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Une vie

Copyright © 1999 Caroline Brousseau

II.

Lorsque je me réveillai, le lendemain, il était dépassé midi. Je me levai d'un bond et descendis à la cuisine.
- Pourquoi m'as-tu laissée dormir aussi tard!? demandai-je à ma mère.
- Tu as travaillé tard dans ton atelier, hier. Alors, j'ai pensé que tu aurais besoin de repos. expliqua ma mère, toujours soucieuse de ma santé.
- Ouais, mais je dois finir de déballer mes choses et il faut que je revois cette maison...
- Quelle maison?
- Elle est à environ 5 minutes d'ici... Je suis passée en face hier. Elle est écoeurante!
- Mylène! Je n'aime pas t'entendre utiliser cette expression! s'indigna ma mère.
- Oh! Ça sort tout seul! Elle est immense, entourée d'une grille de métal. Il y a une grande allée menant à la porte qui est placée entre deux colones romaines. Il y a aussi une fontaine, plein d'arbres et des rosiers. dis-je en la revoyant. Il y a une aura de force, de pouvoir, d'amour et, étrangement, de simplicité qui se dégage de cette maison.
- Bon, tu vois que tu es capable de la décrire avec d'autres qualificatifs que le mot "écoeurant"!
- Ouais, bon, je vais m'habiller et je vais aller la photographier. annoncai-je en me levant.

Je pris plusieurs photos en noir et blanc et d'autres en couleurs. Avec le zoom, j'allai chercher les détails dans la pierre, les colones romaines, la fontaine, les fenêtres, les rosiers, etc. Je retournai chez moi pour développer mes photos dans ma chambre noire. Lorsque ce fut fait, j'installai des cordes dans la pièce et y épinglai les photos. Je les examinai un bon moment, promenant mes yeux sur chacune d'elles et sur ma toile. Au bout de quatre heures, j'avais recommencé six toiles et m'attaquais à une septième.

- Le souper est prêt, mon poussin! annonca ma mère par l'intercom.
- Okay, je descends! répondis-je en appuyant sur le bouton.
Je posai mes pinceaux et allai à la cuisine pour prendre quelques légumes et des morceaux de poulet. Je remontai à mon atelier, sous le regard impuissant de ma mère.

Missy était venue avec moi. Elle aimait bien me regarder travailler. Quelques fois, lorsque je passais trop de temps devant ma toile sans rien peindre, elle m'encourageait d'une petit jappement. Je passai encore une partie de la nuit sur ma toile. Je me couchai lorsque les oiseaux se levèrent.
La journée du lendemain fut entièrement consacrée au placement de ma chambre. Après le repas, je me permis de regarder la télé puis j'allai me coucher.

Le jour suivant, soit un samedi, je décidai d'aller promener Missy avant de me remettre à peindre. Sans m'en rendre compte, mes pas me guidèrent vers la maison. Visiblement, je n'étais pas la seule à m'intéresser à cette maison car il y avait des gens qui la prenaient en photo. Je continuai mon chemin et me retrouvai sur une plage. J'ôtai mes souliers et courru avec Missy un moment. Nous nous sommes arrêtées un moment car nous étions essoufflées. Je me couchai par terre, sur le sable blanc, Missy à mes côtés. Je fermai les yeux, me laissant bercer par le bruit des vagues. Soudain, une voix me tira de mes rêveries.

- C'est une plage privée! me dit, en anglais, un beau grand garçon qui se tenait près de moi.
- Je suis désolée, je ne savais pas! Je viens juste d'emménager près d'ici. lui dis-je aussi en anglais.
- Maintenant tu le sais! Alors, voudrais-tu bien quitter cette plage. dit-il avant de tourner les talons.
- Pas besoin d'être aussi bête! marmonnai-je en français.
Je pris Missy, quittai cet endroit et rentrai chez moi pour aller peindre.

- Chérie, te voilà! s'exclama mon père en anglais. Viens, je veux te présenter quelqu'un. me dit-il en me prenant par la taille.
Je le suivis dans le salon des invités où se tenaient un homme dans la quarantaine et un autre dans la vingtaine. Probablement les propriétaires de la Porsche devant la maison.
- Voici le Sénateur de la Floride, M. Jennings et son fils Kyle. Messieurs, voici ma fille Mylène. annonça mon père.
- Enchantée. dis-je en leur serrant la main. Excusez ma tenue mais je reviens tout juste d'une promenade avec ma chienne Missy.
- Vous êtes déjà pardonnée! s'exclama le Sénateur.
- Chérie, tu veux bien faire visiter notre nouvelle maison à Kyle? Je dois discuter avec monsieur le Sénateur.
- Bien sûr, mais je dois aller me changer d'abord.
- Très bien, chérie.

Je montai dans ma chambre en fulminant. Je détestais quand mon père faisait ce genre de chose! Il avait, bien sûr, arrangé cette rencontre pour me voir, peut-être, fiancée à ce garçon. "Un bon parti!" disait-il à chaque fois. Il avait commencé cela quand j'eus 16 ans.
Je me déshabillai et passai une robe d'été qui, j'en étais sure, allait convenir aux goûts de papa. Je me regardai dans le miroir avant de descendre. J'y vis, comme à chaque fois, une jolie brunette aux yeux verts, de grandeur moyenne et un peu trop maigre. Cela faisait ressortir mes pommettes et paraître mes seins plus gros, à mon grand désespoir. Je peignai mes cheveux et les laissai retomber sur mes épaules. Je passai un pinceau -à maquillage cette fois!- sur mes joues pour les rosir légèrement et allai rejoindre nos invités.
Mon père les invita à souper et poussa l'audace jusqu'à proposer à Kyle de m'emmener quelque part ce soir-là. Je vins pour parler mais mon père avait ce regard qui coupait toute protestation. Il était donc inutile de discuter avec lui. Kyle était gentil, bien élevé et joli mais j'aurais préféré continuer ma toile. Je n'y avais pas touché depuis deux jours. J'allai donc me changer, pour la troisième fois, et je partis avec Kyle dans sa Porsche. Son père allait faire venir la limousine pour retourner chez lui.
Kyle m'amena dans un bar branché où il but un peu trop à mon goût. Lorsque nous partîmes du bar, je crus qu'il me ramènerais chez moi mais il s'arrêta sur une plage.

- Qu'est-ce qu'on fait ici? lui demandai-je en anglais.
- Marcher un peu. répondit-il en sortant de la voiture.
Je le suivis sur la plage. Après cinq minutes de marche, il s'arrêta.
- Qu'est-ce qu'il y a? m'inquiétai-je, croyant qu'il allait être malade. Je m'approchai de lui, prête à lui venir en aide. Il m'attrappa par la taille et m'embrassa sauvagement.
- Hey! T'es malade! criai-je en anglais. De quel droit...
Il me fit taire d'un autre baiser. Je tentai de me dégager de son emprise mais je me retrouvai par terre, couchée sous lui.
- Arrête! Au secours! hurlai-je.
- Arrête de crier! De toute façon, personne ne peux t'entendre dit-il en mettant sa main sur ma bouche. Il commença alors à m'embrasser dans le cou et à remonter mon chandail.
- Non! gémis-je, étouffée par sa main toujours sur ma bouche.
Il tenta de déboutonner mes shorts alors, je mordis sa main le plus fort que j'ai pu. Il cria de douleur et j'eus du sang dans la bouche. Il se releva, toujours assit sur moi, et regarda sa main qui saignait. Je tentai de le frapper pour qu'il me lâche mais il m'assena un coup de poing sur la joue. J'en fus étourdie quelques minutes. Lorsque je repris conscience, il était en train de m'embrasser. J'étais enragée, je pleurais et j'avais très peur. Ces sentiments me donnèrent la force de me débattre jusqu'à ce que l'une de mes jambes soit libre alors, je lui donnai des coups de pieds et des coups de poings. Il se replia sur lui-même pour se protéger et j'en profitai pour me sauver en criant à l'aide. Il me rattrappa et me fit tomber sur les genoux.
- Reviens ici salope! criait-il, furieux. Tu vas voir ce que je vais te faire!
Je lui donnai un coup et repris ma course.
- Mon Dieu, aidez-moi! dis-je en pleurant.
Soudain, quelqu'un apparut devant moi.
- Aidez-moi, je vous en supplies! Il veut me violer! dis-je en m'effondrant aux pieds de cet inconnu.
- Reste ici, n'aie pas peur. dit-il d'une voix réconfortante. Il revint quelques minutes plus tard. Peu importe qui c'était, il est parti quand il m'a vu arriver. dit-il en m'aidant à me relever. Tu es en sécurité maintenant.
Je levai la tête vers lui et le reconnus. C'était le garçon qui m'avait dit de quitter la plage le jour même.
- Merci de m'avoir sauvée! dis-je en continuant de pleurer.
Je m'examinai pour voir si tout était correct et me rendit compte que mon chandail était déchiré, plein de sang et mes genoux écorchés par le sable.
- Ça va aller? demanda-t'il. Je crois que je ferais mieux d'aller te reconduire chez toi.
- Oh, merci! dis-je en essuyant les larmes sur mes joues. Aïe! fis-je en touchant ma joue gauche où Kyle m'avait frappé.
- Tu devrais mettre de la glace. conseilla le bel inconnu en entourant mes épaules de son bras.
Je le suivis jusqu'à sa voiture garrée non loin de là. Il m'aida à y prendre place et me reconduisit chez nous.
- Tu es sure que ça va? demanda-t'il en me raccompagnant à la porte.
- Oui, je vais prendre une douche, mettre de la glace sur ma joue et me coucher.
- Okay. Bon... bonne nuit alors! dit-il en retournant à sa voiture.
- Hey! Je m'appelle Mylène, en passant! lançais-je.
- Nickolas! dit-il avant de démarer.


Chapitre 3
Introduction
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