Site hosted by Angelfire.com: Build your free website today!

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

 

LA SOCIÉTÉ DE L'ÉPOQUE

 

LE CHANGEMENT DES ORPHELINATS EN ASILES PSYCHIATRIQUES

 

AUJOURD'HUI

 

CONCLUSION

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

INTRODUCTION

Depuis quelques années déjà, l'histoire des Orphelins de Duplessis est sortie au grand jour: plusieurs livres ont été publiés et une télésérie a été diffusée. On sait maintenant qu'entre les années trente et soixante, au Québec, des milliers d'enfants ont été internés dans des asiles psychiatriques. Aujourd'hui, ceux-ci demandent réparation; ils veulent des excuses publiques et des compensations financières pour ce qui leur est arrivé. Le collège des Médecins a promis la rectification des dossiers des Orphelins, le gouvernement provincial s'apprête à offrir de l'argent, il n'y a qu'un seul groupe qui reste muet dans toute cette histoire: les communautés religieuses, et ce sont souvent elles que l'on accuse.

Ont-elles raison de rester silencieuses? Après tout, ne sont-elles pas les seules à s'être occupé de ces enfants? Quel aurait été le sort de ces jeunes sans le dévouement de ces femmes? Les décisions de l'époque ont été prises par les hauts membres du clergé et du gouvernement, le travail des communautés religieuses a été de les respecter. Celles-ci ont sûrement leurs torts dans ce drame, mais elles ne devraient pas être les seules à être pointées du doigt.

Ce travail tentera d'élucider les faits et non de trouver "le coupable". Cette recherche se divise en trois grandes idées. Premièrement, la société de l'époque: ses politiciens, ses forces et ses faiblesses, le fonctionnement de ses institutions et la présence importante de l'Église. En second lieu, elle traitera du cœur de la tragédie c'est-à-dire le changement des orphelinats en asiles, les dossiers et les retards d'apprentissage dus à des carences affectives graves. Finalement, elle abordera les questions et problèmes actuels: la façon dont la société d'aujourd'hui réagit aux événements du passé, les demandes de ceux qui ont réussi à s'en sortir ainsi que le rapport Jacoby.

 

 

1-La société de l'époque

La période Duplessiste est marquée par la présence plus qu'importante de l'Église catholique au Québec. Ainsi ce sont les communautés religieuses qui ont la charge des services publics tels l'éducation et la santé. Par conséquent, elles prennent en charge les enfants abandonnés. C'est une période durant laquelle la population québécoise est séparée entre deux clans opposés. D'un côté certains veulent de la modernisation, ils espèrent un changement d'idéologie. L'écriture d'un texte comme "le Refus Global" en 1948 démontre une volonté de changement chez beaucoup d'artistes et une certaine partie de la population, le plus souvent des jeunes. On observe aussi une multiplication des grèves due à un nombre croissant de syndicats. Le "American way of life" devient de plus en plus présent, des inventions comme la télévision et les boissons gazeuses nous sont amenées bien souvent par les Américains et envahissent de plus en plus les foyers québécois. Un autre groupe, dominé par Maurice Duplessis, s'oppose à ces changements et reste accroché aux valeurs fondamentales de la religion catholique.

Ainsi, c'est durant le long mandat de Maurice Le Noblet Duplessis (Trois-Rivières 1890-Shefferville 1959) que ce deuxième groupe reste fortement majoritaire. Duplessis est premier ministre du Québec de 1936 à 1939 et de 1944 à 1959 après le court règne du parti libéral d'Adélard Godbout. Duplessis dirige l'Union Nationale qu'il a lui-même fondée. Ce parti est très conservateur, il favorise l'entreprise privée et une intervention limitée de l'état. Pour répondre aux besoins d'une société en pleine croissance démographique et économique, Maurice Duplessis agit de différentes façons: il met sur pied un réseau d'écoles secondaires publiques, il instaure l'impôt provincial sur le revenu et il adopte la loi de l'assistance aux mères nécessiteuses et la loi du cadenas (pour contrer les syndicats). Il se maintient au pouvoir pendant quinze ans grâce à une propagande qui fait en sorte qu'il s'avère imprudent de voter pour un candidat d'un parti autre que l'Union Nationale. Maurice Duplessis meurt lors d'une visite dans les mines de fer de Shefferville en 1959, il est alors remplacé par Paul Sauvé et Antonio Barrette pour l'Union Nationale, puis en 1960 par Jean Lesage du parti Libéral.

Lors du mandat de Maurice Duplessis, il s'établit un concordat entre l'Église et l'état. Grâce à ce pacte, il y a entente pour que l'Église intervienne dans divers secteurs comme les services scolaires, hospitaliers et sociaux, elle doit aussi veiller à ce que les valeurs morales soient respectées. L'état se rapproche donc de l'Église pour assurer sa crédibilité auprès de la population. Ainsi, aucune décision n'est prise par Maurice Duplessis sans le consentement des hauts membres du clergé dont le chef, à cette époque, est Monseigneur Paul-Émile Léger.

Le Cardinal Léger est né le vingt-six avril 1904 à Valleyfield. Pendant ses études classiques de 1916 à 1924, on dit de lui qu'il est un écolier laborieux, appliqué et modèle. Après plusieurs missions d'évangélisation, dont la plus importante fut au Japon, il devient curé à la Cathédrale de Valleyfield. Il devient ensuite cardinal jusqu'à sa mort au début des années 1990. Le souvenir que l'on garde de ce personnage est celui d'un grand chef de l'Église, adoré par la population et un peu imbu de lui-même. Lors d'une visite à Montréal dans les années Duplessistes, le Cardinal déclare: "Montréal, tu t'es faite belle pour accueillir ton prince."

L'impérialisme de l'église se fait surtout sentir par l'omniprésence des communautés religieuses. Ce sont uniquement elles qui s'occupent des orphelins. Micheline Dumont, dans un article publié dans la revue l'Action Nationale se rappelle d'avoir observé le travail des sœurs:

"[…]C'est que les deux religieuses que j'avais observées à l'œuvre auprès des enfants, avaient vu au réveil de leur marmaille. Elles avaient habillé tout ce petit monde. Elles avaient changé les draps de ceux qui avaient mouillé leur lit. Elles les avaient installés sur leur pot. Elles verraient à les faire dîner, collationner, souper. Elles les mettraient au lit. Une fois par mois, elles passent une journée complète à leur couper les ongles et les cheveux. Elles les soignent quand ils sont malades. Elles consolent ceux qui tombent et se font des gros bobos. Elles calment les plus agités. Elles leur montrent à parler. […]."

En plus de s'occuper des enfants, les sœurs doivent accueillir celles que l'on appelle à cette époque les filles-mères. Celles-ci sont les mères des orphelins. Elles sont tombées enceintes hors des liens du mariage et pour d'autres, elles ont été agressées sexuellement. Selon l'idéologie de cette époque, il est impensable pour une femme d'élever son enfant sans l'aide d'un mari. Elles se rendent donc dans les deux hôpitaux de la Miséricorde pour éviter le déshonneur à leur famille. Le gouvernement fournit quatre-vingt dollars pour l'accouchement. Les coûts pour les soins et l'hébergement sont assumés par les religieuses.

Après sa naissance, le bébé est confié à l'adoption. Malheureusement, il y a beaucoup de préjudices envers les enfants illégitimes: on les perçoit souvent comme des tarés, des handicapés, on croit qu'ils sont de trop. Dans les années trente, seulement le tiers des petits sont adoptés, cette proportion augmentera au cours des décennies, les filles restent plus populaires que les garçons car elles ont la réputation d'être plus dociles et elles ne transmettent pas leur nom de famille. Après l'âge de un an, l'enfant n'a plus de chances d'être adopté, il commence donc une longue dépendance à la vie institutionnelle dont la première étape est la crèche où il reste jusqu'à l'âge de six ans environ. Les jeunes respectent toujours le même horaire, restent avec le même groupe et mangent à la queue leu leu.

Ensuite, c'est l'orphelinat, jusqu'à l'âge d'environ quatorze ans chez les garçons et dix-huit ans chez les filles. Il existe deux genres d'orphelinats: les orphelinats de villes et les orphelinats de campagne. Il y a des différences marquées entre ces deux institutions. En ville, les conditions sont malsaines, les salles insalubres, souvent aucun espace de récréation extérieur n'est réservé, les pensionnaires sont entassés et il manque de personnel. Dès que l'on s'éloigne de la ville, les orphelinat sont beaucoup plus vivables. Il y a environ cinquante garçons par salle comparativement à 240 en ville. Chaque enfant a un suivi médical et psychologique et il y a un grand espace de jeu extérieur. Les orphelinats étant surpeuplés et les sœurs manquant de moyens financiers ou d'espace, il est possible d'envoyer un orphelin dans une école de réforme avec de jeunes délinquants placés par la cour, ou encore dans une famille agricole qui, plus souvent qu'autrement, l'exploite.

Retour vers le haut

2-Le changement des orphelinats en asiles psychiatriques

Pour une religieuse, on retrouve souvent plus d'un enfant à éduquer. Il est donc impossible de créer des liens affectifs. Dans les orphelinats, les jeunes sont malheureusement élevés à la chaîne, ils n'ont jamais eu de contacts avec une personne significative (mère ou père). Ce n'est qu'au milieu des années quarante que plusieurs psychologues américains (le principal étant Spitz) font d'importantes découvertes concernant l'enfant sans soutien. Au Québec, ce n'est que vers la fin des années soixante que ces théories sont connues. On sait très pertinemment de nos jours qu'un enfant développe de graves retards d'apprentissage et se développe moins bien lorsqu'il est privé du contact affectif de ses parents et en particulier de sa mère.

"Spitz a comparé 134 bébés de moins de un an qui vivaient en institution à 134 bébés élevés à la maison. À la fin de la première année, les enfants du groupe témoin et ceux élevés dans l'une des institutions (appelée "pouponnière") s'étaient développés normalement. Par ailleurs, les enfants confiés à l'orphelinat s'étaient spectaculairement détériorés. […] À l'orphelinat, huit enfants devaient se partager une seule infirmière. Ces enfants étaient généralement plus petits et plus maigres que ceux de la pouponnière, ils étaient également plus sujets à la maladie et beaucoup en mouraient. Leur quotient de développement, évalué au départ à 124, était descendu à 75 à la fin de la première année et à 45 à la fin de la deuxième. Les études de Spitz ont fait ressortir la nécessité urgente de fournir aux enfants des soins qui se rapprochent le plus possible des "bons soins maternels"."

La société de l'époque a beau ne pas connaître les recherches des psychologues, elle constate les problèmes des orphelins. Elle se voit dans l'obligation de fournir une éducation spécialisée à ces jeunes. Ainsi, en 1929, le gouvernement adopte la loi de l'enseignement des classes spéciales et construit des programmes d'étude d'éducation primaire pour les enfants en difficulté. Cependant, les coûts de l'ouverture de ces classes étant très élevés, on ne voit apparaître des institutions spécialisées qu'en 1937. On offre aux jeunes la possibilité de rattraper les année perdues. Les jeunes sont invités par différents jeux, par des cours d'éducation physique (garçons) ou par des classes ménagères (filles) à compléter leur éducation élémentaire. Le meilleur exemple de ce genre d'orphelinat est le Mont-Providence.

Au départ, le Mont-Providence se veut un institut médico-pédagogique. On y accepte les enfants avec une légère déficience: le but est de les rendre normaux et de favoriser leur réintégration sociale. Lors du séjour de l'enfant, l'institut veillera à développer toutes les facultés du jeune, à le rééduquer, à l'orienter vers diverses possibilités du monde extérieur et finalement de le réhabiliter pour lui permettre de vivre ailleurs que dans un hôpital. On observe chez les jeunes qui fréquentent le Mont-Providence d'énormes améliorations.

Le succès de cet institut coûte cher. Si cher que les communautés religieuses accumulent des dettes de plus de six millions de dollars envers le gouvernement fédéral, et celui-ci exige un remboursement. Les congrégations n'ont pas l'argent demandé, elles doivent donc prendre des décisions concernant l'avenir du Mont-Providence.

C'est que l'institut avait reçu de l'argent du fédéral dans le cadre d'un programme destiné aux hôpitaux. Lorsqu'Ottawa apprend que les subventions étaient destinées à une école, il exige le retour de l'argent injecté. Les sœurs ne sachant plus quoi faire, se tournent vers le gouvernement provincial. On leur répond alors que si l'édifice changeait de vocation et devenait un asile psychiatrique, Ottawa accepterait de distribuer des subsides plus élevés. Les sœurs recevaient normalement soixante-quinze cents par jour pour les orphelins. Si ceux-ci étaient déclarés malades mentaux, elles recevraient deux dollars de plus par jour par enfant. Elles décident donc, sous les hautes recommandations du Cardinal Léger, d'effectuer le changement. Le Mont-Providence sera désormais un asile pour aliénés. Les jeunes enfants récupérables seront envoyés chez leurs parents mais que faire des orphelins qui n'ont aucune famille?

 

On ne sait donc que faire des orphelins, il est impensable de les envoyer dans d'autres orphelinats car ils ont accumulé trop de retard, impossible aussi de les envoyer dans des instituts spécialisés car ceux-ci sont souvent remplis ou encore ils ont pris la même décision que le Mont-Providence. On doit donc tenter de faire passer les orphelins pour des malades mentaux. Ils devront passer plusieurs examens psychologiques pour évaluer leur quotient intellectuel. Pour effectuer cette tâche, des spécialistes seront engagés et payés pour falsifier les dossiers. Le quotient intellectuel étant calculé de la façon suivante: âge mental (calculé par différents tests d'aptitudes) divisé par l'âge de l'enfant, multiplié par cent; la majorité des orphelins ont obtenu un résultat inférieur à 80 (la normale étant de 100). Cependant, il a été prouvé par la suite que ces résultats étaient faux, la majorité des jeunes étaient éducables.

Les congrégations religieuses décident donc de garder les orphelins à l'asile. Il est impossible cependant de leur donner des classes. Certaines sœurs tentent malgré les règlements d'éduquer correctement les jeunes, et c'est d'ailleurs pourquoi certains ont réussi à s'en sortir, mais trop souvent ils sont mélangés aux "vrais" fous et prennent de plus en plus de retards d'apprentissage. Ils souffrent d'une absence de scolarisation grave et pour la plupart, ils ne pourront jamais intégrer normalement la société ou se trouver un emploi. Certains Orphelins de Duplessis vivent toujours dans des asiles psychiatriques.

Dans les asiles, beaucoup ont à subir les mêmes traitements que les aliénés: lobotomie, bain d'eau glaciale, surdose de médicaments et électrochocs. Certains de ces jeunes sont violés, agressés, battus et même sodomisés. De plus, les jeunes doivent travailler sans même être payés: ils doivent faire le ménage, cuisiner, laver et prendre soin des malades car il manque de personnel pour effectuer ce travail.

 

 Retour vers le haut

 

3-Aujourd'hui

Aujourd'hui, un comité des orphelins qui ont survécu existe. Leur président depuis 1994 est Bruno Roy. Cet homme a passé son enfance dans les orphelinats et asiles. À l'âge de douze ans, son dossier au Mont-Providence indiquait qu'il est arriéré mental. C'est grâce à une sœur religieuse qu'il a pu réintégrer un orphelinat rural et finir à l'âge de seize ans ses études primaires (quatrième, cinquième et sixième année primaire) en un an seulement. Après avoir terminé ses études secondaires à l'âge de vingt et un ans, il étudie en littérature française et obtient son doctorat. Il écrit plusieurs livres et recueil de poésie et, entre 1987 et 1996, il est président de l'Union des écrivains et écrivaines québécois. Il se dévoue beaucoup à l'éducation. Il enseigne au collège Beaubois à Pierrefonds, au cégep André-Laurendeau à LaSalle ainsi qu'à L'Université du Québec à Montréal.

Bruno Roy tente très longtemps de cacher son passé. Ce n'est que lorsqu'il retrouve quelques uns de ses copains d'enfance qu'il décide de dévoiler son histoire au grand jour. C'est grâce à son influence publique et sa popularité qu'il réussit à faire réagir le peuple québécois. Il parle aux médias, il écrit un essai choc intitulé Mémoire d'asile: La tragédie des Orphelins de Duplessis, et tout dernièrement, il publie le livre Les calepins de Julien et collabore à la télésérie Les orphelins de Duplessis diffusée à Radio-Canada.

Si le peuple québécois connaît à présent cette malheureuse histoire, c'est en partie grâce à l'œuvre de Bruno Roy mais aussi grâce à d'autres écrits tels que la biographie d'Alice Quinton (écrite par Pauline Gill): Les enfants de Duplessis, ainsi que le tout premier livre choc écrit à propos de cette tragédie, l'autobiographie de Jean-Guy Labrosse intitulé Ma chienne de vie. À sa toute première publication, ce livre offense l'Église à tel point qu'elle tente de le cacher au peuple québécois.

Jean-Guy Labrosse et Alice Quinton font tous les deux partie du Comité des Orphelins et Orphelines Institutionnalisés de Duplessis (COOID), tout comme un nombre croissant d'orphelins. Ce groupe, présidé par Bruno Roy se veut une voix pour les victimes de ce drame d'exprimer ce qui leur est arrivé et d'exiger que justice soit rendue. Le comité cherche à promouvoir les droits et intérêts de ses membres, de sensibiliser la population ainsi que de recevoir ses dons. Pour le moment, ils sont environ cent membres mais ce nombre ne cesse d'augmenter à chaque année.

En plus de se rassembler plusieurs fois par mois, ce groupe organise des manifestations et établit une liste de demandes particulières. Les orphelins tentent en premier lieu d'obtenir du gouvernement, des médecins et des communautés religieuses des excuses officielles. Ils veulent la correction de leur dossier ainsi que des compensations financières. Ils espèrent aussi avoir un suivi médical et pédagogique en plus d'un service gratuit de développement personnel et social ainsi qu'un service particulier d'accès à l'information (par exemple: pouvoir consulter leur dossier psychologique). Ils souhaitent finalement obtenir une exemption de taxes à vie, un bureau spécifique pour le COOID et un service gratuit de sépulture.

En 1996, le protecteur du citoyen, monsieur Jacoby émet un rapport contenant des recommandations à l'attention du gouvernement du Québec. Dans ce rapport, il suggère aux deux paliers de gouvernements ainsi qu'aux médecins et au communautés religieuses, des moyens pour répondre correctement aux exigences des orphelins. Seulement, les réactions de la population et de l'Église sont très mauvaises puisque que le rapport semble accuser uniquement les religieuses. Dans une entrevue, Marie-Paule Malouin, qui a étudié à fond la question des enfants en difficulté à cette époque, déclare:

"Seul Duplessis a pris les décisions politiques et a fermé les établissements mis sur pied par les sœurs. Le premier ministre n'a pas "conseillé" que Mont-Providence change de vocation, il l'a ordonné! Et Ottawa ne s'est pas "retiré". Il a fait un chantage éhonté. En fait, le rapport Jacoby n'a qu'un seul objectif: éviter à l'état de payer la note."

Les religieuses réagissent très mal au Rapport Jacoby. Elles ont l'impression que toute leur vie n'a servi à rien. Elles se sont dévouées pour ces enfants car ni la société ni les gouvernements ne voulaient les prendre en charge. Elles ont été les seules à le faire. Pour se défendre des accusations qui sont portées contre elles, les religieuses, avec l'Archevêque de Montréal, monseigneur Turcotte ont décidé d'envoyer une pétition au gouvernement provincial qui ne lui a encore accordé aucun suivi.

Les Orphelins ont dû attendre jusqu'en mars dernier pour enfin obtenir une réponse du gouvernement face à leurs demandes. Le gouvernement avait promis en décembre 1998 qu'il ferait, dans les plus bref délais, "une déclaration publique portant sur la situation particulière qu'ont vécue les Orphelins de Duplessis". À deux reprises en février, une fois devant l'Assemblée Nationale à Québec et une fois devant les bureaux du Cardinal Turcotte, un petit groupe d'orphelins de Duplessis a manifesté. Certains portaient alors des camisoles de force pour faire réagir les médias et la population en faveur de leur cause. Ce n'est que le 4 mars que le gouvernement a donné signe de vie. Lucien Bouchard a annoncé sa décision d'offrir aux victimes trois millions de dollars et trois cent mille pour le COOID. Il y a un grave problème: à qui exactement donner cet argent? Le nombre d'orphelins de Duplessis se situe entre 800 et 3000. Certains d'entre eux sont morts, d'autres ont disparu, plusieurs n'ont subi aucun mauvais traitement. Comment donc répartir l'argent? Le gouvernement a décidé de ne donner aucune "indemnités individuelles", il a plutôt opté pour une démarche de suivi et d'aide. Les orphelins ne sont pas du tout satisfaits, ils ont donc refusé cette offre. Il est très normal qu'ils soient déçus si l'on compare leur cas avec celui des jumelles Dionne, qui ont reçu quatre millions de dollars, ou encore celui d'un homme qui avait été interné dans un asile d'aliénés en Alberta sans raison valable et qui a reçu trois cent mille dollars. Cependant, dans les cas précédents, nous parlons de cas isolés. Le protecteur du citoyen Daniel Jacoby a lui aussi mal réagi aux offres du Premier Ministre qu'il considère comme inacceptables. Aussi, la commission des droits de la personne recommande au gouvernement la tenue d'une enquête publique qui éclaircirait cette tragédie et permettrait de donner des compensations financières plus justes aux orphelins.

 

 

CONCLUSION

En somme, il est certain que les communautés religieuses ont une part de responsabilités dans cette histoire. Cependant, il serait impensable de leur mettre tous les torts sur le dos car, comme nous avons pu le constater, elles ont porté tout le poids du travail et elles ont tenté d'éduquer ces enfants malgré le manque de ressources à leur disposition et malgré les objections de leur dirigeants. Dans les différentes décisions qu'elles ont dû prendre, l'influence du "prince de l'Église" Monseigneur Léger et du premier ministre de l'époque, Maurice Duplessis, a été plus qu'importante. Plusieurs sœurs se sont opposées à l'écriture ainsi qu'à la falsification des dossiers psychologiques des enfants, certaines d'entre elles ont décidé de quitter la religion et les autres ont dû se conformer aux règles. Ces femmes ont aujourd'hui l'impression que leur travail n'a servi à rien.

De nos jours, la nouvelle structure empêche-t-elle les jeunes orphelins de vivre des carences affectives? C'est dans les centres et familles d'accueil que l'on retrouve l'un des plus hauts taux de suicide. Les services disponibles, les psychologues, les travailleurs sociaux et les familles d'adoption ne réussissent toujours pas à combler les besoin d'un orphelin. Certes, la manière de penser des gens envers ces enfants s'est énormément améliorée mais ceux-ci souffriront toujours d'un manque d'affection flagrant.

La situation n'est guère meilleure mondialement. Dans un reportage de l'émission Enjeux, on pouvait voir que les conditions dans les orphelinats chinois sont pitoyables. Ce sont des mouroirs pour enfants. On y attache les enfants sur des chaises où on les entasse à cinq. Prenons l'exemple d'une petite fille qui est malade, l'orphelinat n'a pas les moyens de la soigner alors les responsables doivent la laisser mourir dans une petite pièce, toute seule. Les gouvernements devraient prendre des décisions intelligentes. L'adoption internationale pourrait coûter moins cher, ce qui permettrait à un plus grand nombre de personnes de prendre en charge un enfant dans le besoin.

Retour vers le haut

BIBLIOGRAPHIE

1.Livres (documentaires):

ARCAND, Denys. Duplessis, Montmagny, VLB éditeur, 1978, 489 p.

CARDIN, BÉDARD, DEMERS et FORTIN. Le Québec: héritages et projets, Éditions HRW, 2ème édition, Laval, 1994, 502 p.

MALOUIN, Marie-Paule. L'Univers des enfants en difficulté au Québec entre 1930 et 1960, Montréal, Bellarmin, 1996, 158 p.

ROY, Bruno. Mémoires d'asile: la tragédie des enfants de Duplessis, Montréal, Boréal, 1994, 252 p.

2.Livres (romans):

GILL, Pauline. Les enfants de Duplessis, Montréal, Libre expression, 1991, 271 p.

ROY, Bruno. Les calepins de Julien, Montréal, XYZ Éditeur, 1998, 355 p.

3.Sites Internet:

Mouvement des personnes d'abord (MÉMOIRE SUR LES ORPHELINS DE DUPLESSIS):

http://www.mpda-drummond.qc.ca

Rapport annuel (document officiel du protecteur du citoyen):

http://www.ombuds.gouv.qc.ca/fr/publications/rap_speciaux/orphelins/index.htm

Le P'tit journal:

http://www.minfo.net/ptitjournal/pj2-1-47.htm

Article de Jacques Dufresne (journal L'Agora):

http://agora.qc.ca/textes/duplessis.html

4.Articles de périodiques

DUMONT, MICHELINE. "Des religieuses, des murs et des enfants", L'Action Nationale, vol. 84, no 4. (avril 1994), p.483-508.

RICHER, JOCELYNE. "Les enfants de Duplessis: d'abord victimes du patriarcat", La gazette des femmes, vol. 18, no 3. (septembre-octobre 1996), p.29-31.

TREMBLAY, GISÈLE. "De la crèche à l'asile", Châtelaine, vol. 34, no 4. (avril 1993), p.57-65.

TURENNE, MARTINE. "La véritable histoire des orphelins de Duplessis", L'Actualité, vol. 22, no 11. (juillet 1997), p.54-58.

5.Articles de journaux:

NOËL, ANDRÉ. "Les orphelins de Duplessis manifestent en camisole de force", La Presse, 19 février 1999, p.A3

LEDUC, LOUISE. "Les orphelins de Duplessis rejettent l'offre de Québec: humiliation", Le Devoir, 5 mars 1999, p.A1 et A10

CLOUTIER, MARIO. "Les orphelins de Duplessis rejettent l'offre de Québec: Bouchard", Le Devoir, 5 mars 1999, p.A1 et A10

Retour vers le haut

 

Date de création : 31 mars 1999