Le soir tombait rapidement, comme il le fait si bien au début de l’été, prenant toutefois soin de bien colorer le ciel sans nuages. La jungle était encore bien éveillée, oiseaux de toutes sortes chantant et gazouillant, animaux préparant leurs petits pour la nuit.
Quelque part dans l’immense forêt, une jeune femme pestait contre les moustiques, les fougères et les racines. Ses longs cheveux bouclés étaient retenus par un ruban rouge et elle portait un énorme sac de voyage sur son dos, comme si de rien n’était. Un couteau attaché à sa cuisse, elle avançait résolument.
- Foutue forêt… Je lui en ferai, de l’entraînement! Non mais…
Elle repoussa une mèche dorée de son front, mais un cheveu retomba devant son visage, chatouilla son nez.
- Et mer… AAATCHOOUUM!!!
Perdant l’équilibre, elle tomba sur le dos, sa chevelure maintenant d’un violet presque noir. Interdite, elle cligna des yeux.
- Mais… Où suis-je?
Kushami arriva finalement dans une clairière. A son grand contentement, c’était une vaste étendue occupée par un petit village construit tout en hauteur. Elle laissa son sac tomber par terre et monta dans l’échelle la plus près.
Par un grand hasard, la première bâtisse (un genre de hutte en bois) où elle entra était un (très) petit bar où le barman était seul et presque endormi. Il la regarda approcher sans réaction et sursauta lorsqu’elle frappa son poing sur le comptoir.
- N’importe quoi et vite!
Il la servit avec des gestes d’automate au repos. L’œil étincelant d’agacement, la jeune femme vida son verre d’un trait et s’étouffa.
Rasinn sauta d’une branche à l’autre au lieu d’emprunter les passerelles et les échelles. Ses parents l’avaient envoyé (à nouveau) chercher une ou deux (ou trois ou quatre) caisses de bière (ou de vin ou de n’importe quoi). La nuit était presque totalement tombée et le gamin n’aimait pas sortir dans le noir, aussi se dépêchait-il…
- Monsieur Ba…
Sa voix mourut dans le choc qui le frappa lorsqu’il ouvrit la porte du petit bar, se noya dans l’horreur qui le submergea. Il ouvrit les yeux cinq fois trop grands. Enfin, il réussit à sortir de là et vomit.
Le barman avait été tué. Toutes ses bouteilles étaient cassées et on avait lacéré le pauvre homme — après l’avoir complètement déshabillé. Des lambeaux de chair sanguinolente pendaient mollement. Ses yeux se retrouvaient maintenant dans sa bouche et on avait arraché les parties génitales — elles reposaient sur le comptoir en un amas sanglant et repoussant. Le corps était épinglé au mur par le cou, où l’on avait enfoncé le long couteau du barman lui-même. Son ventre était ouvert par de longues entailles verticales et son contenu débordait sans pouvoir se déverser.
Ce soir-là, le paisible village suspendu ne s’endormit pas avec le reste de la forêt.
Chapitre I: Le Conseil