Gadamer

H-G. GADAMER

RÉFÉRENCE POUR LES CITATIONS #1 à #31 :

Auteur : H-G. Gadamer
Titre : Le problème de la conscience historique
Année de parution : 1963
Éditeur : Publications universitaires de Louvain



1- « ’apparition d’une prise de conscience historique est vraisemblablement la révolution la plus importantes parmi celles que nous avons subies depuis l’avènement de l’époque moderne. Sa portée spirituelle dépasse probablement celle que nous reconnaissons aux réalisations des sciences naturelles, réalisations qui ont si visiblement transformé la surface de notre planète. La conscience historique qui caractérise l’homme contemporain est un privilège, peut-être même un fardeau, tel qu’il n’en a été imposé à aucune des générations antérieures. » p.7


2- « Avoir un sens historique c’est vaincre d’une manière conséquente cette naïveté naturelle qui nous ferait juger le passé selon les mesures soi-disant évidentes de notre vie actuelle, dans la perspective de nos institutions, de nos valeurs et vérités acquises. Avoir un sens historique, cela signifie : penser expressément à l’horizon historique qui est coextensif à la vie que nous vivons et que nous avons vécue. » p.9


3- « Par contre, aujourd’hui, le concept d’interprétation est devenu un concept universel et veut englober la tradition dans son ensemble. [...] Ce que toujours nous entendons dire par là, c’est que le sens du donné qui s’offre à notre interprétation ne se dévoile pas sans méditation, et qu’il est nécessaire de regarder au delà du sens immédiat pour pouvoir découvrir la « véritable » signification cachée. » p.10


4- « [...] les sciences humaines veulent elles aussi être de véritables sciences empiriques, libres de toute intrusion métaphysique, et refusent toute construction philosophique de l’histoire universelle. Cependant n’est-il pas plus vrai de dire que la filiation des sciences humaines par rapport aux sciences naturelles, et la controverse anti-idéaliste et anti-spéculative dont elles héritèrent en même temps, ont empêché jusqu’à nos jours les sciences humaines de procéder à une prise de conscience radicale. » p.13


5- « À la psychologie dite « explicative » - au sens naturaliste du mot - , Dilthey oppose l’idée d’une « geisteswissenschaftliche » psychologie. C’est à la « « geisteswissenschaftliche » pscychologie, débarassée de tout dogmatisme et de toute construction hypothétique, qu’incombe la connaissance et la description des lois de la vie spirituelle, qui doivent servir de fondement commun aux différentes sciences humaines. En effet, toutes les constatations des sciences humaines concernent finalement des faits de l’ « expérience intérieure » : un domaine d’être qui ne relève pas de la catégorie de l’ « explication » mais de celle de la « compréhension ». » p.22


6- « Le but que se propose Dilthey est manifeste : découvrir aux confins de l’expérience historique et de l’héritage idéaliste de l’école historique, un fondement nouveau et épistémologiquement solide ; c’est ce qui explique son idée de compléter la critique de la raison pure de Kant par une « critique de la raison historique ». » p.23


7- « Qu’un rapport structural puisse devenir intelligible à partir de son propre centre, cette idée correspond au vieux principe de l’herméneutique, et répond en même temps aux exigences de la pensée historique. D’après ces exigences, tout moment historique doit être compris à partir de lui-même, et ne peut pas être soumis aux mesures d’un présent qui lui soit extérieur. » p.25


8- « Dilthey était convaincu d’avoir accompli une vue véritablement historique du monde ; et au fond, ce que sa réflexion épistémologique veut justifier ce n’est rien d’autre que le grandiose et épique oubli de soi pratiqué par RANKE. » p.25


9- « Mais en quoi consiste alors son privilège de pouvoir se dépasser et de se rendre capable d’une connaissance historique objective ? Voilà la réponse de Dilthey : aussi impénétrable que soit le fondement de la vie historique, cette vie n’est pas sans pouvoir comprendre historiquement sa possibilité d’avoir un comportement historique. Depuis l’avènement de la conscience historique et sa victoire, on se trouve devant une nouvelle situation. Dorénavant, cette conscience n’est plus simplement expression irréfléchie de la vie réelle. Elle cesse de juger tout ce qui lui est transmis à la mesure de la compréhension qu’elle a de sa propre vie, et d’établir ainsi la continuité d’une tradition. Cette conscience historique sait à présent se placer dans un rapport réflexif avec soi et avec la tradition : elle se comprend soi-même par et à travers sa propre histoire. La conscience historique est un mode de la connaissance de soi . » p.26


10- « Dépasser méthodiquement les contingences d’une perspective historique et objective, telle est l’aspiration profonde des sciences humaines. » p.28-29


11- « En effet, dans le déploiement de la Selbsbesinnung historique qui portait DILTHEY de relativité en relativité, il se sentait toujours déjà sur la route de l’absolu. En ce sens Ernest Troeltsch résumait très bien l’œuvre de Dilthey par la formule : « de la relativité à la totalité ». L’expression correspond parfaitement à la formule de Dilthey lui-même : « être consciemment un être conditionné ». » p.30


12- « Comme on peut voir chez Schleiermacher, l’herméneutique a pour modèle la compréhension réciproque qu’on atteint dans la relation entre le moi et le toi. Comprendre un texte comporte la même possibilité d’adéquation parfaite que la compréhension du toi. Ce que vise l’auteur se voit immédiatement par son texte ; le texte et l’interprète sont absolument contemporains. Voilà donc le triomphe de la méthode philologique ; saisir l’esprit passé comme présent, accueillir l’étranger comme familier. » p.35


13- « [Pour Dilthey] l’herméneutique est le telos de la conscience historique. Il n’existe pour elle qu’une seule espèce de connaissance de la vérité : celle qui comprend l’expression, et dans l’expression, la vie. Dans l’histoire, rien n’est incompréhensible. Tous [sic] se comprend puisque tout ressemble à un texte. « Commes [sic] les lettres d’un mot, la vie et l’histoire possèdent une signification » - disait Dilthey. Par conséquent, l’étude du passé historique est conçue non comme expérience historique, mais comme déchiffrage. » p.36


14- Pour Heidegger en effet, le fait que nous ne pouvons parler d’histoire qu’en tant que nous sommes nous-mêmes historiques, signifie que c’est l’historicité de l’être-là humain dans son incessant mouvement d’attentes et d’oublis, qui est la condition de pouvoir faire revivre le passé. [...] L’ « affinité » (Zugehörigkeit) ne « conditionne » pas seulement l’intérêt historique en ce sens que des facteurs non-scientifiques et subjectifs motivent le choix d’un thème ou d’une question ; en acceptant semblable hypothèse, on interpréterait le concept d’ « affinité » comme un cas particulier d’une servitude émotionnelle : la sympathie. Au contraire, l’ « affinité » avec la tradition n’est pas moins originellement et essentiellement constitutive de la finitude historique de l’être-là que ne l’est le fait que cet être-là est toujours en projet vers ses possibilités futures. » p.45


15- « Ce dont nous préparons l’accueil n’est jamais sans quelque résonnance en nous, et il est le miroir où chacun de nous se reconnaît. La réalité de la tradition ne constitue guère, en fait, un problème de connaissance, mais un phénomène d’appropriation spontanée et productive du contenu transmis. » p.47


16- « La « science sans préjugé » - la vorurteilslose Wissenschaft - ne participe-t-elle pas elle-même, et plus qu’elle ne le pense, à l’attitude de réception et de réflexion naïves par laquelle le passé nous est présent en tant que tradition vivante ? Sans autres attitudes – scientifiques ou quotidiennes -, qu’elle ne vit que par les sollicitations qui lui arrivent d’une tradition. » p.48


17- « En critiquant l’intellectualisme socratico-platonicien dans la question du Bien, Aristote devient le fondateur de l’éthique comme discipline indépendante de la métaphysique. En montrant que l’idée platonicienne du Bien est une généralité vide de sens, il lui oppose le bien de l’homme, c’est-à-dire le bien en rapport à l’activité humaine. » p.50


18- « En effet, il appartient manifestement à l’essence du phénomène éthique que l’agent sait non seulement se décider à l’action, mais qu’il doit lui-même savoir et comprendre comment il doit agir, charge dont il ne pourrait jamais se débarrasser. Il est donc essentiel que les sciences éthiques – tout en contribuant à la clarification des phénomènes de conscience éthique – n’occupent jamais la place échue à la conscience éthique concrète. » p.51


19- « Le sens de la recherche herméneutique est de dévoiler le miracle de la compréhension et non pas la communication mystérieuse des âmes. La compréhension est une participation à la visée commune. » p.68


20- « Les premiers éléments significatifs ne percent qu’à condition qu’on se mette à la lecture avec un intérêt plus ou moins déterminé. » p.71


21- « Toute interprétation d’un texte doit donc commencer par une réflexion de l’interprète sur les idées préconçues qui résultent de la « situation herméneutique » où il se trouve. Il doit les légitimer, c’est-à-dire rechercher leur origine et leur valeur. » p.72


22- « En réalité, s’ouvrir aux « dires d’autrui », d’un texte, etc., implique d’ores et déjà qu’ils sont situés dans le système de mes opinions, ou bien que je me situe moi-même par rapport à eux. » p.74


23- « [...] notre tendance naturelle à sacrifier, en le qualifiant d’ « impossibilité », tout ce que nous ne réussissons pas à intégrer dans notre système d’anticipations. » p.75


24- « [...] il n’est ni possible, ni nécessaire, ni souhaitable qu’on se mette soi-même entre parenthèses. » p.75


25- « [...] il n’est ni possible, ni nécessaire, ni souhaitable qu’on se mette soi-même entre parenthèses. L’attitude herméneutique ne suppose qu’une prise de conscience qui en désignant nos opinions et nos préjugés les qualifie comme tels, et leur ôte du même coup leur caractère outrancier. Et c’est en réalisant cette attitude qu’on donne au texte la possibilité d’apparaître dans son être différent et de manifester sa vérité propre, contre les idées préconçues que nous lui opposons d’avance. » p.75


26- « [...] un procédé cognitif qui implique des préjugés ou des anticipations, des idées préconçues sur la méthode et sur ce que « doit » être une donnée historique, nivelle l’expérience et mène inévitablement à trahir ce qui est spécifiquement « autre ». » p.77


27- « En effet ce n’est pas seulement une unité de sens immanent qui est présupposée dans l’opération concrète de la compréhension : toute compréhension d’un texte présuppose qu’elle soit guidée par des attentes transcendantes, attentes dont l’origine doit être cherchée dans le rapport entre la visée du texte et la vérité. » p.79


28- « [...] la signification originelle de l’idée de compréhension est celle de « s’y connaître en quelque chose », et que ce n’est qu’un un sens dérivé qu’elle signifie : comprendre la visée de l’autre en tant qu’opinion personnelle. » p.79


29- « L’herméneutique doit partir du fait de comprendre, c’est être en rapport à la fois avec la « chose même » qui se manifeste par la tradition, et avec une tradition d’où la « chose » puisse me parler. » p.80


30- « L’essence de l’interrogation est de mettre à nu les possibilités de les maintenir en éveil. » p.83


31- « Toute « nouvelle » position qui en remplace une autre, continue d’avoir besoin de l’ « ancienne », car elle ne peut elle-même s’expliciter tant qu’elle ne sait ni en quoi, ni par quoi s’opposer. ». p.84


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