Chapitre 2
24 Octobre. 03h00.
Scully se retourna une ultime fois dans son lit et repoussa ses couvertures. S'en était trop! Le froid, la pluie contre la vitre, impossible de se reposer...
Elle enfila son manteau au-dessus du tailleur qu'elle avait préféré garder. Il y avait un réchaud à la cuisine. Et avec un peu de chance, elle y trouverait du café.
L'envie lui prit - l'espace d'un instant - de faire un geste aux caméras. Mais Mulder risquait de lui en parler pendant des semaines...
Elle allait entrer dans la cuisine, lorsqu'elle fut bousculée par quelque chose de froid et d'humide, dégageant une odeur d'humus. Dana sortit son arme et la pointa sur une tête noire et luisante.
- Ne bougez plus FBI! cria-t-elle, dans l'espoir que la «créature» devant elle soit sensible à ce genre d'injonction.
- Faut pas paniquer comme ça, Mademoiselle, fit Appleton, baissant sa capuche. Ce n'est que moi. Il fait tellement froid, j'essaie d'allumer un feu, et pour ça 'y a pas de miracle, il faut du bois...
Scully baissa son arme et le détailla. C'était bien lui, affublé d'un anorak trempé, trop large, et crotté. Où qu'il aille chercher son bois, il avait dû trébucher. Son visage était couvert de saletés, à peine débarbouillées.
- Désolée, bredouilla-t-elle alors que l'homme repartait déjà.
- Il y a du café si vous voulez, dit Dana quelques minutes plus tard, à l'approche de pas.
- Tu me vouvoies maintenant? Demanda Mulder, s'installant face à elle, les bras croisés.
Scully fut frappée par la pâleur de son visage.
- Je croyais que c'était Appleton, il allume le feu. Ca va Mulder?
- On est tous debout alors, constata-t-il d'un hochement de tête. Tu n'arrivais pas à dormir?
Scully but une gorgée de café.
- Trop froid.
- Les baisses de températures signalent souvent l'apparition de fantômes, dit-il en souriant.
- Classique, répliqua Dana, sa tasse toujours à portée de lèvres. Mais tu n'as pas répondu à ma question, comment te sens-tu?
- Pas mal, si on excepte le cauchemar que je viens de faire.
Appleton fit son entrée à grand renfort de bruits, si essoufflé qu'on le devinait écarlate sous sa couche de gadoue. Il tomba à genoux devant le feu, qu'il gava de bois en marmonnant quelque chose.
- Tu t'es simplement laissé impressionné par cette maison, Mulder.
- Classique... Mais ça avait l'air tellement réel. As-tu jamais lu Lovecraft?
- Comme tu t'en doute, non.
- Dommage. Il avait une conception du rêve assez particulière, qui m'aurait aidé à t'expliquer ce que j'ai ressenti.
Derrière lui, la tuyauterie vibra comme Appleton essayait de tirer de l'eau pour se débarbouiller.
- C'était un peu comme une régression, continua Mulder. J'étais dans la campagne, en hiver, et je me dirigeais vers un village.
- Qu'y a-t-il d'effrayant là-dedans? Demanda Scully.
- Je suis passé devant une maison. Il y avait un homme au portail. Un grand type tout en noir, avec un drôle de chapeau. Tu peux te moquer si tu veux, mais il m'a filé une de ces trouilles. Le mal incarné, pire que Nixon.
- Si c'est pour m'effrayer, Mulder, tu aurais mieux fait de te mettre un drap sur la tête, soupira Dana.
- Nyarlatolep, dit Appleton, se vautrant sur une chaise.
- Vous dîtes? fit Scully.
- Le mal incarné pour Lovecraft, expliqua Appleton, qui, suite à ses ébrouements dégageait une légère odeur de lavande. Votre type ressemblait-il à ceci? Demanda-t-il, glissant une feuille vers Mulder.
L'agent observa le croquis, puis le montra à sa partenaire. La silhouette, tout en noir, avait le haut du visage caché dans l'ombre d'un grand chapeau à boucle.
- Exactement! acquiesça Mulder. Où l'avez-vous trouvé?
- Je l'ai exécuté de mémoire, expliqua Appleton. Cette «vision» m'a également réveillé. Peut-être s'agit-il du premier propriétaire de cette maison...
- Vous avez également été effrayé par ce personnage? Demanda Scully, qui, sous l'action du réchauffement de la pièce, sentait ses paupières s'alourdir.
- Oui... Tout comme Mulder. J'avoue avoir été impressionné.
- Eh bien moi je n'ai rien ressenti, dit Scully, réprimant un bâillement, et agacée par la connivence de Mulder et Appleton. Je vais donc retourner me coucher. J'aurai peut-être quelque chose d'intéressant à raconter demain matin.
- Non, je vous en prie, Mademoiselle, restez avec nous, dit Appleton. Je vous assure que si vous aviez eu cette vision, vous comprendriez mieux. Il est préférable que nous restions ensemble tant que nous ne saurons pas de quoi souffre cette maison.
- Il a raison Scully. Même si tu ne crois pas aux fantômes, reste avec nous, pour notre tranquillité d'esprit. Quelle femme hésiterait à faire plaisir à deux hommes en même temps? Ajouta-t-il avec un grand sourire.
Scully se frotta les yeux, partagée entre son désir de montrer qu'elle n'avait que faire d'avertissements non fondés, et celui de rester au chaud ici, malgré l'humour de Mulder.
- J'ai une idée! Fit Appleton. Je vais nous chercher des coussins dans le salon, pour le confort.
24 Octobre. 09h00.
Un son sourd, de plus en plus bruyant, s'imposa à l'esprit de Scully. Elle finit par se réveiller, et vit Appleton sursauter au même bruit.
- La maison, murmura-t-il, encore sous l'emprise du sommeil. Elle vibre. ( Il mit une main à plat sur la table pour mieux sentir les ondes ) Poltergeist?
- C'est plutôt la porte, M. Appleton, dit-elle, se levant. Vous devriez aller ouvrir.
Appleton la regarda bêtement, puis, lorsqu'il eut enfin compris, quitta la cuisine.
Dana quand à elle, s'approcha de Mulder, inquiète qu'il ne se soit pas réveillé. Sa tête était affaissée sur son coussin, et un filet de salive s'échappait de sa bouche. Elle vérifia son pouls à la gorge, puis l'appela doucement. Peut-être était-il encore en prise avec le rêve de la veille...
L'agent grogna, puis entrouvrit les yeux, sans relever la tête.
- Qu'est-ce que tu veux? Demanda-t-il mollement.
- Rien de plus que continuer notre enquête, dit-elle, lui donnant une petite tape dans le dos.
- Tu viens de briser mon rêve, Scully, se plaignit-il, le visage dans les mains. Je faisais le tour du monde avec Cyndi Crawford...
- Et bien secoue-toi Mulder, elle est peut-être à la porte...
*****
Clara Pewter continua de frapper avec énergie. Dieu soit loué, il y avait un solide heurtoir! Mais elle ne manquerait pas de faire installer un carillon tonitruant à la première occasion!
- Ah! M. Appleton, lança-t-elle lorsque la porte s'ouvrit enfin. Vous avez des problèmes?
- Non, bredouilla-t-il, s'écartant pour laisser passer la propriétaire des lieux, qui traversa majestueusement le salon.
- Je suis venue voir s'il y avait du nouveau et me rendre compte des travaux qu'ont pu effectuer les plombiers.
Elle s'arrêta net à la vue des agents sur son chemin. Elle les considéra un instant, puis interrogea Appleton du regard.
- Ce sont des agents du FBI, expliqua-t-il. Mulder et Scully. Voici la proprio... Enfin, je veux dire, la propriétaire, Mme Pewter. Ils sont ici pour m'aider dans mes recherches.
- Oh, fit Pewter. C'est que je n'avais pas prévu d'engager deux autres personnes.
Mulder cessa d'observer la grande Dame qui, du moins psychologiquement, tenait plus de Margaret Allbright que de Cyndi.
- Nous sommes mandatés par le Gouvernement, Mme, commença-t-il, carte à l'appui. Nous enquêtons sur les affaires paranormales.
Pewter haussa un sourcil.
- Vous voulez dire que vous êtes la preuve vivante du gâchis de nos impôts?
Mulder se mordit la lèvre inférieure. Plusieurs réparties se pressaient dans sa gorge, mais en tant qu'agent du Gouvernement, et habitué à ce genre de sarcasme, il se devait de rester courtois.
- Non, nous saurons trouver ce qui ne va pas dans cette maison, dit-il simplement.
- Je l'espère bien, M. Mulder ou Scully? Dit-elle, faussement hésitante.
- Agent Mulder, corrigea-t-il, soutenant son regard.
Pewter détourna le sien pour le poser sur le mobilier du salon.
- Qui a fait ça? S'exclama-t-elle, se précipitant sur le canapé, pour remettre le drap partiellement défait. Il faut laisser les choses comme elles sont, ces meubles sont très anciens!... Alors M. Appleton, cette maison est-elle hantée? Et si oui quand sera-t-elle purifiée?
- Il y a des chances, et dès que possible. Nous ne sommes là que depuis hier soir.
- Mme Pewter, est-ce indiscret de vous demander quels sont vos projets pour cette maison? s'avança Scully.
La propriétaire se tourna sur l'agent, profitant de sa grande taille pour la snober.
- Pas le moins du monde. J'en ferais un hôtel dès que M. Appleton sera parvenu à me débarrasser de la présence qui règne ici.
- Si présence il y a, contredit Scully.
- Je dois vous avouer que ce genre de détail me dépasse, agent. J'ai obtenu cette maison à bas prix à cause de sa réputation, et j'ai besoin du passage de M. Appleton pour, disons, redorer son blason.
- Doit-on comprendre que ce n'est pas la première fois que vous travaillez ensemble? Demanda Mulder.
- Voilà qui est perspicace. Vous faite honneur à votre Département. C'est la troisième fois que M. Appleton et moi sommes en affaire.
- Et que se passe-t-il si cette maison ne parvient pas à être purifiée?
- Cette solution n'est pas envisageable. Essayez-vous de me dire qu'elle n'est pas comme les autres?
- Nous essayons juste de comprendre pourquoi elle pourrait être hantée, intervint Scully. Une action d'investisseurs, opposés à vos projets, est beaucoup plus crédible qu'un fantôme, vous ne trouvez pas?
Pewter les regarda avec méfiance.
- Quelle qu'en soit la cause, à vous trois vous devriez trouver une solution, non? Répondit-elle, se dirigeant vers la salle de bain.
Appleton, jusqu'alors figé, se remit en mouvement.
- On vérifie l'enregistrement de cette nuit et on file en ville chercher le passé de cette maison, ça vous va? Demanda-t-il aux agents.
*****
Le trio se retrouva dans la petite cuisine, devant une provision de caféine et un écran neigeux.
- C'est normal, commença le photographe, les maisons hantées provoquent souvent des parasites.
Les deux agents échangèrent un regard fatigué. Puis, ils virent Appleton sortir, dans son grand anorak foncé, capuche déjà relevée, il avait l'air d'un gnome fuyant un méfait.
Quelques minutes plus tard Scully fit son apparition. Transie de froid, elle lança un sale oeil à la caméra et quitta son champ de vision.
Puis vint le tour de Mulder, qui sortit maladroitement de sa chambre et fit un petit geste à la caméra.
Appleton arrêta la bande.
- Il y a comme une ombre bleue derrière vous, signala-t-il.
Les agents détaillèrent l'image, où se dessinait un vague reflet bleu.
- La qualité reste à désirer, remarqua Scully, on pourrait y voir n'importe quoi.
- Mon aura me fuyant, par exemple, ajouta Mulder.
- J'y vois une forme humaine, insista Appleton. Regardez, les épaules, le chapeau...
L'ombre suivit Mulder jusqu'aux pieds des escaliers puis se dissipa.
- C'est un début non? Ajouta-t-il, cherchant leur approbation.
- Il faudrait faire analyser la bande, pour s'assurer qu'il ne s'agit pas d'un défaut, conseilla Mulder. Vous pouvez laisser tourner vos caméras durant notre absence?
- Tout à fait, convint Appleton. Il ne faut rien laisser au hasard...
- Effectivement, Kent, fit Pewter derrière lui. Une dernière chose avant de partir. J'aimerais que vous preniez des photos de la salle de bains, pour les assurances. Vous n'aurez qu'à les déposer à mon hôtel.
Le photographe hocha la tête, le visage plus coloré que de coutume à l'énoncé de son prénom.
*****
25 Octobre, Maison de Willamette Point, 04h00.
Comme tous les soirs, le fantôme traversa les murs. Mais cette nuit il le faisait avec plus de curiosité. Cela faisait en effet bien longtemps qu'il n'avait été confronté à une créature récalcitrante. Il s'approcha du lit et la contempla.
La jeune femme était roulée en boule dans ses couvertures, le visage caché. Il regretta ne pas avoir assez de substance pour tirer le drap. Tobias s'avança davantage, surplombant la chevelure rousse de la femme et tendit la main vers elle.
Dana sursauta. Il faisait vraiment trop de brouillard et elle n'aurait pas dû se trouver dehors à cette heure tardive. Elle pressa le pas, alarmée par le bruit de ses propres talons sur la terre boueuse. Elle s'engagea dans une allée, puis hésita. Tout se ressemblait tellement dans cette brume collante...
Elle allait rebrousser chemin lorsqu'un bruit lui glaça les sangs: il y avait quelqu'un d'autre dans ces rues. D'autres pas résonnaient, accompagnés d'un martèlement. Une canne. Dana s'empara des pans de sa longue robe pour la soulever un peu et courir plus facilement. La panique la poussait à s'engouffrer de plus en plus vite dans des rues dévorées par la brume. Il lui fallait échapper à ces pas! C'était également par un soir brumeux que son amie Lily Bridgelow avait disparue... Dana se jeta contre une porte en bois et fit résonner le heurtoir, accompagné par le vacarme de son poursuivant.
- Laissez moi entrer! Je vous en prie!
N'obtenant aucune réponse, Dana reprit sa fuite, diminuée par la fatigue et la peur. Les pas se rapprochaient, jamais elle ne s'en sortirait... Elle sentit les larmes lui brouiller la vue, rétrécissant encore son champ de vision. Si seulement elle savait où aller...
Elle descendit à toute allure un petit escalier de pierre. Le clapotis de l'eau indiquait qu'elle se rapprochait d'une rivière. Ce n'était pas des plus rassurants, mais elle ne pouvait pas faire demi-tour.
Un trou dans la chaussée boueuse lui fit perdre l'équilibre. Dana s'étala de tout son long en gémissant, mais ramassa aussitôt sa robe pour reprendre sa course. Elan coupé par la paire de bottes trop cirées qui l'attendait à quelques centimètres de son visage. Dana redressa lentement la tête sur un long corps tout en noir, les traits à moitié mangés par un grand chapeau. Long, maigre, il portait un costume noir sur une chemise blanche élimée.
L'homme la regardait de toute sa hauteur, les mains derrière le dos. Paralysée, Dana l'observa, et reconnu en lui l'étranger venu s'installer en ville. Celui qui avait fait construire près de la forêt. Elle le rencontrait de temps en temps à l'épicerie.
L'inconnu lui sourit, puis la frappa violemment avec sa canne. Dana s'écrasa de nouveau sur le sol, rampa pour échapper à son assaillant et sentit qu'on lui attrapait le mollet. Elle se débattit en hurlant, pour essayer d'alerter les habitants.
Une main s'approcha de son visage, elle s'en débarrassa d'un grand coup et en perdit son bonnet. Elle se recula encore, gênée par ses longs cheveux qui lui volaient maintenant dans la figure. Ce fut assez pour que l'homme lui tombe dessus. Sa main glacée lui enserrait la gorge. Dana fixa ses yeux, d'un bleu limpide. Malgré la douleur, elle se débattit encore, à renfort de griffes et de coups de pieds. L'étranger poussa bien un grognement, mais se pressa davantage contre elle. Dana ferma les yeux et se revit enfant, dans la ferme du Missouri de ses parents, la clairière où elle se réunissait avec ses amies...
- Tu es à moi, lui chuchota l'homme en lui mordant doucement l'oreille.
Scully se réveilla en s'étouffant. Elle porta une main à sa gorge, puis ouvrit les yeux sans pouvoir crier. L'étranger était penché sur elle, assis sur quelque chose qui n'existait pas, avec son ignoble sourire et une singulière odeur d'humus. Il l'observait avec des yeux luisants de haine.
Son impassibilité rassurait Dana dans l'idée que ce n'était qu'une image, mais elle préféra tout de même sortir du lit, par la droite, pour contourner l'intrus. Une pince dans le dos la fit fléchir et elle se rattrapa à la lampe de chevet. Comme l'homme traversait la chambre pour la rejoindre, Dana se précipita dans le couloir, il fallait qu'elle trouve un endroit sûr!
Seule une vision de sa propre chute par dessus la rampe d'escalier l'empêcha de se ruer aveuglément dans les marches. Elle s'arrêta net au bord, avec une pensée pour l'accident des plombiers.
Elle se retourna lentement. Personne. Elle mourait d'envie d'aller voir Mulder. Mais cela signifiait passer devant sa propre porte, et elle ne parvenait pas à surmonter sa peur.
- Calme-toi, Dana, se chuchota-t-elle. Règle n°1, les fantômes n'existent pas. Hallucinations visuelles, auditives et olfactives...
Elle prit une profonde inspiration et retraversa le couloir. L'étranger était toujours dans sa chambre, cette fois au bout du lit, plus en lévitation qu'assis dessus. Il n'avait pas quitté son sourire, et lui fit signe d'approcher.
Dana s'arrêta de nouveau. Tout cela était insensé. Quelqu'un était en train de leur jouer un mauvais tour.
L'homme se leva et se dirigea vers elle , de son pas distinctif qui lui martelait les oreilles.
Scully se gratta nerveusement l'oreille droite et s'éclipsa vers la porte de son collègue.
- Mulder, réveille-toi! hurla-t-elle, s'élançant dans la chambre.
L'agent se redressa d'un bond, faisant tomber le coussin qu'il serrait dans son sommeil. Malgré l'étrangeté de la chose, il fut content d'ouvrir les yeux sur une Scully décoiffée, sans maquillage, la chemise à moitié déboutonnée dépassant du pantalon. Troublé par son propre rêve - encore ce type au grand chapeau - il s'attarda sur le soutien-gorge bleu pâle qu'il pouvait deviner. Scully s'en rendit compte tout de suite et se reboutonna prestement, passant de la peur à un intense sentiment de stupidité.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive? demanda Mulder.
- Je viens de faire le plus horrible des cauchemars, avoua-t-elle, s'asseyant sur le lit.
- Bette Midler donne un concert dans le Maryland?
- Non Mulder. L'homme dont Appleton a dressé le portrait hier, le reprit-elle, contrariée. J'espère que ce ne sera pas comme ça tous les soirs.
- Qu'est-ce qu'il te voulait?
Dana réfléchit un instant. Elle n'avait pas envie d'entrer dans les détails.
- Agression nocturne, dit-elle, le regard lointain. Cela avait l'air si réel...
Mulder hocha la tête.
- Ca semble être l'arme de cette maison. Ce fantôme hante plus nos rêves que cet endroit... Tu peux dormir ici, ajouta-t-il, sourire aux lèvres, tapotant la place à côté de lui.
Dana lui rendit un sourire timide et regarda alentour.
- Je vais me contenter de ce bureau, et d'un oreiller, si possible.
- Et demain tu te réveilleras pleine de courbatures... Si tu as... peur de dormir seule, autant descendre au salon et profiter des fauteuils.
Dana serra les mâchoires, froissée d'être mise devant le fait accompli. Elle aurait dû descendre seule et se faire du café, comme la veille.
- Je ne suis pas sûre que Mme Pewter apprécie, se contenta-t-elle de dire. Elle se sentait trop lasse pour affronter Mulder sur le terrain des frayeurs nocturnes.
- Raison de plus, non? fit-il en se levant. Il portait un pull noir et avait gardé son pantalon de costume. On se racontera des histoires drôles pour oublier nos peurs, ajouta-t-il en souriant.
*****
25 Octobre, 06h30.
Les agents furent réveillés par le Klaxon d'une voiture. Enfin quelque chose de rassurant, pensa Mulder. Le monde ne se limitait pas à cette vieille bicoque.
- Ca va? demanda-t-il à sa collègue, allongée sur le canapé d'en face.
Scully, enroulée dans la housse qui protégeait le divan, s'assit. Il faisait encore noir dehors, et à travers les doubles rideaux elle pouvait voir l'aura verdâtre du lampadaire de la rue. Elle vérifia l'heure à sa montre et soupira.
- Nous avons une longue journée devant nous...
- Nous ne sommes pas obligés de nous lever tout de suite, répondit Mulder, les cheveux en bataille et la barbe naissante.
Scully sourit.
- Oui, mais plus on traîne, plus on restera coincé ici. Et je n'ai pas envie d'y passer Noël.
- Ni même Halloween, dit Mulder en s'étirant. Tout le monde debout alors! Quelques tasses de café et je serais d'attaque pour affronter les misères que nous réserve cette journée.
Scully le suivit dans la cuisine, où heureusement le feu marchait toujours.
- Quel est le programme? demanda Mulder lorsqu'ils furent assis devant un petit déjeuner plus classique que la veille.
- J'ai l'intention de fouiller cette maison de fond en comble, à la recherche d'indices, répondit Scully, en se préparant une tartine de confiture.
- Quelle sorte d'indices?
- Je verrai en trouvant... Mulder, ce qui s'est passé hier soir n'est pas normal...
- Tu veux dire qu'il te faut une explication rationnelle, intervint Mulder.
Scully défia son regard amusé.
- Il y en a forcément une. Des projecteurs, ou des micros cachés dans les murs.
- Oh, fit Mulder. Technologie 3 D, voire réalité virtuelle. Quelle imagination... Et si la solution se trouvait dans ce café? ajouta-t-il, un index sur sa tasse. Je suis sûr que sous LSD on peut faire ce genre de rêve, en couleur et tout.
Scully reposa tout de suite sa tasse, l'air grave.
- Je plaisantais! Eclata de rire Mulder. Tu serais prête à accepter n'importe quoi plutôt que la solution paranormale, n'est-ce pas?
Dana serra les mâchoires et hocha lentement la tête.
- Je crois que je vais m'y mettre, dit-elle en se levant.
- Pas la peine de te fâcher, Scully, c'était pour rire. On ne s'est pas raconté tellement d'histoires drôles cette nuit, finalement, ajouta-t-il en haussant les épaules. Excuse moi, allé, reviens...
Dana se rassit en se maudissant. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle lui obéisse?
- On va manger tranquillement, reprit Mulder. Et ensuite, s'il ne s'est pas levé j'irai réveiller Appleton.
- Il n'est pas loin de 07h00, fit-elle remarquer. A quelle heure émergent les chasseurs de fantômes?
- Tu as raison, je vais y aller tout de suite. Histoire qu'il profite aussi de son café - chaud.
Mulder revint à peine trois minutes plus tard, un étrange sourire sur le visage. Scully le questionna d'un haussement de sourcils.
- Est-ce que tu crois qu'il se la fait? demanda-t-il en reprenant sa place.
- Qui se fait qui? répliqua-t-elle, comprenant seulement après de qui il parlait.
- Appleton et Pewter, expliqua-t-il. Tu as vu comment il a rougit hier...
Dana ferma les yeux une demi-seconde, pour puiser en elle assez de patience pour ne pas s'énerver.
- Pourquoi me parles-tu de ça?
- Appleton n'est pas là. Son lit n'est pas défait. Son blouson et sa voiture manquent également à l'appel.
Scully n'essaya plus de retenir sa colère.
- Et bien, voilà qui est parfait! On peut donc commencer sans lui! lança-t-elle en quittant la cuisine. Si tu as besoin de moi, je suis en haut, ajouta-t-elle sans se retourner.
*****
Les pieds croisés sur la table, Mulder regardait tranquillement les bandes vidéos de la nuit - montrant la frayeur de Scully sous tous les angles, ce qui était assez amusant - lorsqu'un cri le fit sursauter. Il s'agissait de Scully! Il se leva d'un bond, cassant un verre dans sa précipitation, et s'élança vers l'escalier.
Le photographe, qu'il n'avait même pas entendu rentrer, était entrain d'étrangler Dana sur la rampe, à moins qu'il ne voulait la faire passer par dessus! Il grimpa les marches quatre à quatre et attrapa Appleton par le col pour le tirer en arrière. Scully s'effondra sur le sol en toussant. Mais à sa grande surprise elle se releva pour se jeter sur son agresseur, qu'elle réussi à gifler avant qu'il ne s'interpose entre eux.
- Dana, laisse tomber, voyons... reprocha-t-il, les bras écartés entre les deux adversaires.
- Cet imbécile m'a frappé! coupa-t-elle, essayant encore d'atteindre Appleton.
Mulder l'en empêcha.
- Vous me traitez comme un débile mental depuis le début! protesta le photographe. Vous qui aimez tant la logique, vous n'avez eu que ce que vous méritiez.
- Je vous assure, c'est dommage que les caméras ne tournent plus, chapitra Mulder. On se croirait dans une cour de récré.
- Je ne sais pas comment vous faites pour la supporter! renchérit Appleton.
- Je prends mes enquêtes au sérieux et je ne m'éclipse pas pendant plusieurs heures. Où étiez-vous cette nuit? demanda Mulder d'un ton accusateur.
Appleton se recula, pour ne plus sentir la paume de l'agent sur sa poitrine.
- Mme Pewter m'a appelé, et je suis resté plus longtemps que prévu chez elle...
- Vous êtes sensé nous apporter vos lumières dans cette affaire. Et s'il nous était arrivé quelque chose cette nuit?
- Vous êtes toujours vivants. Il ne s'agit que d'une maison hantée, bon sang! Pas de quoi en faire un drame. Des apparitions et des poltergeists, c'est tout ce que vous verrez ici!
- Et que faites-vous du passé historique de cette maison? Toutes ces morts? continua Mulder.
- Imprudences, répondit Appleton. Mais cela ne nous arrivera pas. Et malgré ce que vous pourriez croire, je n'ai pas perdu mon temps, poursuivit-il, sortant un plan de son blouson. Pewter et moi avons eu accès aux archives de la ville, grâce à un certain Guarry, prof d'histoire. Mais qu'importe, J'ai ici la toute première carte qui ait été établie de Willamette Point. Elle appartenait à un Tobias Kem... quelque chose. L'encre des documents originaux est déjà fort passée, mais en plus on dirait qu'on a essayé d'effacer son nom...
Mulder baissa les bras pour prendre la feuille en question. Une photocopie d'un plan datant de 1866, dessiné à la façon presque enfantine de l'époque, sur lequel la maison où ils se trouvaient était entourée en rouge.
Il tendit la page à Scully, mais elle la refusa.
- Comme vous pouvez le voir, reprit Appleton d'une voix animée, à l'origine il n'y avait qu'une vaste pièce, le salon, donnant accès à une cave. C'est typique ça! J'allais dans ma chambre pour prendre le matériel nécessaire à son ouverture, lorsque votre espèce de collègue m'est tombée dessus! Je ne suis pas responsable de ses problèmes moi! ajouta-t-il, dépassant Mulder pour entrer dans sa chambre.
Cette fois Scully le laissa passer.
- Ca va aller? lui demanda Mulder.
Dana se contenta d'un vague hochement de tête et se mit à descendre l'escalier. Il l'accompagna.
- Si ça se trouve, on sera chez nous ce soir, dit-il pour lui remonter le moral.
- Si ça se trouve, demain à l'aube, les poules auront des dents, marmonna-t-elle.
*****
- Voilà, ça devrait être ici, fit Appleton en montrant le fond du salon.
Mulder l'aida à déplacer le meuble qui faisait le coin de la pièce. Lorsque l'un des bibelots faillit tomber par terre, Appleton arrêta tout pour ranger soigneusement les pièces dans un tiroir.
Quand la place fut dégagée, il se mit à frapper de sa pioche le carrelage bleu intense. Mulder le regardait pensivement. Il y allait avec tant d'énergie. Il avait dû être pilleur de tombes dans une vie antérieure...
Scully, elle, s'était éloignée près de la fenêtre. Elle avait ouvert les doubles rideaux, et, bras croisés, fixait l'extérieur.
Au bout d'une dizaine de coups, à la fois aigus et sourds - insupportables - elle se rapprocha d'eux.
- Vous avez entendu? demanda-t-elle, espérant n'être pas victime d'une nouvelle hallucination.
Appleton fit silence.
Elle n'avait pas rêvé, des pas résonnaient en haut, et ils progressaient vers eux... Mulder sortit son arme, et Appleton fila sous la table, où l'un de ses sacs traînaient toujours. Il en extirpa un appareil photo et se plaça au pied de l'escalier. Là, il commença à mitrailler la descente dès que le spectre fit son apparition.
Les agents restèrent en retrait, médusés par la vision, si fidèle à leurs rêves. Ce même air dédaigneux, cruel. Le costume noir avec cette longue veste et la chemise blanche en dentelles.
- Scully, chuchota Mulder, plaçant une main sur son épaule. Regarde... le mur...
Dana posa le regard sur la tapisserie bleu et rouge. Elle était couverte de cloques qui s'étalaient autours de l'étranger, suivant sa progression, telle une tâche d'huile, infectant également les escaliers.
Mulder cria à Appleton de faire attention, mais le photographe, trop fasciné, n'écouta pas. Le fantôme était à deux marches de lui lorsqu'il se décida enfin à reculer. Mais, surpris dans le cercle croissant, il trébucha, posa genou à terre. Une auréole rouge apparut sur son jean, lui arrachant un cri.
- Par ici! reprit Mulder, s'avançant sur lui, alarmé de voir les tennis d'Appleton se dissoudre dans les cloques.
Le photographe se tourna vers eux, livide, et sauta à cloche-pied pour les rejoindre.
Les agents l'attrapèrent chacun par un bras, pour sortir au plus vite de cette maison. Sous la souffrance, ses sourcils avaient perdu toute gaieté, et il se laissa traîner sans force jusqu'à sa voiture.
- Vous avez vos clefs? demanda Mulder, le plaçant sur le capot tout en gardant un œil sur la porte d'entrée. L'apparition allait-elle sortir et répandre ses pustules sur le monde, tel un Blob?
Appleton, crayeux et couvert de sueur, fouilla nerveusement ses poches, au bruit, elles devaient regorger d'objets.
Scully, elle, observait sa blessure. Un rond distinct, d'où s'échappait un sang épais et sombre. Elle enfila un de ses propres gants, noirs, et palpa son genou.
- C'est grave? demanda le photographe d'une voix inquiète, passant les clefs à Mulder.
- Corrosif, répliqua Scully en se relevant. Son gant était légèrement abîmé. Il va falloir amputer, ajouta-t-elle en le fixant.
- Mon Dieu! gémit Appleton en se renversant sur le capot.
- Je parlais du pantalon, reprit Scully, je vous conseille de l'enlever, il est imbibé d'acide à la hauteur de votre genou.
Appleton déboucla sa ceinture en paniquant, puis abandonna son jean comme s'il était infesté du plus terrible des virus. Encore insensible au froid, il tira ensuite sa chemise, pour que son caleçon en soie mauve ne soit pas trop apparent.
Mulder, qui avait ouvert la portière passager et poussé le siège avant, revint vers eux, surpris que sa collègue puisse se venger en pareille circonstance. Scully répondit à son regard intrigué par un petit sourire entendu.
- Et si vous aviez un peu d'eau dans votre voiture, continua-t-elle, se serait parfait pour éliminer l'acide qui a pu s'agglutiner sur votre peau.
- Le photographe fit non de la tête, tristement.
- On ferait mieux de ne pas traîner, alors.
- Tu n'as qu'à monter derrière, Scully, dit Mulder. Ce sera plus facile pour l'emmener à l'hôpital.
Dana acquiesça, et une fois installée, sortit son portable.
- Qu'est-ce que tu fais? demanda-t-il en aidant Appleton à s'asseoir.
- Je téléphone aux pompiers, expliqua-t-elle en composant le numéro. On ne peut pas laisser la maison dans cet état.
Mulder se pencha sur Appleton pour passer la tête dans la voiture.
- Ne fais pas ça Scully. Ils arriveront peut-être à raser cette maison, mais cela ne résoudra pas son problème.
Dana le regarda avec de grands yeux.
- Tu n'as tout de même pas l'intention...
- D'y retourner, si, coupa-t-il. Il faut aller voir ce qu'il y a dans cette cave.
- C'est absurde Mulder, protesta-t-elle. Cette maison secrète un acide dangereux. Son problème est d'ordre biologique, et non paranormal!
Mulder fit le tour de la Volswagen pour se mettre au volant.
- Bouclez votre ceinture, Appleton. ( Il démarra. ) Que croyez-vous que cache cette cave?
- Un corps, peut être plusieurs, répondit-il, la nuque rejetée sur l'appui tête.
- Ah tu vois!
- Mais c'est dangereux, Mulder! Si tu es curieux, tu pourrais y aller avec des spécialistes.
- Je saurais m'équiper. Je vais vous déposer à l'hôpital pour faire quelques achats.
Scully soupira bruyamment.
- Tu n'iras pas seul en tout cas.
- Je savais que je pouvais compter sur toi, triompha-t-il avec un sourire.
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