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Clin d'œil

Paris, 18 heures. La ville est grise, les Parisiens sont survoltés, les voitures filent en tous sens, la cacophonie se porte bien, merci. En route vers le Palais des congrès, me voilà coincée à Saint-Germain-des-Prés, direction Arc de triomphe, qui m'apparaît soudainement inatteignable. Mais la folle équipée en vaut le coup: Garou m'accueille à l'entrée des artistes. Beau, affable, le sourire éclatant. J'oublie mon périple en taxi…"Salut t'as fait bon voyage?" demande-t-il en faisant la bise. Des jambes aussi longues que le portail de Notre-Dame, un regard bleu craquant et un sourire à faire damner Esméralda. "On va manger?" propose-t-il. Et comment!

Au resto, une dame l'accoste devant sa fille embarrassée: "Ah! Garou! Comme je suis heureuse de vous rencontrer! Vous savez, je vais voir le spectacle pour la troisième fois ce soir" Bon prince, il griffonne une gentillesse sur son programme. "Il faut vraiment aimer les gens pour faire ce métier, dit-il. Un artiste doit toujours donner plus qu'il ne s'attend à recevoir." À quelque pas de là, des adolescentes font le pied de grue devant l'entrée des artistes au Palais des congrès. Elles sont là tous les soirs, juste pour le saluer. Elles n'ont jamais vu le spectacle.

L'histoire de petit Pierre

Le parcours de Pierre Garand, alias Garou, ferait verdir d'envie quiconque aspire à la célébrité. "Plamondon est venu me voir chanter au Liquor Store, à Magog, où je chantais du Rythm and blues quasiement en dilettante depuis 6 ans, dit-il. Ensuite, on m'a proposé de passer une audition. Quand on m'a dit que je jouerais Quasimodo, je ne pouvais pas le croire! C'est un ami, Louis Alarie, qui m'a fait monter pour la première fois sur scène en 1992 et j'ai eu le coup de foudre pour ce métier", confie-t-il Alarie l'envoie voir Francis Delage, propriétaire du Liquor Store, qui cherche une nouvelle recrue pour faire "lever" son bar le dimanche soir. "Au départ, sa voix, son répertoire et sa virtuosité n'étaient pas tout à fait au point. Mais son charisme éclatait déjà sur scène. Il avait le spectacle dans le sang!" s'exclame le proprio.

En peu de temps, les Dimanches à Garou deviennent très populaires. Le blues man fait ses premières armes comme d'autres font l'apprentissage du trapèze, sans filet. "Il a tout appris en direct, devant ses spectateurs, avec qui il a fini par établir une grande complicité", raconte Delage. Le scotch et les nuits blanches aidant, les voix de nuit enrouées à la Ray Charles, Joe Cocker et Harry Connick Jr lui collent…aux cordes vocales. Il ne jure plus que par ces gourous du blues. Mais ses fans le poussent à l'éclectisme: soul, swing, jazz viennent étoffer son répertoire, déjà imposant. Au hasard des rencontres, six musiciens se joignent à lui, et ils forment bientôt Garou and The Untouchables. Jusqu'à l'été dernier, tout bagnait pour le groupe, amais leur Garou s'est métamorphosé en (loup) Garou de Paris…

 

D'ailleurs, sa rencontre avec le monstre énamouré de la belle Esméralda pure création de Victor Hugo, ne lui fait pas vivre seulement une transformation de corps, mais aussi d'esprit. Car rien n'est plus éloigné de Garou que le pauvre bossu. "J'ai l'habitude de faire rire les gens, et maintenant, je les fais pleurer. Tout un changement!" En fait, quand il lui prête sa voix, on sent toute la profondeur d'un être tourmenté, à la fois doux et puissant, heureux et malheureux, amoureux et déchu.

Rêves de grands

Lui qui rêvait d'une vie extraordinaire, pleine d'action et d'aventures, à 26 ans, le voilà servi! "Quand j'étais petit, je voulais devenir un célèbre conquistador. J'étais fasciné par les cultures incas et aztèque. Mais ce choix ne figurait pas au répertoire des professions!" Ensuite, il s'est vu archéologue, à la Indiana Jones, flegmatique devant l'adversité, fouet à la main, trésor sacré à trouver et feutre rabattu sur les yeux. " Mais quand j'ai appris que l'archéologie, ça voulait dire creuser des trous, ça m'a paru beaucoup moins intéressant (rires)." En 4e secondaire, il joue dans un groupe, The windows and doors. Son truc, c'est la trompette et les chœurs. Ses compagnons se mettent à l'appeler Garou, sans raison précise. "Il a essayé des looks un peu "noirs" , du genre ténébreux, amis dès qu'on le regardait, on ne voyait plus que son sourire: le style destroy , ça ne lui allait pas du tout!" rigole son grand copain Francis Delage. À la même période, Garou fait parti des cadets de l'armée et est trompettiste dans la fanfare. "Il n'y avait pas plus indiscipliné que moi dans toute l'unité, se rappelle-t-il. Je me laissais un peu porter par la vague, sans but précis. L'argent n'avait pas d'importance pour moi, pas plus qu'aujourd'hui, d'ailleurs. Ce qui compte, c'est que l'émotion passe entre le public et moi. Comme ici, à Paris, je suis heureux quand les spectateurs versent une larme à la fin du spectacle." C'est qu'il est sentimental, notre Garou. Il a eu le cœur brisé une seule fois. "On s'entredéchirait, elle et moi. J'ai eu une vraie peine d'amour, surtout parce qu'elle avait une petite fille à laquelle j'étais très attaché et qu'aujourd'hui je ne peux plus la voir."

Maintenant, c'est sa carrière qui prend toute la place. Et il ne cache pas ses visées internationales. " Je veux faire beaucoup de spectacle: c'est ce qui me nourrit." Paradoxalement, notre nouvelle star ne saurait vivre sans respirer le foin frai coupé et écouter les "p'tit-z-oiseaux". "J'ai besoin de l'euphorie des spectacles et de la vie nocturne, mais je ne peux me passer de la nature; mon équilibre intérieur en dépend. Le Québec me manque pour cette raison…Sherbrooke, plus particulièrement." Attaché à son coin de pays, il veut y faire bâtir une maison et un studio…près de sa famille, avec qui il communique régulièrement par courrier électronique ou par téléphone. " Mes parents sont mes meilleurs amis. Je suis très poche de ma sœur et j'adore sa fille, ma filleule. Quand je serai à nouveau très, très amoureux, j'aimerais fonder ma petite famille. C'est extrêmement important pour moi", conclut-il. En attendant, Garou espère bien faire un premier tour de terre, revenir chez nous fin mars, au Théâtre Saint-Denis avec Notre-Dame de Paris et enregistrer, à l'été 1999, son premier album solo qui sera entièrement composé de chansons originales de Luc Plamondon!

- par Solange Beaulieu

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