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Le discours de Roosevelt sur la « carte secrete »

Mark Weber

Franklin D. Roosevelt a souvent menti pour atteindre ses buts. Dans un discours radiodiffusé, adressé à la nation le 23 octobre 1940, par exemple, il donna «la plus solennelle assurance» qu'il n'avait fait aucune «entente secrète sous une forme ou sous une autre, directe ou indirecte, à aucun gouvernement ou à aucune nation dans une partie du monde, pour impliquer cette nation [les Etats-Unis] dans une guerre ou pour tout autre but». Mais les documents américains, britanniques et polonais (pour la plupart rendus publics de nombreuses années plus tard) ont prouvé que cette «très solennelle assurance» était un mensonge impudent. Roosevelt avait en fait conclu de nombreux accords secrets pour impliquer les Etats-Unis dans la guerre. 

Parmi tous ses discours, le meilleur exemple de la capacité de Roosevelt à mentir est peut-être son allocution de 1941 pour le «Navy Day» [Jour de la Marine] diffusé sur une radio nationale le 27 octobre. 

Beaucoup de choses s'étaient produites durant les mois précédant cette allocution. Le 11 mars 1941, Roosevelt signa la loi du Prêt-bail, permettant des livraisons accrues d'aide militaire à la Grande-Bretagne, en violation de la neutralité américaine et de la loi internationale. En avril, Roosevelt envoya illégalement des troupes américaines occuper le Groenland. Le 27 mai, il proclama un «état d'alerte nationale illimitée», une sorte de déclaration de guerre présidentielle qui circonvenait un pouvoir réservé constitutionnellement au Congrès. A la suite de l'attaque de l'Axe contre l'URSS en juin, l'Administration Roosevelt commença à livrer d'énormes quantités de matériel militaire aux Soviets assiégés. Ces envois par bateau violaient également de manière flagrante la loi internationale. En juillet, Roosevelt envoya illégalement des troupes américaines occuper l'Islande. 

Le Président commença son allocution du «Navy Day» en rappelant que les sous-marins allemands avaient torpillé le destroyer américain Greer le 4 septembre 1941 et le destroyer américain Kearny le 17 octobre. Avec un langage hautement émotionnel, il qualifia ces incidents d'actes d'agression non-provoqués, dirigés contre tous les Américains. Il déclara que bien qu'il avait voulu éviter le conflit, les tirs avaient commencé et que «l'histoire avait noté qui avait tiré le premier coup». Ce que Roosevelt omit délibérément de mentionner était le fait que dans les deux cas, les destroyers américains avaient été engagés dans des opérations d'attaque contre les sous-marins, qui ouvrirent le feu en légitime défense et seulement en dernier ressort. Hitler voulait éviter la guerre avec les Etats-Unis, et avait expressément ordonné aux sous-marins allemands d'éviter à tout prix la confrontation avec les navires de guerre américains, sauf pour éviter une destruction imminente. Les ordres de Roosevelt à l'US Navy, de «tirer à vue», étaient spécialement conçus pour créer des incidents comme ceux qu'il dénonçait pieusement comme inévitables. Ses efforts provocateurs pour aiguillonner Hitler afin qu'il déclare la guerre aux Etats-Unis avaient échoué et la plupart des Américains étaient encore opposés à une intervention directe dans le conflit européen. 

Et ainsi, dans une tentative de convaincre ses auditeurs que l'Allemagne était une menace réelle pour la sécurité de l'Amérique, Roosevelt poursuivit son discours du «Navy Day» par une annonce sensationnelle: «Hitler a souvent prétendu que ses plans de conquête ne s'étendaient pas au-delà de l'Océan Atlantique. J'ai en ma possession une carte secrète, faite en Allemagne par le gouvernement de Hitler -- par les planificateurs de l'Ordre Nouveau. C'est une carte de l'Amérique du Sud et d'une partie de l'Amérique Centrale, telles que Hitler propose de les réorganiser». Cette carte, expliqua le Président, montrait l'Amérique du Sud, ainsi que «notre grande artère vitale», le canal de Panama, divisés en cinq Etats vassaux, sous domination allemande. «Cette carte, mes amis, révèle le dessein nazi, [dirigé] non seulement contre l'Amérique du Sud, mais aussi contre les Etats-Unis». 

Roosevelt continua en révélant qu'il avait aussi en sa possession «un autre document réalisé en Allemagne par le gouvernement de Hitler. C'est un plan détaillé pour abolir toutes les religions existantes -- catholique, protestante, musulmane, hindoue, bouddhiste, et juive», que l'Allemagne imposera «à un monde à sa merci, si Hitler gagne». 

«Les propriétés de toutes les Eglises seront saisies par le Reich et ses pantins. La croix et tous les autres symboles de la religion seront interdits. Le clergé sera liquidé. A la place des églises de notre civilisation il y aura une Eglise Nazie internationale, une Eglise qui sera servie par des orateurs envoyés par le gouvernement nazi. Et à la place de la Bible, les paroles de Mein Kampf seront imposées et présentées comme Ecriture Sainte. Et à la place de la croix du Christ, il y aura deux symboles: la svastika et l'épée nue». 

Roosevelt souligna l'importance de ses «révélations» en déclarant: «Réfléchissons bien à ces sinistres vérités que je vous ai livrées concernant les plans actuels et futurs de l'Hitlérisme». Tous les Américains, dit-il, sont face au choix entre le genre de monde dans lequel nous voulons vivre, et le genre de monde que Hitler et ses hordes voudraient nous imposer». Par conséquent, «nous sommes appelés à participer à la destruction de l'Hitlérisme». Le gouvernement allemand répondit immédiatement au discours de Roosevelt en dénonçant ses «documents» comme une fraude absurde. Le gouvernement italien déclara que si Roosevelt ne publiait pas sa carte «dans les 24 heures, il gagnerait la réputation universelle d'un faussaire». Lors d'une conférence de presse le lendemain, un journaliste demanda assez naturellement au Président une copie de la «carte secrète». Mais Roosevelt refusa, insistant seulement sur le fait qu'elle venait «d'une source indubitablement fiable». 

Comme cela est souvent arrivé, la vérité sur la carte ne sortit pas avant de nombreuses années après la guerre: c'était un faux fabriqué par l'Intelligence Service britannique, très probablement dans son laboratoire technique de l'Ontario, au Canada. William Stephenson (nom de code: Intrepid), chef des Opérations des Renseignements britanniques en Amérique du Nord, la transmit au chef des Renseignements américains, William Donovan, qui la donna à Roosevelt. Dans un mémoire publié à la fin de 1984, l'ancien agent britannique Ivar Bryce s'attribua le mérite d'avoir eu l'idée de la «carte secrète». Bien sûr, l'autre «document» cité par Roosevelt, censé révéler les plans allemands pour abolir les religions du monde, était tout aussi frauduleux que la «carte secrète». 

Quelques officiels américains étaient au courant des tentatives britanniques pour tromper le gouvernement et le peuple américain. Dans un mémorandum du 5 septembre 1941 adressé au Secrétaire d'Etat Cordell Hull, l'Adjoint au Secrétariat d'Etat, Adolf Berle, avertit que des agents des renseignements britanniques fabriquaient de faux documents exposant de prétendues conspirations allemandes. Les Américains devaient être «sur leurs gardes» concernant ces «fausses rumeurs» d'invention britannique, concluait Berle. 

Il est douteux que l'un des grands contemporains de Roosevelt, y compris Staline, Hitler et même Churchill, ait jamais prononcé un discours aussi chargé de mensonges aussi impudents que ceux figurant dans son allocution du «Navy Day» en 1941. En au moins une occasion, Roosevelt reconnut en privé sa détermination à mentir pour atteindre ses buts. Pendant une conversation du 14 mai 1942 avec son proche conseiller juif, le Secrétaire au Trésor Henry Morgenthau Jr, le Président remarqua candidement: «Je peux avoir une politique pour l'Europe et une diamétralement opposée pour l'Amérique du Nord et du Sud. Je peux être entièrement inconséquent, et même plus, je suis parfaitement prêt à tromper et à dire des contrevérités si cela nous aide à gagner la guerre». 

Sources 

Bratzel, John F., et Leslie B. Rout Jr, FDR and The «Secret Map», The Wilson Quaterly (Washington DC), janvier 1985, p. 167-173. 

Ex-British Agent Says FDR's Nazi Map Faked, Foreign Intelligence Literary Scene (Frederick, MD: University Publications of America), décembre 1984, p. 1-3. 

President Roosevelt's Navy Day Adress on World Affairs, The New York Times, 28 octobre 1941. 


Journal for Historical Review, 6/1 (1985), 125ff.