Camarades,
Vu ma récente “adhésion” au Tollab et la faiblesse du nombre d’activités
auxquelles j’ai contribué, je ne suis guère en mesure de critiquer quoique
ce soit. Cependant, partant de mon intérêt que je porte à cet organisme et à
son succès qui pourrait s’avérer vital pour l’avenir du communisme au Liban
et même au Proche-Orient (qui sait ?), je voudrais mettre l’accent sur
quelques points.
En premier, la critique du camarade Kanj met en évidence un point
extrêmement important qui semble avoir mené à l’échec des aventures
communistes par le monde. En effet, le militantisme communiste a toujours
connu une crise vocationnelle. Que faire? Qu’attend-on de nous ? Je pense
qu’avant tout, le militant communiste, souvent traité de rêveur et
d’utopiste (est-ce vraiment des insultes ?) est un fin connaisseur de la
réalité. L’organisation communiste doit véhiculer un projet alternatif à la
monstrueuse réalité. En quoi consiste cette réalité chez nous ? Elle
comporte en premier l’occupation géopolitique du Liban par la Syrie,
l’émergence d’une bourgeoisie d’après-guerre, le conservatisme
socio-culturel fondé sur la religion, la montée du Hezbollah et de
l’islamisme politique d’un côté et l’attachement éternel au christianisme
politique nationaliste d’un autre, la crise du processus institutionnel
libanais, la dictature des familles néo-féodales et leur emprise sur la vie
politique, la crise d’identité du peuple libanais, la crise économique, la
paupérisation des travailleurs, l’agonie du parti communiste libanais, et
sur un plan plus large, la disparition progressive du monde arabe etc etc…
Tout ce que je viens d’énumérer est connu de tout un chacun parmi nous.
Néanmoins, nous ne parvenons pas à formuler tout cela dans un projet
alternatif que nous présenterons aux masses populaires. Comment le présenter
? Avec une craie sur un mur, avec une affiche sur panneau, un article dans
un journal, des cercles de débats dans les universités, dans les syndicats
etc…Bref, avec ce qu’il y a de plus simple, de plus élémentaire et même de
plus rudimentaire. Sartre lui-même s’appliquait à présenter le communisme au
peuple en se déplaçant d’usine en usine, grimpant sur des tonneaux, pour
tenir des discours qui ont fait adhérer des milliers de travailleurs au
parti communiste français.
Ensuite, concernant la précarité et le chaos du militantisme et de
l’initiative au sein de Tollab, je tiens à évoquer la notion de centralisme
démocratique développé par Lénine. Un organe central fort s’avère être une
nécessité. Il sera l’appui, la base, le point de départ. Cependant, le
centralisme démocratique est incomplet s’il ne garantit pas le droit de
tendance, le droit d’être différent.
Finalement, nous devons nous poser la question existentielle des rapports
avec le parti. Est-ce-que Tollab est la voie vers la fondation d’un second
parti conduisant à une situation similaire du parti communiste syrien avec
un janah bekdache et un janah turk ou Tollab est au contraire un organe
temporaire visant à encadrer le militantisme communiste en attendant de
pouvoir réintégrer le parti, après la défaite de Saadallah Mazraani et
compagnie ? Je soutiendrai plutôt la seconde hypothèse. Notre rôle est
d’essayer de contribuer à la résolution de la crise partisane de l’extérieur
car il n’y pas de place pour nous à l’intérieur. Notre place est au sein du
parti. Nous ne pouvons dénigrer notre organisation mère. Le parti est le
point de départ de Tollab et devrait être, un jour, son point d’arrivée. Le
parti est le début et la fin.
Camarades, l’effet le plus dangereux de plus d’un siècle d’anticommunisme
acharné contre nous a été de nous faire oublier notre propre identité. Les
préceptes du communisme marxiste devront rester notre seule lumière, tout en
essayant de le moderniser, de les revitaliser sans les trahir et les vider
de leurs sens comme le font les partisans de la Troisième Voie.
Meilleures salutations |