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TITRE II. LES MODES DE LA DÉTERMINATION DU PRIX
 

Avant d'entamer les modes de la détermination du prix, il y a lieu de faire une distinction préalable entre la fixation "publique" et la fixation "privée" du prix. La première se réalise à travers les mesures des organismes étatiques ou internationaux, alors que la seconde résulte de la volonté des agents économiques de droit privé. Cette mise au point étant faire, on peut ensuite étudier les deux grands modes de détermination "privée" du prix: la détermination directe qui résulte de la volonté de l'une ou des deux parties contractantes; et la détermination indirecte du prix qui résulte de la combinaison de la volonté des parties et des éléments extérieurs.
 
 

Chapitre 1. La détermination directe du prix
 

La détermination directe du prix résulte de la décision des parties au contrat sans passer par un intermédiaire. Selon le principe de l'autonomie de la volonté, les parties ont le droit de fixer librement le prix. Un auteur a dit: " Vendeur comme acheteur, ont le droit de faire une mauvaise affaire et en France, tout au moins, aucun jugement ne peut arrêter un prix plus juste." (1). Toutefois, la libre détermination du prix n'est pas sans limite, elle doit remplire certaines conditions que nous allons développer dans ce Chapitre. Ensuite, nous verrons que la détermination directe du prix peut s'effectuer de trois façons: la détermination du prix par les deux parties du contrat; la détermination par le fournisseur; la détermination par l'acquéreur.
 

Section 1. Les conditions de la validité
 

L'accord sur le prix doit être complet, précis et réel pour qu'il soit valable au regard de la loi.
 

§ 1) L'accord sur le prix doit 'être complet
 
 

Cela signifie que l'accord doit comporter tous les éléments nécessaires à la fixation du prix sous peine de nullité. Par exemple, la nullité a été prononcée lorsqu'il y a désaccord sur la charge de la taxe à la production (2), ou sur les frais de déchargement des marchandises vendues(3).
 

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(1) C. DUCOULOUX-FAVARD,"Droit de la vente", Ed. Eyrolles 1991, p. 138.
(2) Parie, 17 juillet 1951: Gaz. Pal. 1951, 11, 273.
(3) Douais, 5 déc. 1849: J.G., Vente, n°13.
 



 

Le contrat est également sanctionné en cas d'accord "approximatif" sur le prix. Par exemple, dans une vente de terrain acheté par une société à un de ses associés, le prix proposé par ce dernier a été accepté sous réserve d'une réduction de 10%, sans s'assurer que le vendeur soit d'accord sur ce rabais(l).
 

§ 2) L'accord sur le prix doit être précis
 

Sera considéré comme indéterminable le prix dont la fixation manque de précision. Ainsi a été annulé le contrat dans lequel il y a accord global sur le prix, mais les parties n'ont pas fait la distinction entre le prix proprement dit et les frais et commission dus à l'intermédiaire qui a négocié la vente(2). De même si les parties ont omis de préciser auquel du vendeur ou de l'acheteur incombera le paiement de la commission dus à l'intermédiaire(3). A été aussi sanctionné par la Cour de cassation un contrat de cession d'un terrain moyennant la construction de deux maisons " en raison de l'imprécision des prestations dont était assortie l'obligation de construire " (4).
 

Le critère de " l'imprécision " du prix est assez délicat et difficile à saisir. Tout dépend de l'appréciation souveraine du juge. Dans un arrêt du 5 janvier 1972(5), la Cour de cassation a reconnu la validité d'une vente dans laquelle une partie du prix comprenait au bénéfice du vendeur "une pension lui permettant de vivre décemment". Le terme "décemment" a été jugé comme étant suffisamment précis.
 

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(1) Civ. 111, 22 mars 1977: Bull, civ. III, n°144.
(2) Civ. 111, 4 janv. 1973: D.S. 1973, 663.
(3) Civ. 111, 3 oct. 1979: Gaz. Pal. 1980, som. p. 60.
(4) Civ. 111, 9 déc. 1986: Bul. civ. III, n°177, p.139.
(5) Civ. 111, 5 janv. 1972: D.S. 1972, 339.
 


§ 3) L'accord sur le prix doit être réel
 

Un accord réel est un accord non erroné. Le prix ne saurait être considéré comme déterminable s'il fait l'objet d'un malentendu. Car "le vice corrompt tout". C'est ainsi que. la Cour de cassation a censuré un contrat dans lequel il y a une confusion entre anciens et nouveaux francs quant au calcul du prix (1). De même, il y a erreur obstacle lorsque le vendeur croit recevoir un simple acompte, alors que pour l'acheteur, il s'agit du versement du prix définitif(2).
 

Section 2. Les facteurs de la détermination directe
 

Dans un marché de vendeur, c'est le fournisseur qui décide le prix, alors que l'acquéreur peut imposer sa volonté dans un marché d'acheter. A nos jours, le marchandage ayant perdu beaucoup sa place, la fixation bilatérale du prix se trouve très réduite.
 

§ 1) La détermination du prix par le fournisseur
 

Pendant de longues périodes, les fournisseurs ont occupé une place privilégiée dans une économie de pénurie. Ils se trouvaient à une position de force et détenaient les petits distributeurs à leur merci.
 

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(1) Com. 14 janv. 1969: D.S. 1970, 458.
(2) Paris, 5 e ch., 27 janv. 1981: Juris-Data, n°22496.
 


Ce serait pour cette raison que la jurisprudence en matière de détermination du prix a toujours fait preuve d'une méfiance vis-à-vis de ce mode de détermination du prix, en réprimant sévèrement les contrats dans lesquels le prix est fixé par le fournisseur, ou sous l'influence de celui-ci. Dans certains cas, le contrat est censuré non seulement sur la base des article 1591 mais aussi en vertu de l'article 1174 du Code civil qui dispose que: " Toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige."(1).
 

Il n'est donc pas surprenant lorsque la Cour de cassation a sanctionné un contrat dans lequel le vendeur se réserve " le droit de fixer lui-même le prix "(2). Est également annulé le contrat dans lequel la fixation du prix par le vendeur n'a d'autre limite que "le plafond légal réglementaire"(3). De même si le contrat comprend la mention "prix estimatif, le prix en vigueur étant celui du jour de la livraison"(4).
 

La question est plus délicate lorsque la fixation du prix par le fournisseur mais en fonction des éléments objectifs qui échappent à sa volonté. La doctrine semble approuver le prix ainsi déterminé(6).
 

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(1) J. GHESTIN," Indétermination du prix de vente et condition potestative ", D. 1973. Chron. 293.
(2) Civ. 1, 12 nov. 1974: BulI. civ. I, n°30.
(3) Com. Il fév. 1957: Bull. civ. III, p. 42, n° 49.
(4) Civ. 1, 13 mars 1973: Gaz. Pal. 1973, 1, som. 121.
(5) Juris-Classeur commercial, Ed. Technique 1991 Contrat de distribution, Vente commerciale (12).
 



 

La Cour de cassation est plus sévère, elle a censuré les contrats dans lesquels la fixation du prix dépend indirectement de la volonté du fournisseur(l).
 

§ 2) La détermination du prix par l'acquéreur
 

Parfois, il peut arriver que le prix soit l'œuvre de l'acquéreur. C'est le cas par exemple de la vente aux enchères: le prix sera celui du plus offrant, dès lors que le vendeur a accepté le prix à l'avance.
 

La fixation du prix par l'acquéreur doit respecter les mêmes conditions que celle par le fournisseur. Cette fixation ne doit donc pas dépendre de la volonté arbitraire de l'acquéreur. La sanction de la Cour de cassation est aussi sévère que celle dans le cadre de la fixation du prix par le fournisseur(2).
 

§ 3) La détermination du prix par les deux parties
 

La détermination du prix peut aussi résulter de la rencontre des volontés des deux parties. Ce mode de fixation du prix, pour qu'il soit efficace, doit satisfaire certaines exigences. Aussi les parties ne peuvent-elles pas remettre la fixation du prix à une date ultérieure à la conclusion du contrat. Dans ce cas de figure, la convention sera annulée pour défaut de prix, même si les parties
 
 

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(1) Com. 22 janv. 1974: Bull. civ. IV, n°26, p. 20; Com. 12 fév. 1974: D. 1974, p. 414.
(2) Com. 5,mai 1969: D. 1969, p. 575; Civ. 12 1974: Bull. civ., I, n°301, p. 258.
 



 

parviennent à se mettre d'accord sur ce dernier. Dans ce cas, il s'agira d'un nouveau contrat(l). J. GHESTIN constata que: " La vente est annulée chaque fois que la détermination du prix doit faire l'objet d'un accord ultérieur des parties."(2) La Chambre commerciale, dans un arrêt du 24 mars 1965 jugea que:" Vu l'article 1591 du Code civil; Un contrat de vente n'est parfait que s'il permet, au vu de ses clauses, de déterminer le prix par des éléments ne dépendant plus de la volonté d'une des parties ou de la réalisation d'accord ultérieur."(3)
 
 

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(1) Juris-Classeurs, Droit civ., Art. 1591 à 1 1593,(19), Ed. Technique 1990.
(2) " L'indétermination du prix de vente et la condition potestative ", précité.
(3) Com. 24 mars 1965: D.S. 1965, 474.