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UNE OPINION AUTORISEE SUR CONSTANTIN

A propos des différentes facettes du caractère de l'empereur Constantin, le Romanalogue réputé André PIGANIOL écrit :

"Chacun de ces portraits si différents renferme assurément des traits exacts. Le seul qui nous paraisse tout à fait faux est celui de l'homme d'État réaliste. Si Constantin avait été ce calculateur, il n'aurait pas exécuté sa grande œuvre. Pour y réussir, il fallait un inspiré. Il est passionné pour la vérité et pour la justice. Mais il n'est instruit ni de l'histoire, ni du droit, et il n'est pas du tout armé pour savoir où sont la justice et la vérité. Il demande en 325 à une assemblée de philosophes de lui fournir la définition de Dieu qui s'imposera à tous les hommes. Puis il devient perplexe, quand il voit ces philosophes s'entredéchirer.

Certainement il aurait souhaité qu'on lui montrât les lois les plus justes ; quand il croyait les trouver dans le patrimoine hellénistique, il abandonnait sans scrupule les vieilles lois de Rome. Lui-même n'apportait rien. Mais il permettait à des forces nouvelles de se déployer pour la première fois librement. Non, ce n'est pas un réaliste, à moins qu'on n'ajoute qu'il est un homme pour qui l'autre monde existe, aussi réel que celui-ci, et qu'il pense sans cesse au jour où il ira retrouver là-bas un souverain qui lui ressemble.

Nous aimerions qu'il eût agi davantage : il aurait dû marcher à l'ennemi sur le Danube, comme Marc Aurèle, au lieu de rêver qu'il est un apôtre. Si on le juge du point de vue de Rome, son compte est lourd. Il a renforcé sur les grands domaines l'institution naissante du servage. Il a brûlé les livres des philosophes. Il a appelé des généraux germains aux plus grands honneurs de l'État. Si on le juge du point de vue du Moyen Age, il faut reconnaître qu'il nous donne la première image du souverain médiéval, qui vit les yeux levés au ciel. Il reste qu'il a trahi Rome. "

(André PIGANIOL, L'Empire Chrétien, PUF, 1972)

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