Roman
L’apocalypsien
par
Luc
Longpré
Roman :
ã
Tous droits réservés 2002
Introduction
Mon père avait été à l'école du rang. Il y avait dans l'unique
classe de cette école, un professeur avec une vingtaine d'élèves, tous de
degré différent, entre la première et la sixième année primaire, et, qui
recevaient l'instruction en même temps selon leur degré. Dès sa 6e
année terminée, mon grand-père le mit derrière une charrue, et c'est là
qu'il passa sa vie. Mon père se maria, eu des enfants, et m'enseigna le Dieu
que lui avait enseigné son père, et qu'il n'avait jamais mis en doute.
D'ailleurs, comment aurait-il pu le mettre en doute ? Derrière la charrue, sans
instruction, et sans moyen mis à sa disposition, il n'était question pour lui
que de travailler dur pour élever sa famille et la faire instruire. Le
contraire aurait fait de lui un raté et un excommunié. Pouvait-on le juger
coupable de cette condition ? Certes non ! Mais, pour ceux qui le gardaient dans
cette condition, pour eux, j'en suis moins sûr.
Toujours
est-il que pour moi, Lomhs, son fils, ce fut une toute autre réalité. Après
ma 6e année, je me suis retrouvé dans une école secondaire neuve où
j'étudiais avec plus de 1200 élèves en même temps. Nous avions l'opportunité
de nous faire pousser le coco aux limites extrêmes du développement ; la société
avait besoin de quotients 140, voire même au-dessus. De plus, nous avions la
chance d'avoir une bibliothèque immense à l'école. Il va sans dire, que la
vie n'étant plus ce qu'elle était du temps de mon père, j'avais aussi plus de
temps pour lire et écrire. Or, on nous apprenait très vite à l'école à être
rationnel dans nos pensées, et à réfléchir en adulte. Cette dualité qu'ils
m'avaient imposé m'a amené devant un gouffre auquel je dois maintenant vous
mettre au parfum de l'histoire.
Tout
commença au 4e secondaire, alors que je folâtrais à la bibliothèque
de l'école. J'avais lu toutes sortes de livres depuis trois ou quatre ans,
mais, ce jour-là, j'avais mis la main sur le livre suivant : Les voyages de
Cornius Sirus. Celui-ci était un secrétaire de Konstant, qui lui, était
l'Empereur du grand pays de Cherbrome. Les croyances les plus diverses
divisaient son Empire. Chaque province, chaque ville, chaque quartier avait ses
propres temples, chaque rue son autel, chaque carrefour sa statue. Le pays
vivait une époque d'incertitudes et d'inquiétudes spirituelles. Même
l'Empereur lui-même était vénéré comme un dieu vivant.
Or,
un jour, l'Empereur fit venir son secrétaire et lui remis une lettre signée de
sa part. Cette lettre servirait de passe-partout dans tout le Royaume de
Konstant et ailleurs. L'Empereur s'adressa ainsi à Cornius : "Mon ami, tu
es un homme instruit des hautes écoles du Cherbrome, tu es rationnel, et tu
aimes les voyages. Tu vas donc partir en expédition à travers le monde qui
m'appartient, et des autres mondes s'il le faut, et, tu me feras un rapport sur
la situation des religions existantes dans mon Empire, et de celles qui
pourraient nuire éventuellement. Voilà
un tas d'or, et une galère dont tu seras au commande. Tu as trois ans pour me
faire ce rapport. Bonne chance. Voilà ta lettre qui ouvrira toutes les portes
de tous les rois de mon Empire. Ne la perd pas. Va maintenant."
Sur
ce, Cornius Sirius partit la joie au cœur, car enfin, il pourrait voyager à
son goût.
Cornius
partit de la capitale de Konstantboul vers sa première escale, la Judée. En débarquant,
il se dirige tout droit vers un temple et demande : Toi, là-bas, vient ici.
L'homme s'approcha, et Cornius lui demanda : "Quel est celui que tu adores
dans ce temple ?" L'homme répondit : C'est notre guide, Jésus. Il est né
d'une vierge. À sa naissance, une étoile brilla dans le ciel. Des mages lui
apportèrent des trésors. Il guérissait les malades, il fut crucifié, et il
ressuscita le troisième jour.
C'était
le sauveur du monde, le rédempteur, le guérisseur, le pasteur céleste,
l'agneau, le fils unique de la Lumière. Un homme de la rue entendit ces paroles
et se mit à rire. Cornius se tourna vers lui et lui dit : "Toi l'ami,
qu'as-tu à rire ?" L'inconnu avait un accent africain, et il dit : Si vous
cherchez le sauveur du monde, le vrai guide, il se trouve dans la cité d'Ur
Magna, sur les rives de l'Euphrate ! Après avoir discuté quelques minutes avec
cet étranger, Cornius décida de partir pour le fleuve Euphrate.
Arrivée
à Ur, un dignitaire le reçut de par sa lettre de l'Empereur. Cornius expliqua
vouloir connaître le Sauveur, et le dignitaire le remit aux mains d'un prêtre
qui le descendît dans une pièce secrète sous le temple, qui symbolisait le
monde des profondeurs de l'âme. Cornius apprenait alors, que là, ils vénéraient
Tammuz. Il était un ancien guérisseur, et lui aussi avait été exécuté puis
était ressuscité. Les souffrances qu'il a enduré apportèrent le Salut au
monde.
À
l'extérieur, au marché, un homme qui vendait des épices rabota dans l'oreille
de Cornius, que c'était les Indes qui détenait le guide réel, le Sauveur.
Cornélius dirigea son expédition vers l'Inde, dès le lendemain. En passant en
Perse, des Mages lui enseignèrent qu'ils vénéraient Mithra. C'était un
messie, et ils célébraient sa fête le 25 décembre. La Perse révéla un
autre Dieu, soit Zoroastre. Un prophète né d'une vierge. La naissance de ce
prophète marqua le commencement de l'existence du monde.
Cornius
reprit sa route vers l'Inde. En arrivant, il vit plusieurs sages près d'un
temple et il leur demanda : "Avez-vous vu le Rédempteur ?" Ils répondirent
: Nous le connaissons. Il est venu ici. Il s'appelait Krishna. Sa mère était
une vierge fécondée par un Dieu et sa naissance avait été annoncé par des
signes du ciel. Des anges avait parcouru une longue route pour venir lui rendre
hommage à sa naissance. Plus tard, un souverain jaloux ordonna un massacre dans
toute l'Inde pour exterminer les nouveaux-nés innocents. Mais, sa vie fut
miraculeusement épargnée, et Krishna reçut le baptême dans le Gange. Il
soigna les lépreux, ressuscita les morts et prêcha la bonne nouvelle. On adore
ce Seigneur par des statues, dirent-ils. "Ah bon !" répondit Cornius.
Ses
disciples ajoutèrent : Il n'est pas vraiment mort ; après avoir passé trois
jours au royaume des ténèbres, il est venu rejoindre le monde des vivants.
Cornius
répondit : Tout comme Mithra en Perse qui s'était relevé après trois jours
chez les morts. Tous comme Jésus en Judée ? Ils répondirent : De quoi
parlez-vous étranger ? Cornius s'est tut !
Il
avait pris des indications de la route de Chine, et il s'y rendit. Dans la
maison d'un chinois, il aperçut un autel, et demanda ce qu'il signifiait. Le
chinois répondit : C'est un autel dressé en l'honneur du guide Yu. Il expliqua
à Cornius que ce sauveur était né d'une vierge et que des prodiges apparurent
au jour de sa naissance.
Dans
la rue, des marchands chinois évoquèrent un autre de leur dieu chinois qui
s'appelait : Confucius. Il avait parcouru la Chine avec ses disciples en prêchant
le respect comme Tammuz, Mithra, Krishna et Jésus. Sa naissance avait été
honoré par des sages et marquées de signes célestes.
De
retour en Inde, sur la place d'une ville que Cornius n'avait pas mis les pieds
auparavant, les vaches erraient par les rues sans être inquiétées ; on les
considéraient comme sacrées. Cornius demanda à un passant, si c'était tout
ce qu'ils vénéraient. Il répondit : "Non ! Nous vénérons aussi un
homme engendré par le Seigneur des armées célestes. Né d'une vierge. Il prêchait
la pauvreté et la chasteté. Nous attendons son retour. Il doit régler l'ordre
du monde. Son nom est Bhoudda."
Cornius
en avait assez de cette région de l'Est pour rédiger son rapport. Il fit demi
tour et s'arrêta à Alexandrie, en Égypte. Un diacre parlait d'Hermès, un
ancien guide sauveur, un Verbe fait chair, un rédempteur qui accordait la vie
éternelle. Il était né d'une vierge lui-aussi, elle s'appelait Maya et Hermès
fut déposé dans une crèche à sa naissance.
Trois rois vinrent lui rendre hommage avec des trésors.
Ensuite,
un Égyptien lui parlât d'Osiris, le bon berger qui est appelé le Ressuscité,
car au moment de sa mort, le soleil s'arrêta et la terre sombra dans l'obscurité
avant de se mettre à trembler. Osiris descendu dans le royaume des ténèbres où
il ressortit trois jours après pour revenir à la vie. Mais, le peuple prêchait
aussi la prêtresse Isis, la Reine du Ciel.
Cornius
appareilla et se dirigea vers la Grèce. Là, il le savait déjà, Hercule est
appelé le bon berger, le guide, le Sauveur, le Prince de la paix. Il naquit
d'une vierge et était le fils unique de son père. À sa mort, il erra dans les
mondes souterrains avant de monter au ciel. Cornius se fit parler des dieux
suivants : Zeus, Platon, Prométhée et bien d'autres. Son rapport fut vite rédigé
car il connaissait bien la Grèce et l'Italie qui vénérait Saturne, Jupiter et
certains autres comme les Ariens par exemples. Ensuite, il se dirigea vers Jérusalem,
où Moïse était vénéré comme le père de la Loi, le guide qui avait vu
Dieu, le Feu, soit la Lumière. Moïse avait été adopté à sa naissance après
avoir échappé à une mort certaine. Il avait été honoré par une reine. Il
avait fait des miracles toute sa vie.
Après
un court arrêt, Cornius dirigea sa galère vers la France. Là, il rencontra
les Celtes, qui eux admirèrent comme guide les "Têtes de Feu". Ils
mettaient des cierges dans les crânes et vénéraient ainsi le Dieu invisible.
Cornius demeura peu de temps dans cette contrée, et fit voile vers la
Grande-Bretagne. Là, on lui parla du guide et sauveur Esculape. On avait bâti
des temples à ce messie qui avait été un grand guérisseur. Sa devise : Ne
nuit jamais ! Ils devaient respecter tout ce que Dieu créait. Chez les Bretons,
on lui parla des Sages Druides qui adoraient un guide nommé Myrddin. Ils le célébrèrent
dans la Nature, sans temple. Il y avait aussi le guide Hésus, les druides le vénéraient
comme un sauveur et un rédempteur. Hésus était charpentier et l'arbre était
son emblème. Il fut crucifié avec un agneau pour racheter les péchés de
l'humanité. Il descendit aux enfers et ressuscita le troisième jours. Il vécut
des milliers d'années quand la terre était jeune.
Cornius
se dirigea ensuite dans le nord, et débarqua chez les Vikings. Eux, ils vénéraient
Odin. Il avait été tué d'un coup d'épée dans le flanc, et descendit trois
jours aux enfers avant de remonter parmi les dieux.
Cela
faisait presque trois ans que Cornius parcourait le monde, lorsqu'il décida
d'arrêter en Italie dire un bonjour au César sur place, question de rapporter
un peu de nouvelles en surplus à L'Empereur. En Italie, César lui annonçait
qu'il était en guerre religieuse contre les merlinois. Ceux-ci adorèrent alors
Merlin et Elie. En effet, Elie avait ressuscité un enfant, et c'était ce
Merlin qui jadis, était le guide spirituel des merlinois. Cornius fut instruit
de leur culte et remercia César. Il prit ensuite la route de Konstantboul et
remit son rapport à l'Empereur, lequel disait à peu près cela :
" Seigneur Konstant, votre monde du Cherbrome adore tous le même
Dieu, la même Lumière, et aussi tristement que cela puisse paraître, ils ne
le savent pas. L'erreur, c'est qu'ils ont tous un personnage régional qui leur
sert de Christ pour les rendre à ce Dieu, à cette Lumière qu'ils disent
unique, mais qui semble leur être inconnue à tous. C'est, en général, leur
"sauveur", leur "guide" qu'ils confondent comme un Christ.
Tous semble comprendre qu'il leur faudra un guide pour leur faire connaître la
Lumière qui leur est inconnue. Ce qui est clair, c'est que tous vos peuples et
même les voisins de vos peuples, tous, ils adorent déjà une personne qui
s'est faite chair et qui leur est très importante, car, ce personnage représente
le "guide spirituel" commun d'un groupe régional.
Et,
c'est ce "guide" qui doit leur présenter le chemin qui les conduira
à la Lumière. L'inconvénient, c'est que tous croient que leur guide est le
vrai et le bon. De plus, tous croient que ce guide doit être la force de
persuasion, alors que selon moi, ce sera la Lumière inconnue qui sera cette
force. Certains jurent que c'est Jésus leur guide, d'autres que c'est Bouddha,
d'autres Krishna, d'autres Hercule, d'autres Jupiter, d'autres Osiris, d'autres
Moïse, d'autres Odin, d'autres Merlin, d'autres Esculape, d'autres les Têtes
de feu mortes, d'autre Yu, d'autres Conficius, d'autres Myrddin, sans oublier
les autres dont je ne mentionne pas ici, car la liste serait trop longue. Tous
croient que leur "guide" est capable de les conduire au Dieu unique,
la Lumière qu'ils appellent. Malheureusement, dans leur croyance, ils veulent
éliminer les autres "guides spirituels", les sauveurs de leurs
voisins. Alors, les disciples du guide Jésus veulent éliminer les disciples du
guide Moïse. Les disciples du guide Moïse veulent éliminer les disciples du
guide Krishna et ainsi de suite. C'est l'anarchie dans votre Royaume et des
foyers de guerres religieuses s'allument partout à tous les jours.
Comme
c'est votre travail, Seigneur, de voir à leur bien-être, il serait bon de déterminer
vous seul lequel devrait devenir le "guide spirituel unique" pour
amener vos sujets devant la Lumière. Pour cela, il serait bon que vous
proclamiez une seule et unique religion d'État. Car, il est clair que les
religion s'entendent tous sur la Lumière unique, mais là où ils ne
s'entendent pas, c'est sur le "Guide" qui les mènera à cette Lumière.
Car, il semble qu'en religion, il est impossible d'aller à la Lumière, sans un
"guide qui se serait fait chair".
Mais, par jalousie de la race ou de la chair, les guides qu'ils ont, en général,
sont tous déclarés par leurs disciples : "fils unique de Dieu", de
la Lumière. C'est là l'impasse !
Pour
résoudre ce problème, il faudrait proclamer une seule religion d'État. Vous
seriez toujours Empereur de droit divin et chef de cette religion, et cela même
si vous établissiez un Pasta Suprême merlinois. Par cette déclaration, vous
inviteriez vos sujets à n'adorez qu'un seul "guide spirituel", soit
Merlin, pour les conduire à la Lumière, le Dieu unique.
Or,
il appert que votre ennemi numéro un présentement est le César d'Italie. Je
vous suggère donc de faire une pierre deux coups. Vous n'avez qu'à établir la
religion merlinoise comme religion d'État, libérant ainsi les merlinois de
l'emprise de César. Ceux-ci vous remercierons en combattants à vos côtés.
Ils seront les meilleurs espions possibles puisqu'ils sont établis dans toute
l'Italie. Et, leur foi leur permettant de souffrir et de mourir en tout temps
pour leurs dieux ; cela en fera d'excellents sujets de combats. De un, vous
combattrez facilement votre César ennemi avec eux, et de deux, vous les établirez
ensuite dans toutes vos provinces, et ils seront vos yeux et vos espions. Vous
n'aurez qu'à envoyer votre armée en cas de rébellion qui vous sera annoncée
par les merlinois espions qui recevront les confessions de vos sujets partout
dans vos provinces respectives. Vous tiendrez sous votre main les pastas
merlinois en les convoquant à des conciliabules périodiquement, pratiquant
ainsi votre droit divin."
Sur
ce, l'Empereur Konstant déclara la religion Merlinoise : Religion d'État !
Une
telle histoire, pour mon père, lui aurait fait passer du bon temps avant de se
coucher le soir, et le tout aurait fini là. Mais, pour moi, cette histoire révélait
un problème. Et comme je ne faisais que résoudre des problèmes à l'école,
et que l'enseignement qu'ils me donnaient était toujours basé sur le
raisonnement clair et rationnel pour arriver à résoudre les problèmes qu'ils
me donnaient, je me voyais très bien placé pour résoudre ce problème.
Or,
quel était ce problème ? Un problème de Sagesse…