Du Côté de chez Swann (volume I)
Combray
j’entendais le sifflement des trains qui, plus ou moins éloigné,
comme le chant d’un oiseau dans une forêt,
relevant les distances
l’espérance d’être soulagé lui donne
du courage
pour souffrir
le sentiment de l’existence comme il peut frémir au fond d’un animal
l’immobilité des choses autour de nous
on se blottit la tête dans un nid qu’on se tresse
avec
les choses
les plus disparates
le
bon ange de la certitude avait tout arrêté
autour de moi
l’opacité des murs d’impalpables irisations
je ne peux dire quel malaise me causait pourtant cette intrusion
du mystère et de la beauté
l’ivresse
de l’orage
une inviolable solitude
embrasse-moi
une fois encore
son bruit ferrugineux, intarissable et glacé
une question ardue
des hasards d’une carrière exceptionnelle
dans un empire soustrait aux yeux des mortels
sur un fond de ténèbres
notre personnalité sociale
est
une création de la pensée des autres
le milieu, inconnu
un véritable commencement d’atrophie
sous des périphrases ingénieuses
l’incertitude maladive
un pont au delà de l’abîme
avec
un air mêlé de congratulation et d’ironie
nous lisons
trois ou quatre fois dans notre vie
les livres où il y a des choses essentielles
comme un peintre qui ne peut obtenir que de courtes séances de pose
un mouvement de révolte
au milieu de délicates sculptures
les barrières
ces heures inaccessibles et suppliciantes
les battements de mon coeur
les progrés lointains d'une armée en marche
qui n'a pas de lendemain
pour une raison toute contingente, ou même sans raison
la possibilité
le soulagement
de n’avoir plus à mêler de scrupules à l’amertume
une première abdication
un profit intellectuel
la banalité
quelque chose d’indéfinissable et de délicieux
la douceur qu’il y a dans la bonté,
la mélancolie qu’il y a dans la tendresse
l’amorce de l’allée obscure
l'enchantement
est brisé
les bruits
plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes,
plus fidèles
le goût du morceau
de madeleine
trempé
dans un état incertain de chagrin
saturé de la fine fleur d’un silence si nourricier,
si succulent
concassées ou tressées
comme dans la confection
d’un nid
la chronique quotidienne mais immémoriale
les remous concentriques
d’un sourire de reconnaissance anticipé
être un motif de
joie ou de tristesse
pour une autre
une inéducable nullité
les
moments où je n’ai pas de faiblesse sont bien rares
il n’y a pas besoin de chercher
et de consacrer à ce fait incompréhensible
la noble
poussière
l’infrangible dureté
la trace palpable
une muraille fruste
une démarcation
que mon esprit n’a jamais pu arriver à franchir
une octave au-dessus
les cris des oiseaux
une matière si différente, si précieuse, si annelée
une insouciance mêlée de fantaisie
bleu et désenchanté
par certains silences de désapprobation ou
par certains sourires de doute
des ruses toujours victorieuses
fugitive et légère comme une œuvre de circonstance
tojours couronné du roucoulement
d’un bleu qui prétendait imiter le ciel
les differences les plus minimes
me semblaient avoir une importance
incalculable
le saisissement et les souffrances de l’amour
un silence,
puis le bruit de portes qu’on fermait
d’être ainsi invisible
une rêve disponible de beauté sentimentale
un silence qui n’en a pas pour nous
une institution permanente
le serpent qui siffle aux lèvres de l’Envie
le visage antipathique et sublime de la vraie bonté
une
main immobile
au milieu d’une eau courante
le bordait d’un mince liseré spirituel
la rapidité de notre respiration et l’intensité de notre regard
on
a la sensation
d’être toujours entouré
d’un monde inconnu
un profond sommeil
le seul cadeau
on croit qu’on crée ce qu’on nomme
sans trêve et sans bruit
les élans de notre
sensibilité ont
peu d’empire
sur la suite de nos actes et
la conduite de notre vie
un air de musique dont on raffolera, mais qu’on ne distingue pas encore
l’inépuisable torrent des belles apparences
plus harmonieuses quand elles étaient ainsi voilées
mon
humble vie
et les royaumes du vrai
le désespoir d’un amoureux qui veut aimer pour la vie
et à qui on parle
des autres maîtresses qu’il aura plus tard
les petits faits précis
arbitraire et charmant
rempli à la fois de désir et de désespoir
légèrement obscurcie par l’incertitude de savoir
l’unisson de la joie
des
fenêtres
qui ne donnent pas de jour
qui semble du reste très poli
avec toute la présomption d’une jeunesse à qui la discipline a manqué
des trésors
follement gaspillés pour une ingrate
avec une férocité maternelle
le bonheur des méchants
qui permet que la vie soit moins cruelle que les rêves
ces petits événements
intérieurs
inséparables des mystères
la
nature elle-même
la
silencieuse immobilité
l’exil et la détresse hors du monde civilisé
au bout de ces chemins inconnu
un incendie où nous avions déjà tous péri
un divertissement cruel
une méchanceté née de l’oisiveté
au bout d’une route interminable
à travers le déguisement
sans une plainte
une malheureuse créature humaine
incapable de fuite ou de résistance
le jouet
inerte et mécanique du bonheur
nous envoie
d’un pays où nous ne retournerons plus
où les yeux las ne tolèrent plus qu’une lumière,
celle qu’une belle nuit comme celle-ci prépare est distille
avec l’obscurité
une affirmation invraisemblable
les mille flèches
d’une douceur charmante
la dispersion d’innombrables pétales, soufrés ou roses
quelque secret impérissable de bonheur et de
désenchantement
au commencement de la saison où
l’horizon, dérobé à la vue
plutôt idéal que réel
obscurcie
par l’ombre des grands arbres qui l’entouraient
un invisible oiseau s’ingéniant à faire trouver la journée courte,
explorait d’une note prolongée, la solitude environnante
un souffle défait
l’immense étendue où déferlent les
pensées
le regard qui voudrait toucher, capturer, emmener
le corps qu’il regarde et l’ âme avec lui
l’inconnu de sa
vie
ce grand renoncement
une fatigue, sinon une souffrance
ces vains ornaments,
ingrat envers l’inopportune main qui en formant tous ces
œuvres
naïvement incomplètes
qu’un œil ouvert ne peut faire autrement que de percevoir
les
faits
ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances
ses préjugés moraux
des oiseuax migrateurs
des sentiments
des petits bateaux qui ont replié leurs voiles et
sont immobiles
au large pour toute la nuit
des supplications et des salutations désespérées
un flot de pensées confuses
ce
désaccord entre nos impressions et
leur expression habituelle
le désir
obscurément attendu, immanent et caché
les baisers de celle qui est auprés de nous
les créations purement subjectives, impuissantes,
illusoires
pauvres morceaux d’un
vieux professeur de piano
quelque chose insignifiante qu’on fasse
des profanations rituelles
le sadisme qui
donne
un fondement
dans
la vie à l’esthétique du mélodrame
dans le monde inhumain du plaisir
un etre de bonté et de souffrance
avec l’exactitude indolente et soigneuse
de l’enfant de chœur
la pauvre plante
inéluctable et funeste
changeant sans cesse pour rester toujours en accord
une existence si abstrait, si idéale
cette étrange et pieuse tristesse
une illusion sans consistance
une chapelle
paralysée au contact
d’un réalité si différente
les
audaces espiègles
et les entreprises indiscrètes
ce regards volontaires,
chargés d’une signification précise
l’illusion
d’une sorte de fécondité
de l’ennui
une
sorte d'écorce
une
solitude
on
voit un oiseau voler dans le rose,
il va en atteindre la fin,
il touche presque au noir, puis
il y est entré
un
mémorialiste perdu dans la foule
cette angoisse qui
plus tard émigre dans l’amour
un simple
désire de voyage
maladroitement installé.
*
Un
Amour de Swann
*
Adhérer tacitement
à la naiveté
tâché
d’organiser
les désirs
les divertissements
médiocres ou
les supportables ennuis
qui
ont vécu
dans l’oisiveté et qui cherchent
une consolation
quel
est donc ce mystère ?
je n’y puis rien comprendre
la
réalisation plus ou moins complète
d’un rêve né de la vue d’un visage
ou d’un corps
vers lequel
tend nécessairement l’amour
engoncé
ou perdu
j’aimerais
tant m’instruire, savoir, être initiée
à n’importe
quelle
impropriété
en dehors
de l’existence pratique
au comble
d’une anxiété
un
reste de l’innocence du premier âge
un mot
grave dit sérieusement
une incessante
et fictive hilarité
une preuve
de la séduisante originalité de la
sagesse
multiforme,
indivise, plane et entrechoquée
qui travaille à établir des fondations durable
au milieu
des pensées sans importance
une sorte d’influence élective
l’andante
de la grace
la folie
reconnue
le monde officiel
l’apaisement habituel
le petit noyau
quelque chose d’accompli,
comme le détachement qui succède au regret
l’essence d’une liaison passagère
la pénombre de
la cocasserie des monstres
le désordre de la pensée
un singulier
certificat de réalité
purement charnelle
pleine de déceptions feintes et de colères
simulées
cette certitude
de déflorer le sentiment
un fiévreux
qui vient de dormir et qui prend conscience
de l’absurdité des rêvasseries
l’acceptation de
tous les modes de production de l’amour,
de tous les agents de dissémination du mal sacré
un enfoncement
convenable
le simulacre
d’arrangement
un plaisir qui n’avait pas existé
dont l’apaisement actuel était si doux
cette soif d’un charme inconnu
la trace indélébile de la sécheresse
des lois immuables et naturelles
la fausseté
une seule
chose en dehors de tous ces sourires adressés
à cette lourdeur d’esprit
accessible à tous
la prétention d’aimer
la pratique du désintéressement
la sensualité
au fond de tous les divertissements
on fait ce qu’on veut
sans contrainte,
sans cérémonie
on dit une chose,
non parce qu’elle est vraie,
mais parce qu’on a plaisir à la dire
c’est un abjuration
le courage et l’hyposcrisie d’applaudir
les yeux fermés
l’amabilité
qu’on prend pour
la rouerie
sans pouvoir
un excellent prédicateur
un regard
plein d’inquiète sollicitude
d'un grand inquisiteur
qui
ne parvient pas à extirper
l'hérésie
un mot ridicule
une réfutation désormais inutile
le simulacre de suffocation et d'hilarité
ce calembour
dans un pays de montagne, derrière
l'immobilité apparente et vertigineuse
d'une cascade, on aperçoit,
deux cents pieds plus bas,
la forme miniscule d'une promeneuse
on sent le bon
la tendresse
amalgame d'éléments inconnus et diaboliques
une paresse d'esprit
une sorte de langueur
le fond indispensable
l'échelle des plaisirs
dans la silence de la nuit
le murmure
le tourment
que de bonheurs possibles dont on sqcrifice ainsi
la réalisation à l’impatience d’un plaisir immédiat
un blessé
dont un maladroit vient
de toucher sans précaution
le membre douloureux
le souvenir d’un bref regard
un détail véritable
qui n’offrait pas les mêmes dangers qu’un détail
faux
il est inévitable
que nous passions, sans y rien remarquer qui éveille
notre attention
une douleur
trop lourde pour
l’habitude
le
vitrage transparent de
la paresse
cérébrale qui
se dissimule sous les
sourires
les derniers
sursauts
d’un animal inoffensif qui agonise
éclaboussé
par les plaisanteries
et de
la verve d’insincérité
devant
une vérité contraire à tout
l’être
méprisable qui n’est pas capable de renoncer à un plaisir
une système
général du mensonge
le charme
expressif et dolent
les
dejections
asiles
innombrables
cette agitation douleuresue
la détente
d’un acte de foi
cette
supposition forgée
une
chose non plus inconcevable et terrible,
mais douce et connue
le brusque
soupçon
un
paroxysme d’amour
ayant besoin de se manifester et d’agir
la détente
spontanéé
ce
désir,
au fond si naturel,
provenant d’un peu d’enfantillage et aussi
d’une certaine delicatesse
de
la jalousie
contrairement au calcul
en l’incitant
à considérer le dehors de la règle
l’état morbide qui, en réalité
n’ont pas cesser de peser incurablement sur
l’amour
un
prétexte
le plus
affreux d’apprendre et le plus impossible de croire
aveugle
et vertigineuse vers l’abime sans fond
vidé pour
un instant de la préoccupation fébrile et joyeuse
des choses inconnues
une alliance
une contrainte
une activité
sans trêve, sans variété,
sans resultats
l’habitude
inconsciente
ou la réaction naturelle de l’émotion craintive
une indiscrète
et insupportable usurpation
le détour
d’un long raisonnement
un état de mélancolique indifférence
timide
devant chaque anfractuosité
l’apparition de l’ennemi ou
l’heure du Jugement
il ya des éternities
dont la présence est inexplicable
cette espèce d’égarement et d’abandon
comme ces arbres qui,
nés dans une mauvaise position au bord d’un précipice,
sont forcés de croître en arrière pour garder
la politesse
réduite à la misère
ce prélude
une
obligation de charité
remplie
de mille signes de connivence
dénués de rapports avec le sentiment
le
monde
un dernier
accord
la simplicité
d’une cérémonie ennuyeuse
cet
horrible
nostalgie
une jolie
mésange
cette
espèce de frisson qui précède
le moment où l’on va pleurer
la sagesse
des gens non amoureux
la réserve
apprise
les
refrains oubliés du bonheur
un si invincible
et si douloureux besoin
l’appel
décevant de la sirène
la
cécité momentanée
ces charmes
d’une tristesse intime
le néant
qui est le vrai
les
prémisses
dans la conclusion nécessaire
un oiseau
abandonné de sa compagne
ses
espérances du bonheur
ne se réaliseraient plus
les
sensations
ne sont pas amorties par l’habitude
l’événement
désirable
une lettre
anonyme
inconciliable
cette
scélératesse
un sentiment
indélicat éprouvé par un
amour
de la sincérité
ces
plaisanteries inutiles
une douceur
persuasive et menteuse
des mots
prononcés dans l’air, à distance,
puissent ainsi déchirer le cœur
comme s’ils le touchaient
véritablement,
puissent rendre malade,
comme un poison qu’on
absorberait
un animal expirant qu’agite de nouveau
le sursaut d’une convulsion qui semblait finie
une sottise
inconsciente et une méchanceté voulue
cette ouverture
béante, ce moment
quelle
trappe
soudainement abaissée
la terrible
recréatrice de
la présence
purement matérielle de
la timidité
la
présence possible et souterraine
de mensonges qui
par leur
multitude ininterrompue
donnent l’impression de la continuité, l’illusion
de l’unité
cette
distance morale
l’empèse
de
la
sincérité
mêlée à
l’odeur du teinturier
le
spectacle véridique
d’un sentiment qu’on a cessé de posséder
des éclaboussures
glacées
le creux
d’une main étrangère
une valeur
d’avertissement,
de présage
les
jalons d’un bonheur qui n’existe pas encore
soient posés à côté de l’aggravation
d’un chagrin
dont nous souffrons.
*
Nom
de Pays : le Nom
*
Les jours de tempête
l’expansion
de mon cœur
le brouillard éternel
dans le
calendrier du Bonheur
l’agrément
du hasard
un caprice
enfermé
dans le refuge des
jours
montueux et malaisés
qu’on met un temps infini à gravir
une réalité indépendante de moi
les
rues clapotantes
une sorte
d’extase
encore
plus inaccessible
si
douloureusement près
la pulsation
d’un rayon hésitant qui voudrait libérer sa lumière
les chaises
désertées
la
tristesse
d’un jour de séparation
de la
solitude et de la ruine des choses environnantes
les
sentiments
sans communication
avec le vrai
la transparence
et le fondu de la vie
le
cœur indisponible
qui peut seul aurait pu savoir
le prix d’un bonheur
la
visite inopinée et radieuse d’une
bénédiction
du
charme
douloureux
un
mouvement de honte
et le regret de
l’ébauche timide d’un baiser
indépendant
de ma volonté
dans l’ombre
de moi-même
l’ordre
nouveau dessiné par
l’ouvrière invisible
un
plan
sans vertu
au milieu des événements grands et minimes, également indifférents
ces
ornements
une indignité
originelle
d’où surgit tout à coup dans sa souple fourrure,
avec les beaux yeux d’une bête,
une nette et épuisante blessure
un point
de repère
le
murmure indistinct de
l’automne
qui s’achève si vite sans qu’on y assiste
la clarté
le
factice et tremblant contour
d’un désir
de revoir ce que j’avais aimé
la vulgarité
et la folie ont remplacé
les
chemins désertés
le
souvenir
d’une certaine image
n’est que le regret d’un certain instant;
et les maisons,
les routes,
les avenues,
sont fugitives.
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