Printemps 1999. Public et médias d'ici confirment la rumeur venue d'outre-Atlantique: oui, le chanteur sherbrookois qui interprète Quasimodo est bel et bien une bête de scène doublée d'un monstre de charme. Mais qu'est-ce qu'il fait le Garou? Avec un talent pareil, pourquoi repousse-t-il sans cesse la sortie d'un album solo? Sa procrastination est-elle pure stratégie, ou craint-il de faire le grand saut? On sait aujourd'hui que, fidèle à lui-même, Garou était simplement patient. Producteurs et maisons de disques s'arrachaient ce diamant brut des deux côtés de l'océan, mais garou se réservait. Avec raison.
Au printemps dernier, le nouveau gérant et réel complice du chanteur, René Angélil - accompagné d'une Céline Dion chavirée par l'émotion dans la voix de Garou-, convoquait Tommy Mottola, le président de Sony International, pour l'entretenir du phénomène. Le repas s'est soldé par la signature d'un des plus importants contrats à avoir été conclu chez Sony pour un premier disque et ce, sans que Mottola est entendu une seule note sortir de la bouche de garou! On saura cet automne, avec la parution de ce disque francophone, si l'homme d'affaires a misé juste. Le pari est d'autant plus exceitant que le premier album en anglais de l'artiste sera lancé l'an prochain.
Premières impressions
Juin 2000.
Garou, qui se produit six fois par semaine à Londres, toujours dans
Notre-Dame de Paris, est de passage à Montréal à
l'occasion du Grand prix de formule 1. Habitée par une bonne
dose de curiosité, j'attends le chanteur au café Publix,
boulevard Saint-laurent, où nous avons rendez-vous. Des journalistes
m'ont souligné avec tant d'insistance le charisme de Garou, des
femmes ont tant papillonné de l'oeil en évoquant son charme,
des consoeurs ont envié à ce point mon affectation que me
voici le regard rivé sur la porte, guettant un émule du Roi-Soleil,
croisement entre Depardieu, Bowie et Valentino. Le personnage se
pointe enfin dans l'embrasure, précédé d'un sourire
qui vous réchauffe à vingt pieds.
Il s'avance en coup de vent et me plaque deux becs sur les joues. En pliant
ses six piends deux pouces sur une banquette, il pense tout haut: «J'vais
prendre un café Baileys. J'en ai besoin.» Le souriant
gaillard est allé s'émécher la veille au party du
Grand Prix donné par le manitou du Cirque du Soleil, guy laliberté.
Il en a profité pour pousser la chansonnette avec George Harrison,
un autre invité,
«Le café, c'est pour me réveiller, le Baileys, pour
m'endormir. Je ne sias plus où j'en suis dans mon décalage
horaire et je repars pour Londres dans deux heures...» continue-t-il
de sa voix rauque, à la fois calme et rieuse. L'homme de party
n'en est pas à son premier lendemain de veille, et ce n'est pas
une virée, fût-elle une «chavirée», qui
noiera sa propension à converser. D'entrée de jeu,
Garou annonce ses couleurs: «On va jaser.» Ce qui signifie
pour lui parler et, comme je le découvrirai plus tard, écouter.
«Garou, c'est le type de gars sympathique et simple que tu voudria
avoir comme ami. Sa voix est spéciale, et sa personnalité
l'est tout autant», explique pertinament René Angélil.
«Pour grimper au sommet, ça prend plus qu'un look, de bonnes
chansons, une solide direction et de la chance. Ça prend aussi
ce type de personnalité attachante qui dégage beaucoup d'émotion
et qui plaît à la fois aux hommes et aux femmes. Presley,
Sinatra et les Beatles l'avaient, Spirngsteen, Hallyday et Sardou l'ont.
garou l'a aussi.»
Et le journaliste Herbie Moreau, qui a maintes fois interrogé l'artiste,
d'ajouter: « Son charisme est lié au fait qu'il aime
véritablement les gens. Il est sollicité sans arrêt
dans la rue. À Paris, ça devenait presque du harcèlement.
Je me disais que Grou craquerait, qu'il y avait sans doute une faille.
Mais non, la popularité, c'est un mode de vie pour lui. Il
a une capacité de se retirer avec délicatesse, sans jamais
faire sentir à l'autre personne qu'elle est de trop.»
Regard sur les femmes
Un bon parti que cet artiste de 28 ans dont le rêve le plus vibrant
est de fonder une famille. Les journaux à potins français
lui ont prêté une ribambelle d'idylles avec des starlettes
et des modèles. Vrai que , si le célibataire apprécie
chez une femme le mystère et l'intelligence, la beauté des
mannequins lui plaît particulièrement. Il confesse son
attirance avec l'air coupable de celui qui profite de ce qui passe mais
qui craint de rater l'essentiel. «Je ne veux aps m'aventurer
à décrire la femme qui me fait craquer physiquement.
Ça m'enlèverait toutes les chanes avec les autres!
Puis je pourrais me retrouver avec une femme qui aurait toujours la frustration
de penser qu'elle ne correspond pas à mon type. Mais une chose
est sûre, je n'aime pas les femmes parfaites, et surtout pas les
femmes refaites.»
Nous discutons de l'importance pour un artiste de l'apparence et de l'image,
qu'il soit homme ou femme. Animé par la discution, Garou lance
: «Est-ce qu'une femme n'a pas davantage besoin de la beauté
physique qu'un homme?» Je respire un bon coup et j'invite calmement
mon hôte à s'expliquer, ce qu'il fait sans détour.
«La femme cherche à s'accomplir par sa beauté.
C'est devenu une telle obsession chez elle que ça fiat naître
chez l'homme le désir d'une femme belle. Ces attitudes découlent
de la nature des sexes; elles sont tellement ancrées dans nos moeurs
qujourd'hui que c'est presque impossible de les changer.» Est-il
nécessaire de mentionner que le protégé d'Angélil
est du genre spontané? Il a presuqe occulté le fait
qu'il s'adresse aux lectrices d'un magazines féminin. Le ton
monte, puis nous rigolons - il n'est jamais sur la défensive.
«Moi, ça me touche, une femme qui veut être la plus
belle du monde et un homme qui lutte pour être le plus fort au combat,
comme autrefois. Quand les deux s'accomplissent là-dedans,
ils sont fiers, radieux.»
J,ai beau ne pas être d'accord avec lui, je ne peus qu'apprécier
sa transparence et son intégrité. Il st décidément
incapable de mentir pour faire plaisir à son interlocutrice.
Il n,y à pas de «lèche-journaliste» ici.
Le grand môme
Toute star
qu'il soit, le gars - bien qu'il mentionne apprécier les vestons
Prada et Gucci à l'occasion - n'est visiblement pas obsédé
par son look. Rien de faux à signaler là non plus.
En enfilant les cigarettes comme autant de petits marteaux qui lui cassent
la voix, Garou se raconte: «Je n'en reviens pas de ce qui m'arrive!
Moi, ti-cul, qui suis entouré de la meilleure équipe du monde
dès mon premier disque! Jamais je n'ai envisagé devenir
une star. Enfant et jeune adolescent, j'étais un petit gros
timide qui ne pognait pas avec les filles. Je me nourrissais à
mon monde imaginaire, là tout était possible. J'étais
ailleurs, toujours dans l'abstrait, comme la plupart des gens qui n,ont
pas confiance en eux.» Porte-t-il en lui cette époque
comme une blessure? «C'est sûr que dès que j,enfile
mon costume de Quasimodo, je fais revivre le p'tit gars que j'étais.
Mais ce n'est pas une blessure. C'est une partie de moi qui existe
et à laquelle je tiens.»
Excellent élève jusqu'en troisième secondaire, Garou
s'est ensuite désintéressé des études.
Il s'est mis à la guitare, et à l'exploration de lui-même.
« Mon cheminement d'ado est loufoque: j'ai été tour
à tour punk, rocker, peace and love. Je me suis donné
à fond à chaque changement de cap, mais en ne sachant jamais
quelle direction donner à ma vie.» Par anticonformisme,
garou s'est même enrôlé dans l'armée pour y devenir...bouffon
notoire et trompettiste aguerri.
C'est finalement au sein de la formation Garou and the Untouchables que,
de bar en bar, il a peaufiné son style. «En spectacle,
ce qui m'importe, c'est qu'on joue en harmonie, pas seulement sur le plan
musical mais sur le plan de l'énergie aussi. Je suis complètement
spontané - et je veux le rester. Si un soir je sens que la
salle ne réagit pas comme je le souhaite, je peux arrêter
la chanson en plein milieu et signifier aux Untouchables qu'on en commence
une autre. Ils sont extraordinaires! je n'ai jamais respecté
l'ordre des chansons et ils ont toujours compris les changements de direction
sans que j'aie à prononcer un mot.»
Généreux, Garou cherche constamment à créer
une synergie entre lui et le public. «La seule chose qui m'a
fait triper à l'église, c'est la communion. Cette force-là
j'y crois énormément. Et pas juste dans un contexte
religieux: elle peut exister durant un spectacle, que ça se passe
dans un petit bar ou à l'extérieur avec 30 000 personnes.
Je dis souvent à quel point je trouve déplorable le fait
que certains artistes regardent la foule et pensent: " il y a 10 000 personnes
ici et elles sont vnues pour moi!" Je crois le contraire. Elles
ont payé leur billet, et toi, t'es là pour leur faire plaisir.
T'es pas le King, t'es comme le boulanger qui apporte le pain à
ceux qui sont venus le chercher.»
Prêt pour un tour du monde
Certains artistes
«amoureux de leur public» se sont un jour sentis dépossédés
d'eux-mêmes, leur image appartenant désormais au public
ainsi qu'aux médias. Le succès international n'a en
ce sens pas fait que des heureux: « Pour contrer ça, j'essaie
d'être transparent. Quand ton onjectif est de laisser savoir
aux autres qui tu es, ce que tu penses et ce quie te fatigues, tu n'as
pas peur de ne plus t'appartenir. Parce que ton intention n'est pas
de t'appartenir mais de te donner.» Là-dessus, Garou éclate
de rier et note que le café fait son oeuvre: il est éveillé.
Mais il est temps pour lui de filer à l'aéroport.
Fin août 2000. Garou termine son album en français à
Los Angeles. Je communique là-bas là-bas avec Vito
Luprano, vice-président de Sony Canada et producteur exécutif
du disque de Garou. Son enthousiasme est palpable: «J'ai toujours
souhaité travailler avec un homme qui avait cette intensité
d'émotion dans le ton. Garou a dans al voix une puissance
et une gentillesse qui vous touchent au plus profond de vous-même»,
raconte avec un charmant accent italien celui qui a été pendant
14 ans l'un des plus proches collaborateurs de Céline Dion.
«Je savais que Garou aimamit tous les sons : James Brown, Sinatra,
Elvis, Aznavour. Je me disais : "Wait a minute! Comment
trouver une unité là-dedans?" Maintenant on y est .
L'émotion est tellement forte en studio que, après les enregistrements,
les musiciens anglophones, émus, viennent me demander de quoi parlent
les chansons qu'ils jouent!»
Au tour de Garou de prendre le combiné: «Je suis porté
par un équipe qu y croit tellement! Je découvre que
les vrais pros dont les gens qui demeurent les plus authentiques.
Je n'ai pas l'impression que je fais un prmier disque, mais que je fais
LE disque de ma carrière. Encore une fois, Plamondon
(N.D.L.R.: qui a écrit la moitié des textes) m'a cerné
mieux que moi-même. Cet album-là, il me coule dans les
veines. Je sais que je vais le chanter encore dans 30 ans, même
si je chante dans le métro à ce moment-là!»
Il doit se dire, comme il le fait quand il est heureux: «J'peux mourir
maintenant...» Longue vie, Garou.
Texte: Mylène Roy