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La culture... quossa donne?Les Canadiens français forment un peuple «sans histoire et sans littérature». En effet, lorsqu'on interroge la relève de l'élite intellectuelle québécoise, qui étudie dans les institutions post-secondaires, les questions les plus banales et les plus importantes quant à l'identité québécoise restent sans réponse. On se rend compte alors que la déclaration de Lord Durham est plus que jamais pertinente. La majorité des élèves qui parviennent au cégep ne savent pas ce qu'est la Révolution tranquille ni quand le Parti québécois a pris le pouvoir pour la première fois. Encore moins qui a été le fondateur de ce parti! Ils connaissent certes quelques dates importantes de l'histoire du Canada, mais très peu de choses sur les implications sociales et historiques des événements reliés à ces dates. À plus forte raison, demander qui a écrit Les Belles Sœurs ou L'Avalée des avalés, c'est frapper un mur de silence. La musique québécoise n'échappe pas à cette méconnaissance. Harmonium passe encore. Mais les chansonniers, les auteurs-compositeurs, à part quelques exceptions comme Daniel Bélanger, sont ignorés. Même les plus grandes chansons de Félix Leclerc ou de Gilles Vigneault sont tombées dans l'oubli. Le cinéma québécois? Il suffit d'aller voir dans les clubs vidéos en dehors du plateau Mont-Royal pour constater que les films d'auteurs québécois sont non seulement relégués aux bas fonds des étagères, en un exemplaire, mais qu'ils se trouvent souvent dans la section des films étrangers! Ce qui en dit long sur l'aliénation de la culture québécoise par rapport à la culture commerciale américaine... C'est sans compter que pour un grand nombre de jeunes francophones inscrits dans les cégeps, le premier contact avec un quotidien se fait par The Gazette dans les cours d'anglais... Cet état de faits est déplorable. Mais est-ce que le système d'éducation peut et doit remédier à cette situation? Peut-on imposer une culture par le biais de l'école? Et de quel droit? Qu'est-ce donc qui attire autant les jeunes vers le cinéma, la télévision et la musique américaine et qui les tient à l'écart de la culture québécoise sous toutes ses formes, à part l'humour et quelques émissions de télévision? Est-ce parce qu'on les abreuve dès leur plus jeune âge de Walt Disney et d'émissions américaines qu'ils deviennent captifs de cette forme de culture? Est-ce qu'il suffirait de présenter sans trop de contraintes d'autres aliments intellectuels et culturels, à saveur québécoise par exemple, pour que le goût se développe? Il y a toujours le risque que représente l'école avec ses obligations. À l'école, on peut orienter, suggérer, mais rarement imposer. Quand on rend obligatoire la lecture d'un livre, le visionnement d'un film ou une pièce de théâtre, on altère d'avance le contact entre l'œuvre et les élèves qui ressentent avant tout le côté obligé de l'activité culturelle. C'est d'ailleurs une des forces de la culture américaine : elle s'impose en dehors des lieux de contrainte traditionnels comme l'école et la famille. On va au cinéma ou aux concerts rocks entre amis. Et souvent par défi des autorités. Le plaisir et la liberté sont au cœur de l'activité culturelle commerciale, qui est supportée par une mise en marché de haut de gamme. On n'a qu'à penser aux associations entre Macdonald et Walt Disney, aux liens entre le cinéma et la télévision américaine, aux innombrables publicités télévisuelles mettant en valeur les attraits des films américains, aux incalculables jouets et babioles à l'effigie de vedettes ou de héros qui inondent le marché pendant la période des fêtes, etc., pour comprendre que les distributeurs de la culture québécoise n'ont pas les mêmes moyens pour promouvoir leurs produits. Bien sûr, il y a l'État, qui peut jouer le rôle de chien de garde de l'âme d'un peuple. Le Premier ministre Lucien Bouchard affirmait lors de son discours d'assermentation, le 29 janvier 1996 : «Cette âme [du peuple québécois] se doit d'être nourrie, métissée, enrichie, contestée, bousculée, réinventée. Et cela ne peut se faire que par la culture et l'éducation. Et cela ne peut se faire que par la culture dans l'éducation.» On ne peut être plus clair : la culture et l'éducation vont de pair. Et lorsqu'on constate les piètres connaissances des élèves après leur formation secondaire, tant dans le domaine de l'histoire du Québec que dans celui de la littérature québécoise, en passant par le cinéma, le théâtre et les arts visuels québécois, on se pose de sérieuses questions sur l'âme du peuple québécois. Mais peut-être que le problème est mal orienté. Il faudrait plutôt demander aux finissants du secondaire quels sont les acteurs de L'Arme fatale IV? Qui jouait dans la télésérie Baywatch? Quels sont les membres du groupe Spice Girls ou les différents types de musique rock actuelle?... Là on trouverait une mine, ou un puits, c'est selon, d'informations... Lord Durham doit être fier de sa solution, même si ce sont les Américains qui, plus de 150 ans plus tard, la mettent en application : l'assimilation. Une assimilation douce, sans douleur, sans changement de langue et qui se fait aux noms du plaisir et de la liberté... (À suivre : L'autre face de l'étoile noire...) |