CHER FEU (29/09/00)
Quelles sont tes vertus, cher feu ?
Tu es plus que ce guerrier
Si ton spectacle charme l'oeil,
Ma grotte serait vide, ô feu !
Souvent l'air ingénu est porteuse de promesse ;
Tendant l'oreille pure, écoutant tous ces chants,
LA VALSE INTERDITE...(mi-janvier 2001)
Tournoyaient dans le noir les pensers délétères ;
Coupable aux yeux d'un tiers, c'est ta lèvre brûlante
Étaient-ils purs ou vils, lorsque leurs mains crispées
Mais ils dansaient ! Le vent, d'une voix libertine,
LÉGITIME ASSAUT(04/03/01)
Vertu :
Holà ! Piteux goujat ! qu’attends-tu donc de moi ?
Moi :
Pourrais-je réfuter ce légitime assaut,
Vertu :
Pourquoi changerais-tu, toi le pieux courtisan,
Moi :
Je fuirai les mots creux et les concepts grisants,
LA VAGUE (2000)
Le théâtre marin, retenant ses échos,
Altièrement portée sur la cime évanouit
L'impulsion déchaînée incendiera les flots
Esclave du vortex soulevé par le vent,
LE DILEMME (2000)
Lorsqu'un être obscurçit par l'action des moeurs,
Or, comme un vieux canard il supporte sa charge:
Alors, face à l'azur qui l'enflamme et le brûle,
MA CHAIR ET MOI (2000)
Que me veux-tu, Perfide? -Assouvir le mystère.
-Ah bon? Qui suis-je alors, sinon ta délivrance?
DE QUELQUES (MAUVAIS) POÈTES(17/06/00)
Point d'éloge pour toi, ô studieux jongleur !
J'ai un peu de mépris pour le pieux sophiste ;
J'ai grande admiration, très fière libertine,
Tu m'endors, toi, pédant qui jamais n'est fourbu ;
À ceux surappliqués - tous ces puristes froids -
Pour la mode du temps, pour leurs vers blancs si vides,
Mais quel modèle offrir? Sinon les bâtisseurs
MUSE FATALE(10/05/01)
Lorsqu’elle déambule, avec son air badin,
Prenons garde à l’éclat de son œil pétillant :
Sa voix étincelante évoque un univers
Si sa main ingénue assumait tout le sang
Allons, marins ! nageons dessus son front rêveur,
LA POPULACE (1999)
Muselée, en liesse se débat vainement,
La matraque s'abat, doucereuse, équipée
Anémique, leur râle à l'unisson quémande
Ingénus, les magnats immolent leur pudeur
À genoux le peuple! Infécond et stérile;
[1999-2000] Cinq petits haïkus, écrits sur le vif d'instants magiques. Ils sont médiocres, mais j'y suis attachés.
Rapide colline
Plaisir solitaire
Oraison du soir
Nourriture vaine
Tout près, la magie
Solitude amère
Vert! Vaste champ clos
Te prendre cygale
Suspendu le temps!
O ville d'un fleuve!
[2001] Dix réflexions sur la "sociabilité". Pour vous rappeler que le thème de "l'autre" est de loin celui qui alimente le plus intensément et le plus régulièrement mes pensées. Pour vous rappeler que l'insouciance ou l'indifférence - pratique ou théorique - à ce thème de "l'autre" m'éloigne le plus sûrement du plus beau génie ou du plus grand artiste...
« Qui es-tu pour juger ? », te demandera-t-on sans soute à profusion. Réponds simplement : « Je suis un ignorant comme toi qui essaie de comprendre ; mon jugement n’est pas celui du magistrat –irrévocable– mais celui du chercheur. Juge moins mon action de juger que mon jugement même ; ainsi tu m’éclaireras, et tu nous permettra d’avancer dans notre compréhension du monde. » S’il n’entend ces paroles, démontre-lui qu’à voix haute ou à voix basse, nous jugeons sans arrêt. S’il n’en était pas ainsi, combien misérable serions-nous, petits automates sceptiques ! Devant un plus jeune ou un moins sage que toi, ne dis pas : « Écoute-moi, j’ai vécu … », mais plutôt : « Aide-moi à comprendre qui j’étais, pour que j’ai une meilleure connaissance de moi maintenant ». En tout temps, rendre l’autre plus utile pour nous que nous pour lui ; ensuite, s’il ouvre la porte de sa confiance, l’échange se régularisera et tu pourras lui apporter ce qui l’aurait mis en garde au début. Devant un plus vieux ou un plus sage que toi, ne t’agenouille pas, ne flatte pas à outrance ; soit conscient de ta position, mais conserve ta dignité. Comme Jouhandeau le mentionne, comment veux-tu que celui que tu préfères à toi-même ait quelque intérêt, quelque respect pour toi ? Les pédagogues sont rares, et enseigner est rarement un honneur. Une personne te parle abondamment, sans arrêt. Ne t’irrite pas d’être absent de la conversation, ne lui en veut surtout pas. Applique-toi simplement à orienter sa conversation, et fais-toi spectateur, comme au théâtre. Si la personne est intelligente, tu apprendras beaucoup ; si elle ne l’ait pas, descend le rideau. Le lion ronronne lorsqu’il obtient les flatteries tant voulues, et rugit lorsqu’il n’en a point. Sois bon renard, ne tombe pas dans son jeu : attends qu’il réclame sa précieuse caresse, et fait-lui en sentir le prix. C’est là ton seul ascendant possible sur les esprits forts. Tu as le sang chaud ? Tu es passionné ? Sont-ce là des excuses pour tes exubérances et tes emportements ? Certes, tu es facilement irrité, mais combien plus irritant es-tu ! Les pédagogues sont rares, et enseigner est un honneur délaissé. Aie l’air de faire tout autre chose, mais enseigne, et fait-toi enseigner. À tout prix. Avec les sots, tu peux te permettre d’abaisser ta discussion jusqu’à eux, mais jamais ton âme. Ménage la vanité des autres, moque-toi de la tienne, et acquiesce en souriant lorsqu’on croit te faire un grand honneur en te flattant. Ne joue pas avec la plaie de l’autre, mais découvre-la lui, et rend insoutenable sa tentation de la gratter, de se guérir. Certaines personnes sont telles des murailles intraitables. Ébranler leurs murs d’un assaut frontal est vain ; ta seule possibilité est de planter discrètement des germes d’idées qui, grâce au temps et à la chance, feront craquer leur forteresse et ouvriront leur horizon. Soigne ton langage tant que tu le peux, sans ostentation, sans orgueil. Parler est un acte aussi artistique que pratique : les mots ont leur magie propre, et parler seulement « pour se comprendre », c’est abdiquer par insouciance ou par paresse une partie de soi. Tu t’empêche, par réserve ou par timidité, de complimenter l’autre ? Ne sais-tu pas que chaque individu tente de s’élever à la hauteur de ce que les autres pensent de lui ? Ne sais-tu pas que ton silence ne lui apporte rien, que son évolution, son dépassement, ont besoin de tes échos ?
L’Autre atterri sur moi comme un flocon sur un épais manteau de neige ; sa chute est bien enlevante, mais elle se termine dans l’indifférence et l’oubli. Ne me flattez plus dans le sens du poil, faites l’inverse ! Faites-moi trépigner, enragé, rugir ; élevez-moi au-delà de moi-même. Les doléances confortent…et affaiblissent. Et n'attendez pas autre approche de moi. Les sentiments n’eurent jamais qu’une emprise passagère sur mon cœur, comme le barbare ému à la vue de la première goutte de sang versé lors d’une bataille. Tout redevient rapidement une scène … de théâtre ? Non, de théorie. Je carbure aux désirs, et après consommation, mon air se pollue de regrets. Seule la solitude m’assainie, seule la solitude me fait désirer… Je sens l’œil de la postérité posé sur moi parfois. J’ignore si c’est là insécurité ou suffisance.
"Daniel, un humaniste ? À moitié vrai. Il se cantonne plutôt dans sa tanière, se laissant influencer par des auteurs MORTS, qui ne prêchaient surtout pas par l'exemple. Un humaniste incapable de s'investir. Un élististe pédant. Bourré de contradictions, ex : Je veux une fille équilibrée, indépendante, ouverte d'esprit tatati tatata... Il s'en trouve une (S.), il la dédaige, trop forte pour lui. Il préfèrera les filles troublées, sur lesquelles il est sûr de jeter une emprise. Encore là, il lui préférera la fille équilibrée et tatati tatata. La solitude comme seule et légitime compagne ? Disons plutôt une infinie lâcheté, un draguoholisme sévère. Le libertinage... ho ! ho ! ho ! Voilà qui est progressiste ! Tu tiens ça d'où, cher ami ? Tu n'oses même pas t'affirmer dans ce que tu crois être une identité." -N.- "Et pourtant, vieux garçon. Tu répugnes tout, sauf ce qui parvient à t'élever." -N.- "Gracieux fils de Pan ! Accroupi sur la froide berge d’automne à regarder les feuilles glisser sur un rayon opalescent, tu trouverais encore la manière et le ton des jeux où l’on rit. De ton recueillement le plus hermétique fusent des paroxysmes retentissants. Tu as au bout des lèvres, prête à jaillir, une antithèse pour chacune des misères de ce monde. Ta main est ardente dans la promesse d’être brandie. Ton œil est prêt à tout, à tout aimer, sauf les pleurs." -A.- "Tu sais, aidé les gens ne signifie pas les complimenter ça-et-là, au gré de tes humeurs." -N.- "Cette contradiction, c'est-à-dire le fait que tu recherche cette attention tout en la négligeant, vient peut-être du fait que tu prends ces êtres pour acquis [...] Ou peut-être est ce une autre forme de fuite qui trahit un manque de confiance plus profond, car tu sans bien le risque de s'investir sans nécessairement obtenir les résultats escomptés. L'indifférence de ta part est exclue puisque tu te chagrines d'un trop long silence. [...] Aussitôt que cette reconnaissance t'est offerte tu la dénigres, car elle te paraît acquise... quel ami complexe tu fais. Sache qu'elle le paraît seulement et que peut-être bien est-ce plutôt toi qui te méfie de ne pas devenir l'acquis en question, et c'est pourquoi tu te retires." -S.- " [...] cette obsession du progrès personnel. C'est là ta fuite, dont tu vois le reflet dans l'humanité. Parler ainsi de l'homme doit bien se justifier. Comment pourrais-tu concevoir la vie autrement, toi qui lutte avec elle, toi qui l'empoigne et la pince jusqu'à ce qu'elle t'injurie ou jusqu'à ce qu'elle se donne à toi. Pourquoi ce besoin d'en extraire l'essence presque rageusement alors qu'elle t'appartient largement déjà ?" -S.- " Tu aimes les gens… tu cherches à les cerner, tu les affectionnes, les idolâtres, tu cherches à ce qu’ils te donnent leurs tripes, comme si tu t’en gavais, pour ne plus en redemander jamais. C’est peut-être cette impression qui nous laisse un peu tous perplexes. " -N.- "Non, tu plais et séduits, parce que tu le veux ardemment... parce que tu es musical paradoxal tout en étant radical cultivé et que tu t'aimes parce que tu es un chasseur et un laboureur parce que tu sèmes, et oublies peut-être parfois de récolter..." -S.- "Tes esquisses me font toujours sourire. Les traînerais-tu plus avant avec toi dans l’abîme qu’elles donneraient peut-être à pleurer, à la fin. Or, tu es ainsi, badin – malgré toi peut-être, – même dans tes poses les plus graves. N’est-ce pas ce qui d’abord fait ton charme ?" -A.-
Quatre journées dans ma vie, extraites de mon journal. Pour ceux qui ont du temps à perdre. Et pour ceux qui veulent savoir à quel point Daniel est difficile à vivre.
Pensées d'une Journée morose
Je crois avoir trouvé : face à ma liberté, je frémis. Face aux perspectives qu’elle offrira cet été, me voilà désorienté, désemparé, paniqué…c’est que les livres, ô mes amis, ô mes frères ! ne parviennent plus à me secourir comme jadis… Jadis…si fier de ma solitude ! si fier de mon autonomie ! Souffrirai-je tout ce que je méprisais, bien que tout bas, chez les autres ? Je comprends Sénèque ; isolé sur une île, comme n’aurait-il pas invoqué la grâce des maîtres de Rome pour ne plus subir cet exil de la vie et de ses chaînes. Voilà, le mot est prononcé : chaînes. Tout ce qu’il implique, l’admettrai-je jamais ? Foulerai-je suffisamment cette toge de sage tant soignée, tant désirée … ? Si Karine avait raison, et moi tort ? Si la passion déchirante, vacillante, émouvante et provocante fut la véritable étoile de l’homme ? Si la sagesse équilibrée, libre, autonome et sereine ne fut qu’un leurre, qu’une étoile fade et paresseuse pour quelques bergers égarés ? « Conquérons notre liberté ! », dit l’existentialiste. Et puis ? Peut-on vraiment établir comme fondement d’une morale les élans d’une balle de ping-pong qui rebondie au gré des instants, et sur laquelle est écrit « Liberté », un mot que l’on ne parvient jamais à lire, jamais à vivre, tellement elle tourne sur elle-même. Et puis…l’évolution, elle ? Eh ! elle au moins, soyons-en fier ! Accumulons inlassablement des bribes d’art, des bribes de philosophie, des bribes de morales, des bribes d’humain et empilons le tout ! Garnissons notre cour des décors exquis d’âges révolus et de civilisations éteintes ; entassons au grenier toutes ces connaissances ; exposons les Pensées que nous en aurons tirées si fièrement. Et attendons qu’on vienne les commenter, les améliorer, les comprendre ; attendons que des êtres viennent peupler nos halls déserts d’humanité ; Et attendons… Et j’attends toujours. Éternellement ? Sans doute. La prophétie de Nietzsche n’aura de cesse de m’atteindre : isolé, avec comme seul recours l’instinct de puissance et de domination. Non, ce recours n’est pas pour moi. Pourquoi ne pas me réjouir d’un tel châtiment ! Moi qui voulu, il y a si longtemps, être unique et ferme dans la marginalité ; toute ma personne s’est érigée sur ce ciment doré et froid ! Alors revenons ; rouvrons la porte et précipitons-nous dans les limbes ténébreux remplis de farnientes ! Imitons et stagnons. Oh, nous évoluerons un peu, grâce à quelques expériences que nous analyserons un peu, mais pas trop, car notre calme en dépendra, car dans ce désert le sable est chaud et rassurant seulement si on ne s’agite pas trop, seulement si on laisse nos pensées somnolentes et coquines ; sinon, c’est la chute ! c’est la sueur ! c’est la soif ! c’est la fin du mirage de l’oasis ! c’est le soleil brillant et brûlant de la Vérité qui vous fixe sans arrêt, aussi exigeant pour nous-même que nous le devenons pour les autres ! Marchons, marchons…ces rayons te calcinent, et personne ne marche avec toi. Puéril idéaliste, cesse d’espérer ! Rencontres éphémères et cactus d’eau et d’épines, voilà ce qui ponctuera ta traversée. Cesse de t’agiter. N’as-tu donc rien entendu au secret des Stoïciens ? Crois-tu qu’ils fondèrent leur morale entre autres sur la paix intérieure et sur la tranquillité de l’âme parce qu’ils considéraient ces deux valeurs comme suprêmes ? Eh non ! Eux, bien avant nous tous, ont réalisé l’infinité du désert, sa sécheresse et sa désespérante bêtise… Mais à quoi bon répéter ces complaintes ? Le désert se moque de nos cris ; bien pis, il rigole, car il sait que nous avancerons, infatigablement…malgré la fatigue… Avançons donc, puisqu’il le faut. Bah, c’est fort simple : rendons les existentialistes fiers de nous, et construisons « l’objet » de notre propre liberté. Bondissons vers lui, et ensuite recommençons ! rendons Sisyphe fier de nous…ne partageons-nous pas le même sort ? Oui, mais nous, il faut sourire… Allons ! quel objet pourrions-nous construire aujourd’hui ? vers où notre élan pourrait-il se diriger ? Ferons-nous dans la facilité et sera-ce par le mépris, la rage et la haine que nous nous élèverons ? Soyons un peu plus raffiné, tout de même ! n’imitons pas ce pauvre Nietzsche ; trouvons des objets plus nobles, et camouflons-les derrière notre hypocrisie ; ensuite oublions cette dissimulation et dénonçons à haute voix les accusations de subjectivisme de ceux qui oseront commenter nos Pensées. Voilà le sort que nous leur réservons, pourquoi se le cacher ? Si l’intellectuel fait un si grand culte de lui-même, il « multiplie » également ses personnalités au point de s’éparpiller. Après avoir peuplé son royaume de ses entités, il part dans le monde, vagabond enthousiaste et dissimulateur, à la recherche…des autres ? non, de miroirs. Jamais il ne l’admettra, certes. Et même ses impressions initiales le tromperont. Ne dit-il pas, avec foi : Ah ! je m’enrichirai de votre personne, vous êtes bien différent de moi, mais c’est ce dont j’ai besoin ; montrez-moi votre univers, laissez-moi y plonger… Et il plonge, peut-être encore fasciné sincèrement à ce moment par le gouffre de l’autre. Si en plus il est jeune et un tantinet idéaliste, que ne s’imaginera-t-il pas sur le compte de l’autre, que ne laissera-t-il pas planer comme espoirs ! Mais l’eau s’obscurcit, il n’y voit plus que cendres et mensonges, puanteurs et misère. Relevant la tête, ses yeux brilleront d’un éclat messianique et obsédé : dès lors il entreprendra de « guérir » l’autre. « N’est-ce pas ma mission de « l’aider », de lui montrer la voie, de lui enseigner,…? », dira-t-il avec une exaltation à peine voilée par un air grave. Ce qu’il recherche, est-ce l’aider, ou est-ce un autre clone de lui-même ? Putain de volonté de puissance… Mon doigt peine. Une légère coupure le rend inapte à ce clavier, et chaque touche heurtée me résonne jusqu’au poignet. Mais qu’ai-je d’autre à faire qu’écrire ? … 15 :30. L’énergie… Voilà peut-être le futur grand fondement de la morale et de la science. Ces deux-là devraient se réconcilier lorsqu’ils verront la démontrabilité objective et la nécessité subjective de l’énergie. Apanage d’initiés seulement, qu’arrivera-t-il lorsque cet art-science sera « démocratisé » ? Le sera-t-il ? Sera-t-il plus dangereux qu’il soit la seule propriété des puissants et des forts ? Quelle forme d’exploitation l’homme parviendra-t-il à élaborer ? J’en frémis… Mais ces temps sont peut-être bien loin…peut-être ne viendront-ils jamais ! Mais ce sera là le défi de l’humanité : gérer l’énergie de la planète et des différentes formes de vie y habitant. La morale s’en trouvera renouvelée, car l’énergie n’est pas comme n’importe quelle matière manipulable ; elle nécessite l’exercice de l’âme, par des biais aussi étranger à la science que l’imagination et la subjectivité. Ainsi est-elle à l’abri des abus de sots et d’êtres inconséquents. Mais qu’est-ce que l’homme ne perverti-t-il pas ? que ne dompte-t-il pas ? Revenons à la morale. Tous les fondements que l’on tenta de lui attribuer, en passant par l’eudémonisme aristotélicien, par l’ataraxie stoïcienne et épicurienne, par le salut de l’âme chrétien, par le nirvana bouddhiste, par le positivisme rationaliste des Lumières, par l’impératif catégorique kantien, par le bonheur du plus grand nombre de l’utilitarisme, par la liberté existentialiste, et par tant d’autres, tous ces fondements de la morale se trouveraient unifiés (eh ! encore une utopie du Nouvel âge !, dira-t-on peut-être avec pertinence, par une « morale de l’Énergie ». Comment ? Je n’ai pas envie de répondre maintenant. Passons à autre chose. L’envi me prend d’écrire un dialogue. Bien que j’ai toujours rêver d’en écrire un, je me suis toujours retenu grâce à quelques excuses : « trop jeune », « mes idées changent trop rapidement », etc. Mais aujourd’hui peu m’importe ! Pour une fois que je n’écris pas pour l’art mais pour moi-même, sans considérations pour le jugement de la postérité. Car ne l’oublions pas : l’intellectuel est à genoux devant cette postérité qu’il craint plus que tout. Créons donc !
(oh…je ne puis point écrire, mon doigt est trop douloureux ; sous la peau le sang s’est épaissit, et sous mon âme est revenue la pernicieuse morosité…je m’efface donc, affamé de cette liberté qui ne veut point de moi… 17 :00. Un sourire se point dans mon horizon ; le rire que j’eus il y a quelques minutes leva un voile que je néglige depuis quelques jours : même cette langueur mérite notre attention, même la douleur nécessite non seulement notre soumission mais notre consentement. Consentir à sa douleur, c’est poser les mains en plein cœur de la toile gluante et obstruée qui nous enveloppe de ses fils délicats mais abondants. Car la douleur est délicate, tout comme la joie ; ces états ne sont pas fait pour durer lorsque aucune circonstance particulière, tel l’amour, la mort, la gloire, etc., n’affecte l’individu. La langueur est cependant moins pénible à supporter que la douleur. Alors que celle-ci est vive et éphémère, celle-la s'étale dans le temps et empoisonne subrepticement chaque rayon qui jadis nous éclairait et nous réchauffait. L’une est un orage bruyant, puissant, remplie de foudre et causant la frayeur ; l’autre est un crachin subtil, laissant l’âme sans arrêt humide plutôt que trempée une bonne fois pour toute. Parfois un soleil illusoire et passager vient traverser le ciel, tout de suite couvert par de gris nuages. Mais méritent-t-ils le nom de nuages ces ombres moribondes, ces taches cendreuses dont l’encre s’étend sur le ciel comme le coulis des égouts se répand dans la mer ? Je ne chercherai pourtant pas à vaincre ma langueur. Elle ne me submergera pas non plus. Si seulement je parvenais à me sublimer pour voir « tout ceci » de haut et de loin, comme je le fis si souvent ! Oh, que je ne vous entende pas dire que ceci est lâcheté ! Priverez-vous l’intellectuel de sa seule jouissance intense, l’observation ? Mais ma foi dans l’intellectualité faiblit. Je n’y trouve plus les débordements indispensables pour irriguer ma vitalité ; ma terre est sèche, mon cœur a besoin d’aventures. Les autres m’irritent ! Peut-être m’irritent-ils uniquement par ce qu’ils sont « autres », mais ceci importe peu. Leur vin est fade, et trois gorgées suffisent pour me rassasier. Oh, ils sont bien gentils, les autres ; ils aèrent mon espace intellectuel sans doute trop étouffant (du moins est-ce l’avis de tous !), ils me permettent de professer comme un pédant des recommandations et des leçons primordiales que je m’efforce de rendre communes ou quelconques pour ne pas heurter leur précieuse sensibilité. Mais me voilà à vociférer comme Nietzsche. Arrêtons cette péroraison. Hum…non, terminons par le portrait de l’être idéal. Je ne me cache pas que cet être est à mon image ou qu’il représente mes plus hautes aspirations du moment. Mais conservez le jugement de narcissisme pour vous ; nous agissons tous de la même façon à chaque instant que nous sommes confrontés à l’Autre. Le penseur (que nous opposerons maintenant à l’intellectuel) se démarque seulement parce qu’il ose avouer cette volonté. Il sera intéressant, d’ici quelques années, d’observer les changements survenus dans ce portrait. Cet homme ou cette femme (ah certes, il serait préférable de faire deux portraits distincts, mais laissez-moi rêver un peu…) n’aurait point d’attache plus élevé que sa propre personne. Il ne sacrifierait jamais son bonheur et sa liberté (négative) durablement à quoi ou à qui que ce soit. Limitant ses liens avec le « monde extérieur », le temps ne serait jamais une denrée rare pour lui ; jamais on ne lui trouverait à répétition ces mots dans la bouche : « Je n’ai jamais de temps pour moi ! ». Au contraire, son temps sera toujours pour lui, et dans toutes ses activités, même les plus banales, il reconnaîtra la valeur intrinsèque de chaque moment. Il n’abandonnera jamais de puiser dans ceux-ci, qu’ils soient fertiles ou arides, car il sait que la vérité, l’art et le bonheur sont si exigeants et si furtifs qu’il ne suffit pas de seulement les apprécier lorsqu’ils passent. Il creuse, inlassablement, et il trouve. Ses trouvailles l’amènent à de nouvelles recherches, et ses fruits qui décourageraient les autres au contraire l’enflamment et le fascinent. Ses investigations secouent son royaume et ébranlent ses murs ; des fissures ainsi créées naissent de nouvelles réponses, de nouveaux matériaux pour affermir l’âme. Son âme est toutefois heureuse de badiner ; et bien qu’elle rejette une légèreté amorphe, banale et commune, elle croit aux rires plutôt qu’aux pleurs, à la comédie plutôt qu’à la tragédie. Elle n’est pas pesante ni assourdissante ni hautaine ni exclusive ni mesquine. Elle aime parfois jouer, car elle dédaigne l’esprit sérieux, véritable fléau de plusieurs intellectuels. Son étendue et sa diversité lui permettent de porter différents masques, toujours consciemment et jamais avec malice. Elle s’implique ardemment dans chacun de ses rôles, car elle sait que cette existence est une pièce de théâtre où notre salut réside dans notre habilité à jouer avec brio les rôles que nous nous donnons. Elle consent sans maugréer à ceux, légers et passagers, qui lui sont imposés, tant qu’ils ne nécessitent qu’une partie négligeable de son temps et de son attention, sans pour autant « croire » en la légitimité de ces sacrifices. De ceux-ci elle apprend la valeur de la liberté. Il est enclin au pardon, et sait que la méfiance qu’on laisse paraître gêne l’Autre dans le déploiement de son individualité ; ainsi, l’Autre est vu a priori comme un ami, comme un être pouvant nous apporter quelques ressources. Il ne fonde pas ses espoirs sur la « fin » d’une relation, mais sur le « comment », ce qui lui permet d’en savourer les étapes tout en évitant la désagréable et ridicule désillusion engendrée par un idéalisme trop élevé. Au mieux, il voit dans l’autre une page blanche où tout est à écrire, et où tout nouveau caractère est une trouvaille précieuse, plutôt que d’exiger de l’autre (inconsciemment) qu’il se conforme à une liste exigeante et souveraine. Malgré tout, il est conscient que peu de gens sont aptes à remplir de longues pages pertinentes, et il suit en ce sens son instinct qui lui dicte quand doit se terminer la « rédaction ». Il n’est assez sot pour croire qu’il faut « écouter tout le monde » parce que « tout le monde à quelque chose à dire » ; car s’il ne répugne pas particulièrement à « écouter tout le monde », il préfère choisir. Il doit choisir. Car n’est-ce pas dans le choix que nous faisons des autres que se manifestent notre liberté et la fermeté de notre personnalité ? Il ne méprise personne, car il se sait lui-même objet d’un mépris inépuisable. Mais il se permet de juger. Il ne musèle pas ses idées par peur ou par un « scrupule démocratique » ; il les exprime, et même à outrance, tout en gardant à l’esprit qu’il se trompe, que demain il pourrait dire tout autre chose. Il sera toujours reconnaissant d’être détrompé honnêtement et légitimement, malgré la légère douleur que cette atteinte à sa fierté comporte. Il appréciera la franchise, et non le « laissez-aller », car selon lui seul Dieu pourrait se permettre une franchise dévastatrice. Il répugne à passer sous silence les débordements et les excès des autres lorsque ceux-ci comportent un danger pour leur liberté, leur autonomie ou leur évolution. Mais il ne moralise point, il suggère, avec délicatesse et subtilité, comme une voix chuchotant à la conscience. Il se sait ignorant, et c’est pour cette raison qu’il aide les autres à vaincre leur ignorance. Habile général, jamais il ne les confronte à lui-même en bataille rangée ; il préfère s’infiltrer dans leur pensée pour leur souffler ce qu’il croit être le plus judicieux pour eux. Il encouragera les autres à agir de la sorte avec lui, car il ne croit pas à la force virulente et bruyante, mais à celle qui agit en douceur et en profondeur. En d’autres mots, il n’arrache pas un acquiescement ou un consentement par la force et la vigueur de son esprit, ou par sa verve ou par l’étalage de sa propre histoire ; il amène l’autre à observer les enjeux et il dévoile, sans ce ton pédant qui pourrait le faire détester et mépriser, les avantages et les inconvénients de tel ou tel choix. Bien sûr, il a une idée à lui sur ce que l’autre devrait choisir, et c’est dans sa direction qu’il tente de l’amener. Est-il malhonnête, manipulateur ? Non. C’est ça, pour lui, ouvrir les perspectives et multiplier les voies navigables pour l’autre : quel sot pourrait croire qu’il est vilain de tracer sur une carte une nouvelle possibilité ? Il sait que lorsqu’il n’agit pas dans son propre intérêt, lorsque son seul désir est la libération et l’éclosion de l’autre, il n’a aucune raison de douter. Certes ! il juge auparavant des capacités du sujet, des dangers de certaines voies, et il surtout il ne tente pas de faire d’un pissenlit une rose…
Pensées d'une Aube Argentée Il me semble que l’objet principal de l’homme effrayé soit de fuir. Il ne faut pas s’étonner qu’il soit si prompt à confondre sa fuite et son libre-arbitre. Que lui arriverait-il s’il lui advenait d’être confronté longuement à la vacuité de sa vie ? Supporterait-il la vue de ses illusions mises à nu ? Quel rire, quel chagrin éclaterait devant les lambeaux de ses vains espoirs ? Oh non ! Il lui faut se réfugier, sans arrêt, dans une course régulière et monotone ; il lui faut la « certitude » d’avancer, d’avoir un but tangible, pour brouiller son regard, pour qu’il ne voie plus sous ses pieds les détritus et la sécheresse pierreuse de la Réalité. Cours toujours, cher aveugle, on te voit aller. Tu ne te dérobes pas aux yeux pointilleux et inquisiteurs de tes pairs ! Si tu es libre, si ton choix est plus qu’un songe rassurant, pourquoi ce dégoût de regarder ailleurs, pourquoi cette peur obsessive de te remettre en question, toi et ton refuge ? Ah ! Tu nous méprises, tu nous ignores ? Et ensuite te voilà compatissant et fraternel ? D’où tires-tu ta superbe, dit-moi ? De quelle hauteur te vient ta morgue ? Ta tour plate d’or et d’argent, ta sécurité douceâtre, ta niche sociale ? Dit-le, pour nous éviter ce chemin dans lequel tu crois progresser. Eh non ! Nous ne suivrons pas tes traces ternes, […] Définitivement, Cioran est difficile à imiter. Il est pourtant le plus « tentant »… comment ne pas s’exalter à la seule pensée de déconstruire le monde en quelques phrases cinglantes ? Jamais les mots n’ont eu plus de pouvoir que venant du cynique ! Mais cette alliance de prose et de sarcasme demande un grand art. Art ou sagesse ? Je ne sais… Mes pensées se confondent l’une et l’autre, ces jours-ci. Les refuges sont froids. Seule ma bonne littérature m’ouvre encore sa porte… Mais confions-nous sans ménagement. L’insécurité pathologique de mes parents coule dans mes veines. Je ne puis m’en défaire. Il suffit de quelques concours de circonstances pour brouiller ma « tranquillité » et ma foi en moi-même. Hier encore, je transcrivais Marc Aurèle, et notamment cette pensée : Ces juges que tu crains tant, regarde quels juges ils sont pour eux-mêmes. Et encore celle-ci : Ceux qui croient t’honorer en te flattant ou t’abaisser en te méprisant, quelle prétention ! Quelle prétention, oui ! Eh ! mais personne ne m’abaisse, personne ne m’honore ! Pourquoi donc mes craintes ? Je me souviens fort bien avoir dit à une « amie », il y a quelques jours : j’ai changé, je n’apprécie plus les flatteries comme auparavant ; ma confiance en moi-même est faite, solide et durable. …et qu’est-ce que je quête présentement ? La reconnaissance, l’intérêt des autres pour moi. Des « autres » ? De n’importe quels autres ? Ah non, et voilà le problème, peut-être : je ne me satisfais plus de la reconnaissance de n’importe qui ; je veux celle de ceux que je reconnais moi-même amplement. Mais ceux-ci résistent ! Pourtant, je n’ai aucune idée de ce qu’il pense à mon sujet ! Je me fie à leur « intérêt » pour moi, à leur « besoin » de moi. Et quel résultat ? Bien maigre, ces semaines-ci… Pourtant, il y a maintes dames qui tournent en orbite autour de mon âme. Mais aucune ne parvient à percer ma muraille. Pourquoi ? Ces dames sont très intéressantes ! Oui, mais leur reconnaissance, leur intérêt me sont conquis ! J’admets ce fait avec une infinie tristesse : je suis un conquérant. Non des cœurs, des corps ou même des esprits. Mais de la reconnaissance, de l’approbation, de l’assentiment. Sans doute que si toutes ces dames me reconnaissaient tout en prenant un grand intérêt pour moi, tout tomberait, ou plutôt, je ressentirai un soulagement pervers et lâche, car la seule raison de ce mécanisme est mon insécurité. Chaque personne que je rencontre m’est a priori un danger, quelqu’un que je dois convaincre de ma valeur. Voilà sans doute l’une des causes de ma galanterie, de mon attention, etc. Peur de décevoir, désir de charmer. Néanmoins, ces personnes ne sont pas seulement des « pâturages » ou j’envoie mon insécurité paître. Ils m’enrichissent, m’apprennent, me font frémir, etc. Mais comme toile de fond il y a cette bataille incessante de la reconnaissance. Hegel l’a dit aussi !!! Si Hegel l’a dit, je suis justifié d’agir ainsi ! C’est à ce moment que mes amis les Stoïciens entrent en scène. Me convaincre de ma valeur, spirituelle, physique, artistique, etc., m’est échu. Donner aux autres ce pouvoir est ridicule et faible. Trop lâche pour décider moi-même de ce que je suis, de ce que je vaux, je cèderais aux jugements des autres ? Mes contemporains sont-ils donc des Dieux et des Déesses, pour que je me tourmente de leur attitude envers moi ? Non ! Playing this game is dangerous : les règles de ce jeu sont arbitraires, changeantes et précaires. Le Stoïcien eût raison de jouer le jeu seulement « à demi », sans s’y jeter complètement. Ce ne fut pas couardise, mais clairvoyance. Il évita de dilapider son énergie, ses pensées et son temps dans ce cirque infécond, n’hésitant pas à affronter les bêtes à l’occasion, pour se mesurer avec les Autres. Je n’ai pas parlé de Maya encore. À elle seule elle fut un élément déclencheur de mes tourments récents. Plusieurs différentes raisons. D’abord, elle refuse de me revoir, et ce n’est pas par « manque d’intérêt », du moins je crois. Au début, je fus flatté de représenter un « danger » pour elle et son Tzar. Mais aujourd’hui je regrette infiniment d’être un danger, car l’ « amie » Maya m’importe plus que la « passion » Maya (en suis-je si certain ?). Certes, son amour avec le Tzar, si beau, si exquis, si plein de projets d’avenir, etc., m’irrite un peu, créant une jalousie. Pour lui ? Non, pour eux. Nous y reviendrons tantôt, car là gît une autre cause majeure de ma mélancolie. Ensuite, je vois Maya prendre un autre chemin que le mien (bah ! nous ne fûmes jamais sur le même chemin), et nos intérêts diverger. Ses refuges ne sont pas les miens. Je les envie et les méprise à la fois. Mais c’est que Maya représente la « Femme » pour moi, avant j’aurais dit idéale : sensibilité, générosité, art, passion, audace, créativité, beauté, etc., et que cette « Femme », je le réalise, ne me convient pas, ne me convient plus, ne m’a jamais convenu. Où réside ma peur, alors ? Que toutes les femmes soient plus ou moins ainsi, sans la philosophie, l’analyse, la pensée, l’observation objective, le raisonnement épuré d’émotions, etc. Oui, voilà ma grande crainte, peut-être : ne jamais trouver une « philosophe » inspirant la passion. Hum, bien sûr, cet être hybride que j’attends, est une utopie, et je ne suivrai pas les traces de mes aïeux en dénonçant les divers aspects de la femme. Je l’aime bien trop pour cela. Quoi ? des préjugés, dites-vous ? Je le souhaite intensément… Bon, puisque ma thérapie est si bien partie, continuons et achevons. Mon dialogue me manque…(ahhh…tant mieux, car si quelque chose me manque, c’est qu’il y a des choses précieuses !) Un des points qui contribua à ma torpeur des derniers jours (des dernières semaines ? je ne sais plus : le temps défile, comme un radeau à la dérive, sur le rivage désertique de mes questionnements…) est la vision continue du « bonheur » des autres. Amour, passion, projets, etc. Ou devrais-je dire : enthousiasme, illusion, rêves, etc.? Qu’importe, it’s all the same. Or, ce n’est pas l’objet de leur bonheur qui m’affecte le plus, mais bien leur « état » de bonheur, que ce soit par l’objet passion, délire, amour, etc. Je ne parviens plus à créer cet état. Parfois, je m’en sens indigne, car pourquoi eux, et pas moi ? Alors s’offrent deux alternatives : mon œil se fait jaloux et mes paroles hypocrites, ou bien je me replis sur moi-même, recroquevillé dans mon unicité, dans ma marginalité, le rire toujours à l’affût, prêt à éclater comme un roulement de tonnerre, comme un orage sardonique aux gouttelettes larges comme des pierres ! …mais n’est-ce pas là un autre refuge ? Le refuge du Diable ? Car le Diable est cynique, à n’en pas douter. Dieu, lui, est stoïque. Il n’y a que les anges qui soient honnêtes dans leur passion, dans leur idéalisme, dans leur puérilité… Dois-je choisir ? Jouhandeau me conseillerait d’adopter toutes ces parcelles divines. Et voilà encore une autre question, un autre rivage peuplé de barbares civilisés, qu’il me faut soudoyer, manipuler, tempérer, et leur faire accepter le drapeau et la légitimité de ma raison, cette conquérante parfois lasse. Lasse, voilà le mot. Passons à autre chose, je me perds, comme toujours. Voyons voir si les Muses me seront favorables. Ce matin dans mon lit, j’étais presque enthousiasmé par une idée de poème : Poème du Solitaire. Cliché. Oui. Mais ce titre n’aura au moins pas une prétention, comme tant d’autres, que le poème lui-même ne pourrait soutenir…Je tenterai de me réapproprier mon « ancien » style, beaucoup décontracté, beaucoup plus fluide…
Sous une aube piteuse apparaît mon soleil : Pas mal. Un peu fade. Le dernier vers est médiocre, mais j’aime la rime. Peut-être aurais-je du continué sur le thème de la moisissure ? L’effet aurait été redoublé. Mais c’aurait été au prix du symbole. Merci, Muses. Maintenant je vais aller lire. L’insurgé de J….je ne sais plus. Intéressant. Son style est sans prétention (donc sans morale !), ce qui est fort rare en littérature ! Et ce style de séparation en petits paragraphes me plaît. Kundera s’en serait-il inspiré ? Et moi, si j’écris un jour, de quoi m’inspirerai-je ? Des romantiques touffus ou des modernes « tout nus » ? (2 heures plus tard) Vraiment, Valès est impressionnant. Un peu plus d’ordre et un peu moins de « termes communs » feraient de lui un des grands ferrailleurs de son siècle. Mais, ce qui le rend si original condamne son œuvre à la mortalité ; sa verve spontanée et honnête, ses portraits délicieux de contemporains, ne sont pas immortels ! Suggérant plus les principes que les énonçant, se refusant de moraliser tout en dénonçant l’injustice, son œuvre transcende peu le temps ; seule sa rébellion féroce, lucide et touchante est un « modèle ». Et tout un ! Ne sent-on pas nos propres entrailles se tordre de bonheur, nos yeux s’aiguiser, nos lèvres se retrousser et nos crocs poindre ? Surtout, ce que j’en retire est ceci : même le dénuement n’étouffe pas la vie. Même les contrariétés les plus extrêmes ne sont pas fatales. Dans sa solitude, Valès force l’admiration. Comment oser me plaindre que quelque petite bourgeoise s’intéresse peu à moi ? Comment ?! J’ai deux points d’observation pour mon existence : celui de l’objectivité sociale, et celui de la subjectivité intellectuelle. La première me dénonce, pleinement. Elle me pointe du doigt avec dédain, la bouche pleine de reproches, donc concernant le travail est le plus menaçant. Certes, le fait que tous les gens autour de moi aient un emploi cet été m’isole. Isolé, n’en vient-on pas à se demander : et si j’avais tort, et eux raison ? Eh ! Après tout, un travail terrait l’angoisse qu’une trop forte de liberté procure ; un travail m’assurerait « d’avancer », car lorsqu’on est jeune, l’argent et l’expérience, même si nous n’en avons pas besoin, sont toujours utiles, croit-on, pour plupart… D’un autre côté, ma subjectivité me défend. Mais pourquoi ? N’est-ce pas pour me justifier, pour se justifier seulement ? L’année dernière, je n’ai presque pas travaillé, préférant lire. Or, ai-je vraiment « préféré » lire, ou n’est-ce que ma peur de chercher un emploi qui m’a retenu ? Oui, vous le voyez, me voilà sur un carrefour bien glissant : soit que je continue cette justification, plus noble, qui me permettra un jour de dire : à 21 ans, j’ai choisi de m’éduquer plutôt que d’être absorbé par le système ! Mais…c’est vrai en partie…ah ah ah…non, aucune explication n’est jamais tout à fait juste. Si on m’assurait un emploi au Loblaws du coin, accepterai-je ? Non. Mais je n’irai tout de même pas demander. Vous voyez ? Oui, j’irais, si j’en avais vraiment besoin ; car acculé au pied du mûr, que ne fait-on pas ? La situation ne me force nullement à cet acte. Mon mode de vie quasi-monastique se satisfait des bourses et prêts du gouvernement, véritable vache à laid pour moi, qui cependant se mettra à beugler dès la fin de mes études ! Mais ceci ne m’effraie pas, contrairement à un nombre considérable de mes collègues, qui semblent presque prêts à accepter la prostitution pour ne pas avoir de dette d’étude ! Ce qui m’agace, c’est la nécessité de « faire quelque chose » dont je puisse être fier, pour dire à tous : regardez ! comme vous, je n’ai pas perdu mon été !…je me souviens d’André Moraux qui dit quelque part qu’il faille extirper cette idée que l’on doit absolument gagner notre liberté par le travail et l’effort, que l’on ne mérite de jouir qu’après de gros efforts déplaisants, souvent par le travail. C’est dans ces instants que je sens peser sur moi le poids de la société et de ses mœurs. Même retiré dans ma caverne, son œil m’épie, inlassablement, et elle se moque du petit poing que je brandis. Ma liberté est ailleurs que dans la disposition de mon temps : elle est dans la disposition de mes valeurs. Comme disait Nietzsche, quel bonheur que de chasser soi-même ses vertus ! Quel courage ! Celles déjà toutes constituées offrent maints avantages : ne pas subir la critique sociale, être encadré, supporté, reconnu, ne pas se tourmenter, et, enfin, ne pas trop penser. Oui, je sais tout cela. Et même, je préfère un chemin d’erreurs que celui-là. Toutefois, briser mes chaînes ne se fera pas seulement en penser ! Je devrai cesser de frémir devant … moi-même ! Devrai-je m’éloigner des autres, des miens, pour y arriver ? je le ferai, car je me sens déjà bien assez loin présentement ! Loin de tout ! loin surtout de ce que je pourrais être…de ce que je devrais être ! 22 : 00 Apologie de la solitude : Mes larmes se feront d’acier, cimentant mes bases jadis précaires ; coulées dans le silence, fortifiées par l’obscurité, elles traceront le nouveau rempart de ma nouvelle destinée ! De ma citadelle j’entendrai le sage ; lui seul j’écouterai : De la mer apprend la patience ; comme elle tu conquérra les rives sablonneuses de l’ignorance, comme elle tu déverseras ta vertu et ton vice, ton abondance et ton âpreté ! Du ciel apprend le rêve, la contemplation et la plénitude. Ne la partage pas avec les sots, avec ceux qui n’y voient qu’un bleu aussi vide que leur esprit ! Vois dans ses profonds replis la majesté universelle, l’infini à la portée de ton regard, le pouvoir au bout de ta volonté. De la terre apprend l’humilité, la tempérance et la fermeté. Vois-y la Déesse ta mère ; abaisse-toi devant elle, tu en seras plus fort, plus vrai. Retourne toujours à la terre ; tu n’as d’autre demeure. Fait-en ta nourrice, protège-la, tire d’elle ta vigueur et résistance ! De la ville apprend la méfiance. Sa clameur est ton adversaire, ses rues bétonnées tes bourreaux, ses promeneurs ton ennui. N’y cherche pas la paix, mais la guerre ; affûte pour elle et contre elle une solitude acharnée. De la solitude apprend l’extase. Extase d’instants qui n’appartiennent qu’à toi ; extase du rêve et du songe, purs de la bêtise et de l’insanité des autres ; extase de l’Art qui chante pour toi ; extase de la liberté, du déChaînement, du foisonnement, de l’éruption de ton âme ! De la haine apprend l’amour. Non des hommes, mais de la passion, de la rage, de la force : vois dans chaque haine une raison de vivre. Respecte ta haine, flatte-la, contrôle-la, dirige-la ; soit ton maître et le sien. De l’amour apprend le rire et la folie. Rit plus fort que jamais de ce déluge émotif, de cette exubérance naïve ! Que ses pointes te pénètrent profondément ; sens-en la douleur, et ensuite extirpe-les avec hardiesse. Abreuve-toi du sang de tes blessures, réclame celui de l’autre, offre-lui le tient. S’il n’en veut point, recrache-lui à la figure ! En souriant. De la débauche apprend à dépasser tes frontières. Si la chair n’est rien, le dépassement est tout. Dépasse-toi par la chair ; laisse les aiguillons de la jouissance t’ouvrir toutes les portes ; si les griffes des succubes, les yeux de méduses, sont le prix à payer pour pénétrer plus-avant dans ton enfer, paie-le ! De la lecture apprend la vie. Aucun bon livre n’est vain ; la plupart des « bonnes » personnes le sont. Puise-y tes idées, édifie ton royaume, lève tes armées, et ensuite rejoint les hommes. Non pour les combattre, ils ne le peuvent pas ; enseigne-leur l’art de la guerre, car pour toute arme la plupart n’ont que le fade récit de leur existence. De la femme apprend la tolérance intellectuelle et la frénésie. N’agis pas comme elle ; elle est naturelle, tu es « construction ». Épanche ton cœur et aime-la ; que ses vagues vaporeuses te bercent et t’aspergent de cette simplicité qui te dépasse.
Pensées d'un Zénith doré
Hum…fantastique ! ma réclusion « forcée » me devient douce, presque affectueuse…une dissonance se produit à toutes les fois que je pense « aux autres », car je suis indifférent (ô danger !) à leur attention. Imaginer le téléphone résonner provoque même un léger dégoût, un délicieux dégoût…En moi j’ai trouvé cette liberté. Dans mon lit, hier, une voix me cria : Tu justifies ta solitude, enfant ! Je lui ai répondu : Oh non, c’est elle qui me justifie ! Laisse-moi, voix « des autres », me sublimer dans ma solitude, la magnifier comme il se doit, comme elle le mérite ! Mes babines son frétillantes à penser à tout ce que je pourrais créer…hier j’ai franchi une barrière, celle de la « pudeur de l’écrivain ». M’importe peu la gloire, la valeur profonde de ce que j’écris ; j’écris, simplement, et je m’ouvre des portes, j’édifie ma solitude et mon autonomie ! Ô monde ! Tu m’as refusé ; à mon tour de te dédaigner ! Sonne seulement à ma porte, et tu entendras le gong du réfractaire carillonner jusqu’au plus profond de ta facticité ! 1 :30 En transcrivant mes citations, je tombe sur celle-ci : « […] La conversion existentielle ne supprime pas mes instincts, mes désirs, mes projets, mes passions : elle prévient seulement toute possibilité d’échec en refusant de poser comme des absolus les fins vers lesquelles se jette ma transcendance […] » -DE BEAUVOIR- Un Stoïcien aurait pu écrire ainsi ! L’existentialisme est un nouveau Stoïcisme. Et les critiques qu’il adresse à ce dernier ne sont qu’une preuve de plus. Effectivement, bien que Simone accuse le Stoïcisme de « vider la liberté de tout contenu », comment l’emplit-elle ? Elle remplit le vase de la liberté du mouvement même de remplir le vase ?! Prendre la liberté comme « fin », qu’est-ce donc ? Et ce : « elle prévient seulement toute possibilité d’échec », parle négativement de la liberté, comme le feraient les Stoïciens. Vraiment, la seule différence entre ces-derniers et les existentialistes résident en cette nuance : les uns se prémunissent de l’échec possible face au but, à l’objet, en s’en détachant et en s’en remettant à leur libre-volonté toujours pure ; les autres se prémunissent de cet échec en s’attachant uniquement à « l’élan vers le but et l’objet ». Mais au fond, c’est se « prémunir » qui importe chez les deux, quoi qu’en disent certains. L’existentialiste à ceci de plus que le Stoïcien qu’il ne craint pas l’échec de l’atteinte du but lui-même, mais le dégoût et le vide provoqué par l’atteinte du but. Bon, je continus mes citations. Jamais je ne me serais cru aussi bavard ! ah ah ah…c’est ce qui arrive lorsque personne n’est là pour m’écouter, ou plutôt : qu’on m’entende sans me saisir. Fatalité du solitaire. Fatalité qui élève vers les sommets et englouti au plus profond de la vase. … Terminé !… continuons ce poème…
Sous une aube piteuse apparaît mon soleil :
« Eh ! qu’attends-tu de moi, grand bâtard indolent ? Hum ! je retrouve mon énergie ! je fracasse de nouveau ! Mes mots exubérants se heurtent au mur salutaire de la strophe alexandrine, et hurle avec leurs tripes, libérant ainsi l’énergie voulue…les libérer totalement ? leur écho se perdrait dans le vague. Non, les vers barbares n’impressionneront jamais que par leur déhanchement ; que choisissez-vous ? Un homme des cavernes se déchaînant avec sa massue, débitant arbitrairement les mots d’un dandy ou ceux d’un prophète fou ? ou bien un civilisé enserrant dans un coffret précieux des vers pouvant être récités dans la chambre nuptiale des Dieux et des démons, des vers transcendant le temps par leur FORCE et leur ART ? Que choisissez-vous ? 15 : 20 Marin vient de m’appeler ; je n’aurai pas l’emploi de « journaliste » cet été. Merde. Je m’en doutais. Me voilà face à ma liberté les 3 prochains mois ; la voilà, cette hautaine, cette tyranne ! Je lui ferai face, je ne céderai pas ; j’écrirai, sans arrêt… Mon premier roman. Ne riez pas. Les jeux sont faits. Voyons ce que mes labeurs lecturiants m’ont donné, voyons mes ressources, voyons mon courage, voyons ma foi ! Point d’échappatoire, cette fois-ci. Que la honte m’emporte si je n’ose franchir les 100 premières pages de ce roman cet été ! (Oui, je cherche un autre refuge. Au moins est-il temporaire, au moins m’ouvrira-t-il d’autres portes, fermées jusque là par ma pusillanimité, par ma pudeur juvénile) Ce premier roman ? Ah ! une idée germe en moi depuis plusieurs mois, peut-être plusieurs années. Elle est parfaite pour un gamin idéaliste comme moi qui en est à ses premières armes ! Je joindrai le fantastique et la pensée. Un roman fantastico-philosophique. Ou plutôt fantastico-moraliste. Car je l’admets sans rougir : je ne suis point philosophe, mais moraliste. Je vole moins haut, mais je suis plus efficace… D’où vient cette idée ? De ce que j’ai toujours ressenti une insatisfaction à la lecture des romans fantastiques qui effleuraient seulement les thèmes moraux sans y pénétrer ; de ce que la morale est parfois trop sèche, du moins pour la majorité. Pour moi, elle est toujours savoureuse. Le thème ? sans doute l’aventure d’un jeune homme aux prises avec diverses quêtes et personnages. Mais ses « quêtes » seront autre que des dragons à tuer ; ce seront plutôt des questions existentielles à résoudre ! Point d’énigme cependant ; je n’offre aucune vérité, mais seulement des pistes. Mes dragons ne seront point seulement méchants ou cupides ou arrogants ; ils auront la mentalité des tyrans, la persuasion des forts. Mes elfes ne seront pas seulement danseurs, mystérieux et calmes ; ils auront l’attitude spirituelle et artistique, détaché et bohème, écologiste même. Bref, mon propos est de créer un univers fantastique plus réel que la réalité, en ce sens que les traits de pinceaux formeront des caractères plus vrais, plus absolus. Le nain, dans le fantastique est bourru, têtu, conservateur, bougonneur, manuel, matérialiste. N’est-ce pas le caractère de maints gens ? Le gnome est maladroit, curieux, inventeur, perfectionniste, scientifique. N’est-ce pas le caractère de maints scientifiques ? Et ainsi de suite… Certes, ce ne sera pas un grand œuvre. Je préfère cependant casser la glace dès maintenant, car s’il est effectivement difficile de pondre une œuvre un peu longue à 21 ans, la première œuvre, à 21 ou à 40 ans, sera la plupart du temps négligeable. Apprendre à manier les dialogues, les temps de verbe, les portraits, et surtout rendre le tout fluide et cohérent, voilà mon défi ! De plus, je n’aurai pas besoin d’une grande documentation, ce qui me permettra d’avancer sans cette phrase obsédante : tu travailles en vain, ne dilapide pas tes efforts ainsi, lis donc et ensuite… Non. Il s’agit surtout, pour moi, de vérifier ma résistance, de me prouver que je puis continuer une entreprise sans toujours me lasser et recommencer. Et puis, avec ce projet, ai-je besoin des autres ? Go away, fading sun, let my spirit brights my hearth, from the inside… 19:00 Miam ! Ce Jules Valès est tout à fait déroutant ! Que veut-il ? Que pense-t-il ? Il y a comme un relent d’idéalisme dans cet esprit lucide et cynique, une flamme enthousiasme qu’étouffent sans arrêt les neiges de la réalité. Je vais maintenant poursuivre ma nouvelle… 22 : 00 Chocolat chaud ! hop ! et voilà… Ma vie s’écoule comme l’arôme d’un chocolat chaud ; veloutée… Les démons d’avant-hier sont morts, semble-t-il. Ma touchante fureur aussi. Et je souris. Comment me suis-je donc libéré ? Je l’ignore…il n’y eut aucun grand événement, pourtant ! Aucune rencontre, aucune jasette, aucune magie. Oh si, magie il y eût : magie de la solitude, magie d’être avec soi entièrement, sans échappatoire. C’est un peu comme si on m’avait enfermé dans moi-même en me disant : Reste-y jusqu’au moment où tu t’aimerais de nouveau. Avait-on prévu que je tomberais tant en amour ? ah ah ah…tant en amour, que je ne veux plus en sortir, que j’en sortirai presque du reculons… Puis-je pour autant poursuivre mes « maximes », et mon poème ? Eh eh, oh que si ! Car si l’artiste apprécie l’impression présente, il se délecte de celles passés ; du haut de son art il sublime ces moments ; son regard les perce à jour, les enchaîne dans un tableau, un poème, une musique…comme un vampire il en extrait le jus, le laisse couler dans ses veines, pour enfin le faire jaillir dans son cœur, dans son âme, au moment de la création ! Acte sublime, accompli dans la solitude…(en parlant d’acte accompli dans la solitude…hum hum ! je n’ai pas besoin des autres, mais tout de même !) Poursuivons ce poème…
Sous une aube piteuse apparaît mon soleil :
« Eh ! qu’attends-tu de moi, grand bâtard indolent ?
Mais l’astre, mollement, poursuit son ascension,
« Cesse de t’agiter…cesse de réfléchir… (eh eh eh…décidément, ce poème me plaît. La haine fait écrire bien mieux que l’amour. Parfois j’ai honte d’y puiser ainsi à outrance. Symptôme de jeunesse, sans doute. 4 strophes…pourquoi ne pas dépasser les 8, pour une fois ? mais…zut, ma tante revient sans doute demain, et je n’aurai plus l’ordinateur aussi aisément. Dommage. Je fais anti-classique, avec mon amour du clavier et mon antipathie de la plume ! Symptôme de la modernité, sans doute. Mais qu’importe…j’écris si mal, que même les Muses me pardonneraient ! Ici, tout coule à flot, et mes doigts peuvent supporter l’ascension de ma pensée ! ceci fait de la jolie prose, parfois…Pour la poésie, peu importe !) Allons…Valès m’appelle…la Commune se poursuit ! …l’Insurgé, cependant, et paradoxalement, nous inspire autant de révolte que d’abandon de nos idées de révolte. Sa lucidité incisive dénude les plus grands ; tous se mêlent dans ce bal humain ; je comprends pourquoi Valès ne fut pas populaire avec son livre ; beaucoup on sans doute ressenti un grand malaise en le lisant…il semble que seule la postérité puisse apprécier certaines œuvres… Wahouuuu ! Minuit sabatique commence, avec le Comte de noir obscur à CISM ! ahhhhhh ! jouissance gothique, quand tu me tiens ! Poursuivons mes maximes. Et ordonnons un peu. J’ai envi d’être mordant. (oh, un choix s’impose : serai-je plus moraliste ou plus en prose ?) Maximes du solitaire De la nuit apprend le silence, le mystère et le vice. Rends louange à Lune qui t’offre sa magie, rend louange aux ombres qui te secouent et te jettent hors de ta molle sécurité, de tes arrogantes certitudes. La nuit, soit autre, soit la bête, soit le mal ; nul besoin de blesser, car le mal qui éclot et que tu conserves en toi, combien plus fort, combien plus grandiose est-il que celui des criminels ! Soit le bandit des pensées et l’insurgé des pénombres ! D’un travail déplaisant apprend le sacrifice. Apprends la révolte et le prix de la liberté. Surtout, refuse l’engourdissement et le mesquin contentement ; au contraire, vois tout le temps perdu à marcher au pas du troupeau, sens le subtil poison du gain facile pénétrer tes chairs. Tu as une clochette au cou, comme le bétail, ne l’oublie pas. De la pluie apprend l’éphémère et le relatif. L’orage passe comme la passion ; l’eau déversée semence la terre et s’évapore le lendemain. Elle s’accomplit ainsi. Tes passions doivent s’accomplir de la même façon : ne t’attache pas au sol, aux objets, aux gens sur lesquelles tu te déverses. Attache-toi au mouvement seulement, et tu ne heurteras jamais le sol en vain, en pleurs. De la masse apprend le sourire. Qu’il te dissimule, toujours. Cache-y ton dégoût, ta haine, ta fureur ; sculpte-toi un masque de fer et de chair. Seuls tes yeux répandront du fiel sur leur monde piteux et factice ; entretint-y les éclairs qui déchiquetteront les cordes soyeuses de leur assurance, de leur ignorance. Attire-les par ton sourire pour mieux les foudroyer par ton regard !
Pensées sous une Lune exaltée 13 : 00 Infâmes nouvelles ! La Presse vient assombrir ma journée, déjà, bien que monte en moi la sève de la satire… Oh, mais je n’y suis pas. C’est de course automobile qu’il s’agit, présentement. Pourquoi ne pas river mon œil sur ce « sport », qui remplace déjà le hockey dans nos cœurs ? Pourquoi ce recul ? « Viens battre des mains, vient entendre cracher les moteurs ; joins-toi à la fête ! » Non. Plutôt la pétanque. Quoi ? Ces bolides, produits de l’orgueil scientiste humain, seraient les derniers veaux d’or ? L’assourdissant ronronnement de ces bestioles d’acier, de ces buveurs de pétrole, de ces cracheurs de vapeurs immondes, devraient m’enflammer ? Argumentez un peu plus, bon sang ! Serait-ce notre profond attachement pour le petit Jacquot ? cet arrogant millionnaire, ce poltron complaisant, ce fanfaron pincé ? Ou l’enthousiasme d’un peuple de jeux et de pain qui, trop faible, trop amorphe, trop canaille pour se célébrer lui-même, saute comme un pou enragé sur « l’idole » ? Eh ! Quelle idole ! Ils se font honneur tous les deux ! Ô peuple, quand apprendras-tu à choisir ? Allez ! Tournez en rond, bestioles de fer ! Tournez encore ! Que savez-vous faire d’autres ? Quel modèle, quelle inspiration pour la jeunesse ! Quelle valorisation ! Et vroum vroum, allons ! Gloire à l’automobile, gloire au tourniquet burlesque ! Au cirque, à la course ! Un sport, ça ? Une imposture ! Riche, glorieux, superficiel, mécanique, inaccessible, pollueur, bruyant ; la bêtise du loisir humain a-t-elle jamais atteint ce bas-fond ? Mon enfant, ferme la télévision. Sors à l’extérieur, prend ce bâton, ce gant, cette balle, cette rondelle, ce ballon, ce vélo, et fait honneur à ton corps, à la nature, au Sport ! Combien plus grande sera ta performance, à l’abri des milliers de caméra, à l’abri du champagne dégoulinant qu’échangent ces vaines idoles, à l’ombre des spotlights éclairant leur facticité ! La différence entre toi et le petit Jacquot ? Tu es un sportif, et lui un cabotin, digne seulement de ceux qui se pâment devant lui. 15 : 00 Allons lire…la lecture me manque, et cet écran blanc, après tout, agace à la fin… 20 : 00
... Nah ! Incapable de poursuivre ce poème. Navrant…quelle suite lui donner ? Quel sens, surtout ? Mi-romantique, mi-moraliste…hum, voilà bien le chemin de ma vie… Ouf, quelle prophétie désarmante et fatale… Parlant morale… Composons quelques maximes... sur la sociabilité. [...] Ça suffit. Quelle impiété de mettre ainsi mes pensées en vitrine. Et puis ce ton ! seuls ceux possédant une grande connaissance du monde oseraient prendre cette allure de pédagogue. Or, qu’importe ! Personne ne lira les pensées des derniers jours. Je les ai écrit pour moi, comme si je les écrivais pour d’autres. C’est devenu un réflexe, semble-t-il… Et puis, je découvre que c’est en écrivant que l’on devient écrivain. Je sens ma plume incertaine, hésitante, maladroite, juvénile. Mais quel effort faut-il pour le reconnaître, à 21 ans ! Les progrès fait depuis 2 ans m’apparaissent, mais confusément. Que dois-je faire pour poursuivre mon évolution ? Écrire, je crois. Être critiqué, également. Ma chère tante me fut d’un grand secours, mais il y a un certain niveau (littéraire) où les guides se font rarissimes. Eh ! la littérature n’est-elle pas le meilleur guide ? Si, mais je devrai faire attention, et appliquer ce que je lis, jusqu’à ce que mon propre encre émerge de lui-même, comme un volcan qui réunissait ses fluides avant d’éclater en un spectacle grandiose et unique. Unique, voilà bien le mot. Baudelaire, mon « maître » en poésie, souligne l’importance de ce cheminement. Baudelaire…c’est un peu de sa faute, si je suis mi-romantique. C’est qu’il me marqua d’un sceau indélébile : le vers classique. Avec Hugo, Vigny, Rimbaud et de rares autres, il est le seul qui fit le pont, selon moi, entre une passion prenant toutes les couleurs et toutes les libertés, et une forme scrupuleuse, soignée et respectée. Mon amour pour l’alexandrin commença auparavant, certes, mais il solidifia mes convictions. Aujourd’hui, à 21 ans seulement, mon destin poétique semble tracé. Ai-je tort ? Suis-je conservateur ? L’avenir est peut-être aux vers libres ? Oh, peu importe, je ne dévêtirai pas Polymnie de sa robe ; combien peu désirable serait-elle toute nue, les cheveux en broussaille ! Ma Polymnie à moi est soignée, et son ordre apparent ne l’empêche pas de foudres saisissantes, d’élans redoublés par l’impression que son air majestueux, « alexandrien », fait sur le lecteur. Qu’apportera le prochain siècle ? Plus de désordre ? Ce retour à la barbarie sera-t-il bénéfique, à long terme ? À terre, l’idole Breton ! À terre, temple surréaliste ! Au rang, poètes sauvages ! Hum. Bientôt dodo, car demain vroum vroum dans Mourial pour aller chercher ma tante. Suis-je guéri de ma mélancolie ? Ces 4 jours de solitude, d’encasernement, ils sont déjà flous…pourtant, j’ai l’intime impression d’avoir vécu un monde à part entière, d’avoir recréer un univers, et de m’y être rasséréné l’âme. Étrange : un nouveau « moi » est-il né ? Sera-t-il balayé par le Borée de l’ancien moi ? Vous savez, les vents sont parfois puissants et épuisants lorsqu’on décide de « jouer le jeu » de la société. Mais qu’est-ce qui équivaut à MA puissance ? Stoïciens, existentialistes, nietzschéens, anarchistes ; moralistes de toute sorte, partisans de l’être et non du paraître, accompagnez-moi ! Franchissons ensemble les monts glacés et sinueux du prochain siècle ; plantons nos pics dans la chair de la montagne, pour que son sang réchauffe ses flancs endormis, pour qu’un paysage humain et régénéré revive sous nos yeux ! Escaladons. Il n’y a pas de chute possible pour l’authenticité. Nos mains seraient-elles gelées que notre volonté et notre foi resteront purs ! Volonté de comprendre et d’évoluer. Foi en nous-mêmes et en nos dieux.
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