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V - AFFAIRE PINAULT-PENNAOD : UN " DRUIDE " NAZI ENSEIGNE À LYON III 

" Un étrange enseignant néo-nazi à la fac de langues. Militant nationaliste breton et admirateur d’Hitler, Georges Pinault est maître de conférence associé. Il vient de s’inscrire en doctorat moyennant quelques protections. " Le Progrès, 9 mai 1990.

Le Rapport Comte ne lui consacre que 15 lignes. Et pourtant, il y a beaucoup à dire sur ce cas exemplaire.
 
 

1- UN " TUEUR DE VIETS ", DISCIPLE ET AMI DU S.S. SAINT-LOUP.

Dans le Rapport Comte, Georges Pinault-Pennaod, est un " militant celte " qui a tenu des propos " ouvertement néo-nazis et racistes " et a bénéficié de " mesures de complaisance ". Il se contente de paraphraser en l’adoucissant le titre du Progrès qui a eu le mérite de révéler l’affaire en 1990. N’est-ce pas un peu court pour un " mémoire historique " et une affaire aussi grave ?

Goulven Pennaod est le nom de plume de Georges Pinault, collaborateur du magazine nationaliste breton d’extrême droite La Bretagne Réelle-Celtia et de la revue " druidique " Diaspad.

Georges Pinault est plus qu’un régionaliste bretonnant au langage dérapant. En pleine affaire Notin, le 8 mars 1990, il n’hésite pas à donner, dans les locaux de Lyon III, salle des Actes, une conférence devant l’association " Aurore " présidée par... Bernard Notin (voir Affaire Notin).

Depuis des décennies, Goulven Pennaod est une référence de la nébuleuse néonazie, un baroudeur, ami personnel de Saint-Loup qui en trace le portrait dans son livre Les Nostalgiques (Presses de la Cité, 1967). " Goulven Pennaod n’avait pas 15 ans en 1943. Ne pouvant rallier la Waffen S.S., il s’était inscrit aux jeunes de l’Europe nouvelle [mouvement fasciste fondé par Saint-Loup]. Prison Jacques Cartier à Rennes en 1945. Cinq ans d’indignité nationale en raison de sa jeunesse ! (...) Il se retrouve au Pays de Galles, soldat dans l’armée secrète des séparatistes. (...) Il traîne sa nostalgie de la guerre qu’il n’a pas faite aux côtés du IIIème Reich. Il se console en contractant un engagement pour l’Indochine " (p. 144-145). À Diên Biên Phu, il combat les Vietnamiens avec des légionnaires qui lancent leurs grenades au cri de " Heil Hitler ! " Saint-Loup fait dire à Pennaod : " Si nous avions gagné la guerre, il n’y aurait plus de Russie, pas de communisme français, chinois ou viet ! " La notice biographique qui lui est consacrée par Dictionnaire des écrivains (!) d’aujourd’hui en Bretagne (Institut Culturel de Bretagne) précise qu’il est né à Saint Malo en 1928 où il a fait ses études secondaires. Puis : " Militaire de carrière, capitaine d’artillerie de marine (ER), il a été au Vietnam (parachuté sur Diê Biên Phu quelques jours avant la capitulation) où il fut fait prisonnier. Carrière au Maroc, en Oubangui et au Congo. " Baroudeur en Afrique, donc.

Pinault-Pennaod poursuit ses engagements en France. Son nom apparaît dans la revue Europe-Action, centre de regroupement des activistes de l’extrême droite raciste et antisémite après l’indépendance algérienne. On y retrouve déjà, autour de Dominique Venner et d’Alain de Benoist, Pierre Vial (responsable du groupe lyonnais, actuellement mégrétiste et professeur à Lyon III), Jean-Claude Rivière (responsable du groupe de Nantes, voir Affaire du jury Roques). Pinault-Pennaod collabore ensuite aux revues du GRECE : Nouvelle École et Éléments. Dans cette revue, en septembre 1977, il commente Judaïsme et christianisme d’Ernest Renan : " Le purgatoire des chrétiens est, dit-on, un apport celtique, comme un correctif de mansuétude en face de l’enfer éternel suscité par l’intolérance des hommes du désert. " Ces mots renvoient très exactement aux propos antisémites tenus par Pierre Vial lors de la réunion des " Amis de Saint-Loup ", à Paris le 20 avril 1991 au jour anniversaire de la naissance d’Adolf Hitler : " Le seul véritable enjeu, depuis deux mille ans, est de savoir si l’on appartient, mentalement, aux peuples de la forêt ou à cette tribu de gardiens de chèvres qui, dans son désert, s’est autoproclamée élue d’un dieu bizarre " (Rencontres avec Saint-Loup, p. 148). Comme Bernard Lugan l’" Africaniste ", comme Robert Dun l’ancien S.S., Goulven Pennaod communiquait aussi à cet étrange colloque son apport sous le signe de la croix celtique : " Les patries charnelles " - " Sous mes yeux, une carte, celle qui se trouve en tête du livre "Les S.S. de la Toison d’or", publié par Saint-Loup en 1975, que l’auteur me dédicaçait - non sans exagération, mais signature oblige ! - au "Celte le plus lucide de l’Occident, et sans oublier le soldat de sa race" ! " (idem, p. 97).
 
 

2- UNE CARRIÈRE UNIVERSITAIRE SANS DIPLÔMES NI PROBLÈMES.

Le Rapport Comte ignore superbement la carrière universitaire de ce personnage. Il relève seulement, d’après l’article du Progrès, les " mesures de complaisance envers un personnage dont l’engagement idéologique n’était accompagné d’aucune qualification scientifique ". 

En 1986, Pinault-Pennaod, le diplômé de Diên Biên Phu, du Congo et d’Europe Action, publie aux éditions du CNRS un ouvrage sur Les Recueils d’inscriptions gauloises en compagnie de Paul-Marie Duval, membre de l’équipe " Études celtiques du CNRS ", membre de l’Institut et professeur au Collège de France ! Comment est-ce possible ?

Sous le patronage de Jean Haudry, Pinault-Pennaod devient " maître de conférence associé " à Lyon III en 1989-1990. En même temps, cet " enseignant " s’inscrit en thèse par dérogation signée par le Président de Lyon III Pierre Vialle (avec 2 L-E pour le distinguer de l’autre). Comment est-ce possible ?

Alors que Jean Haudry le propose pour le poste de maître de conférence ouvert à la rentrée 1990-1991, les révélations de la presse (Politis et Le Progrès), dans le contexte de l’affaire Notin, empêchent le projet d’être mené à bien. Le Monde du 18 mai 1990 écrit : " S’il est acquis depuis avril que M. Pinault n’enseignera plus à Lyon III l’an prochain, c’est simplement parce que le contingent national d’enseignants dont il faisait partie a été supprimé par l’Éducation Nationale. Il a d’ailleurs fallu la pression insistante du ministère et de son recteur, de M. Michel Noir, maire de Lyon, de multiples articles de presse, et les événements de Carpentras pour que le Conseil d’Administration de l’Université Jean-Moulin consente à commencer à balayer devant sa porte. " Le quotidien rapporte les propos d’un enseignant de la Faculté de langues : " Il existe une grande passivité et une grande courtoisie parmi nous. On ne veut pas causer de désagrément à des collègues et on ne vit pas au rythme des médias. " 

Le départ du sulfureux personnage met-il un terme à l’affaire ? Pas du tout.

Comme si de rien n’était, Georges Pinault continue à écrire dans la revue Études Indo-Européennes de l’Université Lyon III dont le directeur est Jean-Paul Allard, président du jury de la thèse Roques.

Il y collaborait avant le scandale (n° 3 - 1982 avec deux articles : un sous le nom de Pinault, un sous celui de Pennaod, n° 5 - 1983, n° 16 - 1985, n° unique de 1988). C’est dire que ses liens avec le groupe des enseignants d’extrême droite de Lyon III sont anciens et que le noyau de Lyon III essaime loin : au sommaire du numéro unique de 1988, avec le néo-nazi Goulven Pennaod, se retrouvent Jean-Claude Rivière, directeur de la " thèse de Nantes " du négationniste Henri Roques, et... Gilles Roques, fils du précédent, chercheur au CNRS affecté à l’Unité Propre de Recherche 9017 " Trésor général des langues et parlers français " de Besançon-Nancy, sur le programme... Franzosische Etymologisches Worterbuch  ! (voir Affaire du Jury Roques). Au numéro suivant (1989) figure également André Delaporte, sur lequel Libération titrait le 5 février 1987 : " Un émule d’Henri Roques à l’université de Nantes ".

Après le scandale qui l’a obligé à s’éloigner de Lyon, Georges Pinault poursuit sa collaboration à la revue de Lyon III (n° de 1992, aux côtés d’André Delaporte et Jean Haudry, n° de 1993 avec Jean Haudry, n° de 1995...) C’est dire que les liens sont forts.

Mais ce n’est pas tout. Après avoir été " maître de conférence associé " à l’université de Lyon, voici le néo-nazi Georges Pinault devenu " chercheur associé " au Centre de Recherche Bretonne et Celtique de l’Université de Bretagne Occidentale, à Brest : " Unité Propre de Recherche de l’Enseignement Supérieur Associée au CNRS n° 6038. " Son nom figure à la page 11 du " rapport scientifique 1996-1997 " (et encore l’année suivante).

En son temps, le Maire de Lyon, Michel Noir, s’est exprimé en termes clairs : " Cette crainte que j’ai exprimée il y a huit jours - pour la journée de la Déportation - puis l’indignation que j’ai manifestée devant les falsificateurs de l’histoire, certains me les ont reprochées au nom de l’indépendance de l’Université. Mais l’indépendance ne signifie pas silence ! L’indépendance dont se réclame l’Université ne doit pas servir de prétexte à la volonté de rester silencieux ! Le simple citoyen - à plus forte raison le maire que je suis - doit exiger que les institutions - et notamment les universités - appliquent les lois, les règlements et les procédures. Il doit exiger que les institutions - et notamment les universités - prennent leurs responsabilités ! Cette exigence est dans le droit fil du respect des lois, des règlements et des procédures qui s’imposent à tous. Encore une fois : l’indépendance ne saurait justifier le silence et le refus d’appliquer les lois ! " (Le Progrès, 9 mai 1990.) 

Aujourd’hui, en 1999, le journal Ouest-France se demande à bon droit : " Par quel troublant mystère, moins de dix ans plus tard, le nom du même Georges Pinault a-t-il pu réapparaître sur les tablettes du CNRS ? " et L’Humanité s’interroge sur " les étonnants soutiens " dont a bénéficié " l’extrême druide ".

Ces questions restent posées, il serait bon qu’elles soient élucidées par les instances universitaires.

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