Page 9 à 12, début du roman.
-Le poste au véhicule 26.
-Le 26 à l'écoute!
-Rendez-vous au 1536 rue Berger pour du trouble, possibilité de violence conjugale.
-10-04! répondit Christian Gibson par radio-émetteur.
Laurence Martin ouvrit les gyrophares et fit demi-tour: ils n'étaient qu'à quelques rues de l'adresse mentionnée. Christian, son partenaire, se pencha pour lire les détails de l'appel sur l'ordinateur de la voiture de police.
-Plainte de voisins pour dispute conjugale. Coups portés au plancher, cris incessants et aucune réponse lorsque les voisins frappent à la porte. Les occupants sont un couple dans la trentaine, avec trois enfants de moins de dix ans, disputes de plus en plus fréquentes ces derniers temps.
Laurence soupira: ce type d'intervention était toujours délicat pour la police, surtout si la femme avait été violentée.
-Pouvez-vous faire des recherches afin de savoir si nous sommes déjà intervenus à cette adresse et qui sont les occupants?
La réponse du répartiteur vint rapidement: la police n'avait jamais été mandée à cette adresse et les occupants ne possédaient aucun dossier judiciaire.
-Je déteste avoir des appels de ce genre. Surtout en plein milieu d'un bel après-midi! souffla Christian entre ses dents. C'est tellement idiot! Pourquoi deux adultes ne sont-ils pas capables de régler leurs différends sans avoir recours à la police? Veux-tu savoir la vérité? Ça m'écoeure!
-Si tu veux mon avis, Christian, le voici: tu n'aimes pas grand-chose, ni dans la vie en général, ni dans ton métier.
Christian jeta un bref coup d'oeil à sa partenaire de patrouille qui stationnait la voiture devant un immeuble à logements plutôt luxueux pour ce quartier pauvre dans lequel ils travaillaient. Que pouvait-il lui dire? Il avait ses passions mais elle ne les connaissait pas. Personne ne pouvait se vanter de les connaître, d'ailleurs.
Dehors, près de l'entrée principale, se trouvaient six personnes qui observaient attentivement les deux policiers. Laurence, avec une politesse et une courtoisie qui lui était bien particulières, demanda si quelqu'un pouvait lui expliquer ce qui se passait.
Une très grosse femme fit un pas en avant, un sac de croustilles entre les mains, ne regarda que Laurence. Concierge, elle connaissait bien les occupants de ce loyer. Elle présenta le couple problématique comme des gens polis, serviables, vraiment très bien. Entre deux poignées de croustilles, l'imposante dame les informa que monsieur travaillait dans l'informatique et que l'épouse demeurait à la maison avec les "p'tits".
-Aujourd'hui, ils se disputent assez fort pour que vous jugiez nécessaire d'appeler la police?
Christian, sec et tranchant comme une lame de couteau, s'attira le regard foudroyant de la concierge. Elle ne répondit qu'après avoir digéré son humiliation et s'être tournée vers Laurence.
-Depuis environs six mois, ils se disputent régulièrement mais aujourd'hui, c'était l'enfer! Il se passe quelque chose de pas normal. Il y avait des cris d'animaux! Et ils n'en ont pas, vous comprenez...
-Pourquoi en parlez-vous au passé?
-Les cris ont arrêté presque tout de suite après mon appel au 911. Personne n'est sorti de l'appartement, j'ai bien surveillé, par ma fenêtre, mais il n'y a pas de réponse lorsque nous frappons à leur porte. Ce n'est pas banal.
-Où sont les enfants? demanda Laurence.
-Je ne les ais pas vus aujourd'hui. Ils sont sans doute à l'école. Des bons petits diables, ces trois-là.
-Allons voir ça, soupira le policier sans enthousiasme.
"Vous croyez vraiment qu'ils allaient vous répondre après une scène pareille? Ils se sont engueulés et ils ont honte. Ce n'est pas évident?" songea Christian.
La concierge et d'autres locataires curieux se massèrent dans le corridor de l'immeuble. La grosse femme désigna une porte et Christian frappa très fort.
-Ouvrez, c'est la police! cria-t-il à plusieurs reprises.
Après de vaines tentatives, les partenaires de patrouille se regardèrent quelques secondes, droit dans les yeux. Christian comprit que son intuitive partenaire avait des doutes. Laurence se trompait rarement.
-Avez-vous la clé de l'appartement? demanda Laurence.
La femme sortit la clé de sa poche, comme si elle n'avait attendu que cela, la tendit.
Laurence pria tout ces gens, par respect pour cette famille, de rentrez chez-eux. C'était une affaire privée, ces gens n'apprécieraient pas leur présence devant leur porte. Laurence assura qu'elle irait porter la clé à la concierge aussitôt que ce serait terminé.
-Merci de votre collaboration à tous.
Tout le monde battit en retraite. Christian songea que la diplomatie était vraiment une belle qualité de sa partenaire. Lui-même, il se faisait penser à un éléphant dans une boutique de porcelaine. Pas très délicat...
L'arme au poing, Christian déverrouilla la porte. Elle s'ouvrit sur un appartement propre, silencieux et visiblement désert.
-Monsieur? Madame? Si vous êtes ici, répondez-nous. C'est la police. Monsieur, madame?
-Ils ne sont quand même pas sortis par la fenêtre! souffla Christian en préparant son revolver et ses nerfs à toute réaction soudaine et violente des occupants des lieux.
Ils avancèrent prudemment, firent le tour du salon et de la cuisine sans rien noter d'anormal. Il y avait quelques livres et quelques jouets qui traînaient dans le salon mais tout le reste était d'une propreté maniaque. L'appartement d'un couple rangé, avec de beaux enfants et une situation confortable.
Christian avança le premier vers le petit corridor qui menait aux chambres. Ce qu'il vit le glaça d'effroi. Et à voir son grand, fort et invulnérable partenaire blêmir et perdre l'équilibre devant elle, Laurence devina que sa découverte devait être affreuse.
-Mon Dieu, murmura-t-elle en discernant le massacre. Mon Dieu...
À suivre...
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Deuxième extrait d'À la croisée des chemins
À la croisée des chemins
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