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LE CONTRAT DE CONFIANCE
by Sabrina Silamo
(from L'Indic, November 1996)


Délaissant les embruns de Bristol pour les pubs enfumés de Fulham Broadway, John Parish arbore un costume élégant et un sourire avenant. Guitariste, producteur et compositeur,il s'applique à tirer à quatre épingles dans les terreurs nocturnes de Polly Jean Harvey. Et, en ami raisonneur, il s'oppose, avec ses structures rythmiques dépouillées et son classicisme de musicien-théoricien, à sa camarade de jeu, bien confortablement installée sur la ligne étroite entre intensité vitale et mélodrame.

Je ne le sens pas particulièrement frustré en tant de guitariste et percussionniste du groupe de Polly. Ce n'est pas du tout la raison pour laquelle ce disque sort aujourd'hui. Dance hall at louse point n'est pas mon premier disque, puisque jusqu'à présent, j'ai participé à beaucoup d'enregistrements, en tant que producteur ou en tant que compositeur, mais c'est vrai que c'est le premier à sortir sous mon nom. J'ai eu mon propre groupe, Automatic Dlamini, où j'ai rencontré Polly, il y a plus de dix ans. Et j'ai participé à pas mal d'aventures (NDR : Wall of Voodoo, Cleaners of Venus, The Becketts) en essayant toujours dans la mesure du possible de m'impliquer au maximum. Je ne me sens pas du tout dans l'ombre. J'aime être guitariste, batteur, producteur ou compositeur. Mon amour de la musique s'exprime ainsi de différentes manières. Lorsque j'avais vingt ans, je croyais qu'il n'y en avait qu'un, même si je ne savais pas précisément quelle musique je voulais jouer. J'étais très impatient de faire des disques avec mon nom. Seule l'urgence comptait. Aujourd'hui, il est très important pour moi de pouvoir expérimenter diverses voies musicales. C'est la raison pour laquelle j'ai écrit cette musique de ballet qui est à l'origine de Dance hall at louse point. Cette musique était instrumentale et n'était pas destinée à autre chose que cette performance scénique. Polly est venue voir ce spectacle et l'a tellement aimé qu'elle m'a demandé si elle pouvait écrire des paroles sur cette musique. C'est son idée à elle de rajouter des mots, jusque-là, je n'y avais pas pensé. Ce disque est donc le résultat de sa emande, pas de ma frustration.

Te reconnais-tu dans les paroles de PJ Harvey ?
Je n'ai plus écrit de paroles depuis l'époque d'Automatic Dlamini, il y a environ quatre ans. Je donne encore mon avis à ceux qui me le demandent mais je ne suis pas parolier. Je ne sais pas faire passer mes humeurs et je ne crois pas avoir grand chose à dire. Ou plutôt, je ne crois pas que je réussirais à dire ce que j'ai envie de dire aussi bien que le font certains chanteurs de pop ou de rock songs. Je suis beaucoup trop difficile pour bâcler ou me contenter d'à peu près. Et je trouve qu'il y a vraiment beaucoup trop peu de songwriters de qualité aujourd'hui. C'est pour cela que je préfère écrire de la musique instrumentale. Il faut avoir un vrai talent pour ne pas tomber dans les clichés et Polly l'a évidemment. Je ne me reconnais pas directement dans ce qu'elle écrit. Et je ne peux pas vraiment en parler, pas en son nom, parce qu'elle procède de manière très personnelle. Elle ne veut jamais en discuter. Donc, je peux parler uniquement de ce que je comprends mais je ne suis pas sûr que ce soit ce qu'elle a voulu dire.

Ce disque n'est donc pas le résultat d'une véritable collaboration.
On ne forme pas un véritable duo, mais ce disque est quand même le résultat d'une vraie collaboration. On a travaillé à s'encourager l'un l'autre. Chacun ayany son domaine bien précis. A moi la musique, à Polly les paroles. Quelquefois, la mise en place des paroles sur la musique fur très facile, quelquefois on a eu plus de mal. Il faut dire que l'on n'était pas censés faire ce disque tout de suite. On savait qu'un jour ou l'autre, depuis la fin d'Automatic Dlamini, on travaillerait à nouveau ensemble, mais les choses ne sont pas planifiées. Nous n'avons donc pas eu l'occasion de parler de la musique de Dance hall at louse point ensemble. Mais le mot duo est un mot intéressant, il signifie que deux personnes chantent ensemble et nous, nous avons travaillé ensemble en studio. Avec l'aide d'un ingénieur, Head (NDR : déjà aux manettes sur l'album Dry de PJ Harvey, 1992).

Ne crains-tu pas de te faire complètement éclipser par la célébrité de PJ Harvey ?
Je serais naïf si je ne le pensais pas. Je m'y attends mais je m'en moque. On était amis avant qu'elle ne devienne célèbre, bien longtemps avant. Notre relation ne s'est heureusement jamais arrêtée à ce genre de considération. Ce disque n'est pas le fait d'une seule personne, même si Polly est plus connue qu'Head ou moi-même. Et pui, je préfère penser aux côtés positifs de cette célébrité. On a réussi à enregistret un album, par certains aspects, instrumental, et les gens l'écouteront parce qu'il implique Polly. La curiosité des gens pour cet album aurait probablement été nulle sans elle. Quand j'ai pris la décision d'enregistrer ce disque, je ne l'ai pas fait pour moi-même. Juste pour me faire plaisir, être vu, photographié, répondre aux questions et devenir un personnage public. Je l'ai fait avec Polly qui se trouve donc tout autant impliquée. Mais au-delà de tout ça, ce que les autres pensent reste secondaire. La seule réussite est d'avoir fait ce qu'on voulait faire.

Est-ce que ce disque restera une expérience unique ?
Je ne sais pas. Il est sûr que ce disque est une nouvelle expérience pour tous les deux parce que la "mécanique" de collaboration est inhabituelle. La façon dont on a enregistré cet album est une première pour nous deux. On n'avait jamais travaillé comme cela auparavant, avec un partage des tâches aussi précis, 50/50. Evidemment, c'est aussi une suite de tout ce qu'on a fait jusque là, puisque ce n'est pas la première fois que l'on travaille ensemble. Il y a eu Automatic Dlamini et le dernier album de Polly que j'ai produit, To bring you my love. Certaines personnes pensent d'ailleurs que Dance hall at louse point ressemble à To bring you my love. S'il y a une certaine ressemblance entre nos musiques, c'est parce que nous nous côtoyons depuis plus de dix ans. Fatalement, nous nous influençons. Mais il n'y a pas de confusion possible pour moi. Et puis, un artiste qui a déjà enregistré plusieurs albums, comme c'est le cas pour Polly, a sa patte personnelle que l'on reconnaît de disque en disque.

L'album porte-t-il le même titre que celui du spectacle chorégraphique pour lequel la musique avait été composée ?
Non, le titre vient d'un tableau de Willem de Kooning qui représente un paysage abstrait peint dans les sixties. Un paysage avec une lumière très particulière, très crue. Cet album m'a fait immédiatement fait penser à ce tableau appelé Last Point. Je pouvais imaginer un endroit calme, un peu triste et désolé. C'est intéressant d'essayer de donner des concordances picturales à la musique, sans pour autant s'asseoir et réfléchir longuement. Pourtant, faire un album, c'est aussi un véritable exercice intellectuel. Même si la scène te donne une indication de ce qu'il faut faire. Il faut travailler sur un niveau émotionnel ou atmosphérique, c'est le seul moyen de faire un disque qui ne sonne pas comme tous les autres. A quoi sert de venir s'ajouter aux autres si on n'a rien de spécial à dire ? On a toujours essayé avec Polly d'être différents, de faire la musique la plus personnelle possible. Mais il ne faut pas essayer d'être différent juste pour le plaisir d'être différent ou pour se faire remarquer. Ce n'est pas non plus très intéressant comme démarche. Rien n'est vraiment prévu dans notre manière de faire. Tout arrive naturellement. L'industrie du disque aujourd'hui essaie de lancer une mode avec la musique contemporaine et expérimentale. Dans ce domaine, tout va très vite en ce moment et je comprends son intérêt pour notre disque. Mais sans Polly, elle ne s'y intéresserait pas.

Que vient faire Mick Harvey des Bad Seeds ans un projet aussi personnel ?
Mick fait partie de ma famille musicale. De celle de Polly aussi. On a beaucoup de respect pour ce qu'il fait. C'est un musicien fantastique et c'était très intéressant pour nous de pouvoir travailler avec lui. Quand vous travaillez avec quelqu'un, vous pouvez dire très rapidement si la collaboration marchera aussi sur le plan sentimental. Si tu dois expliquer continuellement pour te faire comprendre, qu'importe le talent musical de celui que tu as en face de toi, cela signifie qu'il n'existe rien d'amical entre vous, qu'il n'y a pas de relations autres que professionnelles. Avec Mick, on n'a pas eu grand chose à dire. Il a écouté ce qu'on avait fait jusque là et quand il nous a rejoints, il savait exactement quel son on voulait obtenir. Il était content d'être là et je suis sûr que dans le futur nous allons à nouveau travailler ensemble.

Es-tu impliqué dans d'autres projets ?
Pas pour l'instant. La musique de film m'intéresse parce que cela me donnerait l'occasion d'écrire de la musique instrumentale qui ne serait pas jouée par un groupe de format pop ou rock. C'est ce que je voudrais faire, mais pour l'instant on ne me sollicite que pour des productions. Je vais prochainement travailler avec un groupe écossais du label Setanta, The Harvest Ministers, et je viens de terminer un EP d'un groupe originaire de notre ville natale à Polly et moi-même, Yeovil. Le groupe s'appelle Elliott Green. C'est leur premier disque et il devrait sortir en janvier prochain. Je travaille aussi avec le chanteur de Giant Sand. J'aimerais faire un disque avec lui. Je suis vraiment fan et j'ai quelques idées à explorer. Je ne fais aucune distinction entre mon travail de musicien et celui de producteur. J'ai une approche différente, bien sûr. Ma philosophie de producteur consiste à aider les artistes à réaliser les disques qu'ils veulent faire, de faire des suggestions et de réfléchir sur leur musique pour ne pas faire passer mes idées, mais les leurs.

Tu es producteur et pourtant tu as fait appel à Head pour enregistrer Dance hall at louse point. Pourquoi ne pas avoir travaillé seul avec Polly ?
Parce que Head est bien meilleur technicien que moi et qu'il a une vraie sensibilité. On savait qu'il aurait de bonnes idées et chaque fois que Polly et moi étions bloqués, il intervenait toujours au bon moment. Il suffit de lui décrire le son que tu veux entendre pour qu'aussitôt, il te le trouve. C'est quelqu'un qui t'accompagne très loin musicalement. Il fait de très bonnes suggestions qui te font découvrir des choses sur ta musique que tu n'avais pas obligatoirement entendues. Beaucoup d'ingénieurs son très bons mais considèrent encore l'enregistrement comme un exercice technique. D'autres ne sont que des producteurs frustrés qui voudraient s'impliquer davantage dans la création. Ce dont nous n'avons pas besoin, Polly et moi, parce qu'on sait ce que l'on veut et on a juste besoin d'une aide pour y arriver.

Les onze chansons qui composent cet album sont très différentes les unes des autres. N'ont-elles pas toutes été enregistrés en une seule session ?
C'est vrai qu'il y a beaucoup d'atmosphères différentes dans ce disque. Et pourtant, il a été enregistré en une seule fois, une session étalée sur quatre semaines. Les voix ont d'ailleurs été prises en premier. Mais si cet album donne cette impression, c'est parce que les morceaux n'ont pas tous été écrits en même temps et au même endroit, et qu'ils reflètent donc des émotions et des atmosphères différentes. Et surtout que l'instrumentation est très variée d'une chanson à l'autre. Certaines chansons ne comportent qu'une voix et une guitare électrique comme Girl et les suivantes, trois ou quatre guitares, des claviers, de la basse. Ce sont nos chansons "dance". Quand on a eu fini, on a essayé de lier les chansons entre elles, de les rendre complémentaires mais je crois que nous n'y sommes pas complètement parvenus.

Dix ans après le début de ta "carrière" musicale, y a-t-il certaines choses que tu regrettes ?
Je ne regrette rien même si je n'ai jamais eu beaucoup de succès. Je crois que j'ai fait quelques erreurs. Et personnellement, j'avais besoin de les faire pour apprendre. C'est probablement le meilleur moyen d'avancer. J'accepte tout ce qui s'est passé sans aucun sentiment d'échec. J'ai toujours fait ce que je voulais faire. Et je ne suis gêné par rien de ce que j'ai fait. J'ai joué en tant que batteur avec Cleaners From Venus, le groupe de Martin Newell, pour quelques jours et quelques singles. Je devais être le deuxième batteur du groupe, après Giles Smith qui était aussi membre d'Automatic Dlamini et qui est aujourd'hui journaliste à The Independent. C'est lui qui a conseillé à Martin de m'embaucher. C'était une période très drôle où l'on voulait tous devenir des pop stars. Encore maintenant, j'aime beaucoup les chansons de Martin. C'est vraiment un bon songwriter.

En 1987, tu écrivais Me & my conscience (Automatic Dlamini), en 1991 Me & Robert Forster (The Becketts), que dirais-tu aujourd'hui ?
Me & my long past (rires). A propos de Me & Robert Forster, c'est une chanson que j'ai produite mais que je n'ai pas écrite. Elle fait partie d'un disque, un EP, sur lequel j'ai beaucoup travaillé. The Becketts n'existent plus aujourd'hui mais je suis toujours ami avec eux et notamment avec Mike, le chanteur. Il ne fait plus du tout de musique parce qu'il a été très déçu par la réaction des gens et il n'a plus envie de continuer. Mais à propos de cette chanson, le nom même de Robert Forster est une inspiration pour lui et pour moi. J'adore tout particulièrement le disque, excellent, qu'il a enregistré avec Mick Harvey, Danger in the past. Je suis un fan des Go-Betweens. Encore un groupe qui devrait être connu de tous et qui ne l'est pas. Pourquoi ? C'est pourtant l'un des meilleurs groupes de ces vingt dernières années.

Pourquoi n'avoir jamais collaboré avec d'autres chanteurs ?
Parce que Polly est vraiment ma chanteuse préférée. Elle est la seule à m'émouvoir autant. J'adire la voix de Martin ou celle de Tricky. C'est aussi parce que j'aime sa voix que je voudrais travailler avec le chanteur de Giant Sand. Mais avec Polly, c'est différent. Il y a beaucoup de personnes qui m'intéressent mais il y en a peu avec lesquelles je pourrais collaborer aussi intimement que je le fais avec elle. Parce qu'on se connaît depuis plus de dix ans... C'est difficile de vivre une véritable amitié avec quelqu'un de l'autre sexe mais c'est possible, on le prouve. De toute manière, c'est aussi difficile avec les personnes de ton propre sexe.


Dance Hall At Louse Point review
by Jean-Pierre Limayrac

"Polly possède une des voix les plus émouvantes que j'aie entendues, il n'y a personne d'autre que j'aimerais entendre chanter mes compositions", a déclaré John Parish (guitariste et percussionniste des concerts de PJ Harvey depuis 1995) au sujet de cette collaboration. Il est vrai que celle-ci est une réussite. La voix énergique et sensuelle de Polly, ses mots cruels et lucides s'accordent parfaitement aux compositions interlopes et torturées de John Parish. Le titre le plus significatif - et le plus délirant - de cette osmose réussie est peut-être Rope bridge crossing avec ses guitares stridentes et les glapissements expressifs de Polly. Il n'y a rien de gonflé ou de symphonique dans ces titres dépouillés, parfois seulement soutenus par l'orgue de Mick Harvey (Bad Seeds), réduits à leur plus simple appareil (deux guitares seulement sur Girl et City of no sun). c'est peut-être justement cette nudité et cette sincérité qui fait la force - et la difficulté - de cet album, un brin révolté et plutôt intello. Les accros à l'énergie brute peuvent cependant y trouver leur compte avec Urn with dead flowers in a drained pool et Civil war correspondent, les deux joyaux noirs et flamnoyants de l'ensemble. Sans être fondamentalement gai (mais quel album de Polly exhale ne serait-ce qu'un brin de bonheur ?), le projet oscille entre noirceur intello et dadaïsme à l'australienne, fascine, envoûte et se fait rapidement indispensable. Polly a affirmé avoir depuis longtemps le désir d'une telle collaboration avec son compère John Parish : la réussite totale de Dance hall at louse point devrait, espérons-le, ne pas être un cas isolé.