Site hosted by Angelfire.com: Build your free website today!
 

VII - AFFAIRE LUMIÈRE : CONTRE MARC BLOCH

Le Conseil d’administration de Lyon 2 a décidé d’adopter, à l’unanimité de ses membres, le nom d’"Antoine [sic] et Louis Lumière", montrant ainsi le profil qu’elle revendique : régionale avec un esprit dynamique d’entreprise et un renom international. " Le Progrès, 31 mai 1986.

L’affaire Lumière contre Marc Bloch est ignorée du Rapport Comte. Voir sur le sujet le livre Les Faussaires de l’histoire, éditions Golias, 1999.

 

1-   LYON 2 PRÉFÈRE LUMIÈRE À MARC BLOCH.

En 1986, l’Université Lyon 2 se choisit un nom. Celui de Marc Bloch, historien, juif et résistant arrêté par les nazis, torturé à l’École de Santé Militaire, siège de la Gestapo de Klaus Barbie, est refusé. Le sociologue Michel Cornaton rappelle : " Lors de cette mémorable séance de nuit, nous avons voté sur six ou sept noms. Marc Bloch a été récusé par crainte de ternir nos relations privilégiées avec le Proche-Orient. Pitoyable ! Marc Bloch est un des plus grand historiens du XXème siècle. " (Le Croquant, n° 14, p. 141). La démarche est doublement honteuse, puisque l’argument antisémite invoqué est reporté sur le monde arabe. L’Université, poursuit le sociologue, " n’a rien trouvé de mieux que de choisir comme parrains deux Bisontins, les frères Lumière, au passé politique plutôt louche " (p. 142).

 

2-   LOUIS LUMIÈRE, ADMIRATEUR DÉCLARÉ DE MUSSOLINI, SOUTENAIT LA POLITIQUE DE COLLABORATION.

Le 22 mars 1935, peu avant l’invasion de l’Éthiopie par les " Chemises noires ", Louis Lumière envoie sa photo dédicacée au Duce : " À son Excellence Benito Mussolini avec l’expression de ma profonde admiration ". La photographie est reproduite dans un catalogue publié en Italie par le sous-secrétariat d’État pour la presse et la propagande, la Direction générale pour la cinématographie et le secrétariat des Groupes Universitaires Fascistes. Un texte de Louis Lumière y célèbre " l’amitié qui unit nos deux pays et qu’une communauté d’origine ne peut manquer d’accroître à l’avenir ".

En novembre 1940, un mois après la poignée de main Hitler-Pétain de Montoire, alors que les Français Libres s’organisent autour du général de Gaulle, Louis Lumière déclare au Petit Comtois : " Ce serait une grande faute de refuser le régime de collaboration dont le maréchal Pétain a parlé dans ses admirables messages. Auguste Lumière, mon frère, dans des pages où il exalte le prestige incomparable, le courage indompté, l’ardeur juvénile du Maréchal Pétain et son sens des réalités qui doivent sauver la patrie, a écrit : "Pour que l’ère tant désirée de concorde européenne survienne, il faut évidemment, que les conditions imposées par le vainqueur ne laissent pas un ferment d’hostilité irréductible contre lui. Mais nul ne saurait mieux atteindre ce but que notre admirable Chef d’État, aidé par M. Pierre Laval qui nous a donné déjà tant de preuves de sa clairvoyance, de son habileté et de son dévouement aux vrais intérêts du pays." Je partage cette manière de voir. Je fais entièrement mienne cette déclaration. " (Le Petit Comtois, 15 novembre 1940.)

3-   AUGUSTE LUMIÈRE, PARRAIN DE LA L.V.F., COLLABORATEUR DU P.P.F. DE DORIOT AU CONSEIL MUNICIPAL DE LYON.

En juillet 1941, les organisations de l’ultracollaboration regroupées autour du Parti Populaire Français de Jacques Doriot créent la Légion des Volontaires Français pour combattre " le bolchevisme " sous l’uniforme nazi. Sur la première liste de personnalités de la " Présidence d’Honneur du Comité Centre de Lutte Antibolchevik ", comité de patronage de la L.V.F., figure Auguste Lumière, aux côtés des grands noms de l’ultracollaboration : Abel Bonnard, Drieu La Rochelle, Alphonse de Chateaubriant, Horace de Carbuccia, directeur de Gringoire. En même temps, sous le titre " Nos amis au Conseil municipal de Lyon ", le journal du P.P.F. du Rhône, L’Émancipation du Lyonnais, est " heureux de saluer la désignation au Conseil municipal de Lyon de deux de nos collaborateurs : le grand savant Auguste Lumière, dont la haute autorité sera un garant de l’administration de notre cité " et " Élie Boulon, acquis depuis toujours à nos idées ".

L’Amicale des Réseaux Action de la France Combattante du Doubs (Combattants Volontaires de la Résistance, 2ème DB, Déportés, Forces Françaises de l’Intérieur, Français Libres, France Combattante, Médaillés de la Résistance), a porté ce jugement : " Au moment des extrêmes malheurs de la France, Auguste Lumière, décoré de la francisque comme son frère Louis, mit en particulier sa notoriété d’inventeur du cinéma au service de la L.V.F., c’est-à-dire au service de la collaboration armée avec l’ennemi qui pillait, torturait, déportait, fusillait. "

4- RECONNUE DANS LA SOCIÉTÉ, LA QUESTION ÉTHIQUE EST NIÉE PAR L’UNIVERSITÉ.

De la trajectoire des deux frères, Lyon 2 ne retient que l’invention du cinéma. Pourtant, à l’occasion du centenaire de cette invention, en 1995, la Banque de France, moins sensible par sa fonction aux valeurs humanistes que ne doit l’être un lieu de savoir, a renoncé à faire figurer l’effigie des Lumière sur des billets en raison de leurs engagements. Au Conseil Municipal de Lyon où il représente le Front National d’extrême droite, Bruno Gollnisch, professeur à l’université Lyon III, proteste : " Après Alexis Carrel (...), ce sont donc de nouvelles figures illustrant le génie lyonnais qui se trouvent ainsi attaquées " - séance du 24 juillet 1995 (voir Affaire Carrel). L’Amicale des Réseaux Action de la France Combattante, dont le président d’honneur était le général de Gaulle, conclut quant à elle : " Les frères Lumière nous inspirent un profond mépris. Ils ne peuvent pas être honorés sans outrager les victimes de la collaboration. " Qu’en pense l’Université ?

Marc Bloch a été fusillé le 16 juin 1944 à Saint-Didier-de-Formans, au nord de Lyon. Dans son Testament, rédigé le 18 mars 1941, il écrivait : " Je tiens la complaisance envers le mensonge, de quelques prétextes qu’elle puisse se parer, pour la pire lèpre de l’âme. "

Aujourd’hui, l’Université de Strasbourg s’honore de porter son nom.

 

Précédant  Sommaire  Suivant