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[…] députée... Elles auraient dû atteindre l'élue, puisqu'elle se trouvait sur son siège au moment de la fusillade. On peut aussi se demander ce qu'elles sont devenues, puisqu'on ne les retrouve pas dans leur trou. Car il ne faut pas confondre trou et perforation. Un trou a un fond, ce qui n'est pas le cas d'une perforation, qui est un "tunnel" creusé lors du passage de la balle qui finit sa course ailleurs. Ainsi, l'une des balles qui a atteint Yann Piat a-t-elle perforé le dossier, et on l'a retrouvée dans le corps de la victime.

Mais il y a aussi une perforation mystérieuse qui, selon le rapport de synthèse de la Pj, est située au centre de la partie droite de la banquette arrière, et atteste d'un tir de l'avant vers l'arrière. On devrait donc logiquement retrouver dans le coffre la balle qui a perforé la banquette. Ou constater un orifice de sortie dans la carrosserie. Or, il n' en a pas. Où est passé le projectile qui a perforé la banquette? Nous n'avons pas la réponse. Mais, avec cette balle qui s'est évaporée dans le coffre, on arrive à huit impacts sur la Clio. Or, les experts n'en ont retenu que six. Dont, rappelons-le, une balle tirée dans la lunette arrière qui n'a pas été retrouvée non plus dans l'habitacle.

Le général a raison, on ne lit jamais avec assez d'attention les documents officiels.

Cette saine lecture m'a rappelé un appel téléphonique du général, à la maison, le 5 novembre 1996. Depuis quelque temps, nous sentions qu'il avait moins de tonus. Il continuait de me charrier sur mon neurone, certes, mais il fallait que je lui tende la perche. Et s'il ne se privait pas non plus de dénigrer les "poulets de grain" quand il s'adressait à ma femme, on sentait que c'était par réflexe pavlovien. Une semaine avant cet appel, il avait employé de grands mots : " On a été trahi!" Traduction : on nous a envoyés au casse-pipe, on a sorti les affaires qu'on nous demandait de sortir, et maintenant on freine des quatre fers. L’Encornet a dû négocier ses dossiers.

Mais il avait continué de plaisanter.

- Vous êtes au courant des bruits que l'Encornet fait courir sur votre compte?

- Non.

- Il dit que vous êtes un agent de la DGSE, un sous-marin du parti communiste, et un ivrogne!

- C'est tout? Il est timbré, ce mec? DGSE ou PC, il faut choisir. S'il y a deux institutions en France qui ne recrutent pas quelqu'un sans s'être assuré qu'il n'appartient pas, justement, au camp de l'autre, c'est bien ces deux-là... Agent de la DGSE, moi je veux bien, mais on aurait au moins pu me prévenir! C'est la moindre des choses, non? Et ivrogne... Un verre de vin le soir, une petite bière sous les bambous après la tonte de ma pelouse tous les quinze jours, l'été, et un cognac à Noël!

Et puis ce 5 novembre...

- L'histoire fait très peur, Rougeot. Vous ne pouvez pas risquer votre peau. S'il m'arrive quelque chose, vous serez au courant. Vous êtes prêt à enregistrer?

- C'est bon.

-Alors allons-y.

Pendant trois quarts d'heure, le général m'a répété ce qu'il m'avait déjà expliqué sur le Var pourri, sur les meurtres de Yann Piat et des frères Saincené, mais en apportant de nombreuses précisions. En voici l'essentiel, parfois occulté pour d'évidentes raisons.

"J'ai repris 1'affaire Piat à la tête de mes gars quand nous avons appris qu’il y avait un contrat sur son nom. Et, je peux vous le dire ... je suis moi-même témoin de ce qui s est passé au Mont-des-Oiseaux. J’ai moi-même pris des documents. Nous sommes cent mètres plus haut quand l'attentat a lieu. Trop loin pour intervenir. Mais bien placés pour filmer et enregistrer. La voiture s'arrête. Des zèbres en tenue claire, On tire dans la voiture. Nous enregistrons ceci: Une autre moto descend, rencontre un voisin. Nous interceptons ces deux tireurs. Ils appartiennent à [le général désigne un service officiel] et s'appellent Nicole et Ultro. Des faux noms, bien sûr. Quand nous les avons eus, nous leur avons demandé de quel droit ils menaient une action 5 [une action "homo", autrement dit un assassinat programmé]. Ils nous ont répondu quels agissaient sur ordre de [... ]. Ils nous ont présenté un document de couverture signé de [... ]. Ils étaient dotés d'un Tokarev enregistré à l'armurerie de leur service. Le Tokarev est un pistolet en fibres de carbone dont le prix tourne autour de deux cent mille francs l'unité, qui tire des balles en fibres de carbone de 8,92. Il y avait encore quatre cartouches dans le chargeur. "

Le général a ensuite récapitulé les bizarreries que son équipe avait constatées dans les jours qui ont suivi l'assassinat de Yann Piat, et que j'avais énumérées en grande partie dans Le Canard. Et a poursuivi .

"À partir de ce moment, nous procédons à des écoutes renforcées, je vous ai expliqué comment, et nous apprenons, le 2 mai, qu'un contrat est lancé sur les Saincené pour les heures qui suivent. En sont chargés deux gendarmes, deux adjudants appartenant au service Action."

" S'il m'arrive quelque chose, on ne sait jamais, sachez que je ne me suicide pas. Ma société de couverture belge est située rue du Bourgmestre-X, à cinq cents mètres, il y a une banque, avec un coffre à mon nom. À mon nom ancien, que vous connaissez. Souvenez-vous de la devise de la famille. Dedans, il y a une lettre destinée au procureur du roi. J'ai écrit au directeur de la banque pour l'autoriser à vous ouvrir mon coffre. Vous connaissez le code. Dans le coffre, il y a pour vous différents documents, dont un joli "disque dur' Enfin, les disquettes. Si je ne vous revois pas, vous saurez que j’ai fait le maximum. "

je m'étais dit que le général, avec ses histoires, voulait se faire mousser. Ou qui avait fondu un plomb. Je l'ai rappelé le lendemain et, comme d'habitude, c'est la générale qui a décroché.

- Il n'a pas l'air en grande forme, le patron?

- Oh! la la! non! Il n'a pas le moral. Heureusement, avec lui ça ne dure jamais longtemps.

La crise semblait déjà finie: le général m'engueulait!

- Vous avez parlé des deux vedettes de la majorité (1) qui sont mouillées dans l'affaire Piat-Saincené. Mais pourquoi ne parlez-vous pas de la troisième?

(1) L'ex-majorité aujourd'hui!

- Ben... Parce que...

- je vais vous le dire, moi : parce qu'elle n'est pas dans le même camp!

Le général avait-il pété un câble? Visiblement non. La troisième et nouvelle vedette qu'il venait de désigner et de baptiser l'Endive, à cause de sa pâleur d'éminence grise, une autre source - un Méridional dont Inactivité consiste à collecter des fonds pour la gauche -, avait immédiatement deviné son nom quand j'avais évoqué son existence.

- C'est Untel!

C'était bien l’Endive... Certes, il est frustrant de ne pouvoir dire quels sont les vrais noms de l’Endive, de l'Encornet, de Trottinette, de ne pouvoir révéler les véritables identités de ces assassins d'État, car il s'agit bien de commanditaires haut placés au cœur du pouvoir... mais un minimum de sécurité l'exige. Car ils sont fort redoutables. Voilà pourquoi tout le monde avait en fait intérêt à se contenter du double suicide des frères Saincené, et de la bande du Macama comme assassins de Yann Piat, et de Gérard Finale comme seul et unique commanditaire. Malgré autant d'invraisemblances et de preuves du contraire

Nous avons continué de nous téléphoner, le général et moi, pour préciser des détails ou ,échanger" le résultat de nos recherches. Puis, sa manie de lire les dossiers d'instruction entre les lignes m'ayant gagné, le 22 février 1997, j'ai appelé Maître François Gibault, l'avocat d’Angélique, la fille cadette de Yann Piat. Je voulais absolument jeter un œil sur les fameux procès-verbaux de constatations, établis par la Pj pendant la période de flagrant délit, et devenus introuvables. Les autres avocats rencontrés ne les possédaient pas, et je comptais sur Gibault. Rendez-vous fut pris pour le mardi 25 février, à 15 heures, à son cabinet. Pas de chance, il n'avait pas non plus ces mystérieux PV. Mais il avait mieux.

François Gibault m'a raconté qu'il avait demandé à être reçu par le directeur de la DRM après la parution de mes premiers articles relatant les exploits de ses barbouzes. Demande refusée. Angélique Piat avait écrit à François Mitterrand, qui lui avait offert de venir le voir. Mais l'affaire piétinait. François Gibault et Angélique avaient ensuite écrit à Jacques Chirac. Pas de réponse. À force d'insister, l'avocat avait enfin été reçu par un haut personnage de l'État, dont il a refusé de me dire le nom. Un interlocuteur bien placé qui avait conclu leur court entretien par ces mots sans appel " Il n‘est pas question de sortir un document sur 1'affaire Piat. Nous ne lèverons jamais le secret-défense sur ce dossier. " Rideau à nouveau.

J'étais rassuré, le général n'avait pas menti. Il y a bien un dossier Yann Piat couvert par le secret-défense. L'affaire Yann Piat est bien une affaire d'État. J'étais rassuré, mais ce n'est pas rassurant... pour la santé de la République. [...]

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