustensiles ménagers, vêtements, tout
est vendu au profit des membres du tribunal (juges, greffiers,
médecin), des auxiliaires de la justice (bourreaux, gardiens),
le reste revient au Comte de Rochefort.
Elle est soumise, le 30 septembre, à la torture de l'estrapade
(voir la description de Maître Augustin Nicolas " Tableau des horreurs).
Le médecin De Durbuy est présent pour veiller à ce que l'accusée ne meure
pas ou ne s'évanouisse pas sous la torture. Très vite, Catherine cède,
demande à être dépendue, et commence à avouer, mais pas tout ce dont on
l'accuse. Elle essaye d'apitoyer ses juges en soulignant son grand âge et son
long emprisonnement (un mois et demi) dans des conditions épouvantables.
Elle est torturée à nouveau quelques jours plus tard. Cette fois, elle
avoue n'importe quoi : oui, elle a été à assemblées et y a reconnu
certaines femmes…Le 7 octobre, elle est condamnée à être étranglée
(mesure de clémence) puis brûlée, elle est exécutée le jour même.
Son corps est entièrement brûlé et ses cendres dispersées pour que
rien ne reste d'elle ; en effet ,des os ou cendres de sorcières servent
à confectionner des charmes protecteurs contre la sorcellerie. ( !)
En guise de conclusion.
" Les filles des sorcières sont soupçonnées des pratiques du même
genre, comme imitatrices des crimes du même genre, comme imitatrices
des crimes maternels ; et en vérité, c'est toute la progéniture qui
est infectée. " - " Malleus Malleficarum ".
Ainsi la mère de Jeanne Hatuillier, dont nous ignorons le nom,
fut-elle brûlée vive.
Jeanne Hatuillier elle-même, native de Verbery près de Compiègne,
fut également brûlée vive le 29 avril 1578 .
Mais qu'est devenue la fille de Jeanne ?
Georges Timmermans
Samain, 2003.
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