Appel à l'occasion du Sommet
« Financement du Développement »
Monterrey (Mexique) - mars 2002
Nous, organisations issues de la société civile belge, constatons
- Que jamais le monde n'a produit autant de richesse alors que 2,4 milliards d'habitants de la planète se voient dans l'obligation de survivre avec moins de deux dollars américains par jour
- Que, s'il est nécessaire de créer des ressources supplémentaires pour garantir partout dans le monde un développement équitable et durable, il est essentiel d'assurer dès aujourd'hui une redistribution plus juste des immenses richesses disponibles.
Nous demandons dès lors aux Autorités belges et européennes de promouvoir et soutenir les mesures suivantes :
En matière de fiscalité :
L'application d'une politique fiscale progressive et redistributive tant au Nord qu'au Sud Une diminution drastique de la TVA sur les produits de première nécessité Une juste taxation des revenus des actionnaires L'accroissement de l'imposition des bénéfices de toutes les entreprises proportionnellement au volume de ceux-ci La création d'un code de conduite mondial pour empêcher le rapatriement massif de bénéfices vers la maison-mère, l'évasion fiscale, etc… Une imposition exceptionnelle " one shot " sur la fortune des 10% les plus riches de chaque pays comme proposé par la CNUCED Un contrôle parlementaire et citoyen sur l'affectation des ressources de l'Etat et sur la détermination de ses priorités Le rétablissement par les autorités nationales de mécanismes de contrôle des mouvements de capitaux pour lutter contre la fuite de ceux-ci et la spéculation. Cela passe par la levée du secret bancaire et la suppression des paradis fiscaux. L'imposition d'une taxe sur les transferts financiers internationaux La nécessité de créer une autorité mondiale ou un cadre légal international permettant d'assurer que les systèmes nationaux n'aboutissent pas à une concurrence fiscale à la baisse, enlevant progressivement toute marge de manœuvre aux pouvoirs publics. Un partage de l'information entre les administrations fiscales Sur la dette du Tiers-Monde
L'annulation de la dette publique extérieure des PVD, en donnant priorité aux dettes illégitimes et aux dettes "odieuses" (définies selon le droit international) L'arrêt des conditionnalités imposées par les Institutions Financières Internationales La suppression des plans d'ajustement structurel, même rebaptisés " cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté ", et leur remplacement par des politiques de développement définies avec les populations locales L'utilisation des instruments du droit international pour récupérer les sommes publiques détournées et leur rétrocession aux populations par le biais de fonds de développement La ratification par les Etats de la Convention de Rome La participation et la mise en place d'espaces de contrôle citoyens pour l'identification des besoins, l'élaboration des budgets, la mise en application des programmes de développement et leur évaluation Sur l'aide publique au Développement (APD)
- La concrétisation immédiate par les Etats de leur engagement d'attribuer 0,7% de leur PNB au développement et 0,15% de leur APD aux Pays les Moins Avancés (PMA).
- La traduction de l'APD, dans la situation actuelle, en dons et non en prêts, étant entendu qu'elle ne peut contribuer à accroître l'endettement actuel, fût-ce à des taux concessionnels.
- Le refus d'octroyer sous couvert d'APD des aides déguisées aux exportateurs du Nord industrialisé. L'APD doit donc être « déliée ».
- Le refus d'utiliser l'APD pour indemniser les créanciers lors de soi-disant opérations d'annulation ou d'allégement des dettes
Sur le rôle des entreprises et le commerce mondial
- Le respect des règles de l'OIT
- Un arrêt des privatisations, la préservation et la restauration dans certains cas de services publics assurant la satisfaction de droits fondamentaux aux populations
- L'établissement d'un mécanisme de garantie des revenus d'exportation du Sud afin d'assurer des termes de l'échange équitables et une lutte contre le protectionnisme des pays riches à l'égard des produits des PVD
- La déconnexion partielle et la protection des marchés des PVD vis-à-vis du marché mondial
- Le respect de la souveraineté alimentaire par un soutien prioritaire à l'agriculture paysanne et aux cultures vivrières, ce qui implique une rupture radicale avec la logique du "tout à l'exportation".
- La soumission du commerce mondial à des normes sociales et environnementales strictes
- Un soutien à la diversification de la production et donc du commerce
- La nécessité d'un cycle d'évaluation des politiques de l'OMC avant tout nouveau cycle de négociation
La mise en place de ces mesures doit s'accompagner d'un effort important pour démocratiser les espaces de négociations internationales, voire pour en créer de nouveaux. Aussi demandons-nous également aux autorités belges et Européennes :
-
De reconnaître et faire reconnaître dans toutes négociations la primauté du droit international, singulièrement les Pactes sur les droits humains, sociaux et environnementaux, et/ou les intégrer dans le droit interne des états (ou de l'ue).
- D'assurer la transparence des négociations internationales et de l'instruction des dossiers au sein des organisations internationales.
- D'exiger des organisations internationales existantes :
- Un strict respect des pactes internationaux sur les droits humains, sociaux, des femmes, des enfants, de l'environnement,
- La promotion du respect de ces mêmes pactes, par les états auxquels elles apportent leur concours.
- Une participation effective et représentative des états et des populations concernées par leurs interventions ainsi qu'une appropriation réelle des résultats de ces interventions par les acteurs locaux
- Qu'elles rendent politiquement compte de leurs actions devant les Nations-Unies et que les dirigeants nationaux rendent compte de ces actions devant leurs instances représentatives nationales.
- D'œuvrer à la construction d'une nouvelle architecture mondiale en
- Promouvant, au sein des Nations-Unies, la création d'une instance politique internationale, placée au-dessus des intérêts économiques et financiers et disposant d'un pouvoir de décision : le modèle d'un conseil de sécurité économique et social est à creuser, à condition d'en exclure le principe du droit de veto
- Créant ou renforçant des juridictions internationales assurant l'application du droit international et donnant aux citoyens et à leurs collectivité la faculté d'ester en justice pour obtenir le respect de leurs droits, y compris économiques et sociaux. Développer les mandats du tribunal pénal international en ce sens est une piste à creuser, tout comme la création d'une Cour internationale, qui pourrait condamner les organisations ne respectant pas les droits économiques sociaux et culturel (Pacte international de New York de décembre 1966)
Enfin, créer et mieux distribuer les ressources nécessaires au développement n'a de sens que si ce dernier répond équitablement et de façon durable aux besoins et attentes des hommes et des femmes qui peuplent la planète, ce qui implique :
- L'appui à une notion plurielle de développement, c'est-à-dire le soutien aux différents modèles d'organisation politique, sociale, économique proposés par les peuples
- Le renforcement des capacités des groupes de femmes et d'hommes à mobiliser leurs efforts pour occuper les espaces de négociation et de pouvoir leur permettant de mettre en place un développement durable
- l'appui à une éducation et une formation publique (notamment des programmes spécifiques de sensibilisation au genre) accessibles à toutes et à tous
- l'appui à une agriculture définie en fonction des besoins des populations qui garantisse une sécurité alimentaire pour toutes et tous
- le développement de programmes de santé publique, préventifs et curatifs, accessibles à toutes et à tous, spécifiquement en termes de santé reproductive et de lutte contre des maladies telles que le Sida et autres maladies endémiques
- la reconnaissance des différences culturelles, notamment le droit à l'expression dans les différentes langues locales, sans nier l'importance des langues officielles de communication
- l'appui à des activités productives qui donnent la priorité au développement humain durable, qui privilégient le soutien à l'économie locale, à l'économie solidaire créatrice d'emplois 'dignes'
l'appui aux mouvements sociaux de femmes et d'hommes qui cherchent à créer des liens, une solidarité entre les peuples du Nord et du Sud.
Le texte complet se trouve: http://www.iteco.be/boite_outils/documentation/copenhague_version_complete.pdf"
Souscrivent à cet appel les organisations suivantes :
(Premiers signataires)
- Association pour la taxation des transactions financières et l'aide au citoyen (ATTAC),
- Comité pour l'annulation de la dette du tiers monde (CADTM),
- Centre national de coopération au développement (CNCD),
- Emmaüs/La poudrière,
- Entraide et fraternité/Action vivre ensemble,
- Forum bruxellois de lutte contre la pauvreté,
- Groupe de recherches pour une stratégie économique alternative (GRESEA),
- Kaïros Europe,
- Kaïros Wallonie-Bruxelles,
- Ligue des droits de l'Homme.