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Voici une lettre d'un ex-élève qui répond à une de mes chroniques. Il vient à peine de quitter le cégep, il travaille dans une boutique où l'on vend des ordinateurs et il s'intéresse à la philosophie et à l'éducation. Bien le bonsoir Guy! À la suite de la lecture de ta plus récente chronique, il me vient quelques pensées à l'esprit... Tu dis dans ta chronique que les cours de philo sont appréciés des étudiants. Ouille! J'accroche! Oui, c'est vrai, il y a l'effet de nouveauté qui dure quelque temps -- la philo est un nouveau cours, et la plupart du temps leur premier cours de philosophie est dans leur première session au cégep, donc la majorité des étudiants partent du bon pied. Mais une fois cet effet de nouveauté passé -- disons après un mois au gros max -- j'avais constaté que la plupart d'entre eux se désintéressent totalement de la philo. À moins que le fait de dormir sur son bureau soit le signe d'une passion intense envers la matière... ;-) Pourtant, je crois que nous sommes d'accord à dire que la philosophie est essentielle à une vie sensée. Mais ça demande un effort, de se creuser les méninges ainsi! Donc pourquoi les pauvres petits étudiants iraient se donner des maux de tête à chercher par monts et vaux, quand ils ont été formés (dans les deux sens du terme... c'est toi qui parlait de "moule"?) par l'exactitude, quand ils ont compris que pour réussir leurs cours il ne fallait pas dire ce qu'ils pensaient, mais ce que leur professeur voulait entendre? À la suite de quelques discussions enflammées que j'ai eues à propos de la philosophie en général, j'ai constaté que beaucoup de gens ne peuvent même pas concevoir qu'une question ait plus d'une réponse. Pour eux, 2 x 2 = 4, point. Nul besoin de savoir ou de comprendre pourquoi ça donne 4, ça donne 4 et c'est tout. On dirait que les maths et ces autres sciences "exactes»déteignent sur toute leur pensée, qu'elles ont empiété sur les autres disciplines au point de les anéantir. Faut-il mettre ça sur la faute de l'éducation dans les écoles? Je crois qu'il y a une large responsabilité de la part de celles-ci, car les premiers cours où on demande aux étudiants de penser par eux-mêmes se donnent au cégep, ce qui est beaucoup trop tard à mon avis: en général, c'est au deuxième cours de philo, le premier étant plutôt axé sur l'histoire de la philosophie, que l'étudiant doit raisonner autrement que de la "manière 2 x 2 =4". Bien sûr, on ne peut pas demander à un enfant de 8 ou 10 ans de comprendre les grands philosophes -- par contre, de lui laisser exprimer sa manière de voir les choses, ça c'est dans le domaine du possible. Ma mère étant psychologue, disons que j'en ai entendu pas mal sur le développement des humains. Ce qui ressort, c'est que ce sont les années de l'adolescence qui sont parmi les plus déterminantes dans le développement de l'humain. Ma conclusion: de 12 à 17 ans, au cœur de l'adolescence, les jeunes sont pris au secondaire, qui ne fait ni plus ni moins qu'aplanir toute irrégularité dans leur développement. Bourrez-vous le crâne de formules, de dates et de règles, c'est ça qu'il vous faut pour avoir un beau bulletin! Et on se laisse faire! Enfin, la plupart des jeunes se laissent faire, car la société leur fait sentir que c'est la voie à suivre! Et qu'est-ce que ça donne si, un jour, un grain de sable quitte la chaude plage pour se perdre dans l'océan? Un emploi chez un revendeur d'ordinateurs, sans avenir. La petite rébellion contre le système, ça n'apporte pas à manger. Je sais bien que tout le monde restera les yeux bouchés bien dur même si j'ai quitté les études parce que j'en avais marre de toujours être coincé dans un moule qui ne me faisait pas... Tout le monde? Sauf moi. En 6 mois, j'en ai appris beaucoup plus qu'en 13 ans de scolarité. D'accord, ce ne sont pas des formules mathématiques, des algorithmes compliqués ou des lois de la physique. C'est beaucoup mieux... Bon bon bon, je m'écarte un peu beaucoup du sujet, disons que c'est assez de placotage pour ce soir... pour une fois que j'ai une oreille philosophe! Julien |