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[…] légitime de poser des questions que l'on ne pourra longtemps éviter? Qui a payé les tueurs pour éliminer la députée et pourquoi?" Elémentaire... Le rédac-chef laissait toutes les portes ouvertes. Mais à l'heure où il rédigeait, il n'avait pas le choix. Car nous n'étions certains que d'une chose : Yann Piat venait d'être assassinée par des tueurs à moto.

Qui était Yann Piat? Les policiers ayant besoin de cerner sa personnalité pour commencer leurs investigations, un document émis par la Direction centrale de la Pj, sans doute inspiré de sa "notice" élaborée par les Renseignements généraux, retrace la vie de la victime et décrit le contexte hyérois dans lequel elle évoluait. Rougeot, lui, se promène sans vergogne avec le document. Il possède en plus une étude confidentielle complète sur les opérations immobilières engagées dans la presqu'île de Giens, sur lesquelles les RG de Marseille travaillent depuis 1992! De quoi bien appréhender le contexte.

Le reste, c'est la fiche classique. Yann Piat est née le 12 juin 1949 à Saigon, elle a deux filles, Laetitia et Angélique, issues de deux mariages. Deux fois divorcée, elle n'est pas remariée. En juin 1988, elle est élue députée du Front national, mais comme elle critique Jean-Marie Le Pen, son parrain, pour son odieux jeu de mots sur "Durafour crématoire" (du nom de l'ancien ministre Michel Durafour), elle est exclue du FN en 1989. Elle adhère alors au parti républicain. Candidate aux élections législatives de mars 1993 sous l'étiquette UDF-RPR, elle affronte une "primaire" très délicate. Le conseiller général de Hyères, Joseph Sercia, ancien suppléant de François Léotard, se présente contre elle. Mais Piat, avec 42,40 % des suffrages exprimés lors d'une triangulaire facile, retrouve son siège au Palais-Bourbon. Le conflit qui l'a opposée à Joseph Sercia, surnommé "Monsieur Jo " par ses admirateurs, s'est révélé intense et émaillé d'incidents souvent violents, la plupart ayant fait l'objet de procédures judiciaires.

Selon le rapport policier, l'hostilité contre Yann Piat se serait manifesté au moins deux fois de manière violente.

D'abord le 18 janvier 1993, par le jet d'une grenade contre sa permanence électorale, à Hyères, un engin qui n’avait heureusement pas explosé. Puis, le 16 mars 1993, par la perturbation du meeting de clôture de sa campagne électorale, tenu dans la salle de l'Espace 3000 à Hyères. Les responsables des incidents, identifiés par la Pj de Toulon, s'appellent Paul Grimaldi et Michel Guigou. Le premier ayant demandé au second de mettre la pagaille dans le meeting, Guigou avait pris la tête d'une équipe de " colleurs d'affiches" recrutés parmi le personnel et les habitués d'une boite de nuit, Le Cosmos. Ce dernier incident étant encore à I)instruction, les policiers contactent leurs collègues chargés de l'enquête afin de déterminer pour qui Grimaldi "roule" politiquement. S'il penche du côté de Sercia, l'élément "commanditaire-hommes de main pour une action violente" pourrait être envisagé. À partir des renseignements communiqués, ils s'orientent dans deux directions : la mouvance Sercia- Cosmos d'un côté, et les truands proches de Fargette de l'autre (1).

(1) Rapport de synthèse du patron de la Division criminelle et de la répression du banditisme de Marseille du 5 octobre 1995.

À noter que les policiers se contenteront de ces deux pistes et n'en exploreront pas de troisième.

Les enquêteurs, avec les journalistes dans leur sillage, se replongent dans cette tonitruante campagne législative, laquelle a vu Joseph Sercia, vice-président du Conseil général, pied-noir d'origine sicilienne, naguère allié de Yann Piat, devenir son adversaire politique le plus acharné. Un élu UDF de la région se rappelle d'ailleurs que, lors des incidents de l'Espace 3000, des proches de Yann Piat avaient téléphoné au commissariat, sans que les fonctionnaires prennent la peine de se déplacer (2). Etait-ce pour ne pas déplaire à "Monsieur Jo"? Le doute avait plané, […]

(2) Entretien entre jean-Michel Verne et Bernard Jacquier.

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