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IX - AFFAIRE DU JURY ROQUES :

ZIND ET ALLARD NE SONT PAS À NANTES PAR HASARD

Mon second but : contribuer quelque peu à ce que l’école révisionniste qui se consacre à mettre l’histoire de la Seconde guerre mondiale en accord avec les faits, que cette école révisionniste se voie reconnaître un droit de cité dans l’université. (...) En France on connaît le comportement de l’université à l’égard du professeur Faurisson. Mais il existe encore heureusement des professeurs indépendants, qui respectent la liberté de recherche. " Henri Roques, exposé de soutenance de thèse.

Au début de mon intervention, je tiens à vous féliciter pour votre courage et votre travail persévérant. (...) De toute manière, cette soutenance à l’université de Nantes aujourd’hui, est une première en France, peut-être en Europe. (...) Je vous félicite aussi pour l’intéressante présentation de votre recherche au début de cette soutenance. (...) Je regrette dans votre transcription à la page 23 par exemple, que vous n’ayez pas utilisé l’expression courante de Waffen S.S. à la place de S.S. Armée. Ce qui soulignait plus clairement que Gerstein n’était point membre de l’Algemeine S.S., mais il était seulement membre de la Waffen S.S. Cette différence est importante. " Pierre Zind, professeur associé en Sciences de l’éducation de l’Université Lyon 2, à la soutenance de la thèse Roques à Nantes (transcription de l’enregistrement de la soutenance de thèse).

Pierre Zind ne peut pas ignorer les théories de Faurisson sur les chambres à gaz ; sait-il que Roques en est un adepte ? " Rapport Comte, p. 22.

 

1-   LA SOUTENANCE DE LA THÈSE ROQUES EST UN VÉRITABLE MEETING NÉONAZI.

Monsieur le Président, Messieurs. Ma découverte du récit de Gerstein remonte à près d’un quart de siècle. J’étais à cette époque, et depuis déjà quelques années un lecteur de Paul Rassinier " : ce sont les mots par lesquels Henri Roques commence l’exposé de soutenance de sa " thèse ", Les confessions de Kurt Gerstein. Étude comparative des différentes versions. Édition critique, à Nantes, le 15 juin 1985 devant un public choisi et un jury complaisant. Effectivement, Henri Roques est en lien avec Rassinier, le père du négationnisme, depuis 1962. Celui-ci lui a offert son livre Le Véritable procès Eichmann ou les vainqueurs incorrigibles avec la dédicace suivante : " À Henri Roques, avec qui j’ai eu le plaisir de faire connaissance et que j’ai mis au travail aussitôt. " Henri Roques a un passé. Né à Lyon en 1920, il est dans les années cinquante le secrétaire général de la Phalange Française, groupuscule néofasciste dont le credo était : " Êtes-vous raciste ? Oui nous sommes racistes ! Êtes-vous antisémites ? Nous répondons : nous sommes antisémites ! "

Depuis 1978, Roques est en contact avec Faurisson (voir Affaire Faurisson). C’est lui qui lui a conseillé d’entreprendre sa " thèse " et proposé le sujet. Le 5 février 1982, Roques s’inscrit donc en thèse, à l’université de Paris IV sous la direction de Jacques Rougeot. Mais dès cette année 1982, il en discute déjà avec Jean-Claude Rivière, de Nantes. La rédaction est terminée en avril 1984. Dès ce moment, Roques propose pour le jury les noms de Jean-Claude Rivière, Jean-Paul Allard et Pierre Zind. Comment connaît-il les deux Lyonnais ? En janvier 1985, Jacques Rougeot se désiste et le jury final est composé. La " thèse " obtient la mention " très bien ". À la soutenance, assistent Robert Faurisson en personne, Pierre Guillaume, chef de La Vieille Taupe, et Gilles Roques, fils du " doctorant ", chercheur au CNRS que l’on retrouve aux côtés de Goulven Pennaod et quelques autres, dans la revue de Jean-Paul Allard, Études Indo-Européennes, de Lyon III.

Le jury, présidé par Jean-Paul Allard, de l’université Lyon III et composé de Jean-Claude Rivière, directeur de thèse, et de Pierre Zind, professeur associé en Sciences de l’éducation de l’université Lyon 2. Sur le procès-verbal apparaît également le nom de Thierry Buron, de Nantes, ancien militant du Parti des Forces Nouvelles, groupuscule d’extrême droite. Jean-Paul Allard est professeur d’allemand et directeur de la revue Études Indo-Européennes, de l’Institut du même nom à Lyon III. C’est un activiste du GRECE, il est membre du comité de rédaction de sa revue Nouvelle École. Il dirige la collection " Patrimoine de l’Europe " aux éditions du Porte-Glaive. À la soutenance Roques il déclare : " Votre thèse est bonne, elle est même excellente. " Il trouve " cocasse " la description des tas de chaussures des déportés. Jean-Claude Rivière est un ancien militant d’Europe Action, animateur du Cercle du GRECE à Nantes, et également membre du comité de rédaction de Nouvelle École. Pierre Zind, souvent présenté comme un " autonomiste alsacien ", publie en 1979 un livre Alsace-Lorraine, une nation interdite (1870-1940), aux éditions du GRECE, Copernic, dont Pierre Vial était le gérant. Il collabore à la revue Nouvelle Voix d’Alsace, un mensuel qui fait l’apologie du nazisme, et témoigne en faveur des " Loups Noirs " pro-hitlériens dans un procès en 1982. Mais il collabore aussi au Devenir Européen, bulletin néonazi lancé à Nantes par l’ancien S.S. Yves Jeanne, et dans lequel on retrouve aussi Goulven Pennaod (voir Affaire Pinault-Pennaod).

Après l’écoute des cassettes enregistrées lors de la soutenance, le journal Le Monde porte ce jugement : Trois heures de propagande nazie dans l’université française, qui font désormais planer sur elle le soupçon des lauriers dévoyés " (Le Monde, 21 juin 1986). Le philosophe Alain Finkielkraut, auteur d’un des premiers livres parus contre les négationnistes (L’Avenir d’une négation, Le Seuil) donne son sentiment à L’Événement du Jeudi : " Je suis scandalisé non pas tant par les agissements de ce M. Roques que par la réception qui leur est donnée pour la première fois dans l’Université française. C’est le jury qui me scandalise plutôt que le candidat. (...) Ces gens-là sont des propagandistes nazis, ils ne sont plus qualifiés pour enseigner à l’université française. Pensez qu’ils ont fait des gorges chaudes de ces tas de chaussures de dix mètres de haut dans les camps de concentration : et qu’ils ont rigolé de cette histoire ! On ne peut imaginer chose plus monstrueuse à l’intérieur de l’université " (L’Événement du Jeudi, 24 juillet 1986).

Peu après la soutenance, tenue dans la discrétion, la " thèse de Nantes " commence à produire l’effet recherché à l’extrême droite. Rivarol du 25 octobre 1985 titre " Un pas de plus vers la vérité ". En Suisse, les mêmes milieux s’en emparent : " La thèse d’Henri Roques constitue, par son objectivité et par son sérieux, une remarquable contribution à la recherche de la vérité ", (Le Pamphlet, Lausanne, janvier 1986). Objectif atteint.

 

2-   LA CONNEXION LYON-NANTES.

Pourquoi Lyon, pourquoi Nantes ? Hasard ? Le directeur initial de la " thèse Roques ", Jacques Rougeot, de Paris IV, est le président de l’Union Nationale Interuniversitaire (U.N.I.), un groupe très spécial, qui allie corporatisme et interventions musclées en lien avec des groupuscules étudiants d’extrême droite. L’U.N.I. est au départ la branche universitaire du S.A.C., le Service d’Action Civique, créé en réaction à Mai 68. L’UNI est membre de la WACL, la Ligue Anti-Communiste Mondiale, où se côtoient toutes sortes d’activistes et de sectes bénéficiant de l’argent de la CIA dans le contexte de la guerre froide. " L’U.N.I. n’est ni un syndicat ni un parti politique. C’est un mouvement original qui applique des méthodes d’action adaptées à la conquête - ou à la reconquête du pouvoir réel. (...) La conquête du pouvoir réel, c’est à la fois la capacité d’occuper le terrain et d’influencer les esprits " : Ce programme est de Jacques Rougeot, fondateur et président de l’U.N.I.

L’U.N.I fonctionne en réseau. Le Matin du 6 décembre 1984 écrit : " L’U.N.I. a le goût du secret. (...) Elle ne pousse sur le devant de la scène que quelques hommes : les professeurs Rougeot et Deloffre, l’ancien recteur Y. Durand. " Si F. Deloffre, vice-président, est entré dans la chronique pour avoir mordu un de ses étudiants, Yves Durand, lui, est connu pour son influence. Yves Durand est d’abord directeur de l’UER d’Histoire de l’Université de Nantes avant d’être promu ensuite... à Paris IV.

Jean-Claude Rivière, le président du jury Roques, ancien d’Europe-Action (voir Affaire Pinault-Pennaod), est également l’auteur, à la demande d’Yves Durand, d’une brochure de l’U.N.I. de 1984 intitulée : La Subversion et les langues nationales. S’étonnera-t-on de voir l’avocat des faurissoniens, Éric Delcroix, négationniste lui-même (voir Affaire Plantin), déclarer à propos de la thèse Roques : " La soutenance de thèse n’était nullement clandestine. M. Durand était présent. Il a félicité M. Roques et lui a serré les mains. " Yves Durand dément. Y. Durand préface une autre brochure de l’U.N.I., confiée cette fois à André Delaporte : La Science-fiction est-elle subversive ? C’est encore Y. Durand qui patronne la candidature à l’université de Nantes de Delaporte, ancien candidat F. N. aux élections, membre ensuite avec Saint-Loup du Comité de parrainage du bulletin Militant, scission de droite du parti lepéniste.

A Lyon, le pilier de l’U.N.I. est l’influent Jacques Goudet, président de Lyon III de 1979 à 1988. C’est lui qui propose Bernard Lugan pour présider le jury de la thèse antisémite de Bdioui (voir Affaire Bdioui). Sur la thèse Roques il a ce commentaire : " La liberté des professeurs est garantie par la Constitution " (Le Monde, 28 mai 1986). En 1997, Jean Haudry, ancien candidat de l’U.N.I. et fondateur de l’Institut d’Études Indo-Européennes, publie un volume d’hommage à J. Goudet.

Il n’y a nul hasard. Tout ce petit monde appartient aux mêmes réseaux.

 

3-   LA THÈSE ROQUES A ÉTÉ ANNULÉE POUR IRRÉGULARITÉ.

Lorsque le scandale de la " thèse Roques " éclate dans la presse, en 1986, Michel Cusin, le président de Lyon 2, déclare : " Je suis horrifié. Pierre Zind n’a pas la réputation de défendre les idées développées dans la thèse en question. " Gérard Boyer, directeur d’UER, affirme : " Pierre Zind n’a pas l’habitude de flirter avec de telles opinions. " Ces responsables sont bien mal informés. Quant à lui, Guy Avanzini, directeur du département des Sciences de l’éducation à Lyon 2, va jusqu’à soutenir : " Seul le jury est habilité à donner son avis sur une thèse, pas les journalistes " (Le Monde, 25-26 mai 1986). Une position plus tranchée encore que celle de Jacques Goudet.

Le 2 juillet 1986, le ministre Alain Devaquet annule la thèse de Roques pour de graves irrégularités. Il annonce : Henri Roques n’a pas les diplômes exigés pour passer un doctorat d’université en Lettres et son inscription a trois mois de retard. Mais d’autres fraudes se font jour : le procès-verbal de soutenance de thèse est signé par un membre du jury absent, Thierry Buron (plainte est déposée pour " faux en écriture publique "), et les pages du registre des courriers de l’Institut des Lettres Modernes, permettant d’identifier les personnes présentes à la thèse, ont disparu.

Cela n’est pas sans rappeler l’inscription de Pinault-Pennaod à Lyon III et les conditions d’obtention des diplômes de Jean Plantin : double conclusion à la maîtrise, un signataire du diplôme de DEA absent et qui n’a pas lu le mémoire qui par ailleurs a été détruit.

En 1990, cinq ans après sa " thèse ", Henri Roques fonde la Revue d’Histoire Révisionniste. Elle est interdite à la vente, l’exposition et la publicité par décret du Journal Officiel le 4 juillet 1990. En 1997, Jean Plantin, six ans après avoir obtenu son DEA, fonde une nouvelle revue négationniste, Akribeia, avec le fichier de la défunte Revue d’Histoire Révisionniste (voir Affaire Plantin).

Peu connu pour ses opinions " gauchistes ", Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, tire la conclusion de la thèse Roques : " Les universitaires qui ont accepté cette thèse ne sont plus dignes d’enseigner. "

Les membres du jury n’ont pas été sanctionnés. À Lyon 2, l’affaire a été réglée à l’amiable : Pierre Zind a pris sa retraite. Jean-Paul Allard enseigne toujours à Lyon III.

 

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