Par Chantal Côté pour Canoe
Article paru le 28 juin 2000
Un peu comme un deuxième printemps, l'arrivée de Daniel Boucher dans le monde musical nous arrive en plein visage, véritable vent de fraîcheur avec son premier album "Dix mille matins". Débordant d'enthousiasme et encore tout surpris du succès qui frappe à son nom, les yeux de cette étoile de la relève québécoise brillent quand il parle. Il s'étonne encore d'avoir été invité au "Poing J" et à "Christiane Charrette en direct". Il s'en veut d'avoir du annuler une entrevue avec un journaliste du Journal de Montréal, assurant qu'il ne manquera plus jamais une interview. Voici l'histoire d'une rencontre rafraîchissante.
Du génie civil aux Beatles
Né dans l'Est de Montréal au sein d'une famille de 4 enfants, Daniel Boucher s'initie à la musique dès l'âge de 7 ans. Le violon sera son premier instrument de musique jusqu'à l'âge de 14 ans. "J'ai lâché parce que j'étais tanné de toujours être obligé de me placer, de porter des cols roulés blancs sans avoir le droit de porter des bas de la même couleur", raconte, en rigolant, l'auteur-compositeur et interprète. Mais 3 ans plus tard, il découvre la guitare et là une véritable histoire d'amour commence entre lui et la musique.
Inscrit au cégep en génie civil, il passe ses 2 années collégiales à sécher la plupart des cours pour jouer de la guitare avec Bob, un pote à lui. "J'aurais probablement fait un bon p'tit technicien efficace, mais ça ne me brûlait pas", explique-t-il, ajoutant qu'il préférait alors de beaucoup jouer les Beatles dans les escaliers du cégep.
L'Appel à la chanson se fait lors de sa participation à "Cégep en Spectacle". Il y interprète "L'Oiseau", de René Simard, ainsi que "Les ailes d'un ange" et "Frog", de Charlebois. "Je me suis senti chez nous. C'est là que j'ai su que c'est ça que je voulais faire dans vie", raconte le Montréalais, heureux de ce qui lui arrive. Peu de temps après, il commence à écrire des chansons et à comprendre la vie d'un musicien. Si le milieu artistique lui semble complexe et abstrait, il apprend pas à pas les opérations qui s'y rattachent.
Il monte son premier band et joue dans les bars, essayant de placer quelques-unes de ses compositions pendant les représentations. Mais Boucher n'est pas satisfait. S'il apprend ce qu'il appelle "la mécanique" d'un show, l'âme musicale n'y est pas. Il décide de retourner au Cégep pour étudier la musique, explorer davantage cet art, et tente de trouver des réponses à ses interrogations. Une fois ses études terminées, il n'est toujours pas prêt à enregistrer un album.
"J'ai vendu mon char et je suis retourné vivre chez ma mère. J'avais 25 ans, ça été très difficile", raconte le chanteur. Il plonge alors dans l'écriture à fond de train, ne travaille pas, mais se consacre entièrement à son rêve, la musique.
Marc Pérusse, le complice
Parallèlement à son écriture, Daniel Boucher s'informe des différents concours ou festivals de la chanson et y participe le plus souvent possible. Lors du Festival gaspésien de la Petite-Vallée, en 1997, il rencontre des gens du milieu qui l'invitent à Montréal pour effectuer un tour des maisons de productions. C'est avec Martin Leclerc, son agent, qu'il décide de tout mettre en branle pour concrétiser le rêve ultime: un album signé de sa griffe. "Si ça n'avait pas marché, je me serais peut-être recyclé en musicien ou je serais parti en bateau", assure-t-il . Sa rencontre avec Marc Pérusse, en novembre 1998, est décisive. Près d'un an plus tard, en octobre 1999, il sort enfin SON album.
Après l'avoir tant cherché, travaillé, d'où vient son inspiration? Comme plusieurs, les Beatles restent son groupe favori. Mais ce qu'il aime avant tout, ce sont les "tounes" à la fois capables de complexité et de simplicité. Boucher aime particulièrement les chansons de ceux qu'ils qualifient comme des voyageurs de son: Hendrix, les Stones, Charlebois... et les Beatles bien sûr. Dans la musique plus récente, la palme ou le coeur va à Beck, Soundgarden, Radiohead et le groupe Portishead. Plusieurs journalistes l'ont comparé à Robert Charlebois et Boucher ne s'en plaint pas. "Je pense que ce qui me rapproche de Charlebois, ce sont les "tounes" qui décollent. Il en a fait beaucoup et moi j'en ai quelques-unes aussi", explique Daniel Boucher, croyant toutefois que cette comparaison à tendance à s'éloigner de lui.
Le bonheur facile
Son album semble plaire à un très large public. Évidemment, l'auteur s'en réjouit. Le hic, c'est qu'il ne s'explique pas un tel succès. Intense, philosophe, coloré, mais avant tout terre à terre, il considère seulement avoir fait ce qu'il avait à faire. Ici, pas d'explications longues et tordues sur le besoin de dire, d'expliquer, de dénoncer ou d'avancer. Pour lui, ce premier album raconte les états d'âme d'un personnage qui, à travers les chansons, devient de plus en plus heureux. Le bonheur simple. Aussi beau qu'une rivière pleine de jeunesse. On pourrait facilement croire qu'il parle de lui... Là-dessus, il répond que, quelques fois, c'est effectivement le cas, mais c'est aussi parfois celui de ses parents.
Daniel Boucher ne se noie pas dans la démesure. Pour lui, de toute évidence, il n'y a pas de petites joies. Elles ont toutes chacune leurs couleurs. Comme ce jour où il a trouvé un vieux fauteuil. D'autres seraient passés tout droit, mais pas lui. "Je l'ai trouvé en face du Cabaret sur la rue St-Laurent, j'le trouvais beau. Je l'ai mis sur ma tête et je l'ai rapporté chez nous. Arrivé à la maison, j'étais brûlé", se souvient, avec un sourire en coin, le jeune chanteur de 28 ans. C'est le symbole qu'il a trouvé pour se distinguer et voue depuis un attachement particulier à ce fauteuil. Lors de sa première prestation au cégep, il avait choisi d'avoir sur la scène un grand fauteuil et, un peu nostalgique, a eu envie de reprendre l'idée. Ce complice sur 4 pattes qui lui colle presque à la peau est maintenant présent sur sa pochette de CD, fait partie intégrante du décor de son spectacle, et s'impose comme le trône officiel de son vidéoclip "Silicone".