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On devait assister à l'émergence d'une société des loisirs à la fin des années 80. Avec l'automatisation des tâches manuelles et le perfectionnement des systèmes d'information, il devait y avoir de moins en moins de travail (faut-il rappeler que l'origine du mot renvoie à un instrument de torture?) pour les êtres humains et de plus en plus de biens de consommation de toutes sortes. Ainsi, les travailleurs auraient eu plus de temps libres à consacrer à des activités de loisir, tout en ne perdant pas leur pouvoir d'achat. Or, le système économique s'est emballé à vide avec la spéculation boursière et la mondialisation des marchés. On doit travailler davantage pour maintenir un niveau de vie décent. La dérive de la valeur accordée au travail est telle aujourd'hui qu'on juge un individu par sa soumission aux exigences de son emploi. Plus on travaille fort, plus on est considéré dans la société. Ce qui détermine la dignité d'une personne, c'est sa capacité de tout sacrifier au travail : famille, amis, parents, sports et loisirs. C'est pourquoi, à l'aube du XXIe siècle, on en arrive à se poser la question fatidique : peut-on encore avoir des enfants tout en travaillant ou faut-il choisir l'un de ces aspects de la vie au profit de l'autre? Même dans le secteur de l'éducation, les conditions de travail qui devaient s'améliorer avec le temps se sont détériorées au point où il devient difficile de concilier vie familiale et carrière d'enseignant. Pourtant, s'il doit y avoir un secteur où l'importance de la vie familiale stable soit reconnue, c'est bien celui de l'éducation. Heureusement, la nouvelle convention collective reconnaît dorénavant l'attention à accorder à la relation entre la vie familiale et le travail. Ainsi, à l'annexe V-7, p. 233 de la convention, intitulée Lettre d'entente relative aux responsabilités familiales, on affirme que le Gouvernement du Québec représenté par le Conseil du trésor reconnaît «la prise en compte de la dimension de la conciliation famille-travail dans l'organisation du travail". Du même souffle, le Gouvernement du Québec encourage les parties locales "à une meilleure conciliation des responsabilités parentales et familiales avec celles du travail, dans la détermination des conditions de travail […]». Ce que cet engagement implique n'est pas encore clairement établi. Mais on peut s'attendre à ce que les enseignants qui ont des enfants ou voudraient en avoir puissent trouver des conditions de travail favorisant leur choix de vie et leurs aspirations. Ainsi, des garderies en milieu de travail, des heures de disponibilité adéquates, des horaires tenant compte de la vie familiale sont quelques-unes des mesures que le Gouvernement encourage. Il faut maintenant que les parties locales, c'est-à-dire les administrations locales, s'engagent sur cette voie tracée par une entente de principe. De cette façon, le choix déchirant entre avoir une vie familiale bien remplie et l'enseignement à temps plein disparaît au profit de deux possibilités conciliables. Plus besoin d'être un missionnaire pour enseigner… |