À première vue, tous les ponts couverts se ressemblent. Ce qui les différencie, c'est le modèle de la ferme choisi par le constructeur. La variété est assez importante mais certaines se sont imposées plus que d'autres. Plusieurs ont été brevetées et le modèle Town, le plus répandu au Québec, origine des États-Unis.
Breveté en 1820 par Ithiel Town, la ferme à treillis a néanmoins subi des modifications assez importantes pour permettre de créer une variante typiquement québécoise. Nous avons donc quelques exemplaires encore existants et construits selon le modèle original que nous appellerons Town simple (1). Plus tard, le modèle intermédiaire a fait son apparition. Il comprenait l'ajout de poteaux verticaux au plan original. Une telle modification aurait pu être recommandée par Ithiel Town lui-même pour corriger certains problèmes reliés au modèle original. Enfin, le modèle Town élaboré a été utilisé à une grande échelle par les ingénieurs du Département de la Colonisation. Le type élaboré était construit avec des pièces de bois aux dimensions fortement réduites par rapport au modèle simple. En plus, les chevilles de bois utilisées pour relier le treillis étaient remplacées par des clous. Les poteaux verticaux du modèle intermédiaires étaient conservés mais on ajoutait en plus des tiges de tension en métal, que l'on pouvait ajuster. La somme de ces modifications a permis l'émergence d'un modèle Town unique au Québec, mais a certainement également contribué en partie à sa perte. Notre Town étant beaucoup moins massif, sa capacité portante s'en trouvait réduite d'autant.
Pour ériger ces ponts, aucun outil spécifique n'était nécessaire. Il s'agissait de travailler le bois de la même manière qu'on le faisait pour une maison ou un bâtiment de ferme quelconque. Il faut souligner l'ingéniosité des artisans qui utilisaient parfois les plus grosses racines d'un arbre pour confectionner une jambe de force. Quelques spécimens de cet art ont été conservés dans des ponts des Cantons de l'Est. Les plans étaient conçus à Québec dans le cas des ponts publics et un ingénieur se rendait au chantier pour superviser les travaux. La main d'œuvre était engagée localement. Il va sans dire que la politicaillerie était omniprésente dans le choix des travailleurs et l'adjudication de certains contrats de fournitures. Les structures complexes nécessitant une main d'œuvre spécialisée ont été moins populaires.
(1) Town simple, Town intermédiaire et Town élaboré constituent une terminologie définie par monsieur Henri-Paul Thibault du ministère des Affaires culturelles et généralement en usage pour distinguer le Town québécois.