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Le 30 novembre dernier, il n'y a eu que des gagnants sur la scène politique québécoise. Le Parti québécois a remporté les élections avec 75 sièges à l'Assemblée nationale; le Parti libéral a obtenu plus de votes que le P.Q. et que lors de la dernière élection sous Daniel Johnson; et l'Action démocratique a augmenté sensiblement son nombre de supporters pour devenir un parti majeur. Les trois chefs de parti pourraient claironner qu'ils ont obtenu ce qu'ils désiraient : Lucien Bouchard a obtenu un mandat fort en nombre de députés pour garantir des négociations légitimes sur l'union sociale avec le Canada anglais; Jean Charest a obtenu un pourcentage de votes qui illustre une volonté de la population québécoise de rester dans un Canada renouvelé sans passer par un référendum; et Mario Dumont a obtenu une reconnaissance politique qui en fait désormais un partenaire avec lequel il faut compter. Que des gagnants? Que des perdants également. On s'attendait à un balayage péquiste qui n'est pas venu. Pire, le Parti québécois a perdu des sièges et des votes depuis 1994. Lucien Bouchard, malgré ses tergiversations constitutionnelles, n'a pas su augmenter le nombre de votes des francophones et encore moins des anglophones de la province. Jean Charest, le sauveur, qui obtenait près de 20% d'avance dans les sondages au lendemain de son accession à la chefferie du P.L.Q., a vu son avance dans les intentions de votes fondre comme neige au soleil. Malgré sa compagne de peur contre le référendum, il n'a pas su gagner les faveurs populaires des francophones de la province. Quant à Mario Dumont, malgré de bons résultats dans certains comtés, il n'a pas su faire élire un second député à l'Assemblée nationale. Quand on se regarde, on se désole, quand on se compare, on se console. Cela semble être la morale des élections. On pourra faire dire des milliers de choses aux résultats, tirer des conclusions et relativiser des données, mais en bout de ligne on revient à la case départ. L'histoire se répète, car les Québécois votent avec doigté. Pour tirer la meilleure part du fédéralisme, rien de mieux que d'élire un gouvernement indépendantiste au Québec... avec quelques réserves. Pas de danger de séparation, pas de danger d'empiétement de la part du gouvernement fédéral dans les champs de la juridiction provinciale. Protégés des deux côtés, les Québécois se sentent en confiance. Lévesque et Trudeau, Parizeau et Chrétien, Bouchard et Chrétien : les têtes à Papineau ne semblent pas pouvoir vivre de façon séparée. Le peuple bicéphale, dont parlait Jacques Godbout dans son célèbre roman, joue sur les deux tableaux : plus de pouvoirs aux Québécois, mais dans un Canada uni. Par là, il indique une voie à suivre. Et qui n'a pas de fin. C'est peut-être cela le modèle québécois ni meilleur ni pire que les autres, mais qui nous ressemble,» disait Lucien Bouchard tout juste après les élections du 30 novembre. |