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LES ENFANTS:
NOTRE RESPONSABILITÉ COMMUNE

Juge Andrée RUFFO
Québec, CANADA

Je suis heureuse et très fière d'être ici aujourd'hui. J'aimerais partager avec vous mon expérience de juge pour enfants afin que nous puissions ensemble célébrer leur courage et nous redire notre commune responsabilité de mettre fin à la souffrance de tant d'entre eux.
Perez de Cuellar nous disait: "La manière dont une société traite ses enfants ne montre pas seulement qu'elle est capable de compassion et de protection humanitaire, mais également qu'elle a un sens de la justice."
C'est donc comme juge pour enfants que je vous adresse la parole aujourd'hui, convaincue qu'il appartient à un juge de dire la souffrance des enfants. Si le médecin à l'hôpital, si l'enseignant à l'école, si l'éducateur en centre d'accueil, si le juge en cour ne parle pas de la souffrance des enfants dont il est témoin, qui le fera?
Aujourd'hui, j'aimerais d'abord vous parler de l'immense tristesse que j'éprouve toujours lorsque je vois la souffrance des enfants. Je terminerai en vous parlant d'espoir. Car il n'est pas vrai que nous soyons condamnés à voir souffrir les enfants, et il n'est pas vrai que comme adultes, nous soyons condamnés à les faire souffrir. Nous pouvons créer un monde meilleur et si nous partons de ce colloque avec ce seul espoir, nous en sortirons grandis.

La souffrance des enfants
Partout, les enfants souffrent. Nous pensions autrefois que seuls les enfants d'autres pays souffraient. Les enfants d'ailleurs souffrent certainement. Nous les voyons à la télévision, affamés, prostitués, exploités au travail, tués dans les guerres.
Nous savons que les enfants souffrent, mais nous n'aimons pas le dire. Nous n'aimons pas nommer cette souffrance. Mais pour moi c'est important d'arrêter d'occulter cette souffrance.
Il y a presque 20 ans, lorsque j'ai été nommée juge, on me disait que j'exagérais lorsque je parlais des enfants prostitués. Au fil des années, on a découvert les souffrances des enfants drogués, prostitués, errants, affamés. Mais on essaie de contrôler les symptômes, sans jamais aller en profondeur, où se loge la souffrance des enfants. Les enfants maltraités, abusés, mal-aimés sont des enfants en colère. Au fil des jours, les enfants ont commencé à agir leur colère en l'adressant contre eux-mêmes ou en l'adressant contre les autres. On a commencé à s'intéresser aux enfants lorsqu'on a eu peur d'eux. Les enfants en colère ont commencé à être agressifs. Les premières lois pour enfants ont été instaurées pour les contrôler, pour les empêcher de dire leur colère, pour les punir. Il existe encore au Canada un lobby important qui veut augmenter la sévérité des punitions envers les enfants qui osent dire leur colère contre les autres. On ne se lève pas, par contre, pour protéger les enfants qui agissent leur colère contre eux-mêmes. Ces enfants se détruisent de beaucoup de façons: par la prostitution, la drogue, le décrochage.
Les enfants prostitués ont été convaincus si efficacement qu'ils ne sont que des objets, qu'ils ont décidé de se vendre ou de se donner. Qu'est-ce qui est criminel: que l'enfant se vende ou que l'enfant ait été utilisé et convaincu d'être un objet? C'est trop facile de dire qu'il faut que cesse la prostitution des enfants. Bien sûr, j'en suis, mais c'est plus important de savoir pourquoi les enfants se prostituent.
Tous les enfants qui ont des problèmes importants se droguent. Ils utilisent la drogue, ils font des délits pour s'en procurer, ou parce qu'ils sont sous l'effet de la drogue.
Que fait-on avec un toxicomane? Le toxicomane adulte est considéré comme souffrant d'une maladie, et il a accès à des centres de désintoxication. Mais l'enfant - ou l'adolescent - toxicomane est considéré comme un délinquant. Il doit être rééduqué, dans un centre d'accueil, la plupart du temps sans aucun traitement contre la toxicomanie. Les enfants se détruisent d'autres façons. Ils nous le disent quand ils tentent de se suicider. Mais il faut intervenir avant que les enfants n'en arrivent à cette solution extrême. Ce qu'il faut combattre, ce sont les petites morts quotidiennes. Quand un enfant a de moins en moins d'estime de lui-même, a moins le goût de vivre, a de plus en plus peur, quand il ne sait pas ce qu'il veut devenir, et qu'il perd jour après jour son âme d'enfant, ce sont des petites morts dont il faut s'occuper.
Mme Dolto, avant sa mort, me disait: "Si les enfants sont devant vous en cour, c'est qu'ils ont crié et que vous les avez entendus. Allez chercher les autres qui ne crient plus."
On finit par écouter les enfants qui crient, les enfants délinquants. On finit par essayer de faire quelque chose. Mais tous les autres, tous les enfants drogués, suicidaires, prostitués, ceux-là on s'en occupe très peu. Les enfants décrochent de l'école au secondaire. Ces enfants sont beaux, intelligents, courageux. Ils n'ont pas décroché de l'école, ils ont décroché de la vie. J'ai parfois devant moi en cour des enfants qui n'ont jamais réussi une année scolaire. Depuis qu'ils sont tout petits, on leur dit qu'ils ne sont pas bons, qu'ils ne savent pas apprendre. Jour après jour, année après année, ils se convainquent qu'effectivement ils ne sont pas bons, et que la meilleure chose est de quitter ce milieu où ils ne sont pas bien. Peut-être qu'ailleurs ils seront aimés... Et c'est comme cela que les enfants se retrouvent dans la rue, dans les arcades. Avec d'autres jeunes de leur âge, ils arrivent à se comprendre.
Au-delà de 85% des enfants errants sont des "enfants du système". Ce sont des enfants qu'on a pris en charge tout petits. On les a placés, replacés, déplacés, certains jusqu'à 32 fois. Quand ces enfants ont agi leur colère, on les a rééduqués, on les a placés dans des centres d'accueil.
À 18 ans, l'âge magique, le moment précieux est arrivé d'être libre. Mais faites l'exercice suivant: Vous avez 18 ans, vous avez été pris en charge par le système toute votre vie, et vous quittez. Où allez-vous? Vous n'avez pas d'argent, pas de famille, pas d'emploi, et à peu près pas d'amis, sinon quelques-uns qui sont dans la même situation que la vôtre. Qu'est-ce qu'on attend de ces enfants? Qu'ils soient beaux, grands, généreux, heureux? Impossible! Plus de 95% de ces enfants deviennent alcooliques ou dépendants de la drogue.
Ces enfants sont nos enfants. Tant et aussi longtemps que chacun de ces enfants ne m'apparaîtra pas aussi précieux que le mien, jamais je ne pourrai arriver à faire quelque chose avec eux. Si je n'arrive pas à regarder cet enfant comme s'il était mon fils, si je ne le traite pas comme je voudrais qu'un juge traite mon fils, jamais je ne m'attarderai à sa souffrance et je n'arriverai à la soulager.
Les enfants nous parlent très efficacement. Mais nous ne mettons en place que des moyens pour contrôler les symptômes. On ne dit pas à l'enfant: "Je comprends ta colère. Tu as raison d'être en colère." On lui dit plutôt: "Je n'aime pas ton langage. Je n'aime pas que tu me dises que tu es un objet en te prostituant, je n'aime pas que tu me dises que tu te sens très mal en te droguant, je n'aime pas que tu me dises que tu souffres en voulant te suicider, je n'aime pas que tu me dises que tu n'as pas d'estime de toi-même en décrochant de l'école."
Il faut dire à l'enfant: "Je suis en colère avec toi parce que c'est inacceptable qu'on t'ait traité comme on l'a fait, que tu aies eu faim, que tu aies été battu, négligé. Et nous allons construire sur cette colère."
Je demandais à Mme Dolto, ma mère spirituelle: "Pourquoi y a-t-il tant d'enfants qui souffrent?" Elle répondit: "C'est parce que les parents n'en peuvent plus. Ils n'ont plus d'espoir, ils ne réussissent pas à s'occuper d'eux-mêmes, alors ils ne peuvent s'occuper de leurs enfants."
Si Françoise Dolto revenait, comment nous trouverait-elle, nous, les parents? Trouverait-elle que nous avons davantage d'espoir?
La déclaration universelle des droits de l'enfant, la charte fédérale canadienne et la charte provinciale nous disent que l'enfant a le droit d'être protégé. Dans le code civil, des lois particulières protègent les enfants dans les domaines de la santé, du travail, de l'éducation. On reconnaît par centaines les droits des enfants. Mais les lois resteront toujours lettre morte si des adultes compétents, généreux, efficaces ne se lèvent pas pour que ces droits soient respectés.
Un enfant âgé de six mois, atteint d'une maladie transmise sexuellement, ne peut pas se choisir un avocat pour se défendre. Un enfant de 10 ans, en pièces détachées parce qu'il a tellement été abusé, ne peut pas faire respecter lui-même son droit à l'intégrité. Il faut toujours des adultes attentifs pour que les enfants cessent d'être des victimes.
Il est très facile de promulguer des lois, de ratifier des conventions internationales. Il faut de la bonne volonté, du courage et de l'énergie pour les faire respecter.
On a cru longtemps que l'État pouvait tout solutionner. Pendant longtemps, nous nous sommes sentis impuissants devant nos problèmes. Depuis quelques années, nous reprenons nos responsabilités. Nous en sommes venus à la conclusion que les solutions des experts ne suffisent pas. Il a fallu reconstruire notre confiance dans le fait que nous pouvons nous occuper de nos enfants.
Nous avons tous vécu dans un monde de compétition qui ne nous a pas rendus heureux. Car l'argent, la puissance, la gloire ne rendent pas heureux. Nous sommes en train de découvrir que le bonheur est ailleurs: dans la solidarité, la générosité, la compassion. On ne peut pas vivre toute une vie sans avoir besoin des autres.
Ces nouvelles valeurs qui nous caractérisent mobilisent notre société. Des grands-parents donnent du temps libre aux parents, des bénévoles organisent des loisirs à l'heure du dîner. Dans d'autres régions, des parents prennent la relève des professeurs à 15h30, et accueillent des enfants qui seraient seuls à la maison. Des romans d'amour extraordinaires se vivent dans beaucoup de milieux. Il faut inventer nos solutions dans nos milieux.
Lors d'une conférence dans une école, une grande fille m'a demandé ce qu'elle pouvait faire pour aider les autres. Une enseignante dans l'assistance l'a invitée à aider les enfants allophones de sa classe qui avaient de la difficulté à faire leurs devoirs. Un projet est né entre les adolescents et les enfants du primaire de cette école, en commençant par l'aide aux devoirs, et se poursuivant par des échanges, des activités communes, etc. Il semble que le portrait du village ait changé à cause de ce projet.
Beaucoup de gens cherchent ce qu'ils peuvent faire. Nous pouvons nous parler, nous entraider à grandir par l'action communautaire.
J'aime croire que je suis une juge d'éducation, qui aide les enfants à grandir, à être eux-mêmes. C'est là notre commune responsabilité comme citoyens, comme parents, comme éducateurs, comme psychologues, comme juges d'enfants.
La plus grande violence que l'on peut faire à un être humain, c'est de l'empêcher d'aller au bout de lui-même. Malheureusement, cette forme de violence est fréquente. Mais il peut en être autrement, si nous nous convainquons tous que nous pouvons nous aider les uns les autres à grandir. Pour ce faire, je vois trois conditions importantes.


La communication
La première, c'est d'être en communication. Cela veut dire écouter non seulement la parole de l'autre, mais tout son langage. Les enfants ne sont pas toujours habiles pour utiliser la parole. Les enfants expriment leur peur par la parole, mais aussi par leurs cris, par leur haine. Ils nous parlent de tellement de façons! Quand on a compris le langage de l'enfant, il faut agir courageusement et dénoncer sa souffrance.
Mais pour entrer en communication avec les autres, il faut entrer en communication avec soi-même. Si je ne sais plus ce que c'est que de rêver, d'avoir peur ou honte, comment puis-je communiquer avec une autre personne qui veut me dire sa colère ou ses rêves? Comme le disait Françoise Dolto, il faut retrouver son âme d'enfant.
L'Histoire nous démontre que les grands monstres de l'humanité avaient tous été des enfants battus et que personne ne s'était jamais levé pour les défendre. Si un enfant battu ou abusé rencontre un regard amoureux, il ne deviendra jamais un monstre. Un père me disait: "Mon père m'a battu toute ma vie. Cela ne m'a pas empêché de réussir." Cet homme s'autorisait à battre son fils pour se faire obéir. Je lui ai demandé de se rappeler comment il se sentait lorsqu'il se faisait battre, lorsqu'il recevait des coups de pied devant les autres. Il a fait l'exercice et il a r
éalisé que cela lui faisait mal, et qu'il pleurait tout le temps.
Si je ne veux pas répéter cette violence que j'ai subie, il faut que je sois capable d'être en contact avec cette souffrance. Plus je nie la souffrance, plus je peux la répéter.
Si je suis en contact avec tout ce que je vis à l'intérieur de moi-même, je peux permettre à l'autre de me dire ce qu'il vit. Je peux communiquer avec l'autre. C'est par ce langage que l'on devient humain. Il faut retrouver ses émotions.


La spiritualité
La deuxième condition pour faire oeuvre d'éducation, pour s'aider les uns les autres, c'est de trouver un sens à sa vie, une raison d'être. C'est ce que j'appelle la spiritualité.
Qu'est-ce qui fait vibrer mon âme? Est-ce seulement l'argent, la puissance ou la gloire? Qu'est-ce qui fait que je m'anime, que je crois en quelque chose? Quelle est ma raison de vivre?
C'est un enfant qui m'a aidée à découvrir ce sens de la spiritualité. Pour un garçon de 13 ans, placé depuis l'âge de 5 ans dans un centre d'accueil parce que sa mère était toxicomane, le centre d'accueil était devenu sa famille. Quand je lui ai demandé s'il voulait aller dans une famille, il m'a dit, en me regardant avec ses grands yeux bleus: "Tu sais, madame la juge, j'ai rêvé toute ma vie d'avoir une famille." La façon dont il le disait était intolérable. Après avoir pleuré longtemps dans mon bureau, je me suis demandé: "Qu'est-ce qu'ils ont dans le ventre, ces enfants-là, pour rêver encore alors qu'ils ont passé toute leur vie d'une façon injuste dans des institutions parce que leurs parents n'étaient pas capables de s'occuper d'eux?"
J'en suis venue à la conclusion que chaque être humain porte en lui une quête d'absolu, qu'il doit poursuivre pour être heureux. Cette quête est différente pour chacun d'entre nous, et porte différents noms. Pour l'une, ce sera l'éducation, l'autre, la justice pour les enfants, un autre, la religion, etc. Il nous faut écouter notre voix intérieure, trouver à l'intérieur de nous-mêmes ce que nous avons de plus précieux pour pouvoir l'actualiser et devenir ce que l'on doit devenir. C'est ça l'éducation. Et c'est un enfant qui m'a appris ce qu'est le véritable sens de l'éducation. Chaque enfant, chaque personne est porteuse de cette quête d'absolu. Il m'appartient de nommer la mienne. Je ne dois pas passer ma vie à poursuivre des objectifs que d'autres ont déterminés pour moi. Nous avons beaucoup de choses à revoir dans notre système d'éducation pour nous ajuster à cette vision.
Un jour, à la cour, j'ai devant moi un grand garçon de 15 ans qui a fait trois tentatives de suicide dans les trois derniers jours. Il est sans vie, il a les yeux morts, les épaules prostrées, le visage livide, la peau pleine de boutons. Je lui demande à quoi il rêve. Il me dit qu'il a arrêté de rêver depuis longtemps. Je lui ai demandé de me promettre d'être vivant lors de la prochaine date de rencontre avec moi. Il l'a promis.
La dernière fois que je l'ai vu, je n'ai pu m'empêcher de réagir. "Mon Dieu que vous êtes beau! Vous êtes donc vivant! Que c'est beau de vous voir les yeux!" Ce n'était plus le même enfant. Sa peau s'était éclaircie, ses épaules étaient carrées, j'avais devant moi une personne vivante. Il a eu un psychiatre extraordinaire, de bons éducateurs; on l' a écouté. Et il a découvert ce qu'il portait en lui. Il a décidé qu'il voulait être "débosseur" (mot québécois qui signifie carrossier). Il m'expliquait qu'il était le meilleur dans son domaine. Quand il répare une carrosserie, ça ne paraît même pas. Ce ne sera pas toujours facile pour lui. Mais je sais que maintenant, il a confiance en lui-même. Il sait qu'il compte pour quelqu'un. Et je sais que cet enfant-là est vivant pour toujours.
Chacun doit écouter ce qu'il porte à l'intérieur de lui-même, écouter ce dans quoi il peut être heureux.
Combien d'entre nous se lèvent chaque matin en se disant qu'ils sont heureux parce qu'ils font ce qu'ils veulent faire? Combien réalisent les rêves des autres? Il faut se donner la permission de s'écouter.
Si je me permets de le faire, je vais permettre à l'autre de le faire aussi.
Si je suis convaincu que je suis porteur d'absolu, jamais je ne peux perdre espoir; jamais je ne peux être méprisant. Je ne peux qu'applaudir la différence et tout ce qui est extraordinaire dans l'autre. C'est ainsi qu'on bannit pour toujours le mot tolérance.
S'il y a un mot que je déteste, c'est le mot tolérance, qui implique un jugement. Je suis la norme, et je tolère ceux qui ne sont pas comme moi. Quand on parle des autres, on ne parle pas de tolérance, on parle de respect, d'acception, de découverte, de diversité, parce que chaque être humain, porteur d'absolu, est d'une infinie valeur. On n'est plus en compétition. On n'a plus besoin d'être toujours productif, parce que ce n'est pas l'autre qui est la mesure, c'est moi. L'important est de me demander si aujourd'hui, je suis un peu meilleur qu'hier.


L'amour
La troisième condition pour faire oeuvre d'éducation et pour s'aider à grandir, c'est l'amour. Accepter les autres avec leurs différences, leurs richesses, mais surtout croire inconditionnellement en ce que chacun peut devenir. L'effet Pygmalion en éducation nous démontre que je deviens ce que l'oeil de l'autre me fait.
L'amour est la reconnaissance de l'infinie richesse de chacun de nous.
Jacquard était toujours l'avant-dernier de sa classe. Après un déménagement, son nouveau professeur lui a demandé dans quoi il était bon. Il a répondu: "Dans tout", alors qu'il avait l'impression de n'être bon dans rien. Le lendemain, le professeur lui a posé une question, à laquelle Jacquard a donné une réponse que son nouveau maître a trouvée intelligente. Au fil des jours, les autres étudiants ont commencé à le considérer intelligent. Il dit: "Vous savez, je suis devenu intelligent."
C'est une illustration du regard qui fait que je deviens beau, que je deviens grand. Ce que l'on est, est infiniment plus précieux que ce que l'on fait. Ce que l'on inspire est beaucoup plus important que nos paroles et nos gestes.
Qu'est-ce que j'inspire dans ma classe, dans mon école, dans ma famille: de l'hypocrisie, du mensonge, ou de l'amour, de la générosité, de la compassion? Ai-je assez d'estime de moi pour permettre à l'autre de s'exprimer? Dois-je toujours avoir raison?
C'est la qualité de l'être qui fait que l'on est à l'aise avec une personne.


Un nouveau consensus éthique
Je voudrais terminer en vous disant combien me tient à coeur ce nouveau consensus éthique que l'on doit construire autour de nos enfants, où nos enfants deviendront une priorité absolue au niveau des familles, de l'école, du quartier, au niveau social, politique et mondial. Un nouveau consensus éthique où serait développée une volonté sociale d'assurer une place de choix aux enfants. Non seulement la reconnaissance de leurs droits dans les lois, mais une action politique pour que ces lois soient appliquées de façon efficace. Un nouveau consensus éthique où, à tous les niveaux de la société, nous développerions les moyens de vivre en cohérence avec ce choix. Nos enfants doivent devenir une priorité absolue dans nos choix individuels et leur éducation devenir une priorité dans nos choix collectifs. Nous devons placer nos enfants au-dessus de tout. La tâche apparaît énorme, et il faudra compter avec le monde d'amour et de non-violence qui existe en chacun de nous