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Nouvelles du Petit Paradis en Equateur

La vie quotidienne dans le nord des Andes équatoriennes

 

Chronique

Frères ennemis ?

Depuis le 1er mars 2008, date de la mort de Raul Reyes au cours de l'attaque par l'armée colombienne d'un campement des Farc en Equateur, des flots de paroles et d'encre ont coulé des deux côtés de la frontière, ainsi que des accusations sans fondement, des dénégations de faits avérés, des arguments spécieux destinés à créer la confusion, des mensonges et des insultes, dont les principaux protagonistes - Rafael Correa et Alvaro Uribe - représentant pourtant l'autorité suprême des deux pays impliqués, devraient avoir honte, si un tel sentiment pouvait habiter ce type de politiciens typiquement latino-américain - modèle caudillo -, dans l'idée qu'eux seuls détiennent la vérité, qu'ils tentent d'imposer à des peuples trop prompts à leur accorder une confiance illimitée.

Malgré l'indignation que m'a causée cette situation, opposant deux peuples et deux terres adoptives pour lesquels j'éprouve la plus grande affection, j'ai différé une prise de position dans l'attente qu'Interpol se prononce sur l'authenticité des documents contenus dans les disques durs des ordinateurs retrouvés dans les décombres du campement des Farc.

Ma plus grande tristesse a été de voir que des personnes - universitaires, journalistes, chroniqueurs, leaders d'opinion, hommes (et femmes) politiques, etc. - qui m'avaient paru impartiales et raisonnables jusque-là, se sont laissé emporter par le nationalisme aveugle ambiant au point de perdre le sens de la réalité et d'invoquer n'importe quel argument pour manifester leur solidarité avec les positions de leurs gouvernements respectifs.

Vivant en Equateur, j'ai eu plus d'éléments pour alimenter mes positions critiques sur le côté équatorien que sur le colombien, ce qui pourrait donner l'impression que je suis partial. En réalité, je pense que les deux côtés sont également responsables et montrent la même obstination à ne pas trouver de solution à ce conflit, ce qui inciterait à supposer que cette impasse convient aux deux présidents et à leur entourage.

Le temps de réflexion que je me suis imposé a cependant eu l'avantage de m'aider à trouver la sérénité nécessaire pour tenter de démêler les tenants et les aboutissants d'un conflit complexe.

A l'épreuve des bombes ?

Une des premières objections de nombreux commentateurs équatoriens aux révélations colombiennes sur la pénétration des Farc en Équateur, tirées des disques durs de Reyes, a été la question de savoir comment des ordinateurs portables pouvaient résister à l'impact des bombes qui ont détruit le campement.

Plutôt que de chercher des réponses rationnelles à cette question, le gouvernement équatorien et ses partisans, permanents ou occasionnels, ont choisi d'affirmer que toutes ces informations étaient un montage des autorités colombiennes pour discréditer l'Equateur devant l'opinion internationale et trouver une justification à une attaque - laquelle m'est apparue à moi aussi -, injustifiable, au moins en principe.

Or, il existe des éléments de réponse rationnels qui n'ont pas été fournis, puisque les résultats de l'enquête, des deux côtés, ne sont pas connus du public.

D'abord, il s'agissait probablement de bombes à souffle qui tuent les être humains, mais ne causent pas de dégâts matériels importants, contrairement aux bombes incendiaires, par exemple. Si les ordinateurs étaient rangés dans un endroit sûr et protégé - ce qui paraît être une précaution indispensable dans un environnement chaud et humide tel que la jungle, vu l'importance stratégique de ces appareils - et qu'une bombe ne soit pas tombée à cet endroit précis, on peut concevoir qu'ils aient résisté à l'effet de souffle mieux que des êtres humains. Les photos des restes du camp montrent que d'autres objets, tels que des générateurs ou une antenne satellite, sont presque intacts.

Ensuite, il existe dans le commerce des ordinateurs portables conçus pour supporter des conditions extrêmes. On peut raisonnablement supposer que les Farc, qui disposent de ressources financières illimitées, se sont procuré ce type d'ordinateur.

Enfin, on voit mal comment Alvaro Uribe aurait pris le risque de faire connaître à l'opinion publique internationale des documents forgés par ses services secrets ou ceux des États-Unis, ce qui aurait eu pour effet de le discréditer définitivement lorsque la fraude aurait été prouvée. L'empressement mis par les autorités colombiennes à confier à Interpol l'analyse des disques durs démontrait à l'envi que leurs contenus n'avaient pas été modifiés.

Dans un deuxième temps, Rafael Correa lui-même, et d'autres, ont émis des doutes sur le fait que les ordinateurs aient été vraiment trouvés dans le campement, alors que figurent sur les disques durs des photos de personnes identifiées dont on sait qu'elles se sont rendues sur place pour l'anniversaire de Raul Reyes. Troisième tactique de dénégation également présentée par Rafael Correa : comment peut-on accorder du crédit à des bavardages de guérilleros ? Un des guérilleros en question était pourtant le véritable numéro un des Farc avec lequel un émissaire présidentiel équatorien a traité, mais aussi les représentants du président colombien Andres Pastrana lors des négociations dans la zone démilitarisée du Caguan. Cette objection est cependant utile pour établir une distinction entre un document authentique et un document véridique. J'y reviendrai.

Dernière objection, émise par la ministre des Affaires étrangères : comme les scellés n'ont pas été posés immédiatement après la saisie sur place, les pièces contenues dans les disques durs n'ont aucune valeur juridique. Il n'y a décidément pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, le but n'est pas nécessairement de traîner d'éventuels coupables devant la justice, il est d'établir la vérité des faits devant l'opinion publique nationale et internationale.

Le rapport d'Interpol

Si certains espéraient que les conclusions de ce rapport pouvaient mettre fin à la polémique entre les deux gouvernements, la levée de boucliers qu'a suscité sa publication en Équateur les aura vite ramenés à la réalité.

En laissant de côté les réactions inspirées par le chauvinisme et l'idéologie, j'ai moi aussi été surpris par certains aspects de la présentation du Secrétaire général d'Interpol, Ronald Noble, lesquels méritent une clarification :

  • Il m'aurait paru préférable que cette présentation ait lieu au siège d'Interpol à Lyon ou dans un autre pays d'Amérique latine non impliqué dans le conflit. Toutefois, les objets soumis à l'expertise d'Interpol appartiennent à l'Etat colombien, et cette expertise a été demandée par la police colombienne, Interpol n'a fait que respecter une règle diplomatique. D'autre part, Noble a indiqué qu'il avait proposé aux gouvernements du Venezuela et d'Équateur de se rendre dans les capitales de ces pays pour y présenter les conclusions du rapport, proposition ignorées par les intéressés.
  • La référence que Noble a faite à l'assassinat par les Farc du père d'Alvaro Uribe m'a paru hors de propos, même si cela a le mérite de rappeler les dimensions - quasiment bibliques - de la tragédie que vivent les Colombiens, d'en haut ou d'en bas, la mort de Reyes venant venger la mort du père.
  • J'ai également trouvé superflue son attaque contre les Farc, même si elle est pleinement justifiée. On ne peut cependant pas oublier que le rôle des polices nationales est de lutter contre les personnes et les groupes qui menacent la sécurité intérieure des états, et celui d'Interpol est de les aider dans cette tâche.

Cela justifie-t-il la disqualification de cet organisme et des conclusions du rapport, prononcée en Équateur, notamment par des spécialistes locaux en informatique, dont le niveau de compétence n'est pas précisé par les médias qui citent leurs opinions ? Noble a indiqué que les polices nationales avaient tendance à ne pas respecter les consignes recommandées par Interpol pour protéger l'intégrité du matériel informatique lorsque celui-ci fait l'objet d'une saisie, parce qu'il peut contenir des informations dont le traitement est urgent pour prévenir des attaques ou des attentats. Il est certain que les services de police colombiens n'ont pas respecté l'obligation de créer une image des disques durs et des clés USB et qu'ils ont accédé 48.000 fois aux fichiers de Reyes. Mais l'expérience de tout utilisateur lambda d'un ordinateur est que l'on peut accéder 100 ou 1000 fois à un fichier sans en modifier un seul bit, la seule chose qui change est le registre du système opératoire, dont il ignore le plus souvent le fonctionnement.

Je trouve également que l'éternel refrain de certains milieux mettant en cause l'indépendance et l'objectivité de nombreux organismes internationaux, dont Interpol, du fait de l'influence indue qui y exercerait le gouvernement Bush, relève de la propagande et n'est en général étayé par aucune preuve. En ce qui me concerne, je pense que, dans le cas qui nous intéresse, les experts d'Interpol n'ont aucunement favorisé les positions du gouvernement colombien, ils s'en sont tenu à des considérations techniques, ils ont utilisé une méthodologie adéquate et en conséquence, les deux conclusions principales que l'on peut en tirer sont des faits incontestables :

  1. Les ordinateurs, disques durs et clés USB sont bien ceux de Raul Reyes.
  2. Les fichiers informatiques qu'ils contenaient sont authentiques et aucun n'a été créé, modifié ou supprimé après la date de la saisie, le 1er mars 2008.

Si vous n'êtes pas convaincu, allez donc sur le site d'Interpol, vous y trouverez le texte complet en anglais de la version pour le public, ainsi qu'un résumé en francais.

Un secret de Polichinelle

Cela fait onze ans que je vis à proximité de la région frontalière entre la Colombie et l'Équateur et j'ai passé cinq ans dans une municipalité colombienne faisant partie de la zone d'influence des deux principaux groupes rebelles colombiens, l'ELN et les Farc (cf. Un jour dans la vie de Mathieu L.).

Il ne m'a pas fallu longtemps pour découvrir que les Farc utilisaient le territoire équatorien comme zone de repos, de soins et de ravitaillement en aliments, en fournitures diverses, en équipements militaires, en armes et munitions et en produits chimiques pour le raffinage de la cocaïne, parce que tout le monde, des deux côtés, autorités comprises, le sait.

Pour comprendre ce paradoxe, il faut préciser que l'acception habituelle du terme frontière ne convient pas pour cette région. On dit volontiers en Équateur que la frontière est "poreuse", il me paraît plus juste de la décrire comme perméable, ou mieux "osmotique". L'environnement, le peuplement, la culture sont pratiquement identiques, malgré les différences de réglementations étatiques. Même l'appartenance nationale est floue, du fait des lacunes de l'état-civil. Les échanges de tous types, et particulièrement commerciaux, sont intenses. Pendant plusieurs années, jusqu'à la dollarisation, bien qu'étant résidents colombiens, nous avions un véhicule acheté et immatriculé en Équateur, de manière tout à fait légale, pour profiter de la différence de change entre le sucre et le peso.

La frontière ne se matérialise vraiment, avec la présence de douaniers et de policiers, qu'en quelques points. Pour le reste, il y a des centaines de passages dits clandestins, mais qui sont parfaitement connus par les habitants des deux côtés. A part lorsqu'elle est constituée par un cours d'eau, cette frontière est invisible, d'autant plus qu'elle se situe dans la jungle sur sa plus grande longueur. La contrebande a toujours été présente depuis la séparation du département du Sud - le futur Équateur - de la grande Colombie en 1830 et les Farc n'ont fait que reprendre une vieille tradition.

Il est non moins clair que cette présence des Farc en Équateur offre un intérêt économique évident pour la population locale : elles ont des besoins importants et diversifiés et elles paient un bon prix pour les fournitures déjà mentionnées et pour les travailleurs qu'elles occupent dans la construction et l'entretien des campements ou la récolte des feuilles de coca. D'autre part, elles ont eu l'intelligence de ne pas se comporter en Équateur comme en Colombie, en pratiquant le recrutement forcé de civils et en terrorisant les habitants. Toutefois, leur présence a amené, comme en Colombie, celle d'autres intervenants plus violents, tels que les paramilitaires et les trafiquants de drogue et d'armes. En conséquence, la criminalité liée à ces différents trafics, et aux règlements de comptes qu'ils engendrent, a considérablement augmenté dans les zones frontalières, principalement dans les départements de Putumayo et de Nariño et les provinces d'Esmeraldas et Sucumbios, les transformant en zones de non droit du fait de la présence sporadique de l'État, aussi bien du côté colombien qu'équatorien.

Complices ?

Le reproche de complicité avec les Farc formulé par le gouvernement colombien à l'encontre de celui de l'Équateur, est-il justifié ? Le président Correa a avoué dans un entretien publié par El Pais qu'il ne savait pas qui était Raul Reyes. Cela me paraît révélateur de l'ahurissante ignorance de son administration sur la situation intérieure colombienne et sur l'emprise maléfique que la présence et les actions de ce groupe de guérilla exercent sur la société colombienne depuis des décennies. Ignorance également attestée par sa proposition de leur accorder le statut de force belligérante, alors qu'elles ne répondent à aucune des stipulations exigées (cf. Nouvelles de la violence III : Colombie : Guerre de fin de siècle et Guerre civile ou incivile ?). Il a certes mis des conditions à cette reconnaissance, mais à quoi bon, si ce n'est pour agiter un chiffon rouge sous les naseaux du taureau Uribe ? Il faut rappeler, par exemple, que l'existence des paramilitaires en Colombie a pour origine les exactions commises par les Farc contre les propriétaires terriens et la population civile des régions comprises dans leurs zones d'influence. De même l'extraordinaire développement des cultures de coca et de la production de cocaïne a été grandement facilité par la protection que les Farc ont d'abord apportée aux narcotrafiquants, puis par leur implication directe dans le trafic.

Cette ignorance, qui s'étend aux milieux de la gauche équatorienne, ainsi qu'aux mouvements qui appuyent Rafael Correa, permet de comprendre, mais non de justifier, la vision idyllique des Farc qui a cours dans le pays : un groupe rebelle, aux idéaux bolivariens, luttant contre l'impérialisme états-unien et ses valets. Le soutien d'Acuerdo Pais aux Farc - qui ne dit pas son nom -, est en totale contradiction avec les principes et les valeurs qui sous-tendaient le projet politique de Correa et de son mouvement, Alianza Pais. Le gouvernement et ces milieux passent allègrement, de bonne ou mauvaise foi, par-dessus les innombrables violations contre les droits de l'homme et les crimes de lèse humanité qu'elles commettent et qui sont largement recensés et divulgués sur le plan international. Si la complicité existe bien dans le cas de certains groupements d'extrême gauche, qui n'ont toujours pas renoncé à la lutte armée - comme l'a démontré l'organisation d'un Congrès bolivarien latino-américain à Quito, peu avant l'attaque du campement - il serait plus juste de parler d'inconscience ou de légèreté en ce qui concerne le gouvernement, jusqu'à ce que le contraire soit prouvé...

Aux ordres ?

Le gouvernement colombien a également accusé son homologue équatorien d'avoir ordonné à l'armée équatorienne de ne pas intervenir contre le campement de Raul Reyes. Aucune preuve n'établit que cela ait été le cas, même s'il paraît invraisemblable que son existence ait pu être ignorée par les militaires, étant donné son importance et les nombreux mouvements de personnes qui se sont prolongés pendant des mois, incluant des visites organisées du campement par de malheureux "étudiants" mexicains qui ont perdu la vie dans cette aventure. Une survivante mexicaine du bombardement est sortie du pays sans avoir été inquiétée par la justice équatorienne, comme d'ailleurs deux guerrilleras colombiennes, qui ont reçu le statut de réfugiées politiques au Nicaragua, alors que leur témoignage - et non nécessairement leur inculpation - aurait pu être précieux pour en savoir plus sur le fonctionnement du campement et établir le déroulement des faits la nuit de l'attaque.

D'autres éléments permettent d'expliquer la passivité de l'armée équatorienne face aux évidentes violations de la souveraineté commises par les Farc. Ils ont filtrés dans les semaines qui ont suivi l'attaque : un équipement obsolète et insuffisant, ainsi qu'un manque de moyens matériels, pour exécuter une mission qui ne semble n'avoir jamais été définie avec suffisamment de clarté, du fait de l'indifférence ou la négligence de l'État-major, du ministère de la Défense, et en fin de compte du gouvernement, face à cette situation.

L'ensemble de ces conditions a eu pour conséquence un manque de motivation de l'encadrement et des troupes chargées de la surveillance de cette frontière. Il en va de même de la police et de la justice, responsables de la protection de la population locale et de la répression des crimes et délits. Tous ces services de l'État semblent peu enclins à affronter une guérilla bien armée, bien entraînée, connaissant admirablement le terrain, bénéficiant de la sympathie des habitants de la région et disposant de ressources financières lui permettant d'aplanir d'éventuelles difficultés bureaucratiques ou judiciaires avec les autorités.

Neutralité et posture anti-impérialiste

On ne peut comprendre ces contradictions qu'en se référant à certaines positions prises par Rafael Correa et son mouvement dès la campagne électorale de 2006, puis par son gouvernement après son élection : affirmation chatouilleuse de la souveraineté du pays, refus de prolonger la location de la base de Manta à l'armée de l'air américaine (venant à échéance en 2009), rejet catégorique du Plan Colombia et du Plan Patriote, jugés militaristes. Le gouvernement leur oppose le Plan Ecuador, dont l'objet est de favoriser le développement social et économique des provinces frontalières, qui n'a eu, jusqu'à ce jour, que des effets limités. En conséquence, l'Équateur a affirmé sa neutralité face au conflit interne colombien et rejeté toute internationalisation de ce conflit qu'impliquerait ipso facto sa participation directe à la lutte contre les groupes armés illégaux colombiens.

Toutefois, l'affirmation de cette neutralité est restée verbale et unilatérale. Or, toute nation qui déclare sa neutralité a l'obligation de la faire reconnaître par les autres nations concernées. Dans la situation qui nous intéresse, l'Équateur devait négocier avec la Colombie afin d'obtenir cette reconnaissance, et, en cas d'échec, se tourner vers l'Organisation des états américains ou l'Onu. D'autre part, le pays qui revendique sa neutralité dans un conflit a la responsabilité de la défendre, par les armes, si besoin est. Une leçon historique nous est offerte par l'exemple de la seconde guerre mondiale en Europe : des pays comme la Belgique, la Norvège et la Suisse ont déclaré leur neutralité par rapport au conflit entre les Alliés et les puissances de l'Axe. Seule, la Suisse avait obtenu la reconnaissance internationale de sa neutralité, dès le traité de Westphalie en 1648, confirmée par le Congrès de Vienne en 1815. Seule, elle avait fait un énorme effort de préparation militaire, bien avant la déclaration de guerre, pour défendre sa souveraineté selon la doctrine de la neutralité armée. Conséquence : la Belgique et la Norvège ont été rapidement envahies par la Wehrmacht et la Suisse a pu faire respecter sa neutralité jusqu'à la fin du conflit.

Il convient de préciser que le gouvernement de Rafael Correa a hérité cette situation ambiguë de ses prédécesseurs. Toutefois, le rapprochement avec Hugo Chavez, dès son arrivée au pouvoir, va accentuer l'hostilité de Correa contre l'impérialisme que manifesteraient les États-Unis et le gouvernement de Georges Bush, et notamment sa traduction stratégique, à laquelle adhèrerait Alvaro Uribe, que l'on appelle en Équateur la doctrine de l'enclume et du marteau : l'enclume, c'est la frontière de l'Équateur, défendue efficacement par l'armée de ce pays, sur laquelle viennent buter les Farc, poursuivies par le marteau de l'armée colombienne, et détruites par lui.

Pour Rafael Correa et son gouvernement, l'attaque du campement de Reyes et la violation de la souveraineté de l'Équateur est l'illustration claire d'une conséquence de cette doctrine - le droit de poursuite -, qu'il va contrer avec une énergie peu commune en obtenant la convocation de l'OEA et du Groupe de Rio, puis la condamnation ultérieure de cette violation et la présentation d'excuses par le président Uribe. Un succès important de la diplomatie équatorienne, même si Correa n'a rien obtenu de plus de ses homologues latino-américains que ce que ces derniers étaient prêt d'emblée à lui accorder : la réaffirmation du principe du respect absolu de la souveraineté de chaque état, sur son territoire, en toutes circonstances.

On peut donc faire l'hypothèse - impertinente - que ce qui semble être une absence de réaction des autorités équatoriennes aux violations répétées de la souveraineté du pays par les Farc constituerait une sorte de réponse, au moins implicite : la tolérance du gouvernement et la passivité de l'armée incarneraient leur refus d'intervenir dans le conflit interne colombien et son internationalisation. Avec le résultat que les Farc entrent en Équateur comme dans un moulin et qu'ipso facto, l'internationalisation du conflit est réalisée.

Cette position équatorienne n'est pas acceptée par le gouvernement colombien, qui estime que, en tant que gouvernement démocratiquement élu et soutenu par une large majorité de la population, il est en droit de recevoir l'assistance de ses voisins contre son pire ennemi, dont le projet est la prise du pouvoir par les armes. Le paradoxe est que la position indolente de l'Équateur représente une aide indirecte à la réalisation de ce projet, au détriment des autres forces de gauche existant en Colombie. Car, si la gauche y devenait majoritaire, et qu'un président de cette tendance était élu, il n'est pas certain que les Farc abandonneraient leur projet et s'y rallieraient .

Autres griefs équatoriens

Ils remontent à plusieurs années et concernent d'abord les effets de l'un des volets du Plan Colombia : la destruction des cultures de coca par aspersion aérienne. Du fait de l'absence de la police et de l'armée colombiennes dans la plus grande partie de la zone frontalière, les Farc ont incité les cultivateurs à planter de la coca, plus rémunératrice que les autres cultures. Dès qu'elles étaient découvertes, ces plantations étaient aspergées de produits défoliants. Mais, en raison du caractère incertain de la ligne de frontière et de la présence de vent, ces produits se répandaient du côté équatorien entraînant la destruction de cultures et des conséquences sanitaires pour les hommes et les bêtes. Malgré les réclamations présentées à de nombreuses reprises par le gouvernement équatorien visant à faire respecter une bande de dix kilomètres de largeur libre d'aspersions aériennes et à obtenir des compensations pour les dégâts causés, le gouvernement colombien a fait longtemps la sourde oreille, avant de suspendre ces opérations, sans jamais donner de suite aux demandes d'indemnisation. De ce fait, l'Équateur a présenté une plainte contre la Colombie devant la Cour internationale de justice de La Haye.

Le deuxième grief s'est exprimé par un constat provocateur : au nord, l'Équateur a une frontière commune avec les Farc et non avec la Colombie. En d'autres termes, l'armée et la police colombiennes ne sont pas capables de défendre leur frontière pour empêcher les Farc de se réfugier en Équateur. Le gouvernement colombien est donc malvenu de protester pour une situation dont il est responsable. Par contre, cette déficience oblige l'Équateur à maintenir sur place une importante force militaire dont le coût d'entretien pèse lourd dans le budget de défense.

Le troisième grief est lié à l'arrivée de nombreux Colombiens chassés de leurs lieux de résidence par les actions des différents groupes armés illégaux ou par l'affrontement de ces derniers avec les troupes régulières. Une partie d'entre eux a obtenu le statut de réfugié, mais le plus grand nombre n'a pas de statut légal de résident. La présence de plusieurs dizaines, si ce n'est centaines, de milliers d'immigrés pèsent sur le marché du travail, du logement, etc. Il reste à voir si une proportion importante de ces personnes ne vient pas en Équateur, simplement parce que, avec la dollarisation, le niveau des salaires y est plus élevé. Le gouvernement équatorien estime cependant que son homologue colombien ne prend pas en compte l'importance des efforts qu'il a entrepris pour faire face aux différentes conséquences qu'entraîne le Plan Colombia.

Enfin, ce qui a pesé le plus lourd dans la décision de l'Équateur de rompre ses relations diplomatiques avec la Colombie est certainement le sentiment de Rafael Correa d'avoir été trahi par son collègue dans l'affaire du campement de Reyes. Il estime avoir été mis devant un fait accompli alors que les excellentes relations qui existaient alors auraient dû conduire Alvaro Uribe et son gouvernement à l'informer et à chercher avec lui et les forces armées équatoriennes une solution concertée à ce problème, au lieu de violer de manière injustifiée et brutale la souveraineté de l'Équateur. L'indignation du président a certainement été accrue par la manière maladroite - l'expression est faible - avec laquelle les ministres de la Défense et des Affaires étrangères colombiens ont géré la communication sur l'incident. En outre, les premières révélations mettant en cause le président et le gouvernement équatoriens ont été rendues publiques par un simple général de police, sans concertation préalable avec les autorités équatoriennes.

Ce manque de respect et de considération envers le gouvernement d'une nation amie explique amplement la perte de confiance de Rafael Correa envers Alvaro Uribe, qui s'est exprimée avec une clarté aveuglante dans la fameuse poignée de main entre les deux hommes lors de la réunion du groupe de Rio à Saint-Domingue, qui figurera encore longtemps dans les archives diplomatiques.

Si les précédents griefs me paraissent justifiés, les deux qui suivent le sont moins ou pas du tout. Il s'agit tout d'abord d'une affirmation du gouvernement équatorien dont il est difficile de vérifier, en l'absence d'informations crédibles, la véracité : la mort de Reyes aurait interrompu un processus de négociation pour la libération des otages, et en particulier celle d'Ingrid Betancourt. Rafael Correa s'est effectivement proposé à plusieurs reprises, et il continue à le faire, comme honnête courtier auprès des Farc pour faciliter cette libération, sans jamais avoir été chargé par le gouvernement colombien d'une telle mission, qui semble avoir été suggérée par Hugo Chavez, après l'échec de sa propre intervention. Dans ces conditions, le gouvernement colombien serait fondé à considérer que cette médiation non sollicitée constitue une intromission dans les affaires intérieures du pays. Alors que le même Correa a revendiqué la neutralité de l'Équateur face au conflit interne colombien et rejeté toute internationalisation de celui-ci, cette position est pour le moins contradictoire et semble procéder du désir de démontrer que si le gouvernement équatorien entretient des relations avec les Farc, celles-ci se limitent à un aspect humanitaire. Il reste à voir si le dépouillement complet des fichiers informatiques de Reyes va pouvoir jeter un peu de lumière sur l'existence et les conditions de cette hypothétique entremise.

Enfin, Rafael Correa et son gouvernement protestent avec véhémence contre ce qu'ils considèrent être une "campagne médiatique" entreprise par le gouvernement Uribe auprès des médias internationaux pour discréditer l'Équateur. C'est accorder au président colombien un pouvoir dont il ne dispose certainemement pas. On voit mal de grands titres de la presse états-unienne et européenne se laisser manipuler par un gouvernement étranger à une telle fin. Ils ont des correspondants sur place et ont accès à des sources d'information privilégiées. Ce serait aussi prêter à ce conflit colombo-équatorien une importance qu'il n'a pas aux yeux de l'opinion publique internationale. Si la grande presse s'intéresse à cette situation, c'est qu'elle présente pour ses lecteurs des ingrédients captivants, qui évoquent les films d'aventure et d'action, avec un parfum de mystère guérillero-politico-policier. Comme on dit, la réalité, nanana... En vérité, ce qui importe au gouvernement états-unien est le conflit qui oppose la Colombie au Venezuela, lequel sort du cadre de cette chronique.

Bien que Rafael Correa affirme que le rapport de l'Interpol ne l'empêche pas de dormir, son gouvernement tente de contenir les dégâts collatéraux de cette affaire, ce qui l'a conduit à s'impliquer directement dans une contre-attaque mobilisant le président et plusieurs de ses ministres - y compris une tournée en Europe -, alors que les ambassadeurs équatoriens auprès des grands pays de la planète auraient pu se charger de ce travail, pour autant que le service extérieur dispose de personnel compétent - ce que j'ignore - et qu'ils aient pu appuyer leur démonstration sur des dossiers convainquants - ce qui n'est évidemment pas le cas -. Dans ce contexte agité, le ministère de la Défense a publié des résumés de documents déclassifiés, deux compte-rendus de réunion du Cosena (Consejo de Seguridad Nacional). Ces documents visent à démontrer que Rafael Correa n'a manifesté aucune tolérance à l'égard des Farc. Mais, en apliquant les critères du gouvernement à l'égard des fichiers informatiques des Farc, rien ne prouve que ces compte-rendus soient authentiques et véridiques. D'autre part, en laissant de côté les accusations téméraires du gouvernement colombien, les soupcons légitimes qu'un observateur de bonne foi peut entretenir, ne concernent pas tant le président que certains membres de son gouvernement, de son entourage et du mouvement Acuerdo Pais, sur le comportement desquels aucun éclaircissement n'a été fourni.

L'impression qui se répand en Équateur est que le gouvernement consacre énormément d'énergie et de ressources humaines et matérielles à un incident somme toute secondaire, quand le pays est confronté à plusieurs autres défis autrement plus importants pour la population : séquelles des inondations, sous-emploi, inflation, stagnation économique, nouvelles structures et institutions étatiques...

Une stratégie de dénégation à tout crin

Tout ce qui précède montre amplement que chacune des deux parties a, l'une à l'égard de l'autre, à la fois de légitimes revendications et de réels manquements. Il est difficile d'affirmer qu'il y a d'un côté une victime, et de l'autre un agresseur, comme le fait Rafael Correa et son gouvernement, même s'il y a un déséquilibre manifeste dans le rapport de forces entre les deux pays.

Mais ce qui précède n'explique pas pourquoi le gouvernement équatorien a choisi d'adopter une stratégie de dénégation acharnée devant l'évidence de la pénétration territoriale et idéologique des Farc en Équateur, attitude qui rappelle celle des délinquants invétérés qui nient leur culpabilité même s'ils ont été pris la main dans le sac. Malgré les demandes insistantes de représentants de la société civile, des médias et de membres de ce qu'il reste de l'opposition, le président, le gouvernement, la majorité de l'Assemblée constituante se sont obstinément refusés à enquêter sur la véracité des faits présentés dans les documents tirés de l'ordinateur de Reyes et la nature des liens que les personnes impliquées entretenaient avec un groupe armé illégal, et donc une éventuelle culpabilité. Plus grave, les demandeurs de clarification, notamment les journalistes de la presse écrite et télévisuelle, ont été qualifiés de "chiens d'Uribe" par le vice-président de l'Assemblée constituante ou de traîtres à la patrie par le président lui-même et d'autres fonctionnaires de son gouvernement. L'un d'eux fait même l'objet d'une dénonciation aux instances judiciaires.

Or, à propos de la distinction entre sources authentiques et sources véridiques que j'ai évoquée ci-dessus, il serait du plus grand intérêt pour les deux parties de déterminer dans quelle mesure les informations contenues dans les ordinateurs de Reyes reflètent une perception orientée ou erronée des Farc ou au contraire se réfèrent à des faits avérés.

Comment ne pas conclure que ce refus de clarification révèle une volonté de cacher la vérité à l'opinion publique dans une période cruciale pour la réalisation des projets gouvernementaux ? Même au prix de la perte de la crédibilité internationale du pays. Une des conséquences malheureuses de la gestion de cet incident et de l'escalade entre les deux pays est la radicalisation du régime équatorien et le rapprochement qui semble s'amorcer avec les nations de l'axe bolivarien, le Venezuela, la Bolivie, Cuba et le Nicaragua.

Correa-Uribe, kifkif bourricot

J'ai déjà utilisé cette expression populaire dans une note de lecture à propos d'un autre couple de politiciens (Correa et Nebot), car une des raisons de cette attitude incompréhensible à première vue pourrait bien aussi se trouver dans une très mauvaise relation entre Rafael Correa et Alvaro Uribe. Une chroniqueuse de El Comercio (Ivonne Guzman, le 30 avril 2008 ) s'est amusée à démontrer que Correa et Uribe, loin d'être différents, sont identiques. Je partage volontiers cette hypothèse et reprends ci-dessous les éléments de sa démonstration intitulée "Las siete semejanzas" (Les sept ressemblances) :

  1. Les deux sont des populistes impétueux et fiers.
  2. Ils sont tous les deux catholiques à mourir et ne manquent pas une messe.
  3. Correa préférerait qu'on lui dise qu'il ressemble à son homologue mexicain (Felipe Calderon), comme Uribe.
  4. Les deux sont convaincus que leur projet politique est l'unique option du pays et qu'ils sont donc indispensables.
  5. Les deux sont associés, à tort ou à raison, à des groupes indésirables (Uribe aux paramilitaires, Correa aux Farc).
  6. Les deux professent le don d'ubiquité, sont hyperactifs, infatigables, bénéficient de l'effet téflon (rien de ce qu'ils disent ou de ce qu'ils font n'atteint leur niveau de popularité).
  7. Les deux ont sacrifié leur famille au pouvoir.

J'ajouterai des similitudes de caractère : colériques, emportés, irascibles, ne supportant pas la contradiction, ce qui les amènent à être injustes et blessants. S'ils étaient un animal, je pencherai pour le pitbull. Je les vois comme des bluffeurs, des joueurs de poker - plutôt que d'échecs -, qui ne perdent jamais de vue la défaite de l'adversaire pour rafler toute la mise.

Si, en apparence, l'idéologie les oppose, au-delà des discours, Uribe est moins à droite que ne le pense Correa. Et, bien que je ne sache pas ce que pense Uribe de Correa, ce dernier est certainement moins à gauche qu'il ne le proclame. Ils sont en fin de compte aussi conservateurs l'un que l'autre. Sur ce plan-là, un terrain d'entente entre les deux hommes pourrait être plus facile à trouver qu'il ne le paraît, mais nous n'en sommes pas là.

La tactique de Correa vis-à-vis d'Uribe est semblable à celle qu'il a utilisée envers ses adversaires "partidocratiques" locaux : l'attaque directe en appuyant là où ça fait mal, les insultes à répétition, la tentative de tirer le tapis sous ses pieds pour le faire trébucher, tout en recherchant l'approbation du public par un discours sur les principes et la morale qu'il pense incarner. Mais, cet adversaire-là est beaucoup plus redoutable, il est égal par le talent, d'où le pat qui s'éternise en ce moment, mais peut-être supérieur par l'expérience. Nous verrons bien.

Mon hypothèse, en conclusion : ils sont incapables de ne pas voir en l'autre un double monstrueux, un homme à abattre.

Est-il acceptable qu'une inimitié personnelle entre les dirigeants vienne compromettre des relations fraternelles, historiques, entre ces deux peuples ? Non, bien sûr. Mais dans les deux cas, rien ni personne ne semble capable d'empêcher la prolongation de ce conflit inutile. Surtout si le parrain de Correa, Hugo Chavez, ne manque pas de jeter de l'huile sur le feu dans les coulisses.

SORTIR DE L'IMPASSE ?

De toute évidence, la solution rationnelle et raisonnable serait de remplacer la confrontation par la négociation, qui devrait amener les deux parties à reconnaître qu'elles sont solidairement responsables de cette situation de conflit et que l'intérêt bien compris des deux pays est de trouver une solution rapide et définitive.

Dans les circonstances actuelles, cette position semble totalement irréaliste. D'abord parce que nous avons à faire à deux égolâtres - pardon pour cet hispanisme éloquent - : est égolâtre celui qui professe l'égolâtrie (culte, adoration, amour excessif de soi-même). Ensuite, parce qu'ils sont engagés l'un et l'autre dans une délicate passe électorale : Uribe, intéressé - en faisant semblant de ne pas l'être - par l'éventualité d'une seconde réélection dans la conjoncture adverse de la parapolitique, Correa devant deux échéances cruciales pour son avenir politique, l'approbation de la nouvelle constitution et des élections générales. Dans les deux cas, la surenchère nationaliste et les rodomontades machistes sont profitables pour maintenir la popularité présidentielle à son plus haut niveau et ramasser des voix.

Toutefois, s'en tenir à cet aspect reviendrait à regarder la situation par le petit bout de la lunette, car il y a des enjeux régionaux qui viennent compliquer la résolution de ce conflit.

En effet, l'instabilité et l'incertitude politiques n'affectent pas uniquement la Colombie et l'Équateur, mais la plupart des nations latino-américaines - Cuba, le Venezuela et la Bolivie, mais aussi, à un niveau moins critique, le Mexique, le Nicaragua, le Guatemala, le Paraguay, l'Argentine, le Chili, le Pérou, etc. -, ainsi que naturellement les États-Unis. La fin de l'ère Bush va à coup sûr apporter des changements importants dans la politique latino-américaine des États-Unis, quel que soit le locataire de la Maison-Blanche, et favoriser probablement une approche plus consensuelle du contentieux nord-sud. La manière dont la nouvelle administration va aborder les grandes questions, telles que la mise au rancart du néo-libéralisme pur et dur et de la lutte outrancière contre le terrorisme, le rôle du Brésil, les nouvelles institutions continentales, aussi bien financières, économiques, politiques que de défense (telle que le Conseil sud-américain de défense proposé par le Brésil), l'approche du cas Chavez et de l'axe bolivarien, le financement du plan Colombia et surtout peut-être le traitement de l'immigration latina, tous ces points pourraient modifier considérablement le panorama.

Il n'y aura d'esquisse de réponses à ces questions qu'au cours de 2009. Le basculement à gauche de l'Amérique du sud ne doit pas masquer les énormes différences de régime entre les pays, d'un côté des positions pragmatiques comme celle du Brésil, de l'Uruguay, du Chili et du Pérou, et de l'autre, des positions idéologiques comme celles du Venezuela, de la Bolivie et du Nicaragua. Si la nouvelle administration états-unienne choisissait de soutenir les premières pour contenir et isoler les secondes sans les affronter directement, l'axe bolivarien d'Hugo Chavez perdrait une grande partie de la justification que lui ont apportée les erreurs et les excès de la politique de George Bush envers l'Amérique latine. L'histrionisme, les contradictions, l'interventionisme et les provocations dangereuses du colonel Chavez apparaîtraient alors sous leur véritable jour : une utilisation et une revendication illégitimes des idéaux du Libérateur Simon Bolivar en vue de favoriser le maintien et l'extension de son pouvoir personnel.

Si ce scénario favorable se réalisait - ce qui n'est nullement garanti -, une des principales sources de tension et de division parmi les nations sud-américaines diminuerait et le chemin de l'unité serait plus facile à trouver. La Colombie, un grand pays par son étendue, par le nombre de ses habitants, par son potentiel économique et culturel, par son dynamisme et sa créativité, par ses contributions essentielles à l'histoire et à la civilisation de l'Amérique et enfin par sa situation géostratégique, retrouverait sa véritable place dans le concert sous-continental. Dans un tel contexte, la Colombie et l'Équateur pourraient rétablir des relations de confiance et fonder une véritable réconciliation sur des bases acceptables et profitables pour les deux parties, quels que soient les hommes au pouvoir dans ces deux pays.

19 mai 2008

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